Quelques équations malveillantes


par Ryad Benaidji, Etudiant

04.11.10

La tribune « Le boycott d’Israël est une arme indigne », publiée dans Le Monde ce mardi 02 novembre m’a laissé mal à l’aise.

Ce texte signé de noms connus, bénéficiant d’une visibilité médiatique importante – intellectuels comme MM. Bruckner ou Henri Lévy, comédiens comme MM. Boujenah, Attal ou Arditi, hommes politiques comme MM. Hollande ou Valls. D’autres viennent du monde associatif. Tous s’accordent à condamner les appels, certes pas nouveaux, mais répétés, de boycott des produits israéliens, aussi bien sur le plan économique que culturel.

La question du boycott n’est pas ici le sujet. Elle peut être discutée, on peut la soutenir ou pas, là n’est pas ici le principal. C’est plutôt l’argumentaire de cette contribution qui m’a interloqué.

À première vue, tout semble bien propre, bien « démocratique ». Les signataires se disent « attachés à la paix au Moyen-Orient » ; ils affirment « la possibilité de critiquer le gouvernement israélien » ; et enfin, ils se positionnent : « nous sommes contre le boycott, car pour la paix ». Jusque-là, rien à dire. On ne saurait contester un tel appel à la mesure, à la bonne conscience de chacun. Et ils pourraient emporter l’adhésion.

Cependant, ces fins limiers de la rhétorique versent dans la facilité, voire la maladresse intellectuelle lorsqu’ils se permettent d’insinuer que les boycotteurs souhaitent forcément la destruction pure et simple de l’état israélien : « Au vu de leur charte, tout ce qui est israélien serait coupable, ce qui donne l’impression que c’est le mot même d’Israël que l’on souhaite, en fait, rayer des esprits et des cartes ».

Voilà, une affirmation gratuite, et qui pourtant est lourde de conséquences.

Bien que n’étant pas de ces boycotteurs, je regrette ce procédé devenu banal dans les médias, qui n’en est pas moins toujours aussi malhonnête, qui consiste à discréditer systématiquement l’interlocuteur critique d’Israël en employant de malveillantes équations, dont l’article cité, au détour d’une phrase, l’air de rien, se fait à nouveau l’écho.

1. Le critique d’Israël est contre l’idée même de l’État d’Israël, il est forcement « anti-israélien ».

2. L’anti-israélien n’est pas un détracteur politique, il souhaite la destruction complète d’Israël.

3. L’anti-israélien est supposé antisémite.

Ces sophismes sont le fond du malaise français en regard du conflit israélo-palestinien. Ces équations interdisent le débat, elles excommunient avec une efficacité clinique. Elles diffusent aussi dans l’opinion l’impression que les élites sont partiales, voire parti prenantes. Elles creusent le fossé entre l’opinion et ses élites intellectuelles, nourrissent la suspicion à l’égard des médias. Ceux qui devraient donner à penser semblent interdire de s’interroger.

Ici, il faut faire attention. Après s’être ému des tropismes énoncés plus tôt, il ne faut pas sombrer dans le poncif déplacé. Non, la question n’est pas d’accuser les juifs français d’être séides aveugles d’Israël. Tous les juifs de France ne sont pas sionistes, tous les musulmans de notre pays ne sont pas fondamentalistes. D’ailleurs, la tribune publiée comporte des signataires juifs et non-juifs.

Par ailleurs, le site du Monde.fr conserve une chronique de l’écrivain Salah Guemriche intitulée « Boycotter Israël ou l’écouter ? », parue le 14 mars 2008. Elle rappelle fort à propos que des intellectuels ou hommes politiques israéliens soutiennent ce boycott, notamment MM. Shabtai, Ziffer ou Burg. Le débat est donc bien plus compliqué que sous-entendu par nos intellectuels.

Plutôt qu’une manie juive, cette tendance anxiogène est plutôt une pathologie française. La crainte que les médias ont de critiquer ou laisser critiquer Israël tient à une vigilance accrue vis-à-vis de la question de l’antisémitisme, à un malaise national découlant de la culpabilité de la France lors de la Déportation des juifs. En soi, cette vigilance est louable, nécessaire.

Mais j’ose l’affirmer, on peut considérer que les politiques israéliennes obéissent à des cadres idéologiques surannés, colonialistes. On peut considérer que les réflexes militaires israéliens sont choquants. Et cela, sans vouloir rejeter les Israéliens à la mer, comme certains semblent le craindre ! Et même en posant en évidence que la paix se fera avec Israël, pour Israël!… Pour sa sécurité, l’avenir de ses enfants, autant que ceux des Palestiniens!…

On peut être pro-israélien est pour la paix. Soit. On peut aussi être pro-palestinien et pour la paix. Voilà l’évidence qu’il faut rappeler.

