Adieu, Vittorio!


Communiqué de presse des Éditions Zambon
Giuseppe Zambon
Traduit par  Michèle Mialane

« Un militant italien pro-palestinien a été trouvé mort quelques heures après son enlèvement. D’après un communiqué du Hamas aux premières heures du vendredi, il a été exécuté peu après son enlèvement, le jeudi après-midi. Il était âgé de 36 ans. Il a été tué « de façon atroce » selon un porte-parole du Ministère de l’Intérieur. Les ravisseurs étaient décidés d’emblée à l’assassiner, jamais il n’a été question d’un échange de prisonniers.» ((Voir ici)

Nous sommes bouleversés, tristes et remplis de fureur. Cet homme de 36 ans, Vittorio Arrigoni, était l’auteur d’un livre publié chez nous, « Gaza – rester humain » et militant du Mouvement international de solidarité avec la Palestine (ISM).

Vittorio à Gaza

Un porte-parole du gouvernement du Hamas dans la bande de Gaza a condamné ce crime « abominable ». Les autres membres du groupe, a-t-il dit, seront découverts et on leur demandera des comptes. L’Autorité palestinienne, en Cisjordanie, avait déjà condamné l’enlèvement. « Cet acte ne sert pas la cause du peuple palestinien, bien au contraire, elle la dessert », selon une déclaration du gouvernement de Ramallah (voir ici).

De fait, qui tire profit du meurtre d’un pacifiste, qui se revendiquait lui-même comme tel et a aidé en 2008, par des moyens pacifiques, le peuple gazaoui à se protéger de la terreur quotidienne que lui inflige le régime d’apartheid israélien ?

Dans une vidéo, une organisation salafiste revendique l’enlèvement de Vittorio. Il s’agirait du groupe dirigé par le Cheikh Abou Walid-al-Maqdasi, arrêté à Gaza au mois de mars. Les ravisseurs demandent sa libération en échange de celle d’Arrigoni. Ce groupe entretiendrait des contacts avec Al Qaida (voir ici).

Ces salafistes ne seraient pas des Palestiniens mais des étrangers, qui selon le Jerusalem Post seraient entrés en Palestine en passant par l’Égypte (voir ici)

À notre connaissance, il s’agit du groupe Tawhid Al Jihad, dirigé par Abou Walid-al-Maqdasi, et qui serait soutenu par l’Arabie saoudite. Nous ne serions pas étonnés que la CIA y soit mêlée d’une façon ou d’une autre en l’instrumentalisant à son profit.

Les circonstances de l’enlèvement laissent pantois. Peu après l’expiration du délai fixé par les ravisseurs, Vittorio a été découvert dans une maison d’habitation, étranglé et portant des traces de tortures. La maison n’a pas été forcée. Les ravisseurs n’ont de toute évidence pas non plus négocié avec le Hamas, mais assassiné de sang-froid leur « précieuse proie », c’est-à-dire Vittorio. C’est un scénario d’enlèvement inhabituel. Le dernier enlèvement à Gaza date de 2007. La victime était le correspondant de la BBC, libéré par le Hamas en juillet 2007. Arrigoni a été assassiné trois heures après son enlèvement et 6 heures avant l’expiration de l’ultimatum. Cela laisse pantois. En outre, nous voudrions savoir pourquoi l’otage a été torturé ? Ce n’est pas non plus pratique courante. Que voulait-on apprendre de lui ? Que de questions sans réponse ! (Voir ici)

Nous nous demandons donc quels autres pouvaient avoir intérêt à ce meurtre ? Doit-on chercher les commanditaires en un tout autre lieu ?

4 avril 2011
L’acteur et pacifiste Juliano Mer-Khamis est abattu à Djénine.
Ce sont des inconnus masqués qui ont tiré sur Mer-Khamis.
14 avril 2011
Exécution du pacifiste Vittorio Arrigoni

Dans les deux cas le meurtre est revendiqué par des salafistes, nous dit-on.

D’abord Juliano, ensuite Vittorio. Est-ce vraiment un hasard ?

Il y a déjà des mois que nous avions découvert que Vittorio figurait en tête d’une liste de personnes à exécuter dressée par des extrémistes sionistes.
Nous nous demandons à qui profitent ces meurtres. Certainement pas à la lutte de libération du peuple palestinien. À qui donc ?

Il faut intimider les militants pacifistes et les faire taire. Ils doivent quitter Gaza, cette prison à ciel ouvert, afin que plus personne ne puisse informer sur les conditions de vie de ses habitants.
Les Israéliens doivent pouvoir perpétrer leurs crimes de guerre à l’abri du regard du reste du monde.
Les pacifistes « gênent le processus de paix » car leur pacifisme gagne au peuple palestinien sympathie et solidarité.

Et désormais ce sont des Palestiniens, bien sûr plus « radicaux» encore que le Hamas, qui tuent leurs propres sympathisants. La boucle se referme ; ce sont eux les ennemis. Cela sèmera le trouble dans une opinion mal informée. Provoquera des réactions du genre : « Vous voyez bien, ce sont des fous extrémistes, qui tuent ceux qui les soutiennent. Sympathisants, ouvrez les yeux, cessez de soutenir les Palestiniens. Et quittez Gaza avant qu’ils ne vous tuent. »

Il faut faire peur aux futurs militants pacifistes, ou les intimider.
Bien sûr, il fallait parler d’Al-Qaida. À lui seul le mouvement sert de repoussoir. Tout le monde dira : « Vous voyez, ils étaient là aussi ! ». On suggère ainsi de façon subliminale qu’Al-Qaida se mêle aussi de la Palestine. Bonjour, le 11 septembre !

