Guerre à Gaza : Meta accusé de censurer les contenus pro palestiniens sur les réseaux sociaux


L’ONG Human Rights Watch a accusé, jeudi 21 décembre, Meta de restreindre les contenus favorables aux Palestiniens sur Facebook et Instagram, dénonçant une « censure en ligne systémique » depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas.
  • Vinciane Joly (avec AFP), 
  • le 22/12/2023 à 13:57
Guerre à Gaza : Meta accusé de censurer les contenus pro palestiniens sur les réseaux sociaux
Meta, dont on voit le logo sur l’image ci-dessus, maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, a été accusé jeudi 21 décembre par Human Rights Watch de rendre silencieuses les voix palestiniennes sur les réseaux sociaux.KOVOP / STOCK ADOBE.

Meta, la maison mère des réseaux sociaux Facebook et Instagram, a mis en place une censure « systémique et mondiale » des contenus favorables aux Palestiniens depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas le 7 octobre dernier, accuse l’ONG Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié jeudi 21 décembre.

« Les politiques et systèmes de modération de contenus de Meta réduisent de plus en plus au silence les voix en faveur de la Palestine sur Instagram et Facebook », écrit-elle dans le rapport de 51 pages, estimant que « la censure par Meta contribue à l’effacement des souffrances des Palestiniens ».

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Mardi déjà, le conseil de surveillance indépendant de Meta a reproché aux plateformes du géant des réseaux sociaux une politique de modération trop restrictive dans le cadre de la guerre à Gaza, déclenchée le 7 octobre par une attaque terroriste du Hamas sur le sol israélien, faisant environ 1 140 morts, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des chiffres israéliens. Plus de 20 000 Palestiniens, majoritairement des femmes, des enfants et des adolescents, ont été tués par Israël, d’après le ministère de la santé de Gaza, gouvernée par le Hamas.

Voix « étouffées »

Cette censure est « particulièrement nocive dans une période de terribles atrocités et de répression qui étouffent déjà les voix des Palestiniens », a déploré Deborah Brown, directrice adjointe par intérim de la division Technologies et droits humains de HRW, citée dans le communiqué de l’ONG. « Les réseaux sociaux constituent une plateforme essentielle permettant aux gens de témoigner et de dénoncer les abus », rappelle-t-elle, tandis que la guerre se double d’une bataille informationnelle en ligne.

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Dans son rapport intitulé, « Les promesses non tenues de Meta : censure systémique de contenus pro palestiniens sur Instagram et Facebook », HRW a documenté 1 050 « cas de censure ou de suppression de contenu » dans plus de 60 pays entre octobre et novembre. Parmi eux, 1 049 concernent des publications de soutien pacifique à la Palestine et un en faveur d’Israël. Un panel d’analyse limité certes, mais qui fait écho aux résultats obtenus par des études de HRW ou d’autres organisations ces dernières années. « Les propres publications d’HRW pour mener à bien son enquête sur la censure en ligne ont été considérées comme des spams », affirme le rapport.

L’ONG met en lumière six modèles récurrents de censure : suppressions de contenus ; suspension ou suppression de comptes ; incapacité d’interagir avec les contenus ; incapacité de suivre ou de marquer des comptes ; restrictions à l’utilisation de fonctionnalités telles qu’Instagram/Facebook Live ; et « shadow banning » (bannissement furtif, en français).

Ce dernier terme désigne une pratique consistant à restreindre drastiquement la visibilité des publications, des stories (contenu publié temporairement) ou du compte d’un individu à son insu. Cette technique de modération des contenus, via l’usage d’algorithmes, permet de limiter le cyberharcèlement, les publications incitant à la violence et la propagation de fausses informations.

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Cette fois-ci, elle a été utilisée pour exclure les internautes partageant des contenus dits pro palestiniens. « Dans des centaines de cas, des commentaires mentionnant les mots de « free Palestine », « ceasefire now » ou « stop the genocide » ont été supprimés », rapporte HRW, indiquant que cela concernait également les émojis de drapeaux palestiniens. « De nombreux utilisateurs ont rapporté que leurs publications étaient effacées si elles contenaient des critiques à l’égard du gouvernement israélien, y compris à l’égard de Benyamin Netanyahou », ajoute l’ONG.

Pour contourner cette mise en sourdine, des internautes ont eu recours à diverses techniques, notamment les fautes d’orthographe intentionnelles ou le remplacement des lettres par des symboles (Palestine devient ainsi P@lest ! ne).

Influence excessive des gouvernements

Dans ce contexte, Human Rights Watch estime que quatre facteurs ont contribué à cette censure. Le premier est la politique de Meta sur les individus et organisations dangereuses (DOI) qui entravent les discours de ceux qui prônent la violence. Or, l’entreprise s’appuie pour cela sur la large liste des organisations désignées terroristes par les États-Unis. Ainsi, « la manière dont Meta applique cette politique bloque dans les faits de nombreux narratifs qui soutiennent les principaux mouvements politiques palestiniens et entrave les discussions autour d’Israël et de la Palestine », dénonce le rapport.

