L’immaturité comme origine du mal: étude clinique du cas de Bachar el-Assad


par le docteur Haytham Khoury

Dans ma réponse1 à l’Initiative nationale pour le changement2, qui était basée sur la prémisse que Bachar allait démissionner peu après le début des manifestations, j’ai expliqué que cela n’arriverait pas et que  le combat avec le régime allait prendre plusieurs mois.

J’ai basé mon jugement sur mon évaluation personnelle de la situation en Syrie et aussi sur ma connaissance personnelle de la personnalité de Bachar. Cette personnalité se caractérise principalement par son immaturité et en conséquence par son manque de conscience. La question que beaucoup peuvent se poser est comment l’immaturité personnelle peut conduire une personne à perdre son âme et sa conscience. Ainsi,pour rester au pouvoir, il commet des crimes affreux, et se détruit lui-même ainsi que beaucoup de gens autour de lui.

Une caractéristique importante des personnes matures, c’est qu’elles peuvent comprendre et faire face à des réalités sociales complexes. Ces complexités résultent principalement de la profondeur de la psyché humaine et de la complexité des relations sociales. Ainsi, des personnes mûres peuvent comprendre leurs propres besoins qui leur sont nécessaires pour grandir psychologiquement et s’épanouir.

De plus, elles peuvent comprendre les besoins réels des autres, qui sont importants pour que ces personnes réalisent leur propre potentiel. Ainsi, les personnes matures peuvent satisfaire leurs propres besoins et les besoins des autres d’une manière harmonieuse. Enfin, les personnes matures ont une bonne connaissance des lois qui régissent les relations et les interactions humaines,elles mènent ainsi leur vie de la manière la plus bénéfique pour elles et pour leur entourage.

Elles apprennent ainsi à prendre des décisions et à être conscientes de leur pouvoir.

En effet, en tant qu’êtres humains, nous développons ces capacités dans le laboratoire de la vie à travers nos expériences personnelles  dès les premiers jours de nos vies. Si pour quelque raison que ce soit notre vie n’est pas enrichie par des expériences dont nous tirons les leçons, nous ne pouvons pas acquérir ces capacités.

D’ailleurs, toutes ces capacités déterminent l’état de notre conscience et nous rendent donc en mesure d’établir des principes sûrs pour distinguer le bien du mal. Par conséquent, les gens matures sont caractérisés par une conscience développée, tandis que les gens immatures n’ont pas cette faculté précieuse.

J’ai connu Bachar pendant mes études de médecine. Bachar à cette époque avait l’air gentil et modeste. D’ailleurs, il avait l’air heureux, ou plutôt il avait l’habitude de plaisanter tout le temps. Ce caractère mettait son entourage à l’aise. Cela, parce qu’il n’était pas besoin d’être formel même en étant en présence du fils du président.

Cependant, quand je réfléchis maintenant au comportement de Bachar pendant ses études de médecine, je pouvais voir les premiers signes de son immaturité. En effet, ses relations avec les gens autour de lui étaient superficielles. Il était très entouré , mais il n’avait pas de véritable vrai ami . Il avait pourtant besoin de profondes et vraies relations pour pouvoir mûrir et grandir psychologiquement. Il avait besoin de relations réelles afin de se connaitre et de connaitre les êtres humains autour de lui. En outre, ses plaisanteries étaient une sorte de rigolade superficielle; elles ne venaient pas de situations tirées de la vie réelle, ni ne reflétaient un bon état d’esprit ou de l’intelligence.

En effet, Bachar était déconnecté de sa propre réalité et de celle de son entourage et sa personnalité agréable et amusante n’était qu’une dérobade.

J’ai formulé mon interprétation de la personnalité de Bachar ci-dessus à partir des idées que j’ai acquises en étudiant le parcours de sa présidence et en reliant ces idées aux souvenirs anciens que j’ai gardés de Bachar .

