Archives du 3 janvier 2011
Toujours intéressant : René Naba | 02.01.2011 | Paris
Agenda diplomatique janvier 2011
La capitulation de Barack Obama, président de la première puissance militaire de la planète, devant le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu sur les conditions de déroulement des négociations israélo-palestiniennes, la pression permanente exercée par Israël sur les Etats-Unis et l’Europe, tant en ce qui concerne la neutralisation du potentiel nucléaire iranien que sur les conclusions de l’enquête internationale du Tribunal spécial sur le Liban concernant l’assassinat de l’ancien premier ministre Rafic Hariri, illustrent la prédominance du fait israélien dans la détermination de la diplomatie occidentale, au point de brider sa marge de manœuvre entraînant, par contre coup, sa perte d’autonomie; Un fait qui explique une part du rejet occidental dans la sphère arabo musulmane.
renenaba.com revient, dans une série de trois papiers, sur les ressorts de cette prééminence israélienne, comme en témoignent les révélations du site en ligne WikiLeaks du 1er décembre 2010.
05 janvier 2011 | Israël: De la propagande part 1/3
Du bon usage de la Bible, la terre promise, le peuple élu et la controverse avec l’Eglise d’Orient
Pour la première fois dans le débat public international, l’Eglise d’Orient a mis en question le bien fondé théologique de la mise en œuvre de la notion de «terre promise» pour « justifier le retour des Juifs en Israël et l’expatriation des Palestiniens ».
Sujet tabou s’il en est, cette position a été affirmée par Mgr Cyrille Salim Bustros, Archevêque de Newton (Etats-Unis) à l’occasion du synode des Eglises d’Orient, qui est tenu du 14 au 24 octobre 2010, au Vatican. Véritable électrochoc, cette déclaration inhabituelle tant sur le fond que sur la forme, en tout cas dans les sphères occidentales a entraîné une réplique du Centre Simon Wiesentahl accusant son auteur d’ «antisémitisme». La controverse suscitée à propos de cette déclaration épiscopale témoigne de la sensibilité du sujet.
10 janvier 2011 | Israël: De la propagande part 2/3
Hasbara, Kiss, GIYUS. ORG, Spot and Shoot, Vade-mecum des outils de la stratégie israélienne de communication.
La place prépondérante qu’occupe Israël en termes d’ «unités de bruit médiatique» s’explique aussi par sa maîtrise des outils de la stratégie de communication moderne grâce à des techniques qui ont pour nom Hasbara, Kiss, termes abscons pour le grand public. Mais L’argumentaire de base contenu dans “The Israël Project’s 2009, Global Language Dictionary» repose sur l’axiome selon lequel le langage d’Israël et le langage des Etats-Unis sont synonymes, s’articulant sur des mots basiques: «démocratie», «liberté», «sécurité».
15 janvier 2011 | Israël: De la propagande part 3/3
La Soft Warfare” (La douce guerre): Al Jazira en exemple et les Sayanim à contribution.
Israël considère qu’il fait l’objet d’une campagne de dénigrement, laquelle si elle venait à persister «érodera la légitimité d’Israël sur la scène internationale», à l’effet de créer les conditions d’un boycott tous azimuts contre Israël, sur le modèle du boycott de l’Afrique du Sud du temps de l’Apartheid.
Pour neutraliser cette campagne de délégitimation, «Le document de travail pour la Conférence de 2010 Herzliya», préconise de lancer une chaîne de télévision similaire à la chaîne transfrontière arabe «Al Jazira», en quatre langues anglais, français, arabe et russe, premier cas de retournement de tendance pour Israël dont la tendance habituelle est de mépriser plutôt que d’imiter les Arabes.
Israël compte aussi sur les «Sayanim», les informateurs recrutés au sein des juifs de la diaspora qui, par «patriotisme», acceptent de collaborer ponctuellement avec le Mossad.
Pour aller plus loin
Sur la stratégie globale de l’occident
Cf à ce propos «La fin de l’histoire militaire? Les Etats-Unis, Israël et l’échec de l’art occidental de la guerre par Andrew J. Bacevich, Professeur d’Histoire et de relations internationales à la Boston University, mis en ligne le 27 Décembre 2010 sur tom dispatch.com. Texte traduit en français par Albert Caillé.
https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=gmail&attid=0.1&thid=12d2e2f02a282719&mt=application/ Dernier ouvrage de cet auteur, paru en juillet 2010, «Washington rules America’s path to permanent war».
