On les sort de la jungle vietnamienne 40 ans après la fin de la guerre


pubié le 27 août 2013 – 159 lectures
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QUANG NGÃI – Un Vietnamien et son fils qui auraient vécu pendant quarante ans dans la jungle ont été ramenés dans le village qu’ils auraient fui pendant la guerre du Vietnam, a indiqué samedi un responsable s’inquiétant de leur capacité à s’adapter à leur nouvelle vie…

Des images de la télévision locale ont montré Ho Van Thanh, 82 ans, et son fils Ho Van Lang, 42 ans, émaciés et vêtus de pagnes en écorce d’arbre, être emmenés mercredi apparemment contre leur gré, le père porté dans un hamac, le fils les mains attachées devant lui.

Au début des années 1970, Thanh, alors membre d’une guérilla communiste, avait fui son village après la mort de sa mère et de deux de ses enfants lors d’un bombardement américain, emmenant avec lui son fils de deux ans, a expliqué samedi à l’AFP Hoang Anh Ngoc, un responsable local dans la province de Quang Ngai, dans le centre du pays.

Mais les deux hommes qui auraient vécu de fruits et de maïs qu’ils cultivaient, parlent à peine quelques mots de leur dialecte de la minorité ethnique Kor et ils risquent d’avoir du mal à s’adapter, surtout le fils qui n’a connu quasiment que la jungle toute sa vie.

«Le fils a peur de la foule. Il ne parle pas aux étrangers (…) mais il parle un peu à sa famille», a noté Ngoc. Il est hébergé chez des proches mais «évidemment nous avons peur qu’il retourne dans la forêt, nous le surveillons», a-t-il ajouté.

Le père en revanche, épuisé et placé sous traitement dans un hôpital local, est «trop vieux et trop faible pour s’enfuir», a-t-il estimé, notant que les autorités allaient leur construire une maison.

Les deux hommes avaient déjà par le passé été arrachés à la jungle, avant d’y retourner.

Selon le journal en ligne Dan Tri, le plus jeune fils du vieil homme, qui avait seulement trois mois lors du bombardement et qui leur rendait visite tous les ans, avait déjà essayé en 2004 de les ramener chez eux. Mais ils avaient refusé de rester longtemps, «préférant leur vie indépendante à la vie traditionnelle des familles vietnamiennes», a précisé le journal.

Mais les deux hommes avaient été aperçus récemment dans la forêt par des habitants de la région qui les avaient signalés aux autorités. Ils ont été retrouvés «vivant dans une cabane à cinq mètres du sol, et les deux hommes portaient seulement un pagne en écorce d’arbre», avait précisé vendredi le quotidien Tuoi Tre, évoquant la présence d’outils rudimentaires dont certains fabriqués à partir d’obus datant de la guerre.

Après avoir été capturé mercredi, Lang «mâchait des noix de bétel et fumait sans arrêt, regardant tout le monde autour de lui avec un regard vide», avait-il ajouté.

Source : AFP via Libération

Les éventuels scénarios d’une opération militaire en Syrie


LE MONDE | 29.08.2013 à 12h40 • Mis à jour le 29.08.2013 à 16h00 | Par Etienne Copel (Général (CR), ancien sous chef d’état major de l’armée de l’air en charge des opérations)

L'armée syrienne dans le quartier de Jobar à Damas.

Trois types d’interventions peuvent s’envisager en Syrie.

  • Une intervention sans les Etats-Unis (peu probable)

Aviation tirant de loin. Zéro mort allié

L’aviation agit seule et à distance. A partir d’appareils Rafale, Typhoon ou Mirage 2000, elle lance ses missiles Scalp (Système de croisière autonome à longue portée). C’est ce qu’elle avait fait en Libye en 2011. Le Scalp est un missile bien adapté à l’attaque d’objectifs durcis comme des hangars d’avion en béton, des postes de commandement, des centres de transmission. Contre les pistes d’aérodrome, il utilise deux charges explosant successivement, ce qui permet à la seconde d’exploser sous la piste et de soulever les dalles sur une grande surface, rendant les réparations difficiles.

Une attaque à l’aide de Scalp seuls permettrait d’empêcher le régime d’utiliser ses avions pour attaquer les positions tenues par les rebelles et compliquerait les communications. Mais le Scalp ne peut être tiré que contre des objectifs déterminés au moment du lancement, il ne peut pas être utilisé contre des cibles bien camouflées et encore moins contre des objectifs mobiles.

Aviation d’appui et hélicoptères de combat. Pertes amies probables

Pour détruire chars, canons et véhicules de transport, il faut utiliser des aéronefs capables d’agir en temps réel sur des cibles d’opportunité. Le meilleur outil est de loin l’hélicoptère, mais sa vulnérabilité est assez grande. Heureusement, l’ALAT (Aviation légère de l’armée de terre) dispose d’excellents hélicoptères (Tigre) qui ont fait leurs preuves au Mali et en Libye. Si des hélicoptères étaient utilisés en Syrie, le plus simple serait sans doute de les faire décoller à partir de porte-hélicoptères (Mistral) ou du porte-avions Charles-de-Gaulle, actuellement opérationnel.

  • Les Etats-Unis participent à l’attaque

Les Américains chercheront à détruire ces armes chimiques en priorité, mais ce sera difficile car les obus « chimiques » ne sont pas plus gros que des obus classiques et qu’il est facile de les disséminer et de les dissimuler. En revanche, les Américains pourraient améliorer l’efficacité des actions décrites pour la France et la Grande-Bretagne grâce, en particulier, à leurs :

Missiles de croisière

Précis et puissants, ces missiles, tirés de sous-marins, de navires de surface ou d’avions pourraient mettre hors de combat l’aviation syrienne et les principaux centres de commandement et de transmission. Le palais du président pourrait être détruit, mais Bachar Al-Assad dispose sûrement d’abris et lui-même devrait ne pas être neutralisé par des frappes aériennes.

Drones

Les forces américaines militaires ou civiles (CIA) disposent de drones capables d’espionner et de détruire. Leurs fameux « Predator » ont fait merveille en Afghanistan et au Pakistan, si on fait abstraction des pertes humaines et des retombées politiques souvent négatives.

Avions d’appui

L’armée de l’air dispose d’avions d’appui subsoniques souvent appelés « camions à bombes » : les A10, auxquels leurs équipements sophistiqués donnent des capacités redoutables contre des objectifs variés. Ces avions se situent en fait entre les hélicoptères et les avions supersoniques, en ce qui concerne tant la vulnérabilité que l’aptitude au soutien de troupes en combat rapproché.

Bombes à pénétration

Depuis des décennies, les Américains ont mis au point une série de bombes puissantes capables de détruire des sites protégés, enterrés à des dizaines de mètres de profondeur.

  • La zone d’exclusion aérienne

Très souvent évoquée, la création d’une zone d’exclusion aérienne est a priori une excellente idée. Elle consiste à interdire tout survol dans une zone donnée et protège les populations concernées. L’ennui est qu’une telle zone serait difficile à mettre en place et surtout à entretenir dans un pays comme la Syrie, bien plus petit que l’Irak, où une telle zone avait été créée pour protéger les Kurdes contre les attaques de Saddam Hussein. Il est toutefois possible d’envisager une telle zone après – et seulement après – une attaque massive des installations de défense aérienne de Syrie.

Le scénario le plus probable est une attaque conjointe et limitée dans le temps des forces aériennes américaines, françaises et britanniques appuyées par de nombreux missiles de croisière. Les objectifs seraient toutes les pistes d’envol syriennes, la quasi-totalité des abris des avions de combat, les installations radar, les sites de lancement de missiles, les centres de transmission et un grand nombre de centres de commandement. Les capacités chimiques de Bachar Al-Assad ne seraient pas totalement détruites dans un premier temps, mais il serait facile de lui signifier que, si de nouvelles attaques chimiques avaient lieu, de nouvelles actions plus adaptées aux cibles mobiles seraient entreprises avec, en particulier, l’emploi massif d’hélicoptères en soutien des troupes de l’Armée syrienne libre.

Etienne Copel (Général (CR), ancien sous chef d’état major de l’armée de l’air en charge des opérations)

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Syrie : preuve que c’est Bachar chimique le coupable ?


anniebannie n’en doute pas car c’est dans la psychologie de Bachar Timour, mais la fabrication de preuves par les US a été tellement pratiquée, qu’on ne croit plus personne; les 100 000 morts, c’était OK, après tout ce ne sont que des Syriens, mais la mort par le Sarin, ça non !

Une conversation entre un responsable de la Défense syrienne et le chef de l’unité des armes chimiques a été interceptée par les renseignements américains.

Les services de renseignement américains ont écouté un responsable du ministère syrien de la Défense « en panique » au cours « de conversations téléphoniques avec le chef de l’unité des armes chimiques », après l’attaque de la semaine dernière, rapporte mardi le magazine Foreign Policy.

« Lundi dernier, dans les heures qui ont suivi la terrifiante attaque chimique à l’est de Damas, un responsable du ministère syrien de la Défense a eu des conversations téléphoniques paniquées avec le chef de l’unité des armes chimiques, demandant des réponses sur la frappe à l’agent neurotoxique qui a tué plus de 1.000 personnes », selon le magazine.

« Ces conversations ont été écoutées par les services de renseignement américains », a affirmé le magazine dans un communiqué. « C’est la principale raison pour laquelle les responsables américains disent maintenant qu’ils sont certains que ces attaques sont l’oeuvre du régime de Bachar al-Assad et pourquoi l’armée américaine s’apprête à attaquer ce régime dans les jours à venir ».

L’information est révélée alors que les forces américaines se préparent à frapper la Syrie, bien que les alliés occidentaux soulignent que le but n’est pas de renverser le régime actuel mais de punir le gouvernement de Bachar al-Assad pour avoir employé des armes chimiques contre des populations civiles.

Les bases pour une intervention militaire ont été présentées par le vice-président américain Joe Biden qui a déclaré en premier que les attaques chimiques de la semaine passée tuant des centaines de personnes, ne pouvaient avoir été perpétrées que par les forces de Bachar al-Assad.

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Madame Tutli-Putli


Court métrage d’animation dans lequel Madame Tutli-Putli monte à bord d’un train de nuit, traînant avec elle tous ses biens.

Voyageant en solitaire, elle partage sa cabine avec des étrangers d’apparence tantôt bienveillante, tantôt menaçante.

Quand tombe la nuit, elle se retrouve au cœur d’une angoissante aventure métaphysique, où la réalité se confond avec le rêve.

Thriller jungien? Suspense hitchcockien? Tour de force artistique? Montez à bord, le train de nuit vous attend…

….

Du même auteur (et je préfère)

Le noeud cravate allie à merveille animation de marionnettes et dessin animé. Le film raconte quinze ans de la vie de Valentin. Employé dévoué à sa tâche, leurré par des patrons imbus de pouvoir, Valentin lutte contre l’absurdité avec toute la force de ses espérances

Lettre de Bachar al-Assad à son père


Posté le 28 avril 2013 | 9 commentaires

Cher Papa,

Je sais que tu te faisais beaucoup de souci pour moi avant de mourir. Je crois que tu avais tort. Tout s’est en effet très bien passé au moment de la succession. J’ai eu ensuite quelques petits problèmes avec le Liban (il m’a fallu liquider Hariri), mais il a suffi de faire le gros dos pour que, petit à petit, tout rentre dans l’ordre. La Syrie a prospéré au cours des dix premières années de mon règne. Je dois dire que le cousin Rami m’a beaucoup aidé. Tout allait bien et tout aurait pu durer ainsi éternellement – même s’il me fallait périodiquement emprisonner des contestataires -, sans l’agitation que Ben Ali et Moubarak ont laissé se développer dans leurs pays. Tu imagines ? : Ils ont été renversés. Pire encore, Kadhafi a été écharpé par son peuple.

Bien entendu, le mouvement de protestation a fini par arriver chez nous. Je me suis souvenu de la manière inflexible avec laquelle tu avais traité les Frères et j’ai suivi ton modèle. J’ai transformé toutes les villes de Syrie – ou peu s’en faut – en autant de Hama. Le problème, que tu n’avais pas rencontré en 1982, est qu’il m’a été impossible de boucler le pays. Avec les moyens de communication qui ont cours aujourd’hui, les images de la répression se sont répandues dans le monde entier.

Au début, cela m’a beaucoup inquiété. Toutes ces démocraties qui, périodiquement, venaient me parler de droits de l’homme risquaient de vouloir intervenir, comme elles l’ont fait en Libye. Mais – le croiras-tu ? – elles n’ont pas bronché. Bien entendu, elles m’ont traité de tous les noms : « boucher », « assassin », tous les qualificatifs désobligeants y sont passés. J’ai eu droit aussi à des remarques ridicules sur la perte de toute légitimité. Curieux, comme ces dirigeants sont incapables de concevoir que nous ne pensons pas comme eux. Mais ils se sont contentés de discourir.

Il est vrai que les Russes m’ont beaucoup aidé. Tu avais vraiment raison de conclure une alliance avec eux. Ces gens-là ont la même façon de voir les choses que nous. Et ils se moquent de toutes ces remarques grotesques sur la vérité et le mensonge, le bien et le mal. Ils savent que la seule chose qui compte est de rester au pouvoir. Avec les Chinois, qui m’ont toujours paru moins convaincus qu’eux, mais qui les ont suivis, ils ont tout bloqué au Conseil de sécurité. Les Occidentaux n’ont pas osé passer outre et recommencer ce qu’ils avaient fait pendant la guerre de Bosnie. Ils ont même publiquement assuré que jamais ils n’interviendraient en Syrie. Je n’en attendais pas tant, mais, bien sûr, j’en ai profité pour réprimer à tout-va.

Les Iraniens m’ont, eux aussi, beaucoup aidé. Tes anciens collaborateurs m’avaient critiqué de m’être rapproché de l’Iran lorsque tout allait encore bien pour nous. Ils voient maintenant que j’avais raison. Je sais bien que les Perses ne me soutiennent pas pour mes beaux yeux bleus, mais pour garder leur emprise sur la région. Qu’importe, tant qu’ils me fournissent (comme les Russes) des armes et même des hommes. Le Hezbollah est je dois dire un précieux allié : tu as eu une riche idée en encourageant sa création.

Tout n’est pas réglé, loin s’en faut, mais je tiens toujours Damas et les rebelles ne disposent pas d’autant de matériel que l’armée du régime. Rien n’est perdu. Fidèle à ton enseignement, je crois qu’il me suffit d’attendre que l’ennemi s’épuise. Au pire, nous nous replierons sur notre montagne et, d’une manière ou d’une autre, nous continuerons à nous battre et à empêcher la Syrie et ce peuple, si ingrat, de se relever.

Ce qui m’a le plus frappé dans toute cette affaire, ce sont les contradictions, la pusillanimité et la lâcheté des peuples occidentaux. Au fond, ils ne savent pas ce qu’ils veulent. Ils dénoncent ma politique, réclament mon départ, veulent me faire juger à la CPI tout en continuant à m’envoyer des émissaires. Rends-toi compte : ils ont ressorti Kofi Annan et maintenant Lakhdar Brahimi pour jouer ce rôle !

Je suis parvenu à les manipuler d’une manière digne de toi. C’est tellement facile de les embrouiller en faisant croire que certaines de nos opérations ont été menées par des rebelles que ce n’en est même plus drôle. Ils en sont à donner des leçons de morale aux généraux rebelles plutôt que des armes. Car, vois-tu, ils ne supportent pas l’idée que l’armée rebelle puisse tuer qui que ce soit, y compris les chabbiha. En revanche, si, comme la semaine dernière, je fais égorger 400 civils, dont pas mal d’enfants, ils ne réagissent même pas.

J’ai aussi repris ta technique du repoussoir jihadiste. Cela marche à tous les coups. Je n’ai eu qu’à libérer quelques-uns des terroristes maison et à demander aux « services » d’inoculer ce poison dans les rangs des rebelles. Quelques attentats bien organisés ont jeté le discrédit sur l’opposition armée. Le succès a dépassé toutes mes espérances! Alors que nos ennemis commençaient à susciter un début de sympathie en Occident, il n’est plus question dans leurs médias que de la menace « islamiste » !  Il est vrai que les brigades jihadistes font vendre les journaux ou regarder les nouvelles à la télévision, bien plus que mes massacres.

Un dernier exemple de la faiblesse de caractère des Occidentaux. Obama (l’actuel président américain) et ses homologues britanniques et français m’avaient menacé il y a quelques mois si j’utilisais des armes chimiques. Curieux qu’ils ne se soient pas rendu compte que cela signifiait a contrario que je pouvais tuer autant de Syriens que je voulais par d’autres moyens (je suis récemment passé aux SCUDS : cela marche très bien), sans qu’ils ne s’en mêlent. J’ai voulu voir jusqu’où je pouvais aller – d’autant que les Iraniens étaient intéressés eux aussi par ce test. J’ai donc fait tirer quelques missiles armés de produits chimiques à dose réduite. La première fois, l’Américain, l’Anglais et le Français ont décrété qu’il n’y avait pas de preuves. J’ai donc recommencé à plusieurs reprises. Cela devenait difficile à Obama de prétendre que je n’avais pas franchi ce qu’il avait qualifié de « ligne rouge ». Ne voulant décidément rien faire contre moi, il a ajouté une seconde condition : il faudrait que les armes chimiques soient employées à grande échelle pour « changer le jeu ». Le « jeu » ! Je peux donc continuer à m’amuser tranquillement à détruire la Syrie à petit feu. Quand on pense que la droite américaine soupçonne cet Obama d’être musulman !