Puisque j’ai assez parlé de mes anciens souvenirs, penchons-nous sur le parcours de sa présidence. Bachar a commencé son mandat avec son célèbre discours d’investiture. Dans ce discours, Bachar a promis beaucoup de réformes. Cependant, dix ans plus tard, il est venu nous dire qu’il n’avait été en mesure de réaliser aucune de ces réformes en raison de circonstances difficiles.

De fait, si Bachar n’a pas été capable de réaliser ces réformes, c’est qu’il a un handicap inhérent à sa personnalité. Ce handicap est précisément son indécision et son sentiment omniprésent d’impuissance.

Un autre événement qui a marqué le début de la présidence de Bashar a été le printemps de Damas. Lorsque Bachar a autorisé les forums de discussion, il a sous-estimé l’amplitude du désir des Syriens pour la liberté d’expression et les échanges intellectuels. Il ne comprenait pas l’effet de plusieurs décennies de répression de la liberté d’expression. Il ne comprenait pas que lui et les gens autour de lui n’avaient pas la perspicacité intellectuelle leur permettant de suivre les idées qui pourraient découler de ces forums. Il se voyait comme un adulte distribuant des bonbons à des enfants, et les enfants devaient être heureux et reconnaissants de ce cadeau. Ainsi, lorsque ces forums ont essaimé et que les « chiens de garde» du régime n’ont pas été en mesure de suivre les idées issues de ces forums, Bachar a ordonné la brusque fermeture de ces forums, et a même envoyé certains participants en prison. Il a semé non seulement la déception, mais aussi la douleur et l’amertume parmi les intellectuels syriens.

Une autre grosse erreur que Bachar a commise a été de mélanger les affaires de l’État avec les affaires familiales. L’exemple le plus flagrant de ce népotisme a été le monopole sur le business des téléphones mobiles que Bachar a offert à son cousin (Rami Makhlouf); il a ainsi choqué les hommes d’affaires damascènes en rompant l’accord implicite que Hafez al-Assad avait passé avec eux. Cela l’a aussi conduit à mettre Riad Saif et Maamoun al-Homsi en prison sur de fausses accusations, ce qui a blessé la classe traditionnelle des hommes d’affaires damascènes. Tous les exemples mentionnés ci-dessus reflètent l’incapacité de Bachar à comprendre et gérer des réalités sociales complexes.

Cependant, l’exemple le plus choquant de ses émotions négatives et de sa déconnexion d’avec la réalité a été son premier discours lors de la révolution syrienne, au cours duquel il souriait tout le temps tandis que des gens mouraient dans la rue. Ce sourire indiquait que Bachar avait perdu toute forme de conscience. De plus, ce sourire m’a fait penser à son sourire naïf et immature quand il était jeune et comment il s’est transformé en un sourire idiot et méchant quand il est devenu plus âgé. Cela m’a suggéré l’idée que l’immaturité engendre le mal.

En effet, tous les exemples mentionnés ci-dessus reflètent la façon dont des situations complexes, comme la présidence, peuvent faire voler en éclats les fondements psychologiques des gens immatures et naïfs, les transformant en personnes sans conscience et en chefs impitoyables, amenés à commettre des crimes atroces.

De plus, il y a de quoi nous faire douter de la sagesse du père, Hafez el-Assad, dont le souhait d’éternité l’a amené, malgré les mises en garde contre cette décision, à léguer son trône à un fils incapable, Bachar, lui jetant ainsi une malédiction.

(1) http://haytham-khoury.blogspot.com/2011/09/reponse-linitiative-nationale-pour-le.html

(2) http://www.facebook.com/note.php?note_id=222919367722674

Grèce : on va droit au “génocide financier”


22 septembre 2011
Vienne
Thessalonique, le 16 septembre. Un homme tente de s'immoler par le feu pour protester contre le gouvernement, les banques et les partis politiques.