Golfe / Armement
Sur fond de grande incertitude sur la succession politique au sein des deux pays arabes, alliés majeurs de l’Occident, l’Arabie saoudite et l’Egypte, fragilisés par la santé de leurs dirigeants octogénaires, le Roi Abdallah (87 ans), et, le président Hosni Moubarak (84 ans), où la guerre de succession fait rage, les révélations du site américain Wikileaks sur la position belliqueuse des pétromonarchies face à l’Iran illustre la logique de vassalité des «émirats mirage» face à l’Amérique, particulièrement dans le domaine de la défense, en ce qu’ils incitent les Américains à faire la guerre à leur voisin iranien pour neutraliser son potentiel nucléaire, plutôt que de doter le Monde arabe d’une capacité d’autosuffisance stratégique, comme en témoigne le contrat de l’ordre de 123 milliards de dollars, conclu à l’automne entre l’Amérique et quatre pays du Golfe, en vue de renforcer leur capacité défensive «face à l’Iran».
renenaba.com revient sur ce singulier contrat, à tous égards, qui outre passe les capacités d’absorption des bénéficiaires de même que les capacités d’assimilation de cet armement par ses servants locaux, où l’Iran sert de croquemitaine à d’effroyables gâchis arabes pour éponger les déficits américains. En une série de deux papiers s’articulant selon la thématique suivante:
20 janvier : Golfe – Armement ; Autant en emporte le vent Part 1/2
Le Golfe, une gigantesque base flottante américaine, une pompe à finance des déficits américains.
Face à l’Iran, la constellation des pétromonarchies du Golfe s’est transformée en une véritable base flottante américaine, au point que se pose la question de la viabilité stratégique et de la pertinence politique du plus important contrat d’armement de l’histoire, jamais conclu, en temps de paix, entre les Etats Unis et quatre pays membres de la zone. Un singulier contrat à tous égards, de l’ordre de 123 milliards de dollars, qui outrepasse les capacités d’absorption des bénéficiaires de même que les capacités d’assimilation de cet armement par ses servants locaux.
25 janvier : Golfe – Armement ; Autant en emporte le vent Part 2/2
La victoire des marchands d’armes sur les producteurs de pétrole.
Le Monde arabe a engagé près de deux mille milliards de dollars au titre des dépenses militaires depuis le dernier tiers du XX me siècle, soit environ 50 milliards de dollars par an en moyenne, sans avoir pu se doter ni d’une capacité de projection de puissance, ni d’une capacité de dissuasion nucléaire, encore moins de la capacité spatiale du renseignement, autant d’attributs de la puissance moderne qui lui font cruellement défaut à l’ère de la société de l’information et de son application militaire, l’info guerre.
En contrepoint Israël a bénéficié de cinquante et un (51) milliards de dollars de subventions militaires depuis 1949, la majeure partie depuis 1974, plus qu‘aucun autre pays de la période postérieure à la II me Guerre mondiale, selon une étude du spécialiste des affaires militaires Gabriel Kolko, parue dans la revue «Counter punch» en date du 3O mars 2007. Une telle disparité de traitement entre Israéliens et Arabes au regard des Américains, l’un s’équipant à l’œil, alors que les autres sont contraints de payer cash, en dépit de la contribution financière et humaine des pays arabes aux équipées américaines tant en Afghanistan qu’au Nicaragua contre le bloc soviétique, de même que leur comportement erratique à l’égard de leurs alliés naturels (l’Union soviétique et l’Iran), expliquent le discrédit du monde arabe sur la scène internationale et une part de son collapsus stratégique.
Israel : l’année où les masques sont tombés, par Gideon LEVY
« L’année de la vérité
L’année qui s’achèvera ce soir par un baiser a été l’année où a pris fin la mascarade israélienne, l’année où les déguisements ont été arrachés et où la vérité s’est fait jour. Où le vrai visage s’est révélé. Ça été l’année où nous sommes finalement sortis du placard – finis les propos sirupeux et les discours creux sur la justice et l’égalité, finis les enjolivements et les paroles superficielles à propos de la paix et de deux états. Cette année, la vérité a été entendue en public, avec un retentissement fort et clair d’un bout du pays à l’autre, inquiétante et déprimante.
Personne ne parle plus de paix ; cette année, nous avons même mis entre guillemets le « processus de paix », pour nous en gausser comme il le mérite. Tout ce qu’il reste de la paix cette année, c’est l’envoyé spécial des U.S.A., George Mitchell. Et dans les enquêtes d’opinion rien ne subsiste de la vision de deux états chez le premier ministre ou dans la majorité. Cette année, le gouvernement israélien a dit NON, même à un gel temporaire de la construction de colonies, et les Israéliens se sont tus.
