MIS EN LIGNE LE 2/02/2017 À 15:13
PAR RADOUANE ATTIYA, ISLAMOLOGUE ULG; FABIENNE BRION, CRIMINOLOGUE ET ISLAMOLOGUE UCL; ISABELLE DETRY, CRIMINOLOGUE INCC; DIRK JACOBS, SOCIOLOGUE ULB; CHRISTOPHE MINCKE, SOCIOLOGUE INCC/USL-B; JEAN-BENOÎT PILET, POLITOLOGUE ULB; CORINNE TORREKENS, POLITOLOGUE ULB; CHARLOTTE VANNESTE, CRIMINOLOGUE INCC/ULG.
Dans un entretien qu’il nous a récemment accordé, Gilles Kepel regrettait l’influence des tenants de « l’islamo-gauchisme » dans le domaine de la recherche. Des scientifiques réfutent cette affirmation.
Dans une interview au « Soir » en prélude à sa conférence à l’ULB du 25 janvier dernier, Gilles Kepel, spécialiste français de l’islam et du monde arabe, a tenu des propos qui ont fort surpris les scientifiques que nous sommes.
C’est d’abord la réutilisation par M. Kepel du terme islamo-gauchiste, forgé par l’extrême droite pour discréditer l’antiracisme de gauche, et plus encore l’usage qu’il en fait pour dénoncer ses collègues qui nous ont marqués. Nous devons reconnaître que nous sommes plus familiers des discussions scientifiques que des anathèmes et que nous avons la faiblesse de penser que, même dans des domaines délicats, les premières doivent être préférées aux seconds.
C’est ensuite que s’est instillé en nous un doute : M. Kepel parle-t-il réellement du monde dans lequel nous vivons ? En effet, son interview se conclut sur une accusation grave mais curieuse : il serait aujourd’hui impossible de financer des recherches sur les ressorts de l’islamisme parce que ces fameux islamo-gauchistes auraient noyauté l’université et feraient en sorte de faire apparaître ce sujet comme illégitime.
Que la recherche en sciences humaines et sociales soit dramatiquement sous-financée, personne ne peut le nier. Que ces approches scientifiques, seules à même de nous donner une image un tant soit peu claire de nos sociétés et de leurs tourments soient négligées, nous en sommes convaincus. Que, par conséquent, les scientifiques soient dans l’incapacité de jouer leur rôle légitime, celui de producteur de savoirs et de fertiliseurs du débat public, nous le crions sur tous les toits.
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