L’improbable instauration d’une « zone d’exclusion aérienne » en Syrie


Le Monde.fr | 09.08.2012 à 20h06 • Mis à jour le 09.08.2012 à 20h56

Par Shahzad Abdul

Après une journée marquée par de violents bombardements à Alep, l’ASL réclame l’instauration d’une « zone d’exclusion aérienne ». Sa mise en place comme son efficacité restent incertaines.

La station de police de Salheen, dans le sud d'Alep, après une attaque de l'ASL, le 31 juillet.

En Libye déjà, l’installation d’un couloir aérien protégé, ou « zone d’exclusion aérienne », était l’une des principales revendications des opposants au feu Mouammar Kadhafi. On connaît la suite : la surveillance aérienne du pays par la coalition s’est transformée en appui militaire pour les forces au sol. Poussés hors du quartier symbolique de Salaheddine, à Alep, par une journée d’intenses bombardements aériens des forces armées syriennes, les combattants de l’Armée syrienne libre (ASL, opposition) en appellent à leur tour à cette « no fly zone », qui impliquerait une interdiction de survol de son propre territoire par les aéronefs du régime.
Lire : Syrie : les rebelles ont quitté leur bastion de Salaheddine

Cette initiative requerrait un mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies, impliquant un consensus peu évident sur une intervention internationale en Syrie. Les vetos russe et chinois à répétition condamnent a priori cette issue. « Passer outre [ce mandat] – comme on l’a déjà fait au Kosovo en 1999, laisserait forcément la France de côté, qui a martelé ne pas souhaiter agir en dehors du cadre de l’ONU. En réalité, cela signifie que les Etats-Unis et leur allié Britannique iraient seuls sur ce front. Mais là encore, la Maison Blanche n’interviendrait sûrement pas en période électorale », explique Philippe Migault, spécialiste des questions de défense à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS). Une telle intervention nécessite également un déploiement militaire considérable. « Les bases pour les avions chasseurs sont rares dans la région. La première se trouve en Turquie. Mais le précédent irakien de 2003 montre que sa coopération avec les Etats-Unis reste fragile. Et Israël, pour des questions politiques, ne prêtera pas ses bases. Il faudrait donc frapper de plus loin, depuis des porte-avions dans l’océan Indien ou la Méditerranée », poursuit le chercheur. L’autre solution consiste à anéantir les bases de l’armée de l’air syrienne à l’aide de missiles de croisière.

« S’ENGAGER, C’EST ACCEPTER QU’IL Y AIT DES PERTES »

L’efficacité d’une telle zone d’exclusion reste aussi incertaine. Car même sans aviation, l’armée de Bachar Al-Assad compte des milliers de chars et d’hommes. « Seule, elle ne suffira pas », estime Philippe Migault. Il y a quelques mois, l’ASL a déjà demandé une sorte de couloir aérien humanitaire, vers la frontière turque, qui lui aurait permis d’y établir une sorte d’état-major. Une version que Jean-Claude Allard, directeur de recherche à l’IRIS, juge « plus réaliste ». Déjà mis en place après la première guerre du Golfe (1980-1988), lorsque Saddam Hussein lançait des offensives contre les chiites au sud ou les kurdes au nord, « le ‘outhern watch’ et le ‘northern watch’ avaient été efficaces », se souvient le  chercheur et spécialiste de la défense aérienne.

Les combattants de l’ASL pris sous les bombardements voient toujours peser au-dessus de leurs têtes la menace aérienne. Wassel Ayoub, commandant de la brigade Nour Al-Haq, a affirmé avoir subi un bombardement « inouï » ce matin. Mais pour Philippe Migault, l’armée syrienne n’a rien de comparable avec celle de la Libye : « Ici, décider de s’engager, c’est accepter qu’il y ait des dommages collatéraux, et des pertes en hommes. »

Shahzad Abdul

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