Parallèlement on essaie de faire passer une image sanguinaire des Palestiniens. « Voilà qu’ils s’entretuent. Et bien sûr ils se comportent de même envers les pauvres Israéliens, obligés de se défendre en permanence contre ces terroristes. ». Nous connaissons bien, le « Bild », entre autres nous le répète. Et bien sûr « l’Islam » ne doit pas être épargné. Ce sont des salafistes qui sont à l’œuvre. Le tableau est complet.

Ces meurtres ne servent qu’Israël et sa propagande. Et donc les ennemis des Palestiniens.

C’est pourquoi nous nous demandons : les commanditaires ne seraient-ils pas d’aventure en Israël ? N’aurait-on pu infiltrer les salafistes pour les pousser à assassiner Vittorio ? Ne pourrait-il y avoir des agents provocateurs, chez les Palestiniens, bien « payés » par le Mossad ou quelque autre ?
Ci-après quelques photos de la présentation du livre au DGB Haus (Maison des syndicats) de Francfort en mars 2009.


Merci à Tlaxcala
Source: http://www.zambon.net/de/VittorioArrigoni.php
Date de parution de l’article original: 14/04/2011
URL de cette page: http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=4589

« Rester Humain à Gaza »


samedi 16 avril 2011

Une oeuvre de Vittorio Arrigoni, à lire et à poursuivre.

Communiqué à la mémoire de Vittorio Arrigoni

Aujourd’hui, 15 avril 2011, la grande famille des défenseurs des droits humains à travers le monde est orpheline, une fois de plus, une fois de trop comme à chaque fois : Vittorio Arrigoni, journaliste et militant pacifiste d’ISM vient d’être lâchement assassiné à Gaza. Après Juliano Mer-Khamis, le directeur israélo-palestinien du Théâtre de la Liberté à Jénine. Après tant d’autres, journalistes, syndicalistes, artistes, défenseurs des droits pour la justice, citons pour rappel le dessinateur de presse et caricaturiste palestinien Naji al-Ali, assassiné à Londres en 1987.

Ces empêcheurs de tourner en rond dont les seules armes sont un stylo, un carnet de notes ou de dessins, un clavier pour animer un blog sur internet ou lancer une pétition, une pièce de théâtre, un livre, une vidéo ou un film… et que les puissants de ce monde surveillent comme le lait sur le feu !

Vittorio Arrigoni était (comme ça fait mal d’utiliser ce verbe au passé !) de la race des tenaces, ceux qui ne lâchent pas le morceau facilement. Voici ce qu’écrit à son sujet son ami et compagnon d’ISM, Alberto Arce* : « Vittorio était arrivé à Gaza en août 2008. Pendant plusieurs semaines, il a accompagné les pêcheurs palestiniens sur lesquels tiraient les patrouilles israéliennes, les empêchant de réaliser leur travail au large de la bande de Gaza. Vittorio a été enlevé par une patrouille israélienne, menotté, emprisonné et expulsé vers l’Italie. Son crime : filmer avec une caméra vidéo comment l’armée israélienne, violant toutes les normes internationales, empêchait les pêcheurs palestiniens de travailler en mer. À peine deux semaines plus tard, Vittorio retournait à nouveau en bateau à Gaza. Une volonté tenace. La droiture de celui qui est prêt à aller jusqu’au bout. Au nom de ses principes et de ses convictions. Vittorio n’est pas un aventurier. Vittorio est un combattant. Comme il n’y en a plus. Et en plus il écrit, et plutôt bien… »

Fin 2008, au moment de l’opération Plomb durci menée contre Gaza par l’armée israélienne, Vittorio Arrigoni avait refusé de partir. Il s’en explique dans son vibrant et insoutenable témoignage** écrit sur place : « Dans la bande de Gaza, nous sommes tous devenus des cibles mobiles, sans la moindre exception. Le consulat italien m’a contacté à l’instant : demain, ils vont évacuer notre dernière ressortissante, une religieuse âgée qui vit depuis vingt ans à proximité de l’église catholique de Gaza et qui avait été totalement acceptée ici par les Palestiniens. Le consul me pria amicalement de profiter de cette dernière occasion pour me joindre à la sœur afin de fuir à mon tour cet enfer. Je le remerciai pour son offre généreuse, mais je ne bougerai pas d’ici, je ne peux pas. » Et il conclut, en parlant de ses compagnons d’ISM : « À travers l’affliction vécue sur place, nous sommes tous, Italiens, Espagnols, Anglais ou Australiens devenus entre-temps des Palestiniens. »…

Hélas, Vittorio Arrigoni ne sera plus là pour venir à la barre des témoins, mais sa parole et son témoignage resteront à jamais vivants. À travers ses écrits et articles largement diffusés. Et surtout son livre « Rester humain à Gaza, décembre 2008-juillet 2009, journal d’un survivant » *

Élias Samouni, Strasbourg, 15 avril 2011.

* adaptation française par SCRIBEST qui annonce :

En accord avec la librairie Résistances à Paris, les bénéfices sur les ventes du livre seront reversés à ISM et à la famille de Vittorio Arrigoni : http://www.librairie-resistances.co… (rubrique choix du libraire). Coordonnées de la librairie : Librairie Résistances 4 Villa Compoint 75017 Paris.(Métro ligne 13, direction « Saint-Denis Université » ou « Gabriel Péri Asnières-Genevilliers » Station Guy Môquet ou Brochant)

Armand Caspar

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