Egypte : les mouvements sociaux, la CIA et le Mossad


James Petras

on MyCatBirdseat.com, 16 février 2011

http://mycatbirdseat.com/2011/02/james-petras-egypt-social-movements-the-cia-and-mossad/

L’image d’invincibilité du Mossad et de la toute-puissance de la CIA que veulent donner la plupart des auteurs, universitaires et journalistes a été mise à rude épreuve par leur échec avoué à déceler l’ampleur, la profondeur et l’intensité du mouvement de plusieurs millions de citoyens égyptiens ayant réussi à chasser la dictature de Moubarak.

Les limites des mouvements sociaux

Les mouvements des masses qui ont imposé le limogeage de Moubarak révèlent à la fois la force et les faiblesses de toute insurrection spontanée. D’un côté, les mouvements sociaux ont démontré leur capacité de mobiliser des centaines de milliers, voire des millions de personnes, en vue d’un combat incessant et couronné de succès, qui a culminé dans le limogeage du dictateur d’une manière dont les partis et les personnalités d’opposition préexistants ne voulaient pas entendre parler.

D’un autre côté, en raison de l’absence totale de tout leadership politique, les mouvements n’ont pas été en mesure de s’emparer du pouvoir politique et de mettre en œuvre leurs revendications, ce qui a permis au haut commandement de l’armée de Moubarak de s’emparer du pouvoir et de définir le processus « post-Moubarak », en garantissant ainsi la continuation de la subordination de l’Egypte aux Etats-Unis, la protection de la fortune illicite du clan Moubarak (estimée à 70 milliards de dollars), celle des nombreux trusts appartenant à l’élite militaire et la protection de la classe dominante. Les millions de personnes que les mouvements sociaux ont mobilisées afin de renverser la dictature ont été de fait exclues par la nouvelle junte militaire se disant « révolutionnaire » lorsqu’il s’est agi de définir les institutions politiques et les politiques à suivre, sans parler des réformes socio-économiques requises afin de satisfaire les besoins vitaux de la population (dont 40 % vit avec moins d’un dollar par jour, le chômage dépassant les 30 % de la main-d’œuvre disponible).

Le cas égyptien, comparable aux mouvements sociaux estudiantins et populaires contre les dictatures de la Corée du Sud, de Taiwan, des Philippines et de l’Indonésie, démontre que l’absence de toute organisation politique permet à des personnalités de la soi-disant « opposition » néolibérale et conservatrice de se substituer au régime. Ils s’emploient alors à mettre sur pied un régime électoral qui continue à servir les intérêts de l’impérialisme, à défendre l’appareil d’Etat existant et à en dépendre. Dans certains cas, ils remplacent les vieux capitalistes crounis par de nouveaux capitalistes. Ce n’est pas un hasard si les mass media encensent la nature « spontanée » des luttes (et absolument pas les revendications socio-économiques) et si ils enjolivent le rôle de l’armée (en balayant sous le tapis son rôle de pitbull de la dictature, trente années durant). Les masses sont célébrées pour leur « héroïsme », les jeunes le sont en raison de leur « idéalisme », mais on n’envisage en aucun cas qu’ils jouent le rôle des principaux acteurs dans le nouveau régime. Une fois la dictature renversée, l’armée et les électoralistes de l’opposition ont « célébré » le succès de la révolution, après quoi ils se sont occupés prestement de démobiliser et de démanteler le mouvement spontané afin de faire de la place à des négociations entre les politiciens libéraux électoralistes, Washington et l’élite militaire dirigeante.

Si la Maison Blanche peut tolérer, voire encourager des mouvements sociaux à pousser dehors (à « sacrifier ») des dictatures, elle a la ferme intention de préserver l’Etat. Dans le cas égyptien, le principal allié stratégique de l’impérialisme US était non pas Mubarak, mais l’armée, avec laquelle Washington était dans une collaboration constante avant, pendant et après la poussée vers la sortie de Moubarak, s’assurant que la « transition » vers la démocratie (sic) soit de nature à garantir la perpétuation de la subordination de l’Egypte aux politiques et aux intérêts israéliens et américains au Moyen-Orient.

La révolte populaire : double échec de la CIA et du Mossad

La révolte arabe démontre, encore une fois, plusieurs échecs stratégiques de la police secrète la plus introduite, les forces spéciales et les agences de renseignement des appareils d’Etat des Etats-Unis et d’Israël, dont aucun n’a anticipé (intervenir, n’en parlons même pas) afin d’empêcher tout succès de la mobilisation et d’influencer la politique de leurs gouvernements respectifs dans un sens favorable à leurs gouvernants-clients en difficulté.

L’image que donnent la plupart des auteurs, universitaires et journalistes, l’image de l’invincibilité du Mossad israélien et de l’omnipotente CIA, a été sévèrement mise à l’épreuve par leur échec avoué à déceler l’ampleur, la profondeur et l’intensité du mouvement de plusieurs millions de personnes déterminées à évincer la dictature de Moubarak. Le Mossad, qui fait la fierté et la joie des réalisateurs de cinéma de Hollywood et qui est présenté comme un « modèle d’efficacité » par ses collègues des organisations sionistes, n’a pas été capable de détecter la montée d’un mouvement de masse dans un pays voisin. Le Premier ministre israélien Netanyahu a été choqué (et désappointé) par la situation précaire de Moubarak et par l’effondrement de son client arabe le plus éminent – et cela, à cause du renseignement frelaté collecté par le Mossad. De même, Washington avait été totalement impréparée par ses 27 agences du renseignement américaines et le Pentagone, avec ses centaines de milliers de fonctionnaires et ses budgets se chiffrant en milliards de dollars aux soulèvements populaires massifs et aux mouvements émergents qui allaient se faire jour.