Comme tu le vois, cher Papa, j’ai tout bien en main. J’ai bien retenu toutes les leçons que tu m’as enseignées et je les appliquerai jusqu’au bout, dussè-je pour cela détruire complètement le pays.

Ton fils dévoué,

Bachar

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Syrie : l’extermination chimique que prépare Bachar el-Assad


Jean-Pierre Filiu
Universitaire
Publié le 25/08/2013 à 11h47

Des cadavres de Syriens victimes des attaques du 21 août, à Damas, le 22 août 2013 (Uncredited/AP/SIPA)

J’ai pu, au fil des années, rencontrer à plusieurs reprises Bachar el-Assad. Avant lui, j’avais eu accès à de nombreuses occasions à son père Hafez el-Assad, qui lui a cédé le pouvoir à sa disparition en 2000, après trente années de pouvoir absolu.

J’en ai acquis la conviction que tout, mais littéralement tout est possible de la part de tels despotes. Car, bien plus conscients que les observateurs extérieurs de la fragilité de leur régime, le recours à la terreur jusqu’aux pires extrémités leur paraît un instrument de politique banalisé, voire normal.

« L’Etat de barbarie », comme le décrivait justement Michel Seurat, repose sur l’exercice de la violence la plus implacable à l’encontre de la population, qui doit n’avoir de choix qu’entre la soumission et la mort.

Mensonge d’Etat

Pour valider cette impitoyable alternative, Assad père et fils savent que deux conditions doivent impérativement être réunies :

  • le territoire syrien doit être interdit à toute catégorie d’information indépendante ;
  • l’opposition intérieure doit être systématiquement assimilée à une manipulation extérieure, de préférence Mossad et CIA, sinon Irak, Turquie, Arabie ou Qatar, suivant les périodes.

C’est le huis clos de mars 1982 qui permet à Hafez al-Assad d’exterminer une bonne partie de la population de Hama et de détruire le tiers du centre historique de cette ville. C’est ce huis clos que Bachar rétablit en nos temps de « transparence » supposée, par la liquidation des journalistes étrangers ou syriens. Le libre accès de la presse, pourtant spécifié dans les plans de la Ligue arabe en décembre 2011 et de l’ONU en avril 2012, restera toujours lettre morte.

Une fois ce huis clos garanti, la propagande du régime n’a plus qu’à instiller le doute à chaque affirmation de l’opposition, qui ne pourra effectivement être vérifiée de « sources indépendantes », celles-ci étant bannies de Syrie.

Ce cercle vicieux est poussé à l’extrême depuis quelques jours : les inspecteurs de l’ONU se voient interdire à Damas l’accès aux sites des frappes chimiques, pourtant tout proches de leur hôtel. Cela n’empêche pas la télévision gouvernementale d’accuser l’insurrection des crimes perpétrés par sa propre armée, sans même juger utile de mobiliser les fameux inspecteurs de l’ONU pour conforter ce mensonge d’Etat.

Bachar teste la passivité internationale

L’obsession de Bachar el-Assad, héritée de son père, est la survie du régime coûte que coûte. Le peuple syrien disparaît dans la vision surplombante du despote qui, comme tous les dictateurs de l’Histoire, est en partie acquis à sa propre propagande.

L’essentiel n’est donc pas de ménager, au moins relativement, une population tenue pour quantité négligeable, mais de tester la passivité internationale à chaque degré de l’escalade contre cette population, évidemment accusée de n’être qu’un ramassis de « terroristes », de « djihadistes » et d’« agents » du Mossad, de la CIA ou du Golfe.

Dès le début des manifestations pacifiques, en mars 2011, Bachar el-Assad lâche ses snipers pour abattre des opposants désarmés. Un mois plus tard, ce sont les blindés qui font mouvement dans les zones contestataires. Avec l’été, ces mêmes blindés, cette fois équipés de mitrailleuses lourdes, sèment la terreur dans les villes gagnées à l’opposition. Durant l’hiver suivant, l’artillerie commence à pilonner les quartiers rebelles.

