Le visage masqué, ils sonnent à la porte des habitations avant de détaler : il ne s’agit pas de plaisantins, mais d’activistes syriens qui vont de porte en porte pour distribuer leur journal anti-gouvernement.
Le 14e numéro du Syrian Hurriyat – “hurriyat” signifiant “liberté” en arabe – vient tout juste de sortir. Ce journal de 12 pages, publié depuis la fin du mois d’août, a été fondé par de jeunes activistes syriens en exil en Europe. Il contient également les articles de dizaines de militants vivant encore en Syrie. Actualités, éditos, dessins de presse, le Syrian Hurriyat a tout d’un journal classique. Une édition en ligne a même été lancée récemment, avec certains articles traduits en anglais. Pour autant, la priorité reste l’édition papier, affirment ses rédacteurs, car de nombreux Syriens n’ont pas de connexion Internet.
Les activistes se filment en train de distribuer les journaux. Selon le rédacteur en chef du journal, cette scène a eu lieu à Damas. Vidéo postée sur YouTube par Syrian Hurriyat.
« Nous voulons motiver les manifestants sur le terrain, qu’ils restent réactifs… mais aussi proposer une alternative aux medias d’État »
Kareem Lailah est le redacteur en chef du Syrian Hurriyat. Il vit en exil en Europe.
Les activistes en Syrie distribuent notre journal au hasard. Ils frappent à toutes les portes, dans toutes sortes de quartiers, pas seulement ceux qui sont connus pour être majoritairement anti-régime. Au contraire, ils tentent davantage de cibler les zones réputées pour leur soutien au pouvoir.
Nous voulons motiver les manifestants sur le terrain, mais nous nous adressons aussi aux Syriens qui ne savent pas quoi penser de cette révolution. On leur propose une alternative aux medias locaux qui sont contrôlés par l’État.
On espère que ceux qui trouveront le journal sur le pas de leur porte, même s’ils ne veulent pas le lire, apercevront une bonne caricature qui exprime notre message.
Ces distributions sont très risquées, mais les manifestants eux aussi risquent leur vie tous les jours et continuent de se mobiliser. Personnellement, j’ai reçu plusieurs messages de menace. Nos activistes ont peur d’être surveillés mais, jusqu’à présent, personne n’a été arrêté.
Nous voulons continuer à nous développer et à toucher un public plus large, mais il est hors de questions de perdre un activiste pour ça. Si l’un d’entre eux se fait attraper, il sera tué car le régime craint plus encore les pensées que les actes. Les manifestants sont perçus comme des individus dangereux, mais moins que ceux qui pensent, organisent et diffusent la vérité.
“L’impression du journal se fait essentiellement en Syrie, chez les activistes »
L’impression du journal est difficile. Elle se fait surtout en Syrie, chez les activistes. Il arrive aussi que nous réussissions à faire passer illégalement des exemplaires imprimés à l’étranger.
Nous les distribuons essentiellement à Damas et à Homs – même si dans cette ville la vague de répression récente nous a obligé à ralentir la distribution. Bientôt, nous diffuserons aussi à Alep. Toutes les semaines, plusieurs milliers d’exemplaires sortent – on fait notre maximum en fonction des possibilités des personnes sur place.
« Nous avons tous entre 20 et 35 ans, tout ce que nous voulons c’est la liberté et un nouveau départ pour la Syrie »
Nous n’avons aucun sponsor et payons les impressions de notre poche. Afin de préserver notre indépendance éditoriale, nous n’avons demandé l’aide d’aucun groupe en exil. Nous avons tous entre 20 et 35 ans, tout ce que nous voulons c’est la liberté et un nouveau départ pour la Syrie et nous ne sommes pas certains que les autres générations et les autres groupes veulent la même chose.
Notre message est simple : la liberté a un coût, mais le jeu en vaut la chandelle.
Nous avons reçu des réactions très positives. J’ai lu le tweet d’un habitant de Damas qui disait : « C’est magnifique de se réveiller et de trouver Hurriyat sur sa porte… Je sens déjà souffler le vent de la liberté. » C’est ça qui nous pousse à continuer.
Notre journal sera publié aussi longtemps que nécessaire et j’espère qu’un jour, après la chute du régime, il sera autorisé. Il y aura alors des tas d’autres choses à écrire, car construire une société meilleure est bien plus compliqué que de faire tomber un dictateur. »
Le journal imprimé et prêt à la distribution. Vidéo postée sur YouTube par Syrian Hurriyat.