Plusieurs observations théoriques sont de mise. Le caractère erroné de la  notion selon laquelle des dirigeants hautement répressifs recevant des milliards de dollars en aide militaire et disposant de près d’un million de policiers, de soldats et de miliciens seraient les meilleurs garants de l’hégémonie impérialiste a été démontré. La présupposition selon laquelle des liens étendus, de longue date, avec de tels dirigeants dictatoriaux garantiraient les intérêts impérialistes des Etats-Unis a été démentie.

L’arrogance et la prétention de la supériorité organisationnelle, stratégique et politique juive sur les « Arabes » ont été sérieusement dégonflées. L’Etat israélien, ses experts, ses agents secrets et ses universitaires de la Ivy League ont été aveugles aux réalités en train de se dérouler sous leurs yeux, ils ont ignoré la profondeur de la désaffection et incapables d’éviter une opposition massive à leur client le plus précieux. Les publicistes sionistes aux Etats-Unis, qui résistent rarement à l’opportunité de promouvoir la « brillance » des forces de sécurité israéliennes, que ce soit quand elles assassinent un dirigeant arabe au Liban ou à Dubaï, ou lorsqu’elle bombarde une installation industrielle en Syrie, sont restés sans voix, cette fois-ci.

La chute de Moubarak et la possible émergence d’un gouvernement indépendant et démocratique signifieraient qu’Israël pourrait perdre son principal « flic en patrouille ». Un peuple démocrate ne saurait coopérer avec Israël au maintient du blocus contre Gaza, qui vise à affamer les Palestiniens afin de briser leur volonté de résister. Israël ne pourra pas compter sur un gouvernement démocratique pour soutenir ses violentes confiscations de terres en Cisjordanie et son régime palestinien fantoche. Les Etats-Unis, eux non plus, ne sauraient compter sur une Egypte démocratique pour soutenir leurs intrigues au Liban, leurs guerres en Irak et en Afghanistan et leurs sanctions contre l’Iran. De plus, l’insurrection égyptienne a servi d’exemple pour des mouvements populaires contre d’autres dictatures liges à Washington, en Jordanie, au Yémen et en Arabie Saoudite. Pour toutes ces raisons, Washington a soutenu le coup d’Etat militaire (en Egypte) afin de ménager une transition politique correspondant à désirs et à ses intérêts impérialistes.

L’affaiblissement du principal pilier du pouvoir impérial américain et du pouvoir colonial israélien en Afrique du Nord et au Moyen-Orient révèle le rôle essentiel que jouent les régimes collaborationnistes de l’impérialisme. Le caractère dictatorial de ces régimes résulte directement du rôle qu’ils jouent au service des intérêts impérialistes. Et les packages d’aide militaire qui corrompent et enrichissent les élites au pouvoir ne sont que les récompenses qu’on leur accorde pour avoir été des collaborateurs zélés des Etats impérialistes et colonialistes. Etant donnée l’importance stratégique de la dictature égyptienne, comment expliquer l’incapacité des services de renseignement américains et israéliens à anticiper ces insurrections ?

Tant la CIA que le Mossad travaillaient en étroite collaboration avec les services de renseignement égyptiens et ils se fiaient à eux en matière d’information, confiant à leurs rapports internes que « tout était sous contrôle » : les partis d’opposition étaient affaiblis, décimés par la répression et l’infiltration, leurs militants croupissant dans les geôles ou subissant des « crises cardiaques fatales » en raison de « techniques d’interrogatoire » particulièrement énergiques. Les élections étaient falsifiées afin d’aboutir à l’arrivée au pouvoir de clients d’Israël et des Etats-Unis : aucune (mauvaise) surprise, donc, ni dans l’immédiat, ni à moyen-terme.

Les services égyptiens du renseignement sont formés et financés par des officines israéliennes et américaines, l’on peut donc compter sur eux pour suivre la volonté de leurs maîtres. Ils ont été tellement complaisants en remettant des rapports rédigés de manière à plaire à leurs mentors qu’ils ont ignoré toutes les informations relatives à des troubles populaires montants ou encore à l’agitation sur Internet. La CIA et le Mossad étaient tellement intégrés au sein du vaste appareil sécuritaire de Moubarak qu’ils étaient incapables d’assurer une quelconque information alternative sur les mouvements de base, décentralisés et bourgeonnants, totalement indépendants qu’ils étaient de l’opposition électorale traditionnelle « sous contrôle ».

Quand ces mouvements de masse extraparlementaires ont fait irruption, le Mossad et la CIA ont compté sur l’appareil d’Etat de Moubarak pour en prendre le contrôle via la politique classique de la carotte et du bâton : des concessions à deux balles, d’un côté, et la mobilisation de l’armée, de la police et des escadrons de la mort. Tandis que le mouvement populaire grossissait, passant de quelques dizaines de milliers à plusieurs centaines de milliers, puis à des millions de participants, le Mossad et les membres du Congrès américain partisans d’Israël les plus en vue exhortèrent Moubarak à « tenir bon ». La CIA en fut réduite à présenter à la Maison Blanche des profiles politiques d’officiers de l’armée de confiance et de personnalités politiques traditionnelles « de transition » achetables susceptibles de succéder à Moubarak. Mais, là encore, la CIA et le Mossad ont démontré leur dépendance vis-à-vis de l’appareil du renseignement de Moubarak en matière de connaissance de qui pourrait être une alternative « viable » (aux yeux des américano-israéliens), ignorant les exigences élémentaires des masses révoltées. La tentative de coopter la vieille garde électoraliste des Frères Musulmans via des négociations avec le vice-président Suleiman a échoué en partie parce que les Frères ne contrôlaient pas ce mouvement et parce qu’Israël et ses soutiens américains y étaient opposés. De plus, la jeune garde des Frères ont obligé leurs aînés à se retirer de ces négociations.