A chaque fois, le dictateur teste la nouvelle escalade sur un terrain limité, mesure l’inanité de « condamnations » internationales purement verbales, avant de généraliser la pratique à l’ensemble du territoire syrien.

Cette épouvantable surenchère se poursuit à l’été 2012, avec la banalisation des raids aériens à l’encontre de zones résidentielles.

Aucune réaction crédible n’intervient face à ces crimes de guerre, hormis quelques communiqués indignés et des reportages effarés. Assad peut dès lors passer au bombardement par des missiles balistiques Scud, d’une portée de 300 km. Jamais ce type d’armes stratégiques n’avait été utilisé par un régime à l’encontre de sa propre population. Là encore, la passivité prévaut, encourageant naturellement les bourreaux à récidiver et à systématiser leur nouvelle arme de terreur.

Le recours aux armes chimiques est avéré depuis la veille de Noël 2012, dans un quartier de Homs. Soucieux de ne pas défier directement la « ligne rouge » tracée par l’administration Obama, Assad se contente d’utilisations ponctuelles, mixant gaz incapacitants et explosifs classiques. Le bilan de l’ensemble de ces frappes sur plus de six mois est de l’ordre de 150 tués, ce qui paraît bien faible au vu des 100 000 morts de la tragédie syrienne (ce bilan global est d’ailleurs sans doute sous-évalué).

Menacé au cœur de son périmètre de sécurité

La population des zones « libérées », qui a payé le prix fort pour connaître son tyran, est convaincue qu’Assad, s’il n’est pas arrêté, lancera une frappe massive aux armes chimiques. Les hôpitaux révolutionnaires d’Alep, où je me trouvais en juillet, sont désormais équipés d’installations de fortune pour les premiers soins et la décontamination en cas d’attaque chimique.

Le million d’habitants de cette partie « libérée » d’Alep dispose de seize msaques à gaz et de 10 000 doses d’atropine, le seul antidote à l’exposition au gaz sarin.

Selon l’opposition, la décision d’une campagne chimique contre les quartiers rebelles de Damas a été prise le 8 août. Bachar el-Assad a échappé ce jour-là à un attentat le visant à proximité de la mosquée Anas Bin Malek, où il devait participer aux prières de la fin du ramadan.

Pour avoir habité de longues années à côté de cette mosquée, je peux affirmer qu’il s’agit du cœur du périmètre de sécurité du régime. Ainsi la dictature Assad, qui doit recourir aux supplétifs libanais du Hezbollah pour reprendre pied à Homs et à Qusseir, est désormais menacée dans sa capitale même.

Bachar en toute impunité

Rescapé d’un attentat en juin 1980, Hafez el-Assad avait ordonné en représailles le massacre de centaines de détenus politiques dans la sinistre prison de Palmyre. Le châtiment du tyrannicide, crime absolu dans le système Assad, doit être aussi aveugle que dissuasif.

C’est peut-être à partir de ce moment qu’ont été planifiés les préparatifs d’une frappe majeure aux armes chimiques, visant à punir la population des quartiers rebelles de Damas, puis à l’en expulser, en vue d’y écraser enfin les unités infiltrées depuis de longs mois.

L’impunité de la junte égyptienne n’a pu qu’encourager Assad à passer à l’acte. Après tout, près d’un millier de personnes ont été massacrées en Egypte, du 14 au 16 août, sans réaction internationale autre que verbale. Si un tel carnage peut se dérouler dans un pays pourtant ouvert à la presse étrangère, alors tout semble possible en Syrie.

L’arrivée des inspecteurs de l’ONU de Damas ne peut que favoriser ce plan : leur mandat, âprement négocié par les diplomates loyalistes, ne concerne que trois sites situés hors de Damas et leur interdit de désigner publiquement les responsables. Cette présence structurellement impuissante, loin de réfréner les massacreurs, conforte au contraire leur détermination.

Le 21 août, des dizaines de missiles sont tirés entre 2h30 et 5h30 locales à partir de bases gouvernementales contre la Ghouta, soit la banlieue est et ouest de la capitale. Les hôpitaux de fortune sont vite débordés par l’afflux des victimes. La proportion d’enfants est effroyable, du fait de leur vulnérabilité à l’exposition aux gaz. Des familles entières sont assassinées dans leur sommeil, car les chaleurs estivales les amenaient à dormir la fenêtre ouverte. Le bilan dépasse largement le millier de morts, parmi lesquels Médecins sans frontière (MSF) relève au moins 355 victimes de neurotoxiques.