Thessalonique, le 16 septembre. Un homme tente de s’immoler par le feu pour protester contre le gouvernement, les banques et les partis politiques.

AFP

Ainsi les Grecs “refusent d’économiser” ? Un juriste de Vienne, qui a un pied-à-terre à Athènes, les a observés au quotidien. Sa conclusion : ils économisent à en crever.

On ne peut rester sans réagir aux diverses déclarations des plus hauts responsables de toute l’Europe, certaines frisant l’imbécillité, au sujet de ces « fainéants » de Grecs qui « refusent d’économiser ».

Depuis 16 mois, je dispose d’une résidence secondaire à Athènes, et j’ai vécu cette situation dramatique sur place. On se plaint que les plans d’économie ne fonctionnent pas parce que les revenus fiscaux chutent. On remet en question la volonté des Grecs d’économiser. Quelle surprise ! Voici quelques faits :

– Réductions des salaires et des retraites jusqu’à 30 %.

– Baisse du salaire minimum à 600 euros.

– Hausse des prix dramatique (fioul domestique + 100 % ; essence + 100 %, électricité, chauffage, gaz, transports publics + 50 %) au cours des 15 derniers mois.

Le renflouement de l’UE repart à 97% vers l’Union

– Un tiers des 165 000 entreprises commerciales ont fermé leurs portes, un tiers n’est plus en mesure de payer les salaires. Partout à Athènes, on peut voir ces panneaux jaunes avec le mot « Enoikiazetai » en lettres rouges – « A louer ».

– Dans cette atmosphère de misère, la consommation (l’économie grecque a toujours été fortement axée sur la consommation) a plongée de manière catastrophique. Les couples à double salaire (dont le revenu familial représentait jusqu’alors 4 000 euros) n’ont soudain plus que deux fois 400 euros d’allocations chômage, qui ne commencent à être versées qu’avec des mois de retard.

– Les employés de l’Etat ou d’entreprises proches de l’Etat, comme Olympic Airlines ou les hôpitaux, ne sont plus payés depuis des mois et le versement de leur traitement est repoussé à octobre ou à « l’année prochaine ». C’est le ministère de la Culture qui détient le record. De nombreux employés qui travaillaient sur l’Acropole ne sont plus payés depuis 22 mois. Quand ils ont occupé l’Acropole pour manifestation (pacifiquement !), ils en ont rapidement eu pour leur argent, à coups de gaz lacrymogène.

– Tout le monde s’accorde à dire que les milliards des tranches du renflouement de l’UE repartent à 97 % directement vers l’Union, vers les banques, pour éponger la dette et les nouveaux taux d’intérêt. Ainsi le problème est-il discrètement rejeté sur les contribuables européens. Jusqu’au crash, les banques encaissent encore des intérêts copieux, et les créances sont à la charge des contribuables. Il n’y a donc pas (encore ?) d’argent pour les réformes structurelles.

– Des milliers et des milliers d’auto-entrepreneurs, chauffeurs de taxis et de poids lourds, ont dû débourser des milliers d’euros pour leur licence, et ont pris des crédits à cet effet, mais ils se voient aujourd’hui confrontés à une libéralisation qui fait que les nouveaux venus sur le marché n’ont presque rien à payer, tandis que ceux qui sont présents depuis plus longtemps sont grevés par leurs énormes crédits, qu’ils doivent néanmoins rembourser.

– On invente de nouvelles charges. Ainsi, pour déposer une plainte à la police, il faut payer sur le champ 150 euros. La victime doit sortir son porte-monnaie si elle veut que sa plainte soit prise en compte. Dans le même temps, les policiers sont obligés de se cotiser pour faire le plein de leurs voitures de patrouille.

– Un nouvel impôt foncier, associé à la facture d’électricité, a été créé. S’il n’est pas payé, l’électricité du foyer est coupée.

