La culture est un droit fondamental !


A vos ordres Monsieur Erdogan?

Ainsi donc, Monsieur Mayeur, bourgmestre de Bruxelles, a interdit aux citoyens belges d’origine kurde d’organiser un événement de leur « Semaine Culturelle » à la place d’Espagne… s’associant en cela à Monsieur Kir, son camarade bourgmestre de St Josse, qui avait lui aussi interdit à l’Institut kurde d’organiser des activités culturelles sur son territoire.

La décision de Monsieur Kir n’étonnera que ceux qui ignorent ses sympathies pour le régime de Monsieur Erdogan, sympathies qui l’ont mené à participer, en juillet dernier en Anatolie, à la « mobilisation populaire » initiée par le dictateur turc.

Du moins Monsieur Kir a-t-il notifié dans les règles, sans tergiverser, son refus de laisser s’exprimer la population d’origine kurde.
Ce n’est pas vraiment le cas de Monsieur Mayeur qui a fait part de son refus à un moment où les organisateurs n’avaient plus le temps de trouver une solution alternative… Soit trois mois après la demande et juste à quelques jours avant le début de l’évènement.

Les mauvais esprits, partisans du dictateur turc ça va de soi, diront que c’est bien joué d’avoir enfumé les organisateurs en leur laissant entendre pendant trois mois qu’il n’y aurait pas de problème, les services communaux donnant même leur accord pour la location de matériel technique et des mesures de sécurité ayant été concertées avec la police…
Et au dernier moment, pan!
Un rien pervers comme stratégie, non?

Monsieur Mayeur était pourtant parfaitement au courant qu’il s’agissait d’un spectacle de danses folkloriques, d’animations pour les enfants, de dégustation de mets typiques du Kurdistan… Et que la place d’Espagne est un lieu quasiment clos et facilement contrôlable.
Alors pourquoi cette interdiction de dernière minute?

Pas de réponse de Monsieur Mayeur, aucune motivation dans sa lettre de refus… Même le danger terroriste n’est pas invoqué, c’est vous dire.
L’effet de surprise, mon cher! L’effet de surprise… C’est imparable!

Pour mémoire, c’est le même bourgmestre qui avait, en 2015, autorisé le rassemblement des partisans islamistes d’Erdogan en arrêtant la circulation des trams dans l’avenue Louise… Et c’est la police de ce même bourgmestre qui, en juillet dernier, a autorisé un manifestant à utiliser le haut-parleur de leur voiture de patrouille, lors du rassemblement en soutien à Erdogan devant l’ambassade turque.

Il reste à l’Institut Kurde à déposer plainte au Conseil d’Etat… Ça doit rappeler des souvenirs aux militants de la Plate-forme Palestine de Charleroi qui avaient aussi déposé plainte à ce même Conseil après une interdiction du même ordre de Monsieur Magnette, bourgmestre de la ville.

Est-ce une nouvelle technique concertée de lutte contre la liberté d’expression?

Hé Jaurès! Reviens, ils ont perdu leur âme!

Rudi Barnet
(Septembre 2016)

Après l’interdiction non justifiée de quelques activités culturelles de la Semaine Culturelle du Kurdistan à Saint-Josse-ten-Noode, celles de la Place d’Espagne ont aussi été interdites. Le Collège du Bourgmestre et des Echevins de Bruxelles n’a donné aucune motivation pour cette décision. L’Institut Kurde n’accepte pas une telle décision injuste et tardive et a déposé une plainte auprès du Conseil d’Etat

voir texte en NL ici 

Citoyennes, féministes et musulmanes  


Citoyennes, féministes et musulmanes

Une opinion d’un collectif de citoyennes musulmanes(1).

En Belgique, les mesures en vue de refouler hors de la vie sociale les musulmanes portant le foulard se multiplient. Ne nous contraignez pas au repli communautaire, devenons des alliés.

Nous sommes des femmes qui vivons et agissons en Belgique. Nos pays d’origine, nos profils, engagements et centres d’intérêt sont très divers, mais les images que l’on produit de nous nous réduisent à une seule facette de notre identité dans laquelle on nous enferme : nous sommes musulmanes. Certaines d’entre nous se couvrent la tête d’un foulard que vous appelez « islamique ». Pour la plupart, nous sommes croyantes. Mais, toutes, nous nous sentons assignées à une identité fantasmée qui nous met systématiquement dans le même sac que des assassins. De là vient la solidarité qui nous soude aujourd’hui, notamment entre « voilées » et « non voilées ». C’est à partir de cette solidarité que nous nous adressons à vous. Et, aussi, à partir de toutes nos identités choisies, trop ignorées. Dont celle-ci : nous sommes féministes.

Nous vivons des temps difficiles. L’irruption sur le sol européen d’un terrorisme qui tue aveuglément au nom de l’islam a mis fin à l’illusion que nous pouvions nous tenir à l’écart des violences du monde. Que notre société cherche à se protéger, quoi de plus naturel ? Nos responsables répètent à l’envi qu’il faut éviter les amalgames et ne pas confondre une poignée de criminels avec la grande masse des musulman(e)s. Alors pourquoi a-t-on l’impression que c’est cette grande masse qui est systématiquement ciblée dans les discours et les pratiques ? La lamentable saga du « burkini » vient encore de l’illustrer. Tout ce vacarme pour quelques femmes qui ne se déshabillent pas comme il faudrait ! La pente naturelle de cette nouvelle hystérie française qui s’exporte déjà en Belgique, c’est l’interdiction des « signes religieux ostentatoires » dans tout l’espace public. Ça ne viserait une fois de plus que des femmes, pour l’immense majorité d’entre elles parfaitement inoffensives, et ça ne gênerait aucun terroriste en puissance. Est-ce ainsi qu’on pense éviter l’amalgame entre une toute petite minorité criminelle et l’ensemble de la population musulmane ?