Ce flop en matière de renseignement a compliqué les efforts de Washington et de Tel-Aviv visant à sacrifier le régime dictatorial en vue de sauver l’Etat : la CIA et le Mossad n’ont développé de lien avec aucun des nouveaux leaders (égyptiens) émergents. Les Israéliens ont été incapables de trouver ne serait-ce qu’un seul « nouveau visage » disposant d’un certain soutien populaire pour servir de collaborateur zélé de l’oppression coloniale. La CIA était totalement impliquée dans l’utilisation de la police secrète égyptienne pour torturer des suspects de terrorisme (« exceptionnal rendition ») et dans le flicage des pays arabes voisins. Résultat : tant Washington qu’Israël ont anticipé et promu la prise du pouvoir par l’armée afin de prévenir toute radicalisation ultérieure. En fin de compte, l’échec de la CIA et du Mossad à détecter et à empêcher l’émergence du mouvement démocratique révèle la précarité des fondements du pouvoir impérial et colonial. Sur le long terme, ce n’est ni les armes, ni les milliards de dollars, ni les polices secrètes et les chambres de torture qui décident de ce que sera l’Histoire. Les révolutions démocratiques se produisent quand l’immense majorité d’un peuple se lève et dit « ça suffit ! », quand elle descend dans les rues, paralyse l’économie, démantèle l’Etat autoritaire et exige la liberté et des institutions démocratiques exemptes de toute tutelle impériale et de toute soumission coloniale.

[James Petras est professeur émérite de sociologie à l’Université de Binghamton, New York Il a écrit soixante-quatre ouvrages, publiés en vingt-neuf langues, et plus de 560 articles publiés dans des revues professionnelles, dont The American Sociological Review, The British Journal of Sociology, Social Research, Journal of Contemporary Asia et Journal of Peasant Studies. Il a publié plus de 2000 articles. Son dernier ouvrage est : War Crimes  in Gaza and the Zionist Fifth Column in America (Atlanta, Clarity Press, 2010) (Les crimes de guerre à Gaza et la Cinquième colonne sioniste en Amérique)].

Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

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Tunisie La corruption, gangrène nationale


LOOS,BAUDOUIN

Lundi 14 février 2011

TUNIS

DE NOTRE ENVOYÉ SPECIAL

Tout un pays à soigner. Voilà l’impression qui se dégage, alors que les Tunisiens n’en finissent pas de se pincer pour y croire : il y a un mois, le vendredi 14 janvier, Ben Ali, le dictateur qui semblait éternel, prenait l’avion de l’exil sans demander son reste. Il est vrai que lui et son clan ne sont pas partis les poches vides. « L’exhibition des richesses mal acquises, volées, était devenue obscène », estime un monsieur très digne avenue Bourguiba.

Corruption, prédation, cleptocratie : les mots qui définissent le défunt régime ne sentent pas bon. « Jamais n’a-t-on assisté à une telle concentration de pouvoir pour en arriver au sac d’un pays, explique Ahmed Smaoui, ministre aux débuts du règne de Ben Ali, en 1987, avant de tomber en disgrâce. Tout était parfaitement organisé, camouflé sous le vernis d’un discours honorable, avec les connivences internationales nécessaires ».

Dans ce bar chic du quartier Belvédère, un homme d’une trentaine d’années, Tahar, nous rejoint. Derrière son sourire se cache quelque inquiétude, et le manège d’un serveur le gêne. « L’habitude de voir des mouchards partout », s’excuse-t-il.

Ce juriste travaille depuis quinze ans au ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières. « Le sommet de l’administration du ministère est compromis, dit-il. A commencer par celui qui fut ministre pendant ces dix dernières années, Ridha Grira. Il a dilapidé les biens de l’Etat. Mais le plus pourri c’est le chef de cabinet, Fathi Sokri, qui est toujours en place. Presque tous les Tunisiens connaissent ces deux hommes. Alors quand on a appris que Grira héritait du ministère de la Défense du premier gouvernement de l’après-Ben Ali, vous pensez si on était rassuré ! »

Ledit Ridha Grira, en fait, n’est resté qu’une petite semaine ministre après le départ du tyran : sous la pression de la rue, le gouvernement a rapidement été remanié et les principaux ministres de la filière RCD (l’ex-parti quasi unique), dont Grira, ont dû se résoudre à le quitter.

« Le chef de cabinet, reprend Tahar, est en place depuis vingt ans. Voulez-vous un exemple de dilapidation ? Prenons le cas de Sakhr el-Materi, l’un des gendres de Ben Ali. Un des plus voraces aussi. Il souhaitait acheter un terrain sur la côte à La Goulette, près de Tunis, pour y ouvrir un port de plaisance. Partie du domaine public, ce terrain d’un hectare n’était légalement ni à vendre ni à louer. Eh bien ! la parcelle a subi une procédure de déclassement comportant une manœuvre juridique illicite pour passer dans le domaine privé. Qui plus est, il n’y a pas eu d’enchères publiques et le prix qu’acquitta l’acheteur se monta à 22 dinars le m2 (10 euros) au lieu de 15.000 dinars minimum. »

Tahar connaît des tas d’histoires du même tonneau. Qui mettent en scène d’autres membres du clan Ben Ali : « Toutes les affaires liées à notre ministère finiront par éclater. Ils ont tous pris leur part, ministres, chefs de cabinet, directeurs. Je crains une chose : qu’on se contente de juger par contumace quelques boucs émissaires de la famille Trabelsi (la belle-famille du dictateur). Je suis prêt à aller témoigner devant la nouvelle commission anticorruption et j’irai avec les dossiers que j’ai réussi à préserver des broyeurs de papier qui fonctionnent à plein régime. »

Cette commission a du pain sur la planche, en effet. Elle sera présidée par Abdelfattah Amor (68 ans), le doyen très respecté de la faculté de droit à Tunis. « La commission, a expliqué M. Amorn, a pour fonction d’établir les faits et au-delà de démonter tout un système qui a gangrené l’Etat mais aussi des secteurs entiers de la société. Les faits suffisamment crédibles seront transmis au parquet. »

En quelques jours, plus de 800 dossiers ont été déposés. A ce rythme, le succès de la commission risque de dépasser ses capacités d’absorption… « La commission sur la corruption fait peur à beaucoup de monde, constate Larbi Chouakhi, professeur de journalisme. Les langues se délient. De nombreuses personnes sont compromises, il y aura pas mal de découvertes, dans tous les domaines, même dans les médias, et évidemment chez nos amis français ».

La justice tunisienne, chez qui finiront en principe nombre de dossiers, souffre elle-même d’une image de marque lézardée.

« Quatre cinquièmes des juges n’ont pas la conscience tranquille, estime Mokhtar Yahyaoui, lui-même ex-juge – qui fut renvoyé en 2001 pour avoir osé publiquement réclamer à Ben Ali une justice indépendante. Il faudra les écrémer en cinq ans au moins, en éliminant tout de suite les irrécupérables, soit quinze à vingt pour cent d’entre eux. Les juges faisaient partie d’un système qui ne tolérait pas les gens honnêtes. »

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Yémen


Cinquième jour de protestations au Yémen
iloubnan.info – Le 15 février 2011

Pour la cinquième journée consécutive, 3 000 personnes sont descendues dans les rues au Yémen pour réclamer des réformes politiques et l’éviction du président du pays.
La police a tenté de disperser les manifestants avec des gaz lacrymogènes et des matraques, mais la foule a poursuivi sa marche, ce mardi, de l’Université Sanaa vers le centre ville.
Les manifestants, principalement des étudiants et militants pour les droits de l’homme, ont scandé des slogans contre le président Ali Abdullah Saleh, dont « A bas les voyous du président ».
Dans le centre-ville, 2 000 partisans du gouvernement ainsi que des forces de police se sont rassemblés.
La manifestation devrait rassembler plus que quelques centaines de personnes, puisque les étudiants et les militants des droits de l’homme la rejoignent alors qu’elle se déplace à travers la ville.

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Bahrain


Manifestations à Bahrain

Lundi 14 février 2011

De nombreuses manifestations ont eu lieu ce 14 février 2011 dans l’état de Bahrain (Golfe Persique), notamment dans les agglomérations de Bani-Jamra, Diraz, Karanna, Shakhura, Mugsha, Daih, Sannabis, Jidhafs, Bilad Alqadeem, Sitra, Maameer, Ekr, Nuwaidrat, Hamala, Karzakan et Almalikkiya, ainsi que près de 2 centres commerciaux de la ville de Bahrain, le Bahrain Mall et le Dana Mall.

Dans tous les cas les manifestants ont été chargés sans ménagements par la police anti-émeute,à coup de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc.

Le Bahrain Youth Society for Human Rights a eu connaissance d’au moins 20 blessés hospitalisés.

A chaque fois les manifestants étaient pacifiques et portaient le drapeau de Bahrain. Malgré cela ils ont été chargés sans ménagements comme on peut le voir dans cette vidéo prise dans le village de Diraz:

Pour de plus ample informations :

Twitter: https: / / twitter.com / byshr

Facebook: https: / / www.facebook.com/group.php?gid=19803144680&ref=ts

E-mail: info@byshr.org, eu-office@byshr.org

Or contacter (pour media et journalistes), Mr. Mohammed Al-Maskati, président du Bahrain Youth Society for Human Rights

Mobile phone: 0097336437088

Auteur : Bahrain Youth Society For Human Rights – traduit par Roland

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Rafic Hariri : Mythe ou Mystification ?


Posté par René Naba le fév 12 2011.

«Lorsque le peuple respire, le vent se lève,

Lorsqu’il frappe du pied, la terre tremble» – Paul Nizan – Aden Arabie.

Le Liban, à tout le moins ses partisans, commémore, le 14 février 2011, le 6eme anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri, ancien premier ministre libanais. Un cérémonial initié sous le leadership caricatural de son héritier, Saad Hariri, le grand perdant du jeu politique libanais, sur fond d’une contestation généralisée des supplétifs de la stratégie américaine dans la sphère arabo musulmane, au terme d’une furieuse décennie de «guerre contre le terrorisme» (2001-2011), marquée récemment par le renversement des Présidents Zine el Abidine Ben Ali (Tunisie) et Hosni Moubarak (Egypte).

Retour sur ce personnage, son parcours et sa fonction stratégique dans l’échiquier du Moyen-orient.

Liban / Rafic Hariri : Mythe ou Mystification ? Pour en finir avec un mythe.

René Naba | 12.02.11 | Paris

Une industrie du martyrologue

Le martyr est commun à tous les peuples de la planète, mais sa redondance est une spécialité libanaise, au point de ressortir d’une industrie du martyrologe.

Au risque de choquer, en cette période de commémoration, ce dont l’auteur de ces lignes s’en excuse d‘avance, Rafic Hariri n’est pas l’unique «martyr» du Liban, qui compte une quarantaine de personnalités de premier plan assassinée, dont deux présidents de la République (Bachir Gemayel et René Mouawad), trois anciens premiers ministres (Riad El Solh, Rachid Karamé et Rafic Hariri), un chef d’état major (le Général François El-Hajj), le chef spirituel de la communauté chiite, l’Imam Moussa Sadr, et, le Mufti sunnite de la République, Cheikh Hassan Khaled, deux dirigeants du parti communiste libanais, Farjallah Hélou et Georges Hawi, le chef du Parti socialiste progressiste, le druze Kamal Joumblatt, le chef du parti nassérien Maarouf Saad, les députés Tony Frangieh et Pierre Gemayel, l’ancien chef milicien chrétien Elie Hobeika, ainsi qu’une flopée de journalistes Nassib Metni, Kamel Mroueh, Riad Taha, Salim Laouzi, Samir Kassir et Gébrane Tuéni.