– Cela fait plusieurs mois que les écoles publiques ne reçoivent plus de manuel scolaire. L’Etat ayant accumulé d’énormes dettes auprès des maisons d’édition, les livraisons ne sont plus effectuées. Les élèves reçoivent désormais des CD et leurs parents doivent acheter des ordinateurs pour leur permettre de suivre les cours. On ignore complètement comment les écoles – surtout celles du Nord – vont régler leurs dépenses de chauffage.

Où est passé l’argent des dernières décennies ?

– Toutes les universités sont de fait paralysées jusqu’à la fin de l’année. Bon nombre d’étudiants ne peuvent ni déposer leurs mémoires ni passer leurs examens.

– Le pays se prépare à une vague d’émigration massive et l’on voit apparaître des cabinets de conseil sur la question. Les jeunes ne se voient plus aucun avenir en Grèce. Le taux de chômage atteint 40 % chez les jeunes diplômés et 30 % chez les jeunes en général. Ceux qui travaillent le font pour un salaire de misère et en partie au noir (sans sécurité sociale) : 35 euros pour dix heures de travail par jour dans la restauration. Les heures supplémentaires s’accumulent sans être payées. Résultat : il ne reste plus rien pour les investissements d’avenir comme l’éducation. Le gouvernement grec ne reçoit plus un sou d’impôt.

– Les réductions massives d’effectif dans la fonction publique sont faites de manière antisociale. On s’est essentiellement débarrassé de personnes quelques mois avant qu’elles n’atteignent leur quota pour la retraite, afin de ne leur verser que 60 % d’une pension normale.

La question est sur toutes les lèvres : où est passé l’argent des dernières décennies ? De toute évidence, pas dans les poches des citoyens. Les Grecs n’ont rien contre l’épargne, ils n’en peuvent tout simplement plus. Ceux qui travaillent se tuent à la tâche (cumul de deux, trois, quatre emplois).

Tous les acquis sociaux des dernières décennies sur la protection des travailleurs ont été pulvérisés. L’exploitation a désormais le champ libre ; dans les petites entreprises, c’est généralement une question de survie.

Quand on sait que les responsables grecs ont dîné avec les représentants de la troïka [Commission européenne, BCE et FMI] pour 300 euros par personne, on ne peut que se demander quand la situation finira par exploser.

La situation en Grèce devrait alerter la vieille Europe. Aucun parti prônant une raisonable orthodoxie budgétaire n’aurait été en mesure d’appliquer son programme : il n’aurait jamais été élu. Il faut s’attaquer à la dette tant qu’elle est encore relativement sous contrôle et avant qu’elle ne s’apparente à un génocide financier.

L’hypocrise d’Obama sur la Palestine


jeudi 22 septembre 2011 – 12h:34

Abdel Bari Atwan


Le président palestinien Mahmoud Abbas a balancé les dés et s’est rendu à l’Organisation des Nations Unies [ONU] pour soumettre une demande de reconnaissance d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967, défiant ainsi toutes les pressions et menaces américaines et israéliennes qui exigent de lui qu’il revienne sur cette initiative et retourne à nouveau à la table des négociations.

Cette initiative du président Abbas [président autoproclamé, sans mandat électif et par le bon vouloir d’Israël et des Etats-Unis – N.d.T] est une aventure pleine de dangers personnels et nationaux. Se présenter devant le Conseil de sécurité de l’ONU [UNSC] pourrait signifier ne pas obtenir les neuf voix favorables requises par les procédures pour pouvoir ensuite se présenter devant l’Assemblée générale des Nations Unies. Mais même au cas où il obtiendrait ces voix, le « veto » Etats-Unis est prêt. L’envoyé de la Palestine auprès de l’ONU, Riyad Mansour, a exprimé ses craintes que les Etats-Unis décident de ne plus assumer leurs obligations et ait recours au gel de l’application des résolutions du Conseil de Sécurité pendant plusieurs mois, exploitant l’examen et la consultation [de la demande palestinienne] comme une excuse.