Après cette année de vérité, nul ne pourra sérieusement prétendre qu’Israël recherche la paix avec les Palestiniens, ou avec les Syriens, qui ont parlé de paix mais qu’on a laissés sans réponse. Toutes les excuses ont perdu leur valeur – le terrorisme palestinien s’est arrêté et il reste au moins un demi-partenaire, qui est plus modéré qu’aucun autre. Néanmoins, nous campons sur nos positions. Et la vérité est criante : les Israéliens ne veulent pas vraiment la paix, ils lui préfèrent la terre. Les fonctionnements internes de la société israélienne ont aussi été démasqués. L’apparence d’une société démocratique et égalitaire s’est trouvée soudainement remplacée par un portrait authentique, terriblement nationaliste et raciste. Des rabbins et leurs femmes, des maires et des parlementaires ont tous chanté ensemble dans un chœur discordant : non aux Arabes et non aux étrangers. Au cours des années qui ont précédé cette année de vérité, il était encore d’usage d’excommunier les racistes.
En cette année de vérité, nous avons déclaré sans vergogne que Meir Kahane avait raison. Quasiment la moitié des Israéliens s’opposent à la location d’appartements à des Arabes ; plus que la moitié d’entre eux sont favorables à un serment d’allégeance à l’Etat ; des femmes de rabbins s’associent à leurs maris pour conjurer les chastes filles d’Israël de ne pas fréquenter d’Arabes ; un membre de la Knesset déclare qu’à ceux qui font clandestinement entrer des « infiltrateurs » – ainsi qu’on a appelé cette année les travailleurs migrants et les réfugiés de guerre – on devrait faire sauter la cervelle ; et l’un de ses collègues fait porter sur les Russes le blâme des habitudes israéliennes d’ivrognerie.
Dans le même temps, nous avons proposé une loi appelant à l’expulsion d’étrangers critiques à l’égard d’Israël s’ils y viennent en visite ; un directeur d’école de Jaffa n’autorise pas ses élèves à parler arabe ; un militant contre l’occupation a été incarcéré pour avoir pris part à une manifestation protestataire à vélo ; et un défenseur des droits des Bédouins s’est vu jeter en prison pour une durée encore plus longue, pour le délit d’avoir un garage illégal.
Telle est jour après jour la pléthore de comptes-rendus sur la vie du pays au cours de la dernière partie de cette année maudite. De tels rapports nous ont été presque quotidiennement jetés à la figure. L’étranger répand les maladies et la criminalité, et les étudiants arabes veulent nous déshériter pour le prix de location d’un deux pièces. Nous avons également lancé des campagnes d’intimidation et semé la peur de celui qui est autre et différent, qui n’auraient pas fait honte aux régimes les plus douteux du passé. Nous avons tenu des manifestations scandaleuses contre les réfugies et les Arabes, avec les encouragements d’une partie de l’institution et le silence des autres, desquels une tonalité peut être entendue – une tonalité d’arrogance et de nationalisme.
Cela aura aussi été l’année d’Avigdor Liebermann d’Yisrael Beiteinu, qui n’est plus un loup habillé en agneau mais une brute du voisinage qui n’a cure des conséquences. Une tentative pour dénouer la crise avec la Turquie, et Boum ! un bon coup sur la tête. Au lieu des sempiternels discours du président Shimon Peres sur la paix, le ministre des affaires étrangères, cette année, a de manière répétitive giflé le monde entier de notre part. Ce n’est pas seulement Kahane qui avait raison, mais Lieberman aussi. Il dit la vérité, la vérité sur Israël.
Il n’y a rien de tel que le soleil pour désinfecter, de sorte que ç’aura été une plutôt bonne année. Il se peut précisément que ce déluge de douteux sentiments nationalistes émergeant des profondeurs de l’âme, latent depuis des années, va au bout du compte faire bouger cette nation engourdie. Peut-être que, après cette année, la minorité qui pense autrement va enfin ouvrir les yeux. Peut-être que, tandis que les flammes nous encerclent tous, nous allons comprendre que telle n’est pas la société dans laquelle nous avons envie de vivre. Et peut-être que le monde va comprendre ce qui est en jeu.
Ce soir à minuit, quand le champagne français va couler comme de l’eau et que nous embrasserons à pleine bouche nos êtres chers, peut-être allons-nous comprendre que l’année prochaine sera décisive. Ce sera la dernière année où nous pourrons encore sauver quelque chose. Si un miracle se produit et que cela arrive en effet, nous serons reconnaissants à l’année écoulée, l’année de vérité pour Israël. »
Par Gideon Levy
Source : http://www.haaretz.com/print-edition/opinion/the-year-of-truth-1.334416#send-friend-popup
Traduit de l’anglais par Anne-Marie PERRIN pour europalestine