Rafic Hariri n’est pas non plus l’unique martyr au monde, mais l’unique martyr au monde à avoir grevé les Finances Publiques de son pays de l’ordre de cinquante milliards de dollars et de bénéficier, à ce titre, d’un imposant mausolée sur la plus importante place publique de l’une des plus prestigieuses capitales arabes, Beyrouth. L’unique martyr au Monde à truster en sa mémoire les principaux services publics du pays, l’unique aéroport international du Liban, l’aéroport de Beyrouth Khaldé, un centre universitaire libanais et un centre hospitalier universitaire, trois établissements qui portent tous trois désormais son nom, sans compter l’imposant boulevard du front de mer de la capitale libanaise. Là réside la singularité nullement justifiée d’un homme qui aura été le bailleur de fonds de tous les seigneurs de la guerre du Liban, le prédateur de son parc immobilier, le fossoyeur de son économie.

Sous le halo du martyr couve en fait une vaste mystification. De Patrice Lumumba (1961, Congo Kinshasa) à Stephen Bantu Biko, alias Steve Biko (1977, Afrique du sud), en Afrique, à John et Robert Kennedy et Martin Luther King (1963-1968), aux Etats-Unis d’Amérique, à Ernesto Che Guevara de la Sierna (1967, Bolivie) et Salvador Allende (1973, Chili), en Amérique latine, à Bobby Sands (1981, Irlande du Nord), à Olof Palme (Suède), en Europe, au Mahatma Gandhi (1948), Indira Gandhi (1984) et son fils Rajiv, en Inde, à Zulficar Ali Bhutto (1973) et Benazir Bhutto (2007) au Pakistan: Tous les continents regorgent de personnalités charismatiques, héros mythiques tombés sur le champ d’honneur du combat politique, dans certains cas toute une dynastie décimée telles les figures emblématiques du Pakistan, la dynastie Bhutto avec 4 membres tués dont deux premiers ministres, et, la famille Gandhi en Inde avec trois membres tués, dont deux premiers ministres assassinés (Indira et Rajiv).

Mais nul part ailleurs qu’au Liban le culte des martyrs ne prend une telle ampleur au point que la vénération posthume des chefs de clan, la plupart fourvoyés dans des causes perdues, ressortit d’une industrie du martyrologe, une rente de situation pour les ayants droits, un passe droit permanent. Peu de famille demeure dans la sobriété. Beaucoup verse dans l’ostentation qui brandisse le martyr comme un trophée.

Rafic Hariri n’était pas, non plus, un capitaliste au sens classique du terme, à l’instar des capitalistes américains ou européens, dont la fortune s’est accumulée par le libre exercice des lois de l’économie du marché au sein d’un pays de la libre entreprise, aux méthodes souvent orthodoxes, parfois hétérodoxes, toujours concurrentielles. Le milliardaire libano saoudien constituait un rare exemple de «capitalisme décrété» par la volonté d’un parrain, bienfaiteur, certes, mais nullement désintéressé, pour les besoins de sa propre cause.

La sur médiatisation de Rafic Hariri du fait de sa puissance financière et de son empire médiatique, la financiarisation de la vie publique consécutive à la mondialisation, qui a favorisé la propulsion de capitalistes au pouvoir à l’instar de Silvio Berlusconi (Italie) et de Michael Bromberg (Maire de New York), son amitié tonitruante avec le président français Jacques Chirac et les enjeux de puissance que cela véhiculait sur fond de recomposition régionale dans la foulée de la perte de l’Irak pour la France, expliquent, sans la justifier, cette phagocytose et cette proéminence.

La  recherche constante de l’homme providentiel

Sur fond d’une contestation généralisée des supplétifs de la stratégie américaine dans la sphère arabo musulmane, au terme d’une furieuse décennie de «guerre contre le terrorisme», dans la foulée de l’instrumentalisation de  l’Islam comme arme de combat contre l’athéisme de l’Union soviétique, initiée par l’alliance contre nature entre le néo conservatisme américain et le fondamentalisme wahhabite, les hommes liges de l’Amérique se retrouvent en position de projection hors du pouvoir, tels le tunisien Zine el Abidine Ben Ali, «le rempart contre l’intégrisme en Afrique du Nord», l’égyptien Hosni Moubarak, le «fer de lance du combat contre l’arc chiite au Moyen Orient», le complice d’Israël dans le blocus de Gaza, voire même Rafic Hariri, l’héritier du «martyr de l’Occident».

Au vu de la déconfiture occidentale tant en Tunisie, qu’en Côte d’ivoire qu’au Liban et de la contestation de ses auxiliaires en Egypte, en Jordanie et au Yémen, au vu de ce bilan calamiteux se pose la question de la pertinence de la politique de l’homme providentiel et du maintien de cette pratique contraire aux règles de la démocratie.

Un des rares hommes politiques libanais de premier plan à s’être propulsé à la tête de l’état sans avoir auparavant exercé le moindre mandat électif, ni la moindre fonction politique, M. Hariri cherchera à compenser par sa fortune et ses amitiés internationales son inexpérience politique et gouvernementale. Homme de parade, il occupera pendant vingt sept ans (1978 -2005) le devant de la scène politique et médiatique d’abord en tant qu’hommes d’affaires, puis pendant ses dix ans de pouvoir (1992-1998 /2000-2004) comme chef de gouvernement. Relayé par une importante force de frappe cathodique, il reléguera à l’arrière plan non seulement la totalité de la classe politique, mais également le pays lui-même. Il exercera une sorte de magistère de la parole pour promouvoir son projet politique d’identification substitution, confondant dans sa personne et l’état et la nation, donnant par la même un rare exemple de prépotence. A l’heure du bilan, l’erreur lui sera fatale tout comme son excès de confiance dans ses capacités de gestionnaire sur le plan économique et de manoeuvrier sur le plan politique.

La diplomatie saoudienne du «carnet de chèques»

Prestataire de service d’un état rentier, en mission dans la première opération de délocalisation du rigorisme wahhabite au sein d’une société pluraliste et contestataire, le Liban, son lien ombilical le vouera, par fonction et par destination, à pâtir des éventuels contrecoups de son parrain politique, la monarchie saoudienne. Sous parrainage saoudien, Rafic Hariri avait articulé son déploiement international sur deux béquilles, une béquille régionale, syrienne, en la personne du vice président Abdel Halim Khaddam, une béquille occidentale, française, en la personne du président Jacques Chirac. Mal lui en prit.

Au-delà de Rafic Hariri, la «diplomatie du carnet de chèques», maniée de tous temps par les Saoudiens, pour restaurer le pouvoir sunnite tant à Beyrouth qu’à Damas aura ainsi montré son indigence et ses limites et ses vecteurs son manque de consistance: Les deux cautions sunnites inamovibles du pouvoir alaouite, pendant trente ans, le général Moustapha Tlass, ministre de la Défense, et Abdel Halim Khaddam, ministre des Affaires étrangères, deux personnalités de premier plan présumées socialistes du régime baasiste, céderont finalement aux sirènes des pétrodollars saoudiens, avant de se désintégrer. Le militaire laissera convoler sa fille Nahed, une belle tige de la société syrienne, vers le septuagénaire marchand d’armes saoudien Akram Ojjeh, avant de sombrer dans le comique d’un problématique doctorat universitaire parisien, tandis que le diplomate laïc versait dans l’affairisme haririen et l’intégrisme religieux des «Frères Musulmans», avant de se carboniser.

Détail piquant, l’homme en charge du dossier libanais en Syrie pendant trente ans, celui-la même qui était craint par les diverses factions libanaises et redouté par les chancelleries arabes et occidentales qui tonnait la foudre et ordonnait les accalmies, à ce titre responsable au premier chef des dérives syriennes au Liban, le vice-président de la République Abdel Halim Khaddam, sera promu comme sauveur suprême de la Syrie et du Liban.  Il se retrouvera relégué aux oubliettes de l’histoire lâché par tous, y compris par ses nouveaux alliés, l’organisation des «Frères musulmans», celle là même qui s’était lancée à l’assaut du pouvoir, en février 1982, en vue de faire trébucher le régime baasiste dont il était un des piliers, à quatre mois de l’invasion israélienne du Liban.

Le bien nommé Khaddam, dont le patronyme en arabe signifie littéralement «le serviteur», reniera singulièrement son militantisme après avoir abusivement ponctionné le Liban, opérant par cupidité la plus retentissante reconversion de l’histoire politique récente, finissant sa vie en factotum de son coreligionnaire sunnite libanais Rafic Hariri.

Amplement gratifié de sa forfaiture d’un somptueux cadeau, -la résidence du nabab pétrolier grec, Aristote Onassis, sur la plus célèbre artère de la capitale française, l’Avenue Foch- le renégat devra livrer bataille devant la justice française afin de se maintenir dans les lieux, alors que son pendant français, l’ancien président Jacques Chirac avait droit à un appartement avec vue sur Seine, Quai Voltaire à Paris, pensionnaire posthume de son ami, dont l’assassinat résulte vraisemblablement du grand basculement opéré par le président français dans la foulée de l’invasion américaine de l’Irak.

Judas a trahi son Seigneur pour trente deniers. D’autres trahisons valent certes leur pesant d’or mais accablent le renégat d’un discrédit pour l’éternité. Par une cruelle ironie du sort, l’homme qui a sinistré le Liban par la mise su pied d’un tribunal Spécial sur le Liban instrumentalisé pour juger les assassins de Rafic Hariri, Jacques Chirac devra répondre, en personne, devant la justice de son pays, le 7 Mars 2011, des affaires en rapport avec l’argent illicite, illustration pathétique de la prévarication étatique.

Entre Saad Hariri et Hassan Nasrallah, une différence d’échelle

Sur le plan interne, entre le sunnite Rafic Hariri et le chiite Hassan Nasrallah, d’une manière encore plus criante entre Saad Hariri et le chef du Hezbollah, existe une différence d’échelle. Les deux ont pris les rênes du pouvoir politique, la même année, en 1992, mais l’un à l’inverse de l’autre. Rafic Hariri a été propulsé sous George Bush Senior et a implosé sous George Bush Junior, quand Hassan Nasrallah s’imposait contre le père et survivait au fils.

Entre les deux acteurs majeurs de la vie politique libanaise existe une différence d’échelle, une différence de niveau. Face à un Hassan Nasrallah, impérieux, faisant front à Israël qu’il humiliera par sa riposte balistique et sa maîtrise de l’art de la guerre asymétrique, Saad Hariri avait, il est vrai, fait piètre figure, quatre ans plus tôt, en juillet 2006.

Chef de la majorité parlementaire et député d’une ville reconstruite par son père, à nouveau détruite par l’aviation israélienne, l’héritier, plutôt que de partager le sort de ses concitoyens, plutôt que de se préoccuper des besoins de ses électeurs, se mettra au frais à l’étranger à des milliers de km du champ de bataille, laissant la conduite des opérations à ses rivaux, le Président Emile Lahoud, ostracisé par la communauté internationale, et le chef du Hezbollah, glanant au passage le sobriquet de «planqué de Beyrouth». Il se couvrira de ridicule de même que son mentor Fouad Siniora lorsque le premier ministre de l’époque éclatera en sanglots devant les destructions infligées à Beyrouth par ses amis américains par israéliens interposés, s’inclinant enfin devant son rival chiite propulsé au firmament de la popularité panarabe.

Le Hezbollah a rompu, psychologiquement et militairement, le défaitisme ambiant du monde arabe, alors que l’héritier théorise la soumission au Diktat américain au prétexte de protéger son pays d’un cordon de sécurité. Chef d’une formation disposant de la plus forte cohésion idéologique et sociale, bras armé de la stratégie de la contestation de l’hégémonie israélo américaine sur la sphère arabe, Hassan Nasrallah tire sa force de ses exploits, Saad Hariri de son rôle de paravent aux menées israélo américaines. Le moine soldat est un prescripteur essentiel de l’ordre régional, le milliardaire libano saoudien, un prestataire de services pour le compte de ses commanditaires. Autrement dit, le chiite force le destin quand le sunnite le subit.

Saad Hariri, un binational libano saoudien, plus saoudien que libanais

Natif d’Arabie saoudite, le pays de son premier choix qu’il assure avoir quitté à contre coeur pour répondre à l’appel du devoir à Beyrouth, binational libano saoudien, plus saoudien que libanais, Saad Hariri est un cas parfait d’alibi saoudien, la caution sunnite de la stratégie hégémonique occidentale sur le Liban. Son père a payé de sa vie le prix de cette servitude, lui léguant une dette publique de cinquante milliards de dollars, en guise de cadeau posthume à son entrée en fonction, au titre de sa gestion erratique.

Compagnon festif du fils du roi Fahd d’Arabie, rien ne prédestinait Saad à la direction d’un pays aussi singulier que le Liban, la poudrière par excellence du Moyen orient. Pas plus ses balises que ses protecteurs, que sa fortune, ne seront d’un grand secours à l’héritier Hariri aux heures décisives, propulsé à l’épicentre du pouvoir d’un pays névralgique sans la moindre préparation.

A l’Automne 2010, Saad Hariri, au terme de son voyage à Canossa, fait face à un terrible dilemme. Le tribunal international ou le gouvernement. Autrement dit, son attachement à la juridiction ad hoc que son écurie politique a instrumentalisée pour perpétuer sa mainmise politique sur le Liban ou son maintien à la tête du gouvernement au sein d’une coalition nationale.

Saad Hariri a admis, tour à tour, la mise en cause abusive de la Syrie par les enquêteurs internationaux sur la base de faux témoignages, de même que l’existence de faux témoins, sans toutefois en tirer les ultimes conséquences de son aveu: le jugement des faux témoins. Sa rémission, pour être complète, suppose qu’il boive la coupe jusqu’à la lie, à l’effet de lui ouvrir définitivement le chemin de Damas et de lui assurer une quiétude, gage de sa pérennité politique.

«Le planqué de Beyrouth», le sobriquet qu’il a glané en juillet 2006, lorsqu’il déserta la capitale dont il est le député pour se mettre à l‘abri des bombes israéliennes, empruntera le chemin de la fuite, pour la troisième fois, en novembre 2010, en plein débat gouvernemental sur le jugement des faux témoins de l’enquête sur l’assassinat de son père, entreprenant, une longue tournée diplomatique de trois semaines au Koweït, à Abou Dhabi, Téhéran, Moscou et Paris, pour se donner une contenance internationale, à défaut de consistance, accréditant l’idée d’un fugitif.

En cinq ans, l’homme de la relève aura fui trois fois, soit une fuite en moyenne tous les dix huit mois. N’est pas Invectus (l’Invincible) qui veut. Et, au vu de son comportement, particulièrement lors de la guerre de destruction israélienne du Liban, en juillet 2006, gageons que Saad Hariri n’est « ni maître de mon destin, ni capitaine de son âme ».

L’un des plus célèbres transfusés politiques de l’époque contemporaine, au même titre que Hamid Karzai (Afghanistan) et Mahmoud Abbas (Palestine), Saad Hariri a implosé , à la mi janvier, victime collatérale du basculement psychologique opéré par «le printemps arabe» avec la chute de la dictature tunisienne, la caramélisation  de l’égyptien Hosni Moubarak, l’un de ses grands protecteurs sur la scène sunnite libanaise,  et de l’instrumentalisation de la Justice internationale aux fins d’une guerre de substitution à l’Iran par la criminalisation du Hezbollah.

Rafic Hariri et Benazir Bhutto, une situation de parfaite similitude pour un traitement différencié.

Rafic Hariri (Liban) et Benazir Bhutto (Pakistan) se situaient aux extrémités d’un axe politique ayant vocation à servir de levier de transformation de l’Asie occidentale en «Grand Moyen Orient».

Les deux anciens premiers ministres, le sunnite libanais et la chiite pakistanaise, tous deux assassinés à deux ans d’intervalles, présentaient un cas de similitude absolu dans leurs fonctions, les deux d’ailleurs en connexion étroite avec l’Arabie saoudite dans la mesure ou Rafic Hariri était le co-garant avec le Prince Bandar Ben Sultan, le président du Conseil national de sécurité, de l’accord régissant le retour d’exil de l’ancien premier ministre pakistanais Nawaz Charif, rival de Benazir. Une garantie reprise à son compte par Saad Hariri, l’héritier politique du clan Hariri au Liban. En dépit de cette similitude, les deux «martyrs pro occidentaux» bénéficieront, curieusement, d’un traitement différencié.

Le sunnite libanais aura droit à un tribunal international ad hoc, la chiite pakistanaise, pas, quand bien même les assassinats ont continué à se produire au Pakistan, comme en témoigne en janvier 2011, le meurtre du gouverneur du Pendjab.

L’acte d’accusation

En 430 jours de mandature gouvernementale, Saad Hariri aura passé deux cent jours hors du Liban, soit la moitié de son mandat dans le giron de ses multiples protecteurs. La sanction, inéluctable, s’abattra, dans toute sa brutalité, le 12 janvier 2011, à l’instant même où il franchissait le seuil de la Maison Blanche. Comme pour lui signifier son mécontentement et sa lassitude devant le protectorat de fait que son comportement dilatoire imposait au pays, l’opposition libanaise a fait démissionner, ce jour là, les onze ministres de sa mouvance entraînant la démission de facto du gouvernement d’union nationale qu’il présidait. Survenue alors que Saad Hariri s’apprêtait à s’entretenir avec Barack Obama, cette spectaculaire démission collective a retenti comme un double camouflet tant à l’égard du président américain qu’à l’égard du chef du clan saoudo américain au Liban.

Sans surprise, le procureur du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) a déposé auprès du greffe du tribunal international l’acte d’accusation au cours d’une audience à huis clos, le 17 janvier, le jour présumé du début des consultations parlementaires désigner le successeur de Saad Hariri à la tête visant à la formation d’un nouveau gouvernement.

