La Jordanie, aride terre d’accueil pour les exilés syriens


LE MONDE | 11.08.2012 à 11h48 • Mis à jour le 12.08.2012 à 13h10

Par Véronique Falez (Zaatari, Jordanie, envoyée spéciale)

Deux réfugiés syriens dans le camps de Zaatari près de la ville de Mafrak, en Jordanie, le 31 juillet.

Le camp jordanien de Zaatari a été installé dans l’urgence à la frontière syrienne, près de la ville de Mafrak, sur une plaine désertique. Le vent brûlant soulève du sable qui irrite les yeux et dont les réfugiés syriens tentent de se protéger avec leurs voiles et leurs foulards. Des tentes fouettées par des bourrasques s’étendent à perte de vue. Les familles syriennes se rassemblent à l’entrée du camp, cherchant l’ombre sous deux grands abris de toile, assises sur des tapis ensablés.
Les combattants rebelles et les militaires de l’armée syrienne régulière qui ont fait défection sont regroupés dans un autre camp, à proximité de Mafrak également, sous la garde bienveillante du gouvernement jordanien. A Zaatari ne sont accueillies que des familles ; venues d’Homs, de Damas mais surtout de Deraa, le berceau de la révolution syrienne. »L’armée syrienne a resserré son étau autour de Deraa », témoigne Abou Moussab, qui a quitté la ville il y a huit jours pour fuir en Jordanie. « Ils nous terrorisent, ils coupent l’eau, le gaz et l’électricité. Ils imposent des couvre-feux de plusieurs jours. Même quand j’allais faire des courses au magasin, je disais adieu à ma famille de peur de ne pas revenir. Et puis on m’a menacé parce que j’ai manifesté contre le régime, les militaires ont saccagé ma maison. J’ai décidé de partir », raconte-t-il.

Beaucoup de réfugiés échoués à Zaatari disent avoir perdu leur maison, brûlée ou bombardée par l’armée syrienne, ce qui les a décidés à franchir illégalement la frontière. « Le passage est dangereux, il se fait en général de nuit et il arrive que des civils soient blessés par les tirs syriens », souligne un diplomate européen en Jordanie.

CHALEUR ACCABLANTE, POUSSIÈRE, INSTALLATIONS RUDIMENTAIRES

Après les épreuves, l’arrivée dans le camp jordanien est un nouveau choc. Les exilés découvrent la chaleur accablante, la poussière et les installations extrêmement rudimentaires du camp.

« Je ne m’attendais pas à trouver des tentes comme ça, explique une vieille femme en pleurs. Il n’y a pas d’électricité, le soir j’ai peur de sortir dans l’obscurité pour aller aux toilettes… Si j’avais su, je serais restée en Syrie. » « On doit se bagarrer pour obtenir une bouteille d’eau, renchérit une jeune fille. Le risque en Syrie, c’est une mort rapide. Ici, c’est la mort lente. »

Une maman s’inquiète pour ses trois jeunes enfants. Le sable qui pénètre dans la bouche et le nez les rend malades, et les journées sont longues. « Il n’y a aucun moyen de passer le temps. Tout ce qu’ils font, c’est jouer dans la poussière avec les cailloux », déplore-t-elle.

A 14 heures, en plein mois du ramadan, les familles mangent sous les tentes centrales les repas distribués par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Du riz, du poulet et des jus de fruits. « Dans ces conditions, nous n’arrivons pas à jeûner », se désole Abou Moussab.

« NOUS AVONS BESOIN DE 2 500 MOBIL-HOMES »

Plusieurs camions rentrent dans le camp. Ils apportent du matériel humanitaire et un hôpital de campagne envoyés par le Maroc. La France, de son côté, a envoyé jeudi, une antenne chirurgicale, où se rendra le ministre français des affaires étrangères, Laurent Fabius, lors d’une visite du camp prévue jeudi 16 août.

Ali Bibi, un des responsables du HCR, coordonne l’arrivée de l’aide sur le terrain. Il reconnaît « que la situation est très difficile, qu’il manque de tout à Zaatari » : « Nous avons besoin de 2 500 mobil-homes pour remplacer les tentes qui ne sont pas adaptées, besoin de nourriture, de générateurs, de caissons réfrigérés, de réservoirs d’eau, de bennes à ordures… J’appelle la communauté internationale à soutenir le HCR », plaide le jeune homme.

Désorientée, avec son bébé de 4 mois dans les bras, Noujoud veut obtenir du Haut-Commissariat le droit de quitter le camp. Pour se protéger du soleil, elle s’est adossée au conteneur qui sert de bureau au personnel de l’ONU. Elle explique qu’elle n’a pas assez d’eau pour ses enfants. Mais les réfugiés syriens ne peuvent pas sortir du camp sans l’accord du royaume hachémite, le sésame étant le parrainage d’une famille jordanienne.

A 12 kilomètres de Zaatari, assis derrière son large bureau, le gouverneur de Mafrak, Salim Raouahneh, reçoit par piles des propositions de garanties de ses administrés, qui cherchent à faire venir en ville des proches venus de Syrie.

« Chaque jour, on me communique les noms d’environ 150 Syriens à transférer hors du camp. Les Jordaniens sont très accueillants, ils sont prêts à ne pas manger à leur faim pour venir en aide à leurs frères syriens, mais il faut bien reconnaître que les réfugiés commencent à constituer un fardeau pour l’économie jordanienne », note M. Raouahneh, qui estime aujourd’hui à 40 000 le nombre de Syriens dans sa petite ville de Mafrak.

600 SYRIENS  FRANCHISSENT CHAQUE JOUR LA FRONTIÈRE

« La main-d’œuvre syrienne n’est pas chère, alors on embauche plus facilement un Syrien qu’un Jordanien. Et puis ces exilés ont besoin de soins, d’éducation, d’eau, d’électricité. » Un diplomate précise que la Jordanie étant « l’un des pays les plus pauvres en ressource aquatique, et sous contrainte budgétaire, la pression est actuellement forte sur les réserves d’eau ».

Selon des autorités jordaniennes, plus de 150 000 Syriens vivraient aujourd’hui en Jordanie, même si seuls 40 000 sont inscrits comme réfugiés auprès du Haut-Commissariat des Nations unies. En juillet, avec le durcissement des combats en Syrie, l’afflux des exilés s’est accéléré, et ce sont désormais 600 Syriens en moyenne qui franchissent chaque jour la frontière jordanienne.

Le royaume s’est donc résolu à ouvrir le camp officiel de réfugiés à Zaatari, géré par les Nations unies, le 29 juillet. Il rassemble à ce jour plus de 3 500 réfugiés venus directement de Syrie ou du camp jordanien de transit de Bachabcheh, à Ramtha.

Mais le terrain désertique de 9 kilomètres carrés pourra à terme abriter 113 000 exilés. Aucun des habitants du camp ne se voit un avenir à Zaatari. Ils prédisent la chute prochaine de Bachar Al-Assad et rêvent déjà de leur retour en Syrie.

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Les crieurs publics du Ramadan se font de plus en plus rares en Irak


OLJ/AFP | 12/08/2012
L'un des derniers mousaheratis de Bagdad en plein action le 1 août 2012. AHMAD AL-RUBAYE
L’un des derniers mousaheratis de Bagdad en plein action le 1 août 2012. AHMAD AL-RUBAYE AFP
RAMADAN « Autrefois, chaque rue avait son propre mousaherati, qui avait son propre tambour ».

Frappant sur un petit tambour en arpentant les rues de Samarra au petit matin, Luay Sabbah crie « S’hour! S’hour! ». Ce crieur chargé de réveiller son voisinage exerce une pratique de plus en plus rare en Irak.

Le jeune homme d’une vingtaine d’années, comme les autres crieurs publics du ramadan, réveille ses voisins pour le premier repas, appelé « s’hour », qui précède la prière de l’aube et le jeûne diurne pendant ce mois sacré pour les musulmans.

Mais ils ne sont plus très nombreux à pratiquer ce réveil public, vêtus de la dishdasha traditionelle, sorte de chemise à manches longues, généralement blanche, descendant jusqu’aux chevilles. La faute au progrès techologique, et aux mesures de sécurité mises en oeuvre après l’invasion américaine de 2003 qui a détrôné le dictateur Saddam Hussein.

Les autorités imposent un couvre-feu de 1 à 4 heures du matin dans les villes les plus importantes du pays. C’est le cas à Samarra aussi, à 110 km de Bagdad. Mais pour le ramadan, la règle s’assouplit afin de permettre à Sabbah, le crieur public ou musaheratis en arabe irakien, et à ses confrères, de sortir à l’aube dans la ville.

« Les mousaheratis ont presque complètement disparu. Il n’y en a plus que quelques-uns, et encore, ils ne travaillent pas tous les jours, » dit Sabbah, qui a repris la fonction que son père a exercée pendant dix-huit ans, jusqu’à sa mort en 2008.

A la fin du Ramadan, pour la fête du Fitr, les mousaheratis font le tour des maisonnées qu’ils ont réveillées, et acceptent des étrennes pour leur travail.

Mais les sommes récoltées sont maigres, alors les mousaheratis ont aussi un travail à l’année: Sabbah, par exemple, vend de l’huile de cuisine.

« Autrefois, chaque rue avait son propre mousaherati, qui avait son propre tambour, » se souvient Abou Jassim, un retraité assis chez un épicier de Bagdad.

« Parfois leurs voix se mêlaient, parce qu’ils étaient très nombreux. Les enfants les accueillaient avec des cris de joie, mais aujourd’hui, la peur et l’insécurité les tiennent à l’écart. »

Après l’invasion de l’Irak, des dizaines de milliers de personnes ont trouvé la mort dans une spirale de violences confessionelles qui a culminé entre 2006 et 2008.

La sécurité s’est améliorée depuis, mais les attaques sont encore nombreuses et le pays a connu un regain de violence depuis le début du ramadan – soixante-neuf personnes ont été tuées les premiers jours d’août.

Couvre-feu, murs anti-explosion et check-points ont été mis en place pour lutter contre ces violences, mais ils rendent les déplacements difficiles.

A Baqouba, capitale de l’une des provinces les plus dangereuses d’Irak, Diyala, Ahmed Abbas, un crieur de 27 ans, a dû demander une autorisation aux autorités locales, et ne peut déambuler que « dans les zones stables. »

Baqouba, qui comptait une soixantaine de mousaheratis l’an dernier, en a moitié moins en raison de l’insécurité et des restrictions pesant sur les déplacements, selon un membre d’un conseil local, qui préfère rester anonyme.

A Mossoul, l’une des villes les plus violentes d’Irak, et dans sa province de Ninive, il n’y a plus du tout de mousaheratis, selon les responsables religieux.

Selon un résident de Mossoul, ouvrier en bâtiment, Mukhlis Jarallah, « de vastes quartiers se réveillaient au son des cris d’un vieux grand-père. » Mais, ajoute-t-il, « l’invasion a mis fin aux mousaherati. »

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