Des journalistes israéliens dénoncent les menaces sur la liberté de la presse dans leur pays


LEMONDE.FR avec AFP | 20.11.11 | 13h37   •  Mis à jour le 20.11.11 | 13h37
Des centaines de journalistes, dont des présentateurs vedettes de la radio télévision, ont dénoncé dimanche 20 novembre les menaces qui pèsent selon eux sur la liberté de la presse, lors d’un rassemblement à Tel Aviv. Cette manifestation, sans précédent en Israël, visait la campagne législative tous azimuts du camp ultranationaliste, ciblant les médias jugés trop critiques envers le pouvoir, la Cour suprême et des ONG classées à gauche.
« Nous sommes confrontés à une ivresse d’un pouvoir qui ne connaît plus ses limites », a déclaré à la tribune le principal présentateur de nouvelles à la radio militaire, Razi Barkaï. « L’attaque contre la liberté de la presse est inséparable de l’offensive contre l’indépendance de la justice », a mis en garde une autre journaliste, Ilana Dayan, reporter de la seconde chaîne de télévision privée.

Les journalistes s’insurgent contre un projet de loi élaboré par des députés d’extrême droite destiné à aggraver de façon draconienne la législation sur la diffamation. S’il était adopté par la Knesset (parlement), il permettrait d’infliger des amendes très lourdes à des médias attaqués en justice pour diffamation, quand bien même les plaignants n’apporteraient pas la preuve qu’ils ont subi des dommages réels du fait de la publication des textes incriminés.

Les journalistes se sont également élevés contre les pressions sur la chaîne privée 10. Connue pour son indépendance dans ses programmes de nouvelles, elle est menacée de fermeture après qu’une commission parlementaire à majorité de droite eut refusé de renflouer ses dettes. Le 13 novembre, l’extrême droite avait marqué un nouveau point en obtenant le feu vert du gouvernement à deux propositions de loi controversées ciblant le financement d’ONG israéliennes hostiles à l’occupation et à la colonisation des Territoires palestiniens. Pour l’heure, toutefois les deux lois ont été gelées, suite au tollé qu’elles ont provoqué en Israël et à l’étranger.

« On ne peut pas lutter contre l’occupation en servant l’occupation » (Interview au quotidien libanais Al Balad).


Entretien avec Julien Salingue publié le 15 novembre 2011

1.Beaucoup d’analyses imputent l’échec du projet d’un Etat Palestinien indépendant à la violation des accords d’Oslo par la partie israélienne. Pour votre part, vous considérez que cet échec est la résultante de la logique d’Oslo et de la volonté de construire un appareil d’Etat sans Etat malgré la réalité de l’occupation. Pourriez-vous étayer ?

Il ne s’agit bien évidemment pas de nier les responsabilités israéliennes dans l’échec de ce que certains osent encore appeler « processus de paix ». Après la signature des accords d’Oslo, la colonisation s’est accélérée, les checkpoints se sont multipliés, et la partie israélienne n’a cessé de différer les « redéploiements », c’est-à-dire l’évacuation des zones occupées par l’armée israélienne et confiées à l’Autorité palestinienne.

Mais il ne s’agit pas non plus de prendre les accords d’Oslo pour ce qu’ils n’étaient pas ! Il ne s’agissait pas d’accords de « paix », ni dans leur esprit ni dans leur contenu. La logique d’Oslo était en réalité la suivante : confier le responsabilité des zones palestiniennes les plus densément peuplées (villes et camps de réfugiés) à un « appareil d’Etat sans Etat », l’Autorité palestinienne (AP), tout en maintenant la structure même de l’occupation. En d’autres termes, l’AP était intégrée au dispositif d’occupation et toute extension de sa juridiction était soumise à sa capacité à maintenir l’ordre dans les zones qui lui étaient confiées. Le règlement des questions essentielles (Jérusalem, les colonies, les réfugiés) était reporté à d’hypothétiques « négociations sur le statut final », qui n’ont jamais eu lieu. Au final, l’Etat d’Israël s’est contenté de se décharger des tâches de maintien de l’ordre et de services à la population, tout en maintenant son emprise sur l’ensemble de la Palestine. Or, on ne peut pas lutter contre l’occupation en servant l’occupation !

2..Comment expliquez-vous l’initiative de l’AP de présenter un projet de reconnaissance à l’ONU aujourd’hui ?