Le journal est aussi distribué en dehors de la Syrie. Des copies sont ici distribuées lors d’une conférence sur la Syrie à Beyrouth, au Liban. Photo postée sur Twittter par @abirsasso.
Israël Le gouvernement veut étendre considérablement la notion de « diffamation »
TEL-AVIV
DE NOTRE CORRESPONDANT
Après les ONG de défense des droits de l’homme la semaine dernière, c’est à la liberté de presse que la majorité de droite et extrême droite soutenant Binyamin Netanyahou a décidé de s’attaquer. En effet, dans la nuit de lundi à mardi, la Knesset a approuvé en première lecture un texte modifiant la législation actuelle sur la diffamation publique et multipliant par six le montant des dommages et intérêts qu’un journaliste ou son employeur devraient verser à une personne préjudiciée en cas de condamnation. En outre, cet amendement prévoit qu’un individu cité dans un journal ou dans un programme radio ou télévisé sans qu’un préjudice lui soit causé peut également réclamer jusqu’à dix mille euros de compensation.
« Si cette législation est appliquée, plus aucun journaliste ne prendra de risque d’enquêter sur quoi que ce soit. Les affaires de corruption impliquant des personnalités publiques resteront enterrées », affirme explique Ilana Dayan, une journaliste d’investigation de la deuxième chaîne de télévision.
La veille du vote à la Knesset, une centaine de grands noms de la presse israélienne ont organisé à Tel-Aviv des « états généraux d’urgence », un événement inédit depuis la création de l’Etat hébreu. A les en croire, Binyamin Netanyahou ne serait pas crédible lorsqu’il s’engage, comme il l’a fait dimanche, à ce que son pays « reste une démocratie exemplaire ». Ils l’accusent entre autres de favoriser l’activisme d’un groupe de députés de droite et d’extrême droite qui tenterait de modifier la nature démocratique d’Israël.
Des extrémistes influents…
Principalement composé d’élus du Likoud (le parti de Netanyahou) et d’Israël notre maison (la formation du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman), ce groupe est à l’origine d’une série d’initiatives visant à instaurer un serment de fidélité à l’Etat pour les nouveaux Israéliens (y compris les Arabes), à empêcher la commémoration de la « Nakba » (la « catastrophe » que représente la création de l’Etat d’Israël en 1948 pour les Palestiniens), ou à légaliser a posteriori la « confiscation » de terrains palestiniens par des colons.
Certes, au sein du Likoud, certains tels le président de la Knesset Ruby Rivlin et le ministre Dan Meridor s’opposent à ces extrémistes. Mais ces derniers sont influents. Alliés aux partis ultra-orthodoxes, ils mènent également une offensive contre la Cour suprême, qui constitue le garant des libertés publiques en l’absence d’une constitution écrite. A leurs yeux, ses douze magistrats sont en effet des « gauchistes ». Ils manœuvrent donc pour réduire leurs compétences et pour les remplacer progressivement par d’autres juges plus proches des idéaux du « Grand Israël ».
Venez exprimer votre indignation et exiger sa libération.
(apportez des bougies)
Lundi 28 Novembre 2011 de 18h30 à 20h00
Devant l’ambassade de France à Bruxelles
41, Boulvard du Régent à 1000 Bruxelles
(Métro : Arts-Loi-Kunst-Wet)
Vous pouvez aussi Ecrire à Salah Hamouri
par Comité National de Soutien à Salah Hamouri
Les parents de Salah ont pu le voir aujourd’hui mardi 8 novembre. Depuis plus d’un mois Salah Hamouri était isolé de tout, ses parents interdits de visite.
Ce jour ils ont pu le voir dans la nouvelle prison où il se trouve. « Il a maigri mais il conserve le moral » nous fait savoir Denise Hamouri.
On peut désormais lui écrire à :
Salah Hamouri
Shata prison
Section 7
10900 Afoula
Israël
Nous rappelons qu’il convient de ne pas mettre d’adresse au dos de votre lettre au risque qu’elle vous soit retournée.
Deux reportages réalisés en même temps en Syrie, l’un diffusé ce lundi à la RTBF radio, l’autre publié samedi par La Libre Belgique ont suscité quelque émoi parmi ceux des auditeurs et lecteurs belges qui s’intéressent de près aux inquiétants développements dans ce pays du Proche-Orient. Les deux reportages pouvaient donner à penser que le régime syrien était aux prises avec une insurrection menée par des islamistes sanguinaires qui sèment la terreur à coups de mutilations atroces.