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L’ONG critique également l’influence excessive des gouvernements qui réclament la suppression de contenu, et cite nommément les « demandes de l’unité cyber d’Israël ». Enfin, HRW épingle la dépendance à l’égard d’outils automatisés de modération et l’application opaque et incohérente de ces politiques de modération par Meta de manière générale.

Sollicitée par HRW, Meta a « cité sa responsabilité en matière de droits de l’homme et ses principes fondamentaux en la matière », détaille le communiqué. L’ONG a appelé Meta à « aligner ses politiques et pratiques de modération de contenus sur les normes internationales en matière de droits de l’homme ».

Source La Croix

 


Opinion | Les Israéliens doivent choisir entre la provocation et la main tendue

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’exprime lors d’une conférence de presse le mois dernier. Photo: Abir Sultan/AP

Yoana Gonen (12 nov. 2023)

Peut-être est-ce la fin de Benjamin Netanyahou. Peut-être qu’après un tel désastre, il n’aura plus sa légendaire capacité de récupération et qu’il disparaîtra de la vie publique, libérant l’État d’Israël de l’étau dans lequel il l’enserre depuis des années. Bien sûr, les cimetières métaphoriques sont pleins de journalistes qui ont parié sur la fin de l’ère Netanyahou, et il est donc préférable de ne pas faire de déclarations grandioses pour le moment.

Mais même si le Premier ministre s’en va, enfin, et même si tout son cortège de flagorneurs et d’imbéciles s’en va dans son sillage, sa destitution n’est pas un exorcisme magique qui résoudra tous nos problèmes. Un mois après le massacre du 7 octobre, il convient d’examiner le chemin parcouru depuis lors et de prêter attention à la manière dont le comportement de chacun d’entre nous affecte l’image de la société qui émergera des ruines.

  • Quatre anciens législateurs arabes israéliens arrêtés par la police pour avoir organisé une manifestation contre la guerre
  • Un grand théâtre de Jérusalem gèle sa production après qu’un écrivain ait accusé Israël de « génocide » à Gaza
  • La voix des Arabes israéliens qui s’opposent à la guerre est la voix de la démocratie

À l’heure actuelle, nous nous dirigeons au galop vers l’abîme. L’atmosphère publique est envahie par les vapeurs putrides du nationalisme, du silence et de la violence à l’égard de tout léger écart par rapport à l’unité forcée. Les premières victimes sont bien sûr les citoyens arabes, qui ont vécu ces dernières semaines une campagne de persécution répugnante.

Alors que les citoyens juifs sont autorisés à diffuser des mensonges et des provocations, les Arabes sont arrêtés ou renvoyés de leur emploi pour chaque message mal traduit ou remarque désinvolte. Le mauvais esprit déborde dans certains cas sur la violence physique et les médias, pour leur part, préfèrent traiter de l’antisémitisme plutôt que du racisme à l’intérieur du pays, qui n’est pas un problème moins funeste pour notre avenir collectif.

Nous savons tous que l’histoire ne se répète pas, mais qu’elle a des parallèles. Ainsi, comme un chapitre tiré d’un livre sur l’histoire européenne du XXe siècle, le monde universitaire et la gauche radicale ont été désignés comme des ennemis du peuple, les universités sont exhortées à renvoyer les conférenciers qui ne semblent pas assez patriotiques et les médias sociaux sont remplis de messages faisant publiquement honte aux personnes qui ont exprimé leur tristesse face à la mort d’innocents dans la bande de Gaza.

De nombreux Israéliens sont devenus des tyrans du clavier, se lançant à la poursuite des traîtres et faisant des crises de colère puériles à propos de chaque Islandais pris au hasard sur TikTok qui n’a pas compris la complexité du conflit. Dans ce cas également, les médias attisent le sentiment de persécution et, jusqu’à présent, les tensions internes fermentent comme du pus.

Les personnes qui, il y a encore un mois, s’insurgeaient contre la démagogie vénéneuse de Netanyahou et contre ses partenaires adoptent aujourd’hui avidement leurs méthodes : désigner des ennemis, faire taire les critiques, exiger des condamnations et harceler des citoyens privés au lieu des éléments responsables.

Dans son livre « The Anatomy of Fascism », le chercheur Robert Paxton note que la combinaison d’une crise catastrophique et d’un sentiment accru de victimisation, qui justifie toute action contre les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur, est le terreau toxique sur lequel se développent les tendances fascistes.

Selon lui, les discussions sur le fascisme ont tendance à se concentrer sur les grands drames, mais les régimes fascistes naissent d’un tissu de décisions banales prises par de petites gens : la volonté de fermer les yeux, le soutien implicite ou explicite à la persécution des opposants, les mesures quotidiennes qui s’additionnent pour aboutir à des résultats désastreