Je résiste donc je suis… en prison


    • 14:00 – 21:00

  • Conférence débat sur les prisonniers politiques palestiniens

    Avec Sahar Francis, directrice de Addameer,Organisation des Droits de l’Homme palestinienne
    Abdallah Abu Rahma, ancien prisonnier & membre du Comité populaire de Bil’in
    Hélène Legeay, juriste, ACAT France

    Hommage à Chawki Armali, ancien Délégué général de la Palestine

    Mères de Qalqilya, Traces de libertés
    Exposition photo et récits de vie des mères de prisonniers politiques de Qalqilya, en collaboration avec Roxana Alvarado et Ann Grossi, artistes plasticiennes.

    Dessin par Mohammed Saba’aneh, arrêté en février 2013, et à ce jour encore prison en Israël.

158 Rue Théodore Verhaegen, 1060 Saint-Gilles

Mort de Jacquier: le livre qui accuse le régime syrien


Le 11 janvier 2012 à Homs, l’un des épicentres de la révolte syrienne, le journaliste français Gilles Jacquier mourait criblé d’éclats de mortier ou de grenade. Un livre signé par sa compagne, elle-même photographe, qui l’accompagnait, et par deux journalistes suisses présents sur les lieux du drame vient de sortir au Seuil (1). A la fois témoignage poignant et enquête convaincante, l’ouvrage démonte un traquenard. Du régime.

Pour les auteurs, pas de doute, en effet : le régime de Bachar el-Assad a voulu tuer Gilles Jacquier. Pas seulement tuer un journaliste occidental, mais bien celui qui travaillait pour France 2. Car, au-delà de la valeur dissuasive universelle qu’incarnait le sort funeste d’un reporter sur le terrain syrien, le régime avait de solides raisons d’en vouloir à la France de Sarkozy pour son positionnement politique et aussi plus particulièrement à France 2, qui avait diffusé dans les semaines précédentes deux reportages, sans doute les premiers du genre en français, d’équipes envoyées clandestinement côté rebelles…

Encore faut-il le démontrer une telle thèse. Le livre y parvient, réussissant à présenter une telle accumulation d’éléments probants qu’il ne manque, à vrai dire, que les aveux du régime pour compléter le tableau…

Il y a d’abord les impressions au moment même du drame. Cette petite manifestation « spontanée » qui fait descendre le groupe de journalistes de leurs véhicules, la circulation dense qui se tarit soudain, cette interprète officielle qui dit à Caroline Poiron « Que Dieu te garde », les trois équipes de télévision syrienne sur place (elles seront six à l’hôpital deux heures plus tard), cette demi-douzaine d’inconnus qui poussent tout le monde dans un immeuble précis au bas duquel le journaliste français sera tué, les militaires accompagnant les journalistes qui disparaissent soudainement, etc.

Après, rentré en Europe, le trio, persuadé d’être tombé dans un piège, décide d’enquêter. Belgique, Maroc, Liban, Egypte : une « quête de vérité » décrite comme « difficile, pénible, usante et, avouons-le, déprimante ». Pour un résultat : « notre intime conviction que la mort de Gilles n’était pas une bavure de l’Armée syrienne libre (…). Nous avons recueilli et recoupé suffisamment témoignages pour nous laisser penser que la mort de Gilles a été orchestrée par le gouvernement syrien ».

Parmi les éléments de cette enquête qui éreinte au passage Georges Malbrunot, du Figaro, plusieurs vrais scoops attendent le lecteur, dont le témoignage inédit et inouï sur cette question, de l’ex-observateur de la Ligue arabe Anouar Malek, qui révèle aux auteurs que le gouverneur de Homs lui avait parlé de Gilles Jacquier le 7 janvier, lui annonçant sa prochaine visite dans la ville, alors que le reporter français, ce jour-là qui correspondait à son arrivée à Damas en provenance de Paris, n’était pas au courant qu’il irait à Homs puisqu’il souhaitait enquêter sur les coulisses du pouvoir syrien.

Qui, ensuite, poussa Gilles Jacquier et sa compagne à se rendre à Homs ? Un personnage central dans le livre, dont l’ombre semble planer sur le scénario mortifère du régime : mère Agnès-Mariam de la Croix. C’est par cette religieuse sulfureuse que le Français avait obtenu un sésame pour entrer en Syrie. Mais c’est aussi elle qui lui intima l’ordre d’aller à Homs le 11 janvier : c’est Homs ou le retour à Paris, avait-elle menacé…

Mère Agnès se voit même consacrer un chapitre entier du livre. Pour un portrait cinglant d’un intrigante qui ne cherche pas vraiment à démentir ses accointances avec les « services » syriens…. Sauf que les auteurs ne peuvent assurer avec certitude qu’elle a trempé dans le meurtre qu’ils dénoncent. Ils lui laissent la possibilité, faute de preuve formelle, d’avoir été manipulée.

Manipulation ? Parmi les techniques du régime, le livre révèle celle, étonnante, du chantage sexuel dont attestent certains des ex-observateurs de la Ligue arabe interrogés, qui ont fait l’objet de sollicitations gracieuses de la part de jeunes et jolies femmes qui ne pouvaient être que des prostituées envoyées par lesdits « services »…

Le livre est écrit à la première personne, comme si Caroline Poiron l’avait rédigé seule. En réalité, c’est bien l’œuvre commune des trois auteurs, avec donc Sid Ahmed Hammouche et Patrick Vallélian, y compris un premier chapitre haletant qui raconte, minute par minute, comment il leur a fallu protéger le corps de Gilles Jacquier alors que, devant une chambre de l’hôpital Al Nahda de Homs, une foule de vrais-faux médecins et journalistes à la solde du régime voulait instrumentaliser la dépouille à de sordides fins de propagande.

BAUDOUIN LOOS

(1) Attentat Express, qui a tué Gilles Jacquier, par Caroline Poiron, Sid Ahmed Hammouche et Patrick Vallélian.