La Libre précisait que son reportage avait été « autorisé » par le pouvoir syrien, alors que la RTBF faisait même une interview de sa journaliste pour qu’elle raconte les conditions d’un reportage qu’elle qualifiait d’« assez encadré » (par le régime).
En résumé, les reportages racontaient les rencontres avec le gouverneur d’Homs et avec un archevêque, puis narraient une visite à l’hôpital, où des gens se pressaient pour raconter aux journalistes les atrocités dont leurs proches avaient été victimes (deux cadavres très mutilés ont été exhibés). Les envoyés spéciaux observaient que le régime de Bachar el-Asad bénéficiait d’une grande popularité.
Comment des journalistes occidentaux non suspects de sympathie avec le régime ont-ils pu se rendre en Syrie alors que l’interdiction des reporters internationaux est en vigueur ? C’est par l’intermédiaire d’une religieuse, sœur Agnès Mariam de la Croix (voir ci-contre), que cela s’est fait. Cette personne avait envoyé des invitations à de nombreux médias, promettant l’obtention d’un visa. Le Soir avait d’ailleurs également été contacté et n’avait pas donné suite, craignant un voyage de propagande.
« Trop dangereux »
Françoise Wallemacq, l’envoyée de la RTBF, admet que son reportage va « à contre-courant » de ce qui s’écrit et se dit sur la Syrie. « Je raconte ce que j’ai vu, nous dit-elle. Certes, nous étions cornaqués, sauf le dernier jour à Damas où nous nous sommes promenés librement et où de nombreuses personnes nous ont abordés pour nous confier leur peur de la guerre civile et leur soutien au régime. Cette peur du chaos était très palpable surtout chez les minorités comme les chrétiens. »
Les reportages ne rapportaient pas l’avis des opposants syriens. « Impossible et trop dangereux de vérifier qui sont ces “bandes armées” », écrivait La Libre Belgique à propos des terribles accusations dont elle faisait état.
La Libre et la RTBF évoquent le souci du régime de contrer les informations de l’Observatoire syrien des droits de l’homme, basé à Londres, une source privilégiée des médias occidentaux qui critique le régime syrien. C’est que ce conflit, comme tout conflit, suscite une âpre guerre médiatique. Un phénomène, parfois, qui peut aller jusqu’aux plus ignobles manipulations, comme dans le paradigme de la « sale guerre » algérienne dans les années 90. Des livres entiers ont été écrits sur les massacres en Algérie et cette question qui taraudait déjà les esprits : qui tue qui ?
portrait
Qui est sœur Agnès-Mariam de la Croix ?
Sur Google, l’association des mots Agnès-Mariam et croix donne… 855.000 résultats ! C’est dire si le militantisme de l’higoumène (supérieure) du monastère de Saint-Jacques-le-Mutilé à Qâra, en Syrie, fait florès sur internet. Celle qui a lancé les invitations à la presse (voir ci-contre) a le sens de la formule : elle dénonce « la diabolisation du régime (syrien) face à une canonisation de l’opposition », bien qu’elle prétende ne pas faire de politique. Certains traitent cette nonne palestino-libanaise d’intégriste. Mais elle préfère soigner son image : n’a-t-elle pas écrit au président Bachar el-Assad le 19 novembre pour se dire « bouleversée d’apprendre par Amnesty que dans les hôpitaux du gouvernement les blessés (…) sont maltraités d’après leur appartenance idéologique » ? La bonne sœur, qui avoue un passé de hippie (repentie à 19 ans), se consacre néanmoins corps et âme à la répudiation des insurgés et admet être en contact avec les services secrets syriens. Notre consœur Françoise Wallemacq, qui l’a côtoyée, croit ce « chantre involontaire du régime plutôt sincère mais aveuglé par son émotion ». La religieuse reconnaît cependant que, comme en Algérie pour les moines de Tibhérine en 1996, « l’irréparable peut se produire pour nous à n’importe quel moment, sans qu’on sache exactement qui l’a perpétré et pour quel motif »…
Mardi, 22 Novembre 2011 19:43 Ali AbunimahAli Abunimah, journaliste palestino-américain, cofondateur de’The Electronic Intifada’, auteur de « One Country : A bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse » était présent au colloque « Un ou deux Etats », organisé à Bruxelles ce samedi 19 novembre par Palestina Solidariteit, en collaboration avec d’autres mouvements.
Il y prenait la parole après une première session où plusieurs spécialistes ont exprimé leurs points de vue, suivi d’un débat avec la salle.
Voici une vidéo de son intervention (Ali Abunimah s’exprime en anglais) suivi de la traduction écrite en français.
« Brigitte Herremans, dans la précédente session, s’est excusée auprès de moi, en disant qu’elle ne pouvait pas rester. J’aurais aimé qu’elle puisse rester, parce que je veux réagir à certains de ses commentaires. Elle parlait d’autodétermination et elle disait queles Palestiniens ne devaient pas abandonner l’autodétermination, comme si appeler à un État unique signifiait abandonner l’autodétermination.
A mon avis, elle commet une erreur fondamentale, elle confond autodétermination et création d’un État or les deux ne sont pas la même chose. Et, en effet, la création d’un Etat à savoir un État palestinien dans une partie de la Palestine, ce n’est pas de l’autodétermination, c’est le contraire de l’autodétermination, c’est la négation de l’autodétermination, parce que c’est délibérément destiné à priver de ses droits la majorité du peuple palestinien.
Imaginons que demain l’impossible se produit, qu’Israël se retire de la Cisjordanie et qu’il met un terme à son blocus criminel contre Gaza, et que l’Etat palestinien soit établi là-bas.
Bon, est-ce cela l’autodétermination ? Si on s’appuie sur les termes de la prétendue résolution à deux États, cela ne l’est pas. Parce que beaucoup de Palestiniens vont être privés de leurs droits.
Les réfugiés ne pourront pas retourner dans leurs maisons, dans ce qui s’appelle maintenant Israël, pour la seule raison qu’ils ne sont pas juifs, pour la raison la plus raciste possible. S’ils ne pouvaient pas y retourner parce qu’ils ont une peau trop foncée, personne ne dirait : « C’est bien, nous le respectons. » Tout le monde dirait : « C’est du racisme. » Être juif, comme Israël le définit, n’est pas un choix, pas un ensemble de croyances, ce n’est même pas une religion. C’est une identité génétique selon la conception qui prévaut en Israël. Donc c’est tout aussi arbitraire que la couleur de la peau. Donc les réfugiés palestiniens seraient privés de leurs droits par la prétendue solution à deux États. Et ceux des Palestiniens qui sont théoriquement des citoyens d’Israël, seraient contraints de vivre dans un état raciste appelé « État juif ». Donc leurs droits à l’autodétermination seraient supprimés. En échange de quoi ? Qu’un tiers de la population palestinienne puisse vivre dans un bantoustan.
Donc, premièrement, la solution à deux États est une solution raciste. Deuxièmement, on demande à un groupe de Palestiniens de renoncer à leurs droits humains pour que des droits limités soient accordés à un autre groupe de Palestiniens. Donc, c’est aussi une proposition qui contredit les droits palestiniens et le droit à l’autodétermination. Et cela est clairement visible dans chaque aspect de tout ce qui s’est passé au cours des vingt ans qui ont suivi les accords d’Oslo. Et notez bien qu’Israël ne parle plus d’une solution à deux États. Il parle d’une solution « de deux États pour deux peuples ». Et c’est fondamental.
Vous vous rappelez Condoleezza Rice ? Ce n’est pas quelqu’un qu’on peut considérer comme politiquement très progressiste. Mais elle a publié un livre, il y a quelques semaines, et, dans son livre, elle parle de la question palestinienne et elle évoque un entretien avec Tsipi Livni, qui était alors ministre des Affaires étrangères. Et Condoleezza Rice écrit : « J’étais choquée d’entendre Tsipi Livni parler des objectifs israéliens en terme d’un État purement juif sur le plan ethnique. J’étais choquée. »
Bien que Condoleezza Rice soit très à droite aux États-Unis (maintenant tout le monde est très à droite aux États-Unis, y compris Barack Obama). Mais, néanmoins, elle a été élevée en Caroline du Sud sous le système de l’apartheid, l’apartheid officiel qui a existé aux États-Unis jusque dans les années soixante. Et ce que Tsipi Livni disait, rappelait à Condoleezza Rice le Sud des États-Unis où elle a grandi.
Donc, voilà ce que veut dire une solution à deux États. Et le langage fantaisiste d’un prétendu processus de paix, lorsqu’ils parlent de « deux États vivant côte à côte en paix », c’est bien la dernière chose qui se passerait s’il y avait deux Etats.
Et nous le savons. Avigdor Lieberman disait : « Si nous donnons un État aux Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza, nous nous retrouvons avec un demi-État car ce que nous voulons, c’est un État juif. Quel intérêt avons-nous de céder des territoires si nous avons toujours un million et demi de Palestiniens qui vivent parmi nous ?»
Et Tsipi Livni a dit la même chose publiquement et aussi de façon répétitive lors des négociations avec l’Autorité palestinienne. Et cela a été détaillé dans les « minutes » des « Palestine Papers » qui ont été rendues publiques par Al Jazeera plus tôt dans l’année.
Les Israéliens n’ont pas cessé de poursuivre leur but de se débarrasser des Palestiniens en Israël et de les transférer vers un État palestinien. Donc le résultat le plus probable d’une tentative de re-diviser la Palestine en deux États ne serait pas la paix. Ce serait le nettoyage ethnique des Palestiniens d’Israël vers d’autres parties de la Palestine. Ce serait l’achèvement de ce qu’Israël a commencé en 1948 et cela se passe déjà maintenant.
Cela se passe au Naqab avec les Bédouins, cela se passe à Jaffa, cela se passe à Akka, cela se passe à Haïfa, où vous avez des colons de la Cisjordanie qui se rendent dans les villes à l’intérieur d’Israël en utilisant exactement les mêmes techniques qu’ils ont utilisées à Hébron, à Jérusalem-Est pour expulser les Palestiniens qui restent à Jaffa, Akka et Haïfa . Donc tel serait le résultat : ce serait le nettoyage ethnique et la perpétuation du conflit.
Et même si les Palestiniens avaient un État dans une partie de la Palestine, de quoi aurait-il l’air ? Nous savons déjà que cela peut être un Etat, mais que ce ne sera pas la libération.
Et ce ne sera pas l’autodétermination. Ce serait un État « comme tout autre État » dans le pire sens du terme. Un État qui, dès le moment où il naîtrait, se trouverait déjà dans les mains d’élites néolibérales, dans les mains du FMI, dans les mains des « donnateurs » européens, dans lequel le dernier à avoir son mot à dire serait le peuple palestinien, les citoyens même de ce prétendu État.
Et ce n’est pas pour cela que les Palestiniens se sont battus : ils ne se sont pas battus pour avoir un Kosovo occupé par l’Otan et dirigé par l’Union Européenne. Même les États de l’UE ne sont pas gouvernés par leurs peuples, aujourd’hui.
Je veux dire : Salam Fayad, quelqu’un dont personne, aucun Palestinien, n’avait jamais entendu parler avant, qui a été imposé par la soi-disante communauté internationale, et lorsque nous utilisons le terme de « communauté internationale », nous devons savoir de quoi nous parlons : cela veut dire les Etats-Unis et tout ceux qui sont d’accord avec les Etats-Unis. C’est cela la soi-disant communauté internationale. Ce n’est pas l’Indonésie ou l’Inde ou l’Afrique ou le peuple, ce n’est pas cela, la communauté internationale.
« Un million et demi de personnes à Gaza sont mises en cage comme des animaux, parce qu’elles ne sont pas juives. C’est la seule raison. »
Donc, Salam Fayad est devenu le modèle, même pour l’Europe : vous prenez un quelconque banquier du FMI ou de la Commission européenne, et vous l’imposez sans élections, c’est ce qui s’est passé en Grèce, c’est ce qui s’est passé en Italie, et vous feriez bien de choisir un Premier ministre en Belgique avant que l’Union Européenne ne vous en choisisse un à votre place. Donc, c’est cela le modèle, et cela n’a rien à voir avec la libération de la Palestine, cela n’a rien à voir avec les droits du peuple palestinien.
Quelqu’un mentionnait : « A quoi bon de parler d’une solution à un État, si les Israéliens ne l’acceptent pas. » Ceci est vraiment une façon de pensée complètement erronée.
