Gaza : une guerre avec le O d’Oslo


 

lundi 28 juillet 2014 – 06h:55

Lucas Catherine

 

Remonter à quelques semaines dans le temps pour expliquer l’escalade actuelle serait négliger les raisons plus profondes de la répression à Gaza. D’où l’importance de réexaminer l’importance des Accords d’Oslo de 1993 pour comprendre la vague de répression actuelle.

Oslo : l’article 40 de l’accord stipulait que « Israël reconnaît les droits des Palestiniens sur l’eau en Cisjordanie ». Lettre morte : la situation en matière d’eau potable et d’assainissement des eaux usées est épouvantable et indigne. (AFP)

L’opération Plomb Durci 2008-2009, l’opération Pilier de Défense 2012 et l’opération Bordure protectrice de 2014 : c’est la troisième guerre contre Gaza en six ans.

Pour expliciter cette guerre – c’est tout de même ce que font ou ce que devraient faire les journalistes de nos médias – il faut remonter à 1948, quand l’Etat colonial d’Israël a été créé en Palestine par des juifs d’Europe de l’Est.

La plupart des réfugiés qui vivent maintenant à Gaza ont alors été expulsés des petites villes et des villages qui sont à présent en Israël. Chassés de Ramla, Beersheba, Ashkelan (qui s’appelle maintenant Ashkelon), Isdoud (repeuplé par des juifs en 1957 et rebaptisé Ashdod) of Najd (repeuplé en 1951 et rebaptisé Sderot). Ils y étaient la population autochtone.

Aujourd’hui, certaines de ces villes sont ciblées depuis Gaza par les fils des réfugiés, les autochtones qui avaient été expulsés par les colons. Ils tirent sur la terre natale de leurs pères par vengeance, parce qu’ils ne peuvent plus y retourner, tandis que de nouveaux immigrants juifs, autrement dit les colons, ont, eux le droit de s’y établir. C’est leur manière de faire valoir leur « droit de se défendre » palestinien.

Mais on ne peut pas remonter aussi loin dans le temps. En vertu du consensus prédominant dans l’ordre établi et dans les médias, on peut tout au plus remonter à 1967, quand l’État colonial juif a occupé le reste de la Palestine.

Jusqu’au moment où, après la première résistance palestinienne des années 1920-19930, une Résistance Palestinienne a de nouveau vu le jour chapeautée par l’Organisation de Libération de la Palestine.

OK, je veux être lu et je me tiens à ces règles. Je ne remonterai qu’à 1993 et à « LA » solution de la question palestinienne sortie par magie ;. de la manche des grandes puissances : deux états et une Autorité Palestinienne qui réaliserait pour ainsi dire l’État palestinien.

Mais que s’est-il passé en réalité ?

L’OLP, qui avait en 1993 – chose étonnante pour un mouvement de résistance de ces années-là – une structure très démocratique et était de fait la seule démocratie au Moyen-Orient, avec un gouvernement contrôlé par un parlement où siégeaient plus de 10 partis différents mais aussi, en plus, toute la société civile palestinienne – médecins, associations d’ingénieurs, étudiants artistes syndicats organisations féminines, et j’en passe – cette même OLP représentait tous les Palestiniens : ceux de la rive occidentale du Jourdain (Cisjordanie) et de Gaza, mais aussi les réfugiés en Jordanie, au Liban, dans le Golfe … sans oublier les Palestiniens en Israël.

Oslo a liquidé cette structure démocratique et l’a remplacée par l’Autorité Palestinienne qui – c’était une condition posée par Israël – ne pouvait plus représenter que les Palestiniens de la rive occupée du Jourdain et de Gaza. Ou plus exactement – pouvait y exercer une gestion très restreinte.

Cela revenait à se surveiller soi-même sous l’occupation israélienne, tandis qu’Israël même pouvait continuer à coloniser librement. Leur « Président » Mahmoud Abbas a même reçu des « troupes de sécurité » formées, contrôlées et financées par les USA. Ces forces collaboraient avec l’armée israélienne et avec le service de renseignement ShinBeth.

Tout ceci a fait dire à l’universitaire et ancien membre du Parlement israélien Azmi Bishara les paroles suivantes : « Naguère nous aurions appelé ça des collabo[rateur]s, maintenant nous devons les appeler nos représentants ». Cette Autorité Palestinienne (AP) a été rendue entièrement dépendante financièrement des États-Unis et de l’Union Européenne pour sa survie.

Entre-temps Israël s’est intégralement dérobé à ses obligations de puissance occupante (selon le droit international et les Conventions de Genève) pour entretenir les infrastructures des territoires occupés : route, écoles, hôpitaux, etc.

Cette facture ce n’est pas Israël qui la paie, mais l’UE.

En Cisjordanie, un Palestinien sur 4 reçoit sont salaire de cette AP. Dans la ville où siège cette AP, Ramallah, unegrosse bulle économique est née, avec une classe moyenne qui ne voit pas d’un très bon œil une troisième Intifada. Bien trop à perdre …

Max Blumenthal [*] y décrit la situation comme suit : « L’économie néolibérale des donateurs fonctionne comme un laboratoire où l’on fait des expériences sur l’hypothermie [induite] de la Résistance Palestinienne ». Cela réussit pas mal avec Abbas & C°. L’AP s’est avilie pour devenir un régime arabe comme les autres, corrompu, autoritaire et sans aucun respect pour ses citoyens.

Pour le moment seul le Hamas ne veut pas courber l’échine, du moins pas trop bas. C’est de cela qu’il s’agit dans cette guerre. Le but n’est pas d’éliminer le Hamas, mais de l’affaiblir. A deux reprises déjà, l’organisation a baissé le ton après les précédentes guerres de Gaza. Maintenant, il faut qu’il s’incline vraiment, mais sans disparaître.

Le spectre de l’EI (ISIS/ISIL) et autres djihadistes hante les esprits de l’occupant israélien. Non ! Si c’est possible, le Hamas doit devenir une « version islamique » de Mahmoud Abbas & C° et garder sous son contrôle la prison à ciel ouvert de Gaza. Pour cela, tous les moyens sont bons, même des bombardements terrorisants disproportionnés. Plus c’est hors de toute proportion, plus il y a de tués, plus l’objectif sera atteint rapidement : c’est ainsi que raisonne Israël.

Cette dégénérescence de la « résistance » officielle sous l’AP s’observe aussi dans la diplomatie. Quand on compare les travaux, l’engagement et les idées du premier ambassadeur palestinien en Belgique Naim Khader(assassiné à Bruxelles en 1981) avec ceux de l’actuelle ambassadrice Laila Shahid (fille d’une des plus grandes familles de notables palestiniens), on constate la même décadence.

Madame Shahid ne veut même plus travailler avec le Comité Palestine [belge] et avec des Palestiniens qui « n’ont pas de respect pour leur ambassadeur mais posent des questions gênantes ». Elle préfère fréquenter les salons « m’as-tu vu » et les sionistes light comme Simone Susskind, en faveur de qui elle a appelé à voter aux dernières élections [belges], à l’encontre de toutes les règles diplomatiques.

Les Accords d’Oslo de 1993 ont aussi fait en sorte que l’attitude au sein de l’UE évolue toujours davantage en direction d’un soutien presque inconditionnel à Israël. L’opposition palestinienne contre la colonisation ne reçoit plus guère d’attention.

Le 13 juin 1980, Israël se faisait encore étriller dans la Déclaration de Venise :

« Les Neuf rappellent la nécessité pour Israël de mettre fin à l’occupation territoriale qu’il maintient depuis le conflit de 1967, comme il l’a fait pour une partie du Sinaï. Ils sont profondément convaincus que les colonies de peuplement israéliennes représentent un obstacle grave au processus de paix au Moyen-Orient. Les Neuf considèrent que ces colonies de peuplement ainsi que les modifications démographiques et immobilières dans les Territoires arabes occupés sont illégales au regard du droit international. »

Aujourd’hui, en 2014, la vision israélienne est approuvée par principe. Ou, comme le formulait [le quotidien] Israel Today le 23 juillet dernier : « Israël a été agréablement surpris ce mardi … Dans sa déclaration, le ministère israélien des Affaires Étrangères a loué l’appel de l’UE au désarmement des organisations terroristes dans la bande de Gaza et à la démilitarisation de Gaza. Ces déclarations de l’UE sont tout à fait en ligne avec la perception qui guide Israël dans la lutte contre le terrorisme … »

Le Hamas va-t-il capituler, nous ne le savons pas encore. Mais la population palestinienne ? Certainement pas si on entend Hanin Zoabi . Elle est la première Palestinienne à avoir été élue à la Knesset, le Parlement israélien, pour le parti national-palestinien Baladi.