La direction de l’AP, du moins Abbas et ses proches, ont décidé d’en appeler à l’ONU en raison de l’impossibilité de négocier avec le gouvernement Netanyahu. Mais pour eux, il ne s’agissait pas de rompre avec la logique du « processus de paix », bien au contraire. Leur principal objectif était d’internationaliser la question palestinienne pour améliorer le rapport de forces en vue d’une reprise des négociations avec Israël, sous l’égide des Etats-Unis. L’ensemble de la stratégie d’Abbas repose sur la reprise des négociations. Si celles-ci sont « en panne », il n’a aucune perspective à offrir aux Palestiniens…

Par ailleurs, Abbas et son équipe sont identifiés au projet d’Etat palestinien indépendant. Or, de plus en plus de dirigeants et d’intellectuels palestiniens posent la question de la viabilité même de ce projet : avec, d’une part, la colonisation et l’annexion de facto de la Cisjordanie et de Jérusalem et, d’autre part, les exigences de l’Etat d’Israël (conserver le contrôle sur les colonies et sur la vallée du Jourdain), ce sont les bases matérielles de l’Etat palestinien qui ont disparu. Il s’agit donc, pour Abbas et les siens, de sauver l’idée même de l’Etat indépendant.

3.Pourquoi l’AP après 23 ans de négociations contre productives, tout en décidant de présenter unilatéralement un projet de reconnaissance, continue à faire du processus de paix une priorité politique ?

C’est, tout simplement, parce que leur survie en dépend. L’AP a été conçue comme une structure intérimaire, chargée de poser les bases du futur « Etat ». La période intérimaire aurait dû durer 5 ans. Mais nous en sommes aujourd’hui à plus de 17 ans ! Et, avec le temps, l’AP a trouvé sa propre raison d’être : un appareil d’Etat s’est constitué, avec des hauts fonctionnaires, des Ministres, des conseillers divers, des responsables des forces de sécurité… tandis que l’industrie de la négociation produisait elle aussi son lot de spécialistes, conseillers et autres. C’est une couche sociale qui s’est ainsi formée, dont l’avenir, à court terme, dépend du maintien de la structure AP (et donc du projet d’Etat indépendant) et de la survie du « processus de paix » (et donc des négociations), et non de la satisfaction des droits nationaux des Palestiniens. Si la perspective de l’Etat indépendant s’écroule, ou s’il y a un changement radical dans l’appréhension des relations avec Israël et, par exemple, une rupture assumée des négociations, quel est l’avenir de cette couche sociale ? Ils n’en ont pas ! Il leur faut donc, par tous les moyens, tenter de ranimer le processus d’Oslo : leur survie politique et économique en dépend.

InterviewAlbalad

4..Ce projet de reconnaissance pourrait-il faire évoluer le rapport de force à la faveur de la partie Palestinienne ?

Je ne crois pas qu’il va modifier substantiellement le rapport de forces. Il va plutôt enregistrer l’état du rapport de forces à l’échelle internationale, et on va une fois de plus vérifier qu’une très grande majorité de pays soutient, du moins à l’ONU, le droit des Palestiniens à avoir un Etat. On va pouvoir, une fois de plus, mesurer l’isolement grandissant de l’Etat d’Israël dans le monde, qui s’est particulièrement développé ces dernières années suite, entre autres, aux bombardements sur Gaza à l’hiver 2008-2009, à l’assaut sanglant contre la Flottille de la Liberté en mai 2010 et aux provocations répétées du gouvernement Netanyahu, notamment en ce qui concerne la politique de colonisation. Si l’on y ajoute les premiers effets des processus révolutionnaires en cours dans le monde arabe, qu’ils soient directs (« refroidissement » des relations avec l’Egypte) ou indirects (tensions avec la Turquie), Israël est, incontestablement, de plus en plus isolé. Mais il ne faudrait pas non plus exagérer cet isolement, comme les débats de l’ONU nous le montrent : les Etats-Unis continuent de soutenir quasi-inconditionnellement Israël, tandis que l’Union européenne, incapable de parler d’une même voix, n’exerce aucune pression réelle sur Netanyahu.