C’est une façon de penser qui serait logique si vous pensiez que les Palestiniens et les Israéliens sont égaux, que cela se passe dans un cadre de négociation démocratique. Mais les Israéliens et les Palestiniens ne sont pas des néerlandophones et des francophones vivant en Belgique. Il y a un peuple occupé, colonisé, vivant sous la botte d’un régime colonial brutal, soutenu par les Etats-Unis et l’Union Européenne, entre autres, et vous ne pouvez pas parler d’eux en tant qu’égaux, négociant les uns avec les autres dans une situation de parité. Donc l’opinion des colonisateurs ne devrait pas être notre préoccupation. Vous savez, ce que nous disons, c’est que les colonisateurs doivent mettre un terme à leur occupation et à leur colonialisme. On ne peut pas leur demander cela.
Personne ne disait que les colons français qui ne voulaient pas mettre fin à leur beau régime de colonisation, qu’ils avaient « le droit à l’autodétermination ». On ne se préoccupait pas de ce qu’ils pensaient. Personne ne disait – quoique que certains l’aient pourtant dit, mais il appartenaient à une droite très extrémiste – que les blancs en Afrique du Sud ne voudraient pas accepter la démocratie et que pour cette raison, il ne fallait pas leur demander de mettre un terme à l’apartheid. Ou que nous devrions dire aux noirs en Afrique du Sud : acceptez les bantoustans que le régime blanc vous donne, parce que ce qu’il y a de mieux pour vous, vous devez être pragmatiques.
En fait, quand vous regardez les sondages d’opinion, les études qui ont été faites parmi les blancs en Afrique du Sud, dans les années 80 et jusqu’en 1993, la majorité écrasante des blancs en Afrique du Sud était opposée au système de « un homme – un vote ».
Il n’existait pas de grand soutien à la démocratie chez les blancs en Afrique du Sud, ils y étaient opposés. Ils disaient : « OK, on peut de nouveau négocier, nous pouvons avoir une sorte de partage de pouvoir, mais une personne – un vote, c’est hors de question. »
Alors qu’est-ce qui a fait la différence ? Quelqu’un l’a mentionné : la pression, le boycott, le désinvestissement et les sanctions. La logique consistant à boycotter Israël et exercer des pressions sur Israël, ce n’est pas pour nous faire sentir bien nous-mêmes, mais pour changer les dynamiques de pouvoir. Israël peut dire non, parce qu’il est fort. BDS (boycott, désinvestissement et sanctions) veut changer cette dynamique de pouvoir. De sorte qu’Israël ne dicte plus ce qui est possible et considéré comme réaliste, et ce qui est considéré comme pragmatique.
Une des choses que les gens disent parfois, c’est que réclamer le droit au retour n’est pas pragmatique. Les réfugiés palestiniens doivent être réalistes. Il n’y aura pas de retour, vous savez, parce que vous devez être pragmatiques. Pourquoi ? Cela n’est pas pragmatique du tout. Israël parle d’amener encore un million de Juifs venant de monde entier afin de les faire vivre en Israël et dans les territoires occupés. Est-ce que cela est pragmatique ? Cet espace, cette terre disponible : apparemment Israël a assez de ressources pour construire des maisons pour eux… Donc il paraît qu’il est pragmatique d’amener un million de colons, mais pas de ramener les gens qui sont vraiment de là ! Donc il n’y a pas un problème d’espace, ou de terre, ou de maisons ou de ressources.
Ce qui est supposé être pragmatique c’est que les Palestiniens ne sont pas des juifs, c’est la seule raison. Un million et demi de personnes à Gaza sont mises en cage comme des animaux, parce qu’elles ne sont pas juives. Si ces gens étaient juifs, si on pouvait changer une chose concernant les gens de Gaza, s’ils étaient juifs, Israël ouvrirait les barrières et le mur du ghetto pour les inviter à revenir chez eux, dans leur pays. C’est de cela qu’il s’agit.
Donc, dans cette soi-disant solution à deux États, il s’agit de préserver Israël en tant que colonie de peuplement dans laquelle les Juifs maintiendront le contrôle politique, économique et militaire.
Un point que quelqu’un d’autre mentionnait dans la session précédente, c’est que s’il y a un État, comment pouvons-nous garantir qu’il ne perpétuera pas simplement le statu quo avec les Juifs israéliens en tant que classe privilégiée et les Palestiniens restant la classe pauvre ?