Ce que nous devons arriver à réaliser, c’est que le conflit israélo-palestinien ne soit plus vu sous l’angle de l’occupation de 1967. Implicitement, tous les Palestiniens comprennent qu’il s’agit d’un conflit qui tourne autour d’un projet colonial raciste fondé sur des notions de pureté ethnique … Avec notre volonté de « citoyenneté à part entière » en Israël, nous devons saper le projet sioniste et le dégrader à son vrai statut, celui d’une entreprise coloniale raciste.

Alors, pour comprendre encore mieux ce qui se passe maintenant, peut-être vaudrait-il quand même mieux remonter à 1948, bien longtemps avant Oslo ?

[*] Journaliste étatsunien juif travaillant notamment pour The Huffington Post.

lucas

Lucas Catherine est un auteur bruxellois spécialiste du monde arabe, de la colonisation, des relations entre civilisation occidentale et autres cultures. Il a vécu à Khartoum, Rabat et Dar es Salam. Parmi ses nombreux livres : « L’Islam à l’usage des incroyants » (EPO, 1998), « Palestine, la dernière colonie ? » (EPO 2003), « Gaza » (EPO, 2009), « Promenade au Congo : petit guide anticolonial de Belgique » (CADTM, 2010), « Le lobby israélien » (EPO, 2011).

source

25 juillet 2014 – dewereldmorgen.be – Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.dewereldmorgen.be/artike…
Traduction : Info-Palestine.eu – Marie Meert

Ma lettre au Parlement Européen pour sa session concernant l’attaque Israélienne sur Gaza. Nurit Peled-Elhanan


16 juillet 2014

Chers amis et militants de la paix
Je vous écris depuis la bouche de l’enfer. Génocide à Gaza, pogroms et massacres en Cisjordanie et la panique des roquettes sur Israël .Trois colons israéliens enlevés et tués, et la police qui a été informée immédiatement n’a rien fait. Leur mort a été utilisée comme un prétexte pour mener l’assaut planifié à l’avance sur la Cisjordanie et Gaza. Un garçon palestinien de Jérusalem enlevé et brûlé vif et la police, immédiatement informée, ne fait rien. Plus de 200 victimes dans le raid sur Gaza. Des familles entières tuées par les pilotes israéliens, et pour résultat, des bombardements de roquettes sur tout Israël . Le racisme dangereux et violent contre des citoyens israéliens arabes, encouragé avec enthousiasme par les ministres israéliens et des membres du Parlement, conduit à des émeutes dans les rues, engendre l’agressivité et de graves discriminations contre les Palestiniens, avec une violence renouvelée qui éclate contre les militants de la paix juifs.

Malgré les accords, les résolutions internationales et les promesses israéliennes, les colonies se développent – tandis que les maisons palestiniennes à Jérusalem-Est et la Cisjordanie sont constamment détruites. L’eau coule sans limitation dans les piscines des colonies, tandis que les enfants palestiniens sont assoiffés et que des villages et des villes entières vivent sous un régime cruel de distribution d’eau , comme cela a été récemment souligné par le président Schultz. Des routes de ségrégation réservées pour les Juifs seulement et de nombreux points de contrôle rendent la vie et les déplacements des Palestiniens impossibles. Le caractère non démocratique de l’Etat d’Israël est de plus en plus en train de se transformer en un Etat d’apartheid dangereux. Toutes ces atrocités ont été conçues par le même esprit diabolique et criminel – l’esprit de l’occupant raciste et impitoyable de la Palestine.

Par conséquent, la responsabilité de tous ces crimes contre l’humanité doit être imputé à qui de droit : sur les mains sanglantes des dirigeants politiques racistes d’Israël , des généraux, des soldats et des pilotes, des hooligans de la rue et des membres de la Knesset. Tous sont coupables de l’effusion de sang et devraient être traduits devant la Cour pénale internationale de justice.