Nos chers intellectuels nous autorisent parait-il à exposer ce genre de thèses… Encore serait-il plus aimable de le faire sans systématiquement accuser le contradicteur d’être un tortionnaire inavoué, un nazillon ordinaire, un antisémite mono-maniaque…

20 novembre : Israël en proie au démon de la chasse aux sorcières


Samedi 20 novembre 2010 — de 14:00 à 18 heures
En la salle Dom Helder Camara, 19 rue Pletinckx – 1000 Bruxelles
L’Union des Progressistes Juifs de Belgique
Vous invite à une
DEMI-JOURNÉE DE RÉFLEXION
Su le thème
Israël en proie au démon de la chasse aux sorcières
Il y a quelques mois, l’Union des progressistes juifs de Belgique organisait, en  collaboration avec Dor Hashalom et le Cercle des étudiants arabo­européens de l’ULB, une soirée d’information consacrée aux discriminations dont est victime la population palestino-israélienne, ainsi qu’à sa place et à son avenir dans la société israélienne. Une des conclusions de cette soirée était que si Israël était une démocratie pour sa population juive, il était loin de l’être pour sa population palestinienne.

Ce constat doit, aujourd’hui, être fortement remis en question. Non pas qu’Israël soit soudain devenu une démocratie pour sa population palestinienne, mais il ne l’est plus non plus pour une partie de sa population juive.

On assiste en effet depuis plusieurs mois à ce qu’il n’est pas excessif de qualifier de chasse aux sorcières contre les organisations de défense des droits de l’Homme engagées contre l’occupation et la colonisation des territoires palestiniens.

La campagne a été initiée par le mouvement Im Tirtzu (Si vous le voulez)  – un groupuscule d’étudiants d’extrême droite, dont le nom fait référence à la phrase de Théodore Herzl : « Si vous le voulez, ce ne sera pas une légende » –, qui accuse des ONG israéliennes d’avoir collaboré avec le juge Goldstone en fournissant à celui-ci « 92% des références négatives » contenues dans son rapport concernant l’agression contre la bande de G aza perprétée par l’armée israélienne en décembre 2008 et janvier 2009. On ne les accuse pas d’avoir fourni de fausses informations, mais « tout simplement » de mettre en cause l’existence d’Israël et de représenter un « danger pour la nation » en délégitimant Israël à l’étranger.
Parmi les ONG visées : B’Tselem, Breaking the Silence, l’Association pour les droits civiques en Israël, le Comité public contre la torture, Médecins pour les droits de l’Homme, Yesh Din, Hamoked… soit les principales organisations qui défendent les droits des Palestiniens, donnent la parole aux soldats israéliens muselés par la censure militaire et, d’une manière générale, mènent le combat pour la liberté d’expression.

C’est pour faire le point sur ce que des éditorialistes israéliens réputés n’hésitent pas à qualifier de « flambée maccarthyste » que nous vous invitons à cette demi-journée d’information et de débat en présence de représentants d’associations visées par cette campagne de dénigrement et de stigmatisation particulièrement violente.

Nos invités :

Talila Koch : membre du mouvement New Profile, Mouvement pour la civilisation de la société israélienne et de soutien aux Refuzniks.


Ishai Menuchin : directeur exécutif du Comité public contre la torture en Israël, conférencier au département social et politique de l’université Ben Gourion du Neguev. Il fut l’un des premiers refuzniks lors de la première guerre du Liban en 1982.


Miri Weingarten : membre de l’organisation Médecins pour les droits humains


Yuval Yoaz : journaliste spécialisé dans les questions judiciaires et les droits de l’homme (Ha’aretz et Globes)


Modérateur : Pascal Fenaux, journaliste

PAF : 2 euros

Traduction simultanée assurée.

Cette activité bénéficie du soutien de la Fondation Heinrich Böll et du Mouvement ouvrier chrétien.

Blagues à part


« Blagues à part » repose sur un principe si simple qu’il suscite d’abord du scepticisme. Caméra face à des Palestiniens, sans distinction d’âge, de sexe, de ville (à l’exception de Gaza d’où un jeune lui parle via le logiciel Skype), Vanessa Rousselot demande de sa voix fluette :

« Bonjour, est-ce que vous connaissez une blague palestinienne ? »

Et nous, de découvrir que cette population, inlassablement représentée comme un groupe uniforme, ne se ressemble pas…

  • Il y a là un berger drapé dans son keffieh rouge qui, interrogé à l’aube sur un marché, la fixe d’un air dédaigneux… et reste mutique !
  • Ce groupe de papys qui tape le carton, dans un café, et lui conseille d’aller en Egypte : « Là, ils ont les meilleures blagues ! »
  • Un restaurateur hilare d’une blague à propos d’un poivrot… Si ni la réalisatrice, ni le spectateur n’en captent toute la subtilité, tous cèdent à sa gaieté.

Blaguer avec les Israéliens pour mieux passer les check points

Surtout, il y a dans ce film, de magnifiques personnages de cinéma.

  • Oum Mike, professeure d’arabe de la réalisatrice, vieille dame digne qui furette sur Internet les dernières blagues en cours, plaisante, attendrit pour soudainement sombrer dans une infinie tristesse à la pensée que, restée seule en Palestine après l’émigration de tous ses enfants, elle n’a plus personne à qui les raconter.

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