Certains avancent que la direction palestinienne pourrait, une fois que la Palestine sera reconnue comme Etat non-membre, saisir la justice internationale pour engager des poursuites contres les dirigeants israéliens qui se seraient rendus coupables de crimes de guerre. Cet argument me laisse rêveur : image-t-on sérieusement cette direction palestinienne, qui cherche à tout prix à reprendre les négociations avec Israël, engager des poursuites judiciaires contre les dirigeants israéliens ? A-t-on déjà oublié qu’il y a deux ans, sous pression des Etats-Unis et d’Israël, Mahmoud Abbas avait demandé le report de l’adoption du rapport Goldstone par l’ONU ?

5. Que se passera-t-il pour l’AP si après le premier succès diplomatique de la Palestine à l’UNESCO, l’Etat palestinien n’est pas admis à l’ONU ? Risque-t-on d’assister à l’implosion de l’AP ?

L’Etat palestinien ne sera pas admis à l’ONU comme Etat membre, car les Etats-Unis y opposeront leur veto. Il est même peu probable que les Palestiniens obtiennent la majorité qualifiée des 9 voix au Conseil de Sécurité… Au mieux, l’Assemblée générale se prononcera (à une très forte majorité) pour l’admission de la Palestine comme Etat non-membre, comme Etat observateur.

L’AP va-t-elle pour autant « imploser » ? Un certain nombre de voix se font entendre pour demander la dissolution pure et simple de l’Autorité, arguant qu’elle n’a plus de raison d’être avec la faillite du « processus de paix » et qu’elle sert surtout de commode moyen pour l’Etat d’Israël pour prétendre qu’il n’occupe pas toute la Palestine. En d’autres termes, les partisans de la dissolution disent : il n’y a pas d’autonomie, donc il ne doit pas y avoir de pseudo-« autorité d’autonomie ».

Mais la dissolution ne semble pas être la voie choisie par la direction de l’AP. Et pour cause ! Comme on l’a vu, une telle décision équivaudrait à un suicide politique… Le plus probable est donc que l’on assiste à une discussion d’ampleur quant à l’avenir de l’AP, quant à une éventuelle modification de ses attributions et de ses fonctions. Et nul doute que ce débat sera vif !

6. Qu’adviendra-t-il dans ce cas du mouvement national palestinien ?

Il est très probable que l’on assiste à une accélération du débat quant à la nécessité de la refonte stratégique et organisationnelle du mouvement national palestinien. Ce dernier traverse en effet depuis de longues années une crise, qui ne manquera pas de s’approfondir après l’échec programmé de la demande d’admission à l’ONU. J’entends ici « crise » au sens où la définissait Gramsci : « La crise consiste précisément dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas encore naître ; durant cet entredeux, une grande variété de symptômes morbides se font jour ». Nous sommes aujourd’hui dans cet entredeux, où l’ancien (la vieille OLP) n’est pas encore tout à fait mort, et où le nouveau n’a pas encore pris sa place. Que se passera-t-il exactement ? Nul ne le sait. Mais il est certain que la majorité des Palestiniens ont conscience qu’une page s’est tournée et que la reconstruction sera nécessaire, autour notamment des questions suivantes :

– Que signifie aujourd’hui la revendication de l’Etat palestinien indépendant aux côtés d’Israël, même à titre transitoire ?

– Quelle articulation entre la résistance populaire, impliquant l’ensemble de la société palestinienne, le mouvement syndical et associatif, les forces politiques… et la résistance armée ?

– Comment réunifier l’ensemble du peuple palestinien ? Le peuple palestinien est en effet fortement divisé : Palestiniens d’Israël, Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, Palestiniens de Jérusalem et Palestiniens exilés.

– Quel cadre politique pour le Mouvement de libération nationale ? La division du mouvement affaiblit considérablement la lutte et la constitution d’un cadre commun, au-delà de la vieille OLP, posant la question de la résistance et du combat pour l’émancipation, et pas celui de la gestion des Zones autonomes allouées par Israël est, même si ce n’est qu’à un stade relativement peu avancé, ouvertement posée.

– Quels liens développer avec le mouvement de solidarité internationale, afin que cette solidarité soit politique et non caritative, efficace et pas seulement symbolique ?

7.Selon vous le contexte socio politique a considérablement évolué et la revendication d’un Etat indépendant semble aujourd’hui dépassée et à contre courant des bouleversements régionaux. Quelle solution pour la Palestine aujourd’hui sachant que les bases matérielles de l’Etat palestinien sont en train de disparaitre et que l’hypothèse d’un Etat démocratique unifiée ne peut coexister avec l’idéologie suprématiste sioniste ?