Les interdits se multiplient

En Belgique, on n’a pas attendu le « burkini » pour prendre de multiples mesures en vue de refouler hors de la vie sociale les musulmanes portant le foulard. Les interdits se multiplient dans l’emploi comme dans l’enseignement. Dernières péripéties en date : à partir de la rentrée de septembre, deux écoles fréquentées par des adultes, à Bruxelles et à Liège(2), ont changé leur règlement d’ordre intérieur pour y interdire le foulard. Cela concernera plus d’une cinquantaine d’étudiantes en cours de scolarité. La Belgique va ici plus loin que la France qui limite l’interdiction du foulard à l’enseignement secondaire. Le candidat Sarkozy, qui court derrière le Front national, a déclaré vouloir étendre cette interdiction à l’enseignement supérieur. En Belgique, c’est déjà chose faite, sans aucun débat…

Seules des femmes sont concernées par toutes ces mesures. Ça ne vous choque pas ? Pourquoi aucun des interdits ne vise les « barbus » ? Ne serait-ce pas parce qu’il y a autant de barbes musulmanes que de barbes profanes et qu’il n’existe aucun moyen infaillible pour les distinguer ? N’est-ce pas là la preuve que la neutralité d’une apparence, cela ne veut rien dire et que la neutralité ou l’impartialité résident seulement dans les actes posés ?

Nous le voyons bien : ce foulard, celui de nos mères, de nos sœurs, de nos amies vous trouble. A la lumière du long combat des féministes d’Occident, mené notamment contre l’emprise d’une Eglise dominante, vous ne pouvez y voir qu’une régression. Nous devons à ce combat des libertés que nos mères et nos grands-mères n’auront souvent jamais connues. Nous pouvons désormais échapper à la tutelle masculine et nous ne nous en privons pas. En particulier, aucun homme, père, frère ou mari ne pourrait se permettre de nous imposer une tenue vestimentaire contre notre volonté – même si nous savons bien que ce n’est pas une règle générale. Toutes, nous sommes pleinement le produit de notre culture européenne, même si, pour beaucoup parmi nous, celle-ci est métissée d’un ailleurs. Pour celles d’entre nous qui le portent, le foulard ne saurait être un affront aux valeurs démocratiques puisque celles-ci sont aussi les nôtres. Il ne signifie absolument pas que nous jugerions « impudiques » les femmes qui s’habillent autrement. Comme féministes, nous défendrons toujours le droit des femmes d’ici et d’ailleurs à se construire leur propre chemin de vie, contre toutes les injonctions visant à les conformer de manière autoritaire à des prescriptions normatives.

Devenir des allié(e)s

Vous affirmez souvent que nos foulards sont des signes religieux. Mais qu’en savez-vous ? Certaines d’entre nous sont croyantes et pourtant ne le portent pas, ou plus. D’autres le portent dans la continuité d’un travail spirituel, ou par affirmation identitaire. D’autres encore par fidélité aux femmes de leur famille auxquelles ce foulard les relie. Souvent, toutes ces motivations s’imbriquent, s’enchaînent, évoluent dans le temps. Cette pluralité se traduit également dans les multiples manières de le porter. Pourquoi les femmes musulmanes échapperaient-elles à la diversité qui peut s’observer dans tous les groupes humains ?

Pourquoi vous raconter tout cela ? Pour que, à partir d’une meilleure compréhension mutuelle, nous puissions devenir vraiment des allié(e)s. Car nous ne serons jamais trop nombreuses pour combattre les injustices et les inégalités en tout genre, à commencer par celles qui frappent les femmes. Pour que vous cessiez de considérer celles d’entre nous qui portent le foulard comme, au choix, des mineures sous influence, des idiotes utiles ou des militantes perfides d’un dogme archaïque. Pour vous donner envie de nous rencontrer – toutes, et pas seulement celles qui ont les cheveux à l’air -, au lieu de nous tenir à l’écart et de nous contraindre ainsi au repli communautaire. Nous voulons vraiment faire société ensemble, avec nos ressemblances et nos différences. Chiche ?

—> (1) Sema Aydogan, Serpil Aygun, Layla Azzouzi, Malaa Ben Azzuz, Ouardia Derriche, Farah El Heilani, Khalissa El Abbadi, Tamimount Essaidi, Maria Florez Lopez, Marie Fontaine, Seyma Gelen, Malika Hamidi, Ihsane Haouach, Khaddija Haourigui, Eva Maria Jimenez Lamas, Julie Pascoët, Farida Tahar. Contact : citoyennesmusulmanes@gmail.com

—> (2) L’Institut d’enseignement de promotion sociale d’Uccle (Bruxelles), qui dépend de la Fédération Wallonie-Bruxelles, et la Haute école de la province de Liège, qui dépend du pouvoir provincial. La plupart des Hautes écoles de l’enseignement officiel disposent déjà de tels règlements, ainsi – et c’est peut-être encore plus grave – que de très nombreux établissements de promotion sociale.