A ce jour, la communauté internationale n’a pas fait assez pour arrêter le régime d’occupation israélien. Les pays européens l’ont sévèrement critiqué alors que dans le même temps , ils continuaient à coopérer pleinement avec Israël, économiquement, politiquement et militairement. En conséquence, Israël ne paie pas de prix pour ses graves violations du droit international et des valeurs humaines.

Au contraire, c’est l’Europe qui paie pour la plupart des dommages humanitaires de l’occupation, ce qui rend encore plus facile pour Israël de la maintenir. Bien que les directives aient été émises interdisant aux institutions de l’UE de sponsoriser ou de financer les organismes de recherche et les activités dans les colonies et que 20 pays européens aient publié des avertissements officiels à leurs citoyens et aux entreprises, à l’encontre des relations commerciales et financières avec les colonies, ce n’est pas suffisant.

Ces mesures ne remettent pas sérieusement en cause la politique israélienne en Palestine occupée. L’Europe pourrait faire beaucoup mieux, ainsi que l’illustre sa réponse dure à l’annexion par la Russie de la Crimée. En quelques semaines, l’Union européenne a imposé des sanctions ciblées sur les responsables russes et ukrainiens et entreprises commerciales en activité en Crimée. L’UE est allée encore plus loin et a élargi les sanctions en interdisant l’importation de marchandises de Crimée.

Nous, les citoyens d’Israël et les apatrides de la Palestine, ne pouvons pas réaliser la fin de l’occupation et arrêter le bain de sang par nous-mêmes. Nous avons besoin de l’aide de la communauté internationale en général et de l’UE en particulier. Nous avons besoin de vous pour poursuivre en justice le gouvernement et l’armée israélienne, nous avons besoin de vous pour boycotter l’économie et la culture israélienne, nous avons besoin de vous pour exhorter votre gouvernement à cesser de tirer profit de l’occupation et nous avons besoin d’appeler à un embargo des armes contre Israël et à lever le siège de Gaza.

Israël est la plus grande et la plus dangereuse organisation terroriste existant aujourd’hui. Toutes ses munitions sont utilisées pour tuer des civils innocents, femmes et enfants. Ce n’est rien de moins qu’un génocide. Comme lauréate du Prix Sakharov du Parlement européen pour les Droits de l’Homme, en tant que mère et en tant qu’être humain, je demande à l’UE d’utiliser tous les outils diplomatiques et économiques à sa disposition pour aider à sauver mon pays de cet abîme de mort et de désespoir dans lequel nous vivons.

S’il vous plaît , il faut mettre Israël au ban de la communauté internationale jusqu’à ce qu’il devienne un véritable Etat démocratique, et il faut boycotter et sanctionner quiconque fait des affaires avec cet état d’apartheid et nous aider à nous débarrasser de ce gouvernement raciste et sanguinaire pour restaurer la vie des Palestiniens et des Juifs eux-mêmes.

* Nurit Peled-Elhanan, professeur de littérature comparée à l’université hébraïque de Jérusalem, est connue comme militante pacifiste en Israël. Née en 1949, c’est la fille de Matti Peled, un général de l’armée israélienne qui, après la guerre des Six Jours, s’est élevé contre la politique de colonisation.

 Après avoir perdu sa fille de 14 ans dans un attentat kamikaze palestinien (et interdit aux officiels israéliens dont Benjamin Netanyahou de venir à ses obsèques), elle déclare « ne pas avoir cédé au désespoir mais prononcé un discours avec pour thème la responsabilité d’une politique myope qui refuse de reconnaître les droits de l’autre et fomente la haine et les conflits ».

 Elle est cofondatrice de l’association israélienne et palestinienne des Familles endeuillées pour la paix. Elle reçoit le prix Sakharov en 2001 en tant que représentante de « tous les Israéliens qui prônent une solution négociée du conflit et revendiquent clairement le droit à l’existence des deux peuples et des deux États avec des droits égaux ». Izzat Ghazzawi, un professeur de littérature palestinien militant également pour la paix malgré la perte d’un fils dans le conflit le reçoit en même temps. Elle est l’une des trois promoteurs du Tribunal Russell sur la Palestine dont les travaux ont commencé le 4 mars 2009.