DE BOURBON,TRISTAN
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Lundi 31 octobre 2011
Royaume-Uni Le campement devant la cathédrale divise l’Eglise anglicane
REPORTAGE
LONDRES
DE NOTRE CORRESPONDANT
Les portes de la cathédrale Saint-Paul se sont entrouvertes vendredi. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, elles avaient été fermées une semaine plus tôt suite à la décision « prise le cœur lourd » par son doyen Graeme Knowles. « Nous avons des obligations en termes de sécurité envers nos visiteurs. Les officiers en charge nous ont en effet prévenus que les accès à la cathédrale étaient limités et qu’en raison de la présence aux alentours de nombreux réchauds à essence, le risque d’incendie était réel. »
Cette décision provoque l’ire des Indignés londoniens, installés depuis moins d’une semaine aux abords de la cathédrale. Surtout, le lancement d’une procédure d’expulsion contre eux secoue son édifice. Le chancelier canon Giles Fraser démissionne jeudi après avoir expliqué que « l’Eglise ne peut pas répondre aux manifestations pacifiques par de la violence ». Le révérend Fraser Dyer pose le même geste le lendemain. « Je n’aime pas la perspective d’avoir à défendre la position de la cathédrale face aux inévitables questions que les visiteurs nous poseront ces prochaines semaines et prochains mois, particulièrement si les manifestants devaient être expulsés de force par la police à la demande du doyen et du chapitre. »
L’onde de choc ne se limite pourtant pas au personnel de la cathédrale. Sur son blog personnel, l’évêque de Buckingham Alan Wilson a indiqué, après avoir visité le camp des Indignés, « n’avoir aucune idée pourquoi Saint-Paul a fermé la semaine dernière ». Il s’interroge à propos de ses responsables : « Peuvent-ils racheter leur sur-réaction hystérique ? Veulent-ils un débat public ou nettoieront-ils le site aussi proprement et rapidement que possible, probablement au milieu de la nuit ? »
En se promenant sur place, difficile en effet de ne pas se poser la même question. Les dizaines de tentes installées sur le flanc ouest de la cathédrale ne gênent nullement l’accès à l’édifice. Elles n’empêchent pas non plus son contournement. Alignées sur trois ou quatre rangées, collées les unes aux autres, elles laissent un vaste couloir destiné aux passants. Tout a visiblement été prévu pour limiter au maximum le désagrément des riverains.
Cette organisation se prolonge jusqu’à l’aménagement du quotidien des campeurs. Un panneau indique : « 13 h, Assemblée générale ; 14 h, Méditation dans la tente de la tranquillité ; 17 h, réunion d’organisation ; 19 h, Assemblée générale ; 20 h 30, film documentaire sur la Grèce. » « Les journées sont longues et si nous voulons tenir le coup longtemps, il faut occuper tout le monde », explique Jonathan, installé depuis quelques jours. « Surtout que nous devons nous coordonner pour pouvoir présenter des revendications cohérentes et voir comment lutter contre la demande d’expulsion lancée vendredi par la City et la cathédrale. »
Pour ne pas faciliter les choses, les conditions des campeurs restent spartiates. Si les horaires des repas sont affichés devant la cantine, deux panneaux indiquent en lettres capitales : « Nous avons besoin d’eau ! » « Nous cherchons des volontaires pour surveiller le local à nourriture la nuit. » « Ce n’est pas simple mais l’ambiance est bonne », assure Luke, un ingénieur en année sabbatique, qui est arrivé depuis le milieu de la semaine au square de Finsbury, le deuxième site occupé, à une dizaine de minutes à pied de Saint-Paul. « Surtout, nous recevons de nombreux soutiens de nos voisins et même de banquiers qui viennent nous voir après leur boulot. Et la municipalité a décidé de venir nous apporter des poubelles à partir de lundi ou mardi pour nous aider à recycler nos déchets… »
« Et que ferait Jésus ? »
Tous les banquiers qui frôlent sa tente ne soutiennent pourtant pas ces Indignés qui critiquent ces « Hedge Funds qui se font du profit sur le dos de la Grèce », comme l’indique une pancarte. Si la plupart d’entre eux refusent de donner leur avis, ceux qui le font comme Robert ne sont pas tendres. « Ils simplifient tout et se trompent de cible : ce sont les politiciens qui ont forcé les banques à prêter à tour de bras, en gardant les taux d’intérêts bas et en réduisant les critères d’acceptation des crédits car ils voulaient que tout le monde devienne propriétaire. Nous, banquiers, ne sommes que les outils de leur politique. »
Non loin de lui, le porte-parole de la cathédrale justifie au même moment le dépôt de la plainte contre les occupants, afin de « nous permettre d’être intégrés au processus et de négocier avec la municipalité ». Accroché non loin de lui, un panneau pose une question qui aurait pu lui être adressée : « Et que ferait Jésus ? »
p.15 entretien
avec Arnaud Zacharie
CONTEXTE
Le problème
Le 15 octobre dernier, des activistes, suivant les exemples de Madrid, Tel-Aviv ou New York, décident d’occuper une partie du centre-ville de la capitale financière européenne pour protester contre l’attitude des autorités face à la montée des inégalités. Repoussés par la police des abords de la Bourse, ils ont installé une cinquantaine de tentes autour de la cathédrale.
L’enjeu
Le doyen de Saint Paul a rapidement émis l’idée que la présence de ces visiteurs menaçait « la vie de la cathédrale » en lui faisant perdre 20.000 £ (23.500 euros) de revenus par jour. Leurs choix de fermer la cathédrale pour des raisons de sécurité et de se ranger derrière la Corporation de la City de Londres, la propriétaire des terrains, décidée à faire expulser les manifestants, ont finalement provoqué une scission au sein de son appareil. Deux des responsables de la cathédrale ont démissionné.
A suivre
La police doit déterminer si les Indignés posent un danger pour les riverains. Si tel est le cas, ils les expulseront. En parallèle, une action en justice à été lancée contre eux par la Corporation de la City de Londres et de la cathédrale pour obtenir leur expulsion. Son examen pourrait toutefois durer quelques mois.
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