Bien sûr, nous ne pouvons pas garantir cela, s’il n’y a pas un effort significatif en vue de renverser et corriger cette situation. Mais c’est une fausse affirmation de penser que « deux États » puisse modifier cette situation. En fait, « deux États » rend incontournable, enserre et légitime l’inégalité. Comme aujourd’hui. Israël dit : on n’est plus à Gaza ; Gaza n’est pas notre problème. Le fait que le revenu moyen à Gaza est de un quarantième d’un revenu moyen en Israël, que la population de Gaza vit avec un revenu situé en dessous du nécessaire vital, ce n’est pas notre problème. Gaza, ce n’est pas Israël. Gaza est seulement une partie d’Israël au moment où la Flottille arrive. Alors soudainement, la Flottille viole la souveraineté d’Israël. Mais, sinon, ce n’est pas notre problème. Ceci serait la situation s’il y avait un soi-disant État palestinien. Comme c’est la situation maintenant entre l’ancienne Europe coloniale et l’Afrique. Bien, ces pays sont pauvres, mais ils sont indépendants. Et nous leur accordons « de l’aide » par un effet de notre générosité. Mais nous n’avons pas de responsabilité pour réparer les conséquences du colonialisme. Ce ne sont pas nos citoyens. Donc la création d’États a été une garantie de pauvreté, une garantie de dépendance et une illusion d’indépendance. Et nous connaissons cela assez maintenant dans la période post-coloniale. C’est simplement un mensonge de continuer de dire au peuple palestinien que s’il peut agiter un drapeau et dire qu’il a un État, qu’il va avoir ses droits et que sa situation va être améliorée.
Donc, pour résumer : nous devons changer de discours, et éliminer, que cela nous plaise ou non, ce discours mort concernant la création d’un État, d’institutions d’un État formel, cette fausse déclaration d’État qui n’a rien à voir avec l’autodétermination et poser à nouveau les problèmes en termes de droits. Et des droits pour tout le peuple palestinien. Pas seulement des Palestiniens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Mais aussi des Palestiniens en Israël qui ont le droit de vivre comme un peuple libre et égal dans leur pays, pas sous le régime d’un état juif raciste. Des réfugiés palestiniens qui ont le plein droit de participer à l’autodétermination, y compris avec un réel droit au retour. Nous devrions plus être préoccupés par les droits des réfugiés que par les droits des colons israéliens. Je ne comprends pas d’où vient cette préoccupation. Et est-ce que cela veut dire que les Juifs israéliens n’ont pas leur place ici ? Yasser Arafat disait en 1974 dans son fameux discours aux Nations unies : « Nous voulons vivre ici, avec les juifs qui sont d’accord de vivre avec nous sur une base démocratique et d’égalité, sans privilèges racistes ou coloniaux ». Je pense que la plupart des Palestiniens soutiennent cette idée. C’est un mensonge pur et simple de prétendre que les Palestiniens disent qu’il faut rejeter les Juifs à la mer. La question n’est pas de savoir si les Palestiniens sont d’accord de vivre côte à côte avec les Juifs sur une base d’égalité, mais bien de savoir si les Israéliens sont d’accord de faire cela. »
Et la réponse, jusqu’à présent, a été négative. Israël parle d’une « menace démographique » et d’un « suicide ». Mais il ne s’agit pas d’une menace contre la sécurité physique des Juifs, mais d’une menace contre le système d’apartheid et les privilèges dont profitent les Juifs sous ce système.
Laissez-moi finir ici, en disant que le point fondamental, ce qui va déterminer la situation, ce n’est pas ce que nous discutons ici dans cette salle, mais la lutte que nous engageons, en particulier en Europe pour mettre l’accent sur le BDS, pour le soutenir, pour le pousser en avant. Merci. »
« Fred et Marie » c’est un film d’une quinzaine de minutes et une interface inédite permettant d’y réagir. L’ensemble constitue une campagne de la fédération Wallonie Bruxelles et de la Cocof pour prévenir la violence psychologique au sein du couple.
L’ambiance est lourde, chez Fred et Marie. Elle prépare leur diner d’anniversaire de cinq ans de mariage, et subit son homme qui lui interdit la présence d’une amie, lui impose sa robe, la maltraite,… Elle est éteinte, effacée derrière cet homme totalitaire. Violent!Les acteurs sont magistraux et l’on a froid dans le dos à la vue des ces scènes. « Pour un couple sur huit, ceci n’est pas une fiction », indique la campagne.
Le dispositif est original : le film est intégré à une interface qui permet de réagir aux différents personnages mis en scène en allant voir leur profils – fictifs donc – créés sur Facebook. Original, mais cela ne risque-t-il pas de rendre finalement peu visible une discussion qui s’en trouve du coup dispersée sur plusieurs pages ?