« Palestine occupée- Dexia impliquée » : Jean-Luc D. s’énerve un peu


Jeudi, 13 Mai 2010 09:57 Luc Delval Le Boycott (BDS)

L’organisation d’une manifestation de rue dont on ne choisit ni la date, puisque c’est l’assemblée des actionnaires de DEXIA qui décide de l’agenda (en l’occurrence un pluvieux mercredi de printemps en pleine journée, à la veille d’un « week-end » de quatre jours) ni le lieu (déplacé tardivement à la « demande » de la police), n’est pas une sinécure. Pas non plus un pari facile et gagné d’avance.

En modifiant, pour des raisons d’ordre public bien entendu, le lieu de départ de la manifestation (initialement prévu rue Neuve, en plein centre commercial), la police en a évidemment aussi modifié le trajet, de sorte que les manifestants, de la gare centrale au siège de Dexia (Bd Pacheco) ont défilé sous les fenêtres de la Banque nationale et face au fantôme à l’abandon de la « Cité administrative de l’Etat »… un quartier désert et sans vie…

La manifestation, il faut en convenir, si elle n’a pas été un échec n’a donc pas non plus été un énorme succès, même si pour ce qui concerne la Plate-forme Charleroi-Palestine nous pouvons nous réjouir de l’arrivée récente de jeunes et dynamiques militants qui « en veulent » et dont plusieurs étaient présents pour brandir très haut la banderole que nous avons fait confectionner il y a quelques jours et qui nous a assuré une visibilité certaine.

Grâce à la « Plate-forme Dexia », il y avait aussi une bonne vingtaine « d’infiltrés » au sein même de l’assemblée des actionnaires de DEXIA, dans l’auditorium auquel on accède par le « Passage 44 » (boulevard du Jardin Botanique, axe stratégique sur lequel il n’est évidemment pas question de manifester sans paralyser une bonne partie de la ville).

L’univers feutré des actionnaires

Une assemblée d’actionnaires constitue, pour presque tous ces « infiltrés », un univers totalement étranger, et à bien des égards étrange. Il faut bien dire aussi que, dans une entreprise bancaire comme Dexia, c’est un rituel qui, pour être imposé par la loi, n’a pas énormément de sens, dans la mesure où la répartition du capital assure un actionnariat stable et où les « petits porteurs », qu’ils soient des investisseurs « sérieux » ou des trublions comme nos « infiltrés » pro-palestiniens – ne sont que des moucherons insignifiants.

Il y a en effet actuellement 1,76 milliard d’actions DEXIA en circulation [1], et la plupart des « infiltrés » (dont le but n’était évidemment pas d’apporter leurs économies à DEXIA, dont ils dénoncent les agissements) en détenaient… une.

Ces assemblées constituent des cérémonies au cours desquelles les dirigeants de la banque viennent théoriquement rendre des comptes aux actionnaires, grands et petits. Les « grands », bien entendu, n’ont pas attendu ce rendez-vous annuel pour s’informer, ils sont associés à la gestion et leur vote est acquis d’avance.

Quant aux « petits », pour la plupart ils ne sont pas là. La salle où se déroule l’assemblée ne contient pas plus de monde que le cortège des manifestants à l’extérieur.

L’assistance est massivement masculine, avec une forte proportion de quinquagénaires (au moins) au crâne dégarni. Plus d’un, c’est un classique dans toutes les assemblées des sociétés cotées en Bourse, n’est là que pour passer le temps et se faire offrir à boire et de quoi grignoter, champagne tiède et petits fours… Quelques uns posent des questions sur des détails, tentent de prendre en défaut le réviseur ou s’indignent de l’énormité des « bonus » accordés à l’administrateur-délégué français, Pierre Mariani, qui en plus de ses 1.000.000 € de salaire annuel percevra un total de 800.000 € de bonus pour l’année 2009 [2].

Au début de l’assemblée, dans un cadre feutré et high-tech à la fois, Jean-Luc Dehaene, président du C.A. [3], puis Pierre Mariani, lisent leur rapport sur la marche des affaires de Dexia, les options stratégiques, la compression des coûts, les négociations avec la Commission européenne et les Etats (France, Belgique, G-D de Luxembourg), le redressement des bénéfices,… En résumé, ils sont contents, les affaires reprennent…

A noter que le groupe Dexia [4] a pris l’engagement vis-à-vis de la Commission Européenne, de réduire fortement sa taille et de « sortir des territoires et des activités non stratégiques ». D’où il peut se déduire que, puisqu’il n’est pas jusqu’à présent question que Dexia quitte Israël, ce territoire est considéré comme « stratégique », quoique Dexia-Israël représente très très peu de choses dans le bilan du groupe.

Pendant cet exposé, plusieurs de mes voisins dans la salle se sont endormis. Le monsieur en costume-trois-pièces bleu strict, qui somnole à ma gauche avec « Gazet van Antwerpen » sur les genoux, grogne de temps en temps, remet machinalement en place ses lunettes qui glissent obstinément vers le bout de son nez, et se rendort… Pendant que Mariani parle, Dehaene lui-même, semble tenté de piquer du nez un bref instant. Un trop copieux déjeuner avant l’assemblée, peut-être ?

Question time : DEXIA exercerait des représailles
contre des communes opposées à sa complicité avec la colonisation

Vient le moment où les actionnaires peuvent poser des questions. En fait, la plupart des questions, comme le prévoit la procédure, ont été transmises depuis au moins huit jours par écrit au Président du C.A., Jean-Luc Dehaene.

D’emblée, Dehaene se dit « étonné » d’avoir reçu « beaucoup de courrier » d’actionnaires à propos de l’activié de Dexia en Israël, car – dit-il – « il n’y a rien de nouveau ». Il réaffirme tout d’abord que Dexia-Israël « agit aussi bien au bénéfice des municipalités israéliennes que des municipalités arabes », et précise que celles-ci « s’en félicitent ». On relève quand même alors que si la population arabe et la population juive israélienne représentent grosso-modo chacune 50% de la population de la « Palestine historique », ce que J-L Dehaene appelle « les municipalités » arabes ne bénéficieraient que de moins de 10% des prêts accordés par Dexia-Israël. Pas vraiment de quoi se présenter comme des promoteurs de l’égalité entre les deux populations, donc…

Le président de Dexia poursuit en rappelant que la direction du groupe a « clairement dit depuis septembre 2008, et même en fait depuis juin 2008, qu’aucun nouvel engagement de crédit n’est consenti par rapport aux colonies » israéliennes. « En ce qui concerne les engagements pris dans le passé, il n’est pas commercialement possible d’y mettre fin, et donc nous respectons les engagements pris mais il y a déjà une forte réduction de l’en-cours des prêts : de juin 2008 à ce jour la réduction est de 41% ».

J-L Dehaene confirme qu’il n’y « plus aucun engagement nouveau, et qu’on est donc dans une stratégie d’extinction progressive ».

Ces propos relativement lénifiants ne convainquent guère.
suite