Cela fait quatre jours que ce massacre sans précédent en Syrie a été perpétré et, comme Bachar el-Assad le pariait, rien ne vient une fois de plus remettre en cause son impunité. Il aura ainsi, comme à chaque escalade dans l’horreur, su banaliser l’emploi d’une arme nouvelle à l’encontre de sa population.

Trois scénarios possibles

Après la banlieue de Damas, ce sera Homs ou Deir Ezzor. On ne peut dorénavant plus exclure le tir de missiles Scud, équipés de charges chimiques, à l’encontre d’Alep, ne serait-ce que pour éviter que la deuxième ville du pays ne passe sous entier contrôle de la révolution.

Trois grands types de scénario se profilent à un horizon très proche, du moins au plus plausible :

  • L’administration Obama, mesurant enfin l’échec d’une politique qui a renforcé à la fois Bachar al-Assad et les djihadistes, décide avec ses alliés des frappes ponctuelles contre les centres de commandement du régime, avec un accent sur les bases de déclenchement des frappes chimiques. Le déploiement de la marine de guerre en Méditerranée orientale semble plaider en faveur de cette hypothèse.

Mais cette logique de « guerre froide » s’inscrit parfaitement dans le schéma de propagande d’Assad et de son allié Poutine. Et les réticences du président américain à un engagement militaire au Moyen-Orient sont notoires.

Enfin, Israël se satisfait toujours de la neutralisation réciproque des miliciens chiites et des radicaux sunnites. Quant à la Turquie, elle est trop absorbée par la crise du système Erdogan pour être à l’initiative.

  • La résistance syrienne obtient enfin l’armement anti-aérien et antichar qui lui a été promis depuis un an, sans jamais être livré. Cette posture offre l’avantage de conforter la posture nationaliste de la révolution syrienne, tout en lui permettant de neutraliser à terme la surenchère djihadiste.

Il n’est cependant pas certain que cette option, à la faisabilité garantie à l’automne 2012, soit aujourd’hui à la hauteur d’une bataille qui a banalisé l’utilisation tactique des armes chimiques. Enfin, la CIA ne veut soutenir que des supplétifs, comme ceux qu’elle avait appuyés au Kossovo en 1999, et elle refuse de collaborer avec des commandos syriens à la farouche autonomie.

  • Il est donc fort probable qu’il ne se passera rien de notable, hormis une agitation diplomatico-militaire largement déconnectée de l’évolution sur le terrain.

Des « fuites » distillées de manière judicieuse permettront d’accréditer la fable d’une action clandestine des services occidentaux, justifiant ainsi la passivité publique de leurs dirigeants. Et l’interdiction du terrain syrien aux investigations indépendantes fera le lit de toutes les théories de la conspiration. Des Voltaire auto-proclamés se draperont dans leur « liberté de pensée » pour dénier au peuple syrien jusqu’au droit de compter ses propres morts.

Un avant et un après le 21 août 2013

Et le monde continuera de tourner. Du moins le croira-t-il. Car il y aura un avant et un après le 21 août 2013. Bachar el-Assad prépare déjà sa prochaine campagne d’extermination chimique, d’une toute autre ampleur. A bien des égards, il lit en nous comme dans un livre ouvert et il a fort peu de respect pour nos sociétés.

J’ai entendu Hafez el-Assad proclamer que Gorbatchev aurait dû être fusillé comme traître à la patrie soviétique. Bachar et ses complices doivent jubiler face aux contorsions de la « communauté internationale ».

La passivité actuelle vaut donc complicité dans le massacre suivant, qui ne saurait trop tarder. Le maître de Damas sèmera la terreur tant qu’il ne sera pas brisé. Et il a l’embarras du choix pour exporter le chaos dans les pays voisins.

Deux ans après l’holocauste chimique d’Halabja contre les Kurdes irakiens, Saddam Hussein, grisé par son impunité, envahissait en 1990 le Koweït. Gageons que Bachar el-Assad n’attendra pas aussi longtemps pour précipiter toute la région dans l’horreur.

En Syrie, il ne s’agit plus de morale élémentaire, mais de sécurité collective.

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