Une programmation qui ne doit rien au hasard.  Le calendrier de la juridiction internationale placerait ainsi les tractations politiques libanaises sous la pression d’une éventuelle menace de criminalisation du Hezbollah et offrirait à la coalition pro occidentale la possibilité de galvaniser les ardeurs de leurs troupes en cette période commémorative du 6eme anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri, le 14 février 2005, en vue d’imposer la reconduction du mandat gouvernemental de l’héritier du clan.

La diplomatie occidentale est coutumière de tels procédés. Un premier coup de semonce avait été lancé à l’encontre du Hezbollah, avec l’assassinat de Imad Moughnieh, le responsable militaire de la formation chiite, le 13 février 2008, à la veille de la commémoration du 3eme anniversaire de l’assassinat du milliardaire saoudo libanais, elle récidivera, en 2011, en fixant au 7 février, l’audience du TSL pour la publication de l’acte d’accusation, soit à une semaine de la commémoration du 6eme anniversaire de l’assassinat de Hariri père. Une démarche similaire à celle qui se produisit au moment de la bataille législative libanaise, où Hilary Clinton, secrétaire d’état, et, son adjoint Jeremy Feltman, avaient fait un forçing similaire, en juin 2009, pour maintenir la majorité parlementaire au sein de la coalition occidentale.

Le juge Daniel Fransen disposera de six semaines pour étudier les preuves remises par le procureur pour étayer ses accusations. Si celles-ci étaient confirmées, elles seront ensuite transmises aux autorités des Etats où résident les accusés. Le secrétaire général du Hezbollah, qui attribue cet attentat à Israël, a lui-même affirmé, dans de nombreux discours prononcés depuis mars 2010, que le procureur ciblait, à tord, des membres de son parti.

Il a affirmé,  en octobre 2010, que toute personne qui arrêterait l’un des membres de « la résistance » aurait « la main coupée ». La question clé de ces accusations est de savoir s’il  dispose d’éléments concrets pour confondre les commanditaires.

Cadeau déguisé des Etats-Unis d’Amérique à l’Arabie saoudite, en compensation de la contribution des «Arabes afghans» dans la victoire occidentale dans la guerre antisoviétique d’Afghanistan, Rafic Hariri a été parachuté à la tête du gouvernement libanais dans la foulée de la conclusion de l’accord interlibanais de Taëf, qui mis fin à la guerre civile libanaise (1975-1990), en rongeant les prérogatives constitutionnelles des Maronites.

Chef du clan américano saoudien au Liban, Rafic Hariri, ancien partenaire de la Syrie reconverti en fer de lance du combat antibaasiste, a été, en protée de la vassalité, un exécutant majeur de la pantomime du Moyen-Orient, et, à ce titre, une victime majeure du discours disjonctif occidental, discours prônant la promotion des valeurs universelles pour la protection d’intérêts matériels, discours en apparence universel mais à tonalité morale variable, adaptable en fonction des intérêts particuliers des Etats et des dirigeants. Pur produit de la financiarisation de la vie publique nationale du fait de la mondialisation économique, Rafic Hariri aura implosé à l’instar d’une bulle financière, en purge d’un passif, en solde de tout compte.

L’histoire du Monde arabe abonde de ces exemples de «fusibles» magnifiés dans le «martyr», victimes sacrificielles d’une politique de puissance dont ils auront été, les partenaires jamais, les exécutants fidèles, toujours. Dans les périodes de bouleversement géostratégique, les dépassements de seuil ne sauraient se franchir dans le monde arabe sans déclencher des répliques punitives. Le Roi Abdallah 1er de Jordanie, assassiné en 1948, le premier ministre irakien Noury Saïd, lynché par la population 10 ans après à Bagdad, en 1958, ainsi que son compère jordanien Wasfi Tall, tué en 1971, le président égyptien Sadate en 1981, le président libanais Bachir Gemayel, dynamité à la veille de sa prise du pouvoir en 1982, l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri en 2005, et l’ancien premier ministre du Pakistan Benazir Bhutto en 2007, enfin, constituent à cet égard les plus illustres témoins posthumes de cette règle non écrite des lois de la polémologie si particulière du Moyen-Orient. Tel pourrait être l’enseignement majeur de cette séquence dont la victime principale aura été l’espérance.

Immarcescible, Beyrouth, que le ministre saoudien des affaires étrangères, Saoud Al Faysal, voulait «débarrasser de ses voyous», lors du siège israélien de la capitale libanaise, en juin 1982, dont le secrétaire d’état Alexander Haig voulait  en «conserver le port… dans le camp de l’Occident».

Conscience critique de toute une génération politique, soupape de sécurité des gouvernements arabes pendant un demi siècle, pacifiée, normalisée, reconstruite par Rafic Hariri, à nouveau détruite par Israël, Beyrouth, immarcescible, demeure le pôle de référence inoxydable de la combativité libanaise et arabe, exerçant désormais une fonction traumatique à l’égard des Israéliens, au grand désespoir des Occidentaux, de leurs alliés arabes et du Clan Hariri au Liban.

Sic Transit Gloria Mundi… Ainsi passent les gloires de ce  monde.

Pour aller plus loin

Rafic Hariri- Jacques Chirac: le récit d’une bérézina diplomatique http://www.renenaba.com/?p=557

Hassan Nasrallah, l’indomptable : http://www.renenaba.com/?p=2685

Le martyrologe Libanais: entre instrumentalisation du martyr et rente de situation

La séquence chrétienne http://www.renenaba.com/?p=239

La séquence musulmane http://www.renenaba.com/?p=244

Le Tribunal Spécial sur le Liban à l’épreuve de la guerre de l’ombre 1/3

Le Liban, une passoire   http://www.renenaba.com/?p=2718

Le Liban, banc d’essai de la théorie de la dissension sociale2/3  http://www.renenaba.com/?p=2733

Les Etats-Unis, une justice à la carte, la France en suspicion légitime3/3  http://www.renenaba.com/?p=2765

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