 

Je me garderai bien de prôner une quelconque « solution » à la place des Palestiniens eux-mêmes. Mais une chose est certaine : la direction « historique » de l’OLP, tout comme le projet d’Etat palestinien indépendant, apparaissent de plus en plus en décalage avec les nouvelles générations politiques émergentes et les revendications d’indépendance et de souverainetés économique et politique réelles qui bouleversent la région.

Au-delà de la disparition des bases matérielles de l’Etat palestinien et des échecs manifestes de la construction d’une « indépendance » malgré la poursuite de l’occupation, c’est donc la question de l’adaptation du mot d’ordre lui-même qui est posée, tant il est à contretemps des évolutions régionales. Il est aujourd’hui plus que probable, à la lumière des récents événements, que la société palestinienne ne soit pas épargnée par le vent de révolte qui balaie les sociétés arabes.

 

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Des panneaux solaires palestiniens menacés par l’armée israélienne


Depuis l’installation des panneaux solaires, les familles ont installé des ampoules dans leur tente ou leurs habitations de fortune

le 18 Novembre 2011

Les 34 habitants du petit village Imneizil en Cisjordanie ont accès à la modernité depuis qu’une ONG espagnole a installé des panneaux solaires, mais l’armée israélienne veut les démolir arguant qu’ils avaient été installés sans autorisation.

Il y a deux ans, l’organisation espagnole Seba s’est associée à l’Université Al-Najah de Naplouse pour installer deux panneaux solaires à Imneizil, à l’extrême sud de la Cisjordanie, afin de remplacer les générateurs qui constituaient jusqu’alors l’unique source d’électricité du village. Depuis, les 34 familles d’Imneizil sont entrées de plain-pied dans le 21e siècle: elles ont installé des ampoules dans leur tente ou leurs habitations de fortune, se sont acheté télévisions et appareils ménagers. L’installation solaire permet également d’activer une pompe pour alimenter le village en eau. Mais le mois dernier, l’armée israélienne, qui gère les affaires civiles dans ce village en zone sous contrôle total israélien, a ordonné la destruction des panneaux solaires, arguant qu’ils avaient été installés sans autorisation. Leur sort est depuis suspendu à la décision de l’armée israélienne d’annuler ou non son arrêté de démolition.

Des ONG israéliennes ainsi que l’agence ONU-Habitat ont pressé l’armée de geler sa décision, qui a pris de court les habitants du village. Le gouvernement espagnol a tenté d’intervenir par les canaux diplomatiques pour empêcher la destruction de l’infrastructure, dont le coût -365.000 euros- a été financé en majorité par Seba. « Nous sommes entre le paradis et l’enfer. Les panneaux solaires représentaient une lueur d’espoir pour nous« , se désole le chef du village, Ali Mohammad Ihrizat. « Nous habitons ici depuis 1948 et nous n’avons nulle part où aller« .

Pour le chef du village, demander une autorisation pour l’installation n’aurait pas eu de sens, étant donné qu’Israël ne reconnaît pas le village et qu’aucune de ses infrastructures n’a jamais reçu de permis de construire. Selon un responsable espagnol du projet, un permis a été demandé après la mise en place des panneaux solaires, mais le département militaire en charge de la délivrance de ces permis n’a jamais répondu.

Dans la tente où elle vit avec son mari et ses trois enfants, Nihad Nour ne comprend pas pourquoi l’armée insiste sur la destruction de l’installation solaire, pourtant « hautement écologique, installée sur notre terre et qui ne dérange personne ». Mais pour l’administration militaire israélienne, qui se dit « sensible » et « favorable » aux projets des organisations internationales, le « respect de la loi doit prévaloir sur tout ». « L’installation a été construite sans permis ni coordination, c’est pourquoi l’arrêté d’interruption des travaux et de démolition a été émis. Les organisations avaient le droit de le contester devant une commission, mais leurs membres ont refusé d’y assister », a-t-elle affirmé dans un communiqué.

Toutefois, après une contestation espagnole, le chef de l’administation militaire, le général Eitan Dangot, a décidé de « geler le processus de démolition » et a demandé que Seba présente les détails du plan de l’installation. Mercredi, un porte-parole militaire a fait part de son espoir de légaliser rétroactivement l’infrastructure. « Notre objectif est d’autoriser l’installation. Mais cela doit être fait dans le cadre de la loi », a-t-il insisté.

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