La reconnaissance d’un statut de membre observateur – ou même d’Etat à part entière – si elle était obtenue, sera une victoire « morale » qui ne changera rien sur le terrain, malgré toutes les tentatives « d’embellissement » par la machine médiatique qui accompagne le président palestinien. Mais dans une époque dominée par les défaites et « l’immobilisme » des responsables palestiniens, de petites victoires sont gonflées hors de toute proportion.

Le président Abbas est allé à l’ONU pour obtenir la reconnaissance d’un état imaginaire, sans territoire, ni frontières ni souveraineté, dans une position désespérée et faible, une fois fermement convaincu par 20 ans de négociations humiliantes et ignominieuses, de l’impossibilité d’un Etat palestinien indépendant dans le cadre des accords d’Oslo.

Lui, le président Abbas a donc décidé que l’histoire se souviendrait de lui, même si ce n’est qu’avec une seule ligne écrite, comme celui qui a réalisé cet Etat même si ce n’est que sur le papier. Après quoi il prendrait sa retraite de l’ANP [Autorité Nationale Palestinienne] assuré d’avoir réalisé quelque chose.

Cette étape a pris le peuple palestinien par surprise, comme l’ont fait les autres étapes et les accords d’Oslo. Le président de l’ANP n’a consulté personne et n’a réuni aucune assemblée nationale ou législative, même pas une conférence pour mettre ensemble un groupe de personnes qualifiées représentant les diverses tendances, opinions, et expertises, et pas même les parties impliquées dans la réconciliation palestinienne formalisée par l’accord du Caire. Le président a décidé et le peuple n’a qu’à obéir et à soutenir… C’est une situation extrêmement dangereuse dont beaucoup de monde s’inquiète.

Ceux qui sont proches du président affirment qu’aller à l’ONU gêne les Israéliens et place le président américain et son administration dans une position embarrassante, mais cela trouble aussi le peuple palestinien et certains de ses intellectuels. Mais qu’ils soient en faveur de cette étape ou qu’ils y soient opposés, cela est devenue sans incidence.

Soutenir la décision [d’Abbas] signifie faire courir des risques à plusieurs droits légitimes, tels que celui de sacrifier le droit au retour, de faire en sorte que l’OLP ne représente plus le peuple palestinien dans sa patrie et dans la diaspora, et celui de réduire les demandes légitimes du peuple palestinien à moins de 20% de la terre historique de Palestine.

Comme les nouvelles résolutions des Nations Unies invalident automatiquement les précédentes, la nouvelle résolution annulera les plus anciennes. Ceci est une règle connue en droit. La reconnaissance d’un Etat dans les frontières de 1967 pourrait entraîner l’annulation de la résolution de partitionnement N°181 et de la résolution 194 qui garantit le droit au retour. Les Israéliens prétendront – et combien ils sont qualifiés dans l’art des arguties – que ce droit est maintenant limité à l’Etat palestinien dans ses frontières déterminées par la nouvelle résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies. Ils pourraient même aller plus loin et imposer l’application d’un droit de retour à l’encontre des citoyens arabes vivant dans la Palestine occupée en 1948.

Quant à ceux qui s’opposent à cette étape, on pourrait penser qu’ils s’opposent au soi-disant projet national palestinien dont les hommes de l’ANP parlent beaucoup ces jours-ci, qu’ils se tiennent dans la tranchée du côté d’Israël et qu’ils ne veulent pas provoquer l’administration américaine en la mettant dans l’embarras à devoir utiliser son droit de veto. Ce sont des accusations honteuses en plus d’être inacceptables et elles reflètent une sale mentalité de recours au chantage et à l’exclusion.

Nous nous leurrons si nous acceptons la logique sur laquelle s’appuient les partisans de cette étape, comme quoi la reconnaissance de la Palestine en tant que membre de l’ONU ou comme pays observateur transformera l’occupation et l’agression israélienne en occupation par un pays d’un autre pays également membre des Nations Unies, et permettra ainsi aux Palestiniens de se défendre devant la Cour pénale internationale ( dont Israël n’a pas signé la charte) et donc de poursuivre les criminels de guerre israéliens. Cette vue pourrait être juste en théorie, mais elle n’a aucune valeur sur le terrain. Les Etats-Unis ont agressé et occupé l’Irak et l’Afghanistan et Israël a attaqué le Liban, un État membre, et occupé ses territoires comme il occupe le territoire syrien aujourd’hui et viole les frontières égyptiennes en allant assassiner six soldats égyptiens.

Nous avons le rapport Goldstone, qui a confirmé l’implication de l’armée israélienne dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans la bande de Gaza. Nous avons la décision de la Cour internationale de Justice qui a jugé illégal le mur raciste en Cisjordanie. Qu’ont fait les Nations Unies pour nous ? Et en quoi un acte d’accusation international nous bénéficie-t-il ?

Le président Mahmoud Abbas tente d’être ferme, jouant une guerre politique et diplomatique, défiant les Américains et les Israéliens, et mobilisant la communauté internationale contre eux. Cela fait plaisir à voir et c’est un effort réel. Mais cela évite de devoir faire face à la réalité que vit la société palestinienne. C’est contre l’occupation israélienne, les colonies, et le pillage des terres et des ressources palestiniennes que doit être menée la bataille d’Abbas.

Les peuples arabes nous ont donné et nous donnent encore d’éloquentes leçons, et non en changeant le statu quo mais en chassant des dictatures profondément enracinées dans la corruption et la répression et qui empêchent toute autre solution. Mendier pour des solutions et une reconnaissance ne change rien, et si cette dernière change quelque chose ce sera pour le pire. Les résultats catastrophiques des accords d’Oslo sont toujours sous nos yeux sous la forme de colonies juives de peuplement, de l’humiliation et de la judaïsation de Jérusalem.

Le printemps palestinien ne doit pas seulement aboutir à une floraison aux Nations Unies, mais aussi dans les territoires palestiniens. Il serait scandaleux que [les Palestiniens] qui sont un des détonateurs de la révolution [arabe] et le modèle absolu d’une situation d’injustice, soient les derniers à prendre le train des révolutions arabes, avec leurs terres toujours occupées, un ennemi plein d’arrogance, et des responsables faibles et paralysés isolés de leur peuple et de la réalité arabe.

Nous allons certainement rester dans la tranchée d’une confrontation avec les Israéliens et les Américains à l’ONU, mais, en même temps, nous n’abandonnerons pas nos réserves, nos craintes, et notre insistance sur les constantes palestiniennes. Nous allons aussi persister à considérer toute victoire à l’ONU comme incomplète tant qu’elle n’est pas suivie par une Intifada populaire qui épuise l’occupation israélienne et la rend coûteuse politiquement et militairement.

Nous voulons voir 100 000 manifestants chaque vendredi au Square Al-Manarah à Ramallah, ou aux barrages routiers de Qalandiya qui privent les différentes générations de Palestiniens de voir Jérusalem et d’aller prier à la Mosquée Al Aqsa. Nous voulons voir l’ANP au service du peuple et non occupée à anesthésier ce peuple avec de minuscules initiatives visant à obtenir un état imaginaire.

Israël ne fait qu’à chaque fois relever le seuil de ses exigences et présente chaque jour une nouvelle demande, comme la reconnaissance d’Israël comme Etat juif afin d’expulser les Arabes pendant que nous-mêmes ou nos dirigeants ne cessons d’abaisser le niveau de nos revendications. La réponse idéale à Israël et à son aile d’extrême-droite n’est pas la demande d’une reconnaissance d’un Etat dans les frontières de 1967, mais d’un état civil démocratique sur toute la terre palestinienne, où les religions et les communautés coexisteront sur un pied d’égalité. Proclamons l’échec de la solution à deux Etats, et relançons l’OLP et ses institutions sur des bases scientifiques et réformistes qui intègrent les différentes générations palestiniennes, luttent pour le changement, se débarrassent de ses chairs mortes et pompe un sang neuf.

Israël est internationalement isolé, pas à cause de la lutte des Palestiniens, mais d’une part en raison de ses grossières erreurs, et d’autre part en raison de l’arrogance de ses dirigeants et des révolutions arabes qui ont renversé et renversent tous ses alliés ou régimes qui cèdent devant son terrorisme. Les Palestiniens et les Arabes doivent approfondir cet isolement grâce à une pression interne encore plus forte sur l’occupation et ses colons. Mais cela ne s’est pas encore produit..

Qui aurait cru que la Turquie, grand allié d’Israël dans la région et dans le monde islamique, se retournerait contre l’Etat sioniste, expulserait son ambassadeur et gèlerait toutes les relations commerciales et militaires ? Qui aurait imaginé que les révolutionnaires égyptiens investiraient l’ambassade israélienne au Caire, la vidant de son contenu, escaladant ses murs et obligeant ses diplomates à se sauver par la porte arrière comme des rats apeurés en quête de sécurité et en se coiffant du koufiyah palestinien qu’ils ont tant haï et combattu depuis si longtemps parce que symbole de dignité et de résistance ?

Enfin, nous disons au président Abbas de ne pas trop compter sur les victoires diplomatiques, malgré leur importance, et de revenir aux principes premiers de la résistance et de terminer sa carrière avec une victoire réelle sur le terrain et non pas avec une nouvelle résolution des Nations Unies. Il faut libérer le peuple palestinien de l’esclavage des salaires versés [par les donateurs via l’AP – N.d.T], et donner la priorité à l’intérêt national sur les conditions de vie qui génèrent la morosité que nous constatons aujourd’hui.

Nous souhaitons que le président Abbas ajoute à son discours à l’ONU une phrase qui dira : « Président Obama, vous êtes intervenu avec vos avions, vos missiles et l’OTAN en Libye en Irak et en Afghanistan en prétendant soutenir leurs peuples et leur combat pour la libération, et vous utilisez à présent votre veto contre la peuple palestinien pour lui refuser les droits fondamentaux que vous avez été parmi les premiers à reconnaître. Vous demandez à ce peuple d’obtenir un Etat grâce à des négociations avec son ennemi, mais c’est quelque chose que vous n’avez pas demandé ni aux Libyens, ni aux Irakiens, ni à d’autres. Assez d’hypocrisie. »

Mais ce ne sont pas Obama, encore moins Sarkozy, Blair, Cameron, et Angela Merkel, ni les autres hypocrites qui devraient avoir le plus honte, mais nous les Arabes…

(JPG)

* Abdel Bari Atwan est Palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

Du même auteur :

-  Al Qaïda 10 ans après – 13 septembre 2011
-  Pour éviter une intervention étrangère, la Syrie doit accepter l’initiative de la Ligue arabe – 11 septembre 2011
-  Dans le vide qui suivra leur victoire, les rebelles libyens se diviseront – 30 août 2011
-  La Syrie est-elle en train de basculer dans la guerre civile ? – 16 août 2011
-  Intifada au Royaume Uni – 13 août 2011
-  L’opportunité du Ramadan – 3 août 2011
-  Leçons syriennes de démocratie – 23 juin 2011
-  L’hypocrisie occidentale face aux soulèvements populaires dans le monde arabe – 1° juin 2011
-  Libye : bientôt le bourbier ? – 21 avril 2011
-  Libye : le piège de la « no-fly zone » – 8 avril 2011
-  Le soulagement sera de courte durée quand nous verrons l’effet réel de l’intervention en Libye – 18 mars 2011

source

Propulsé par WordPress.com.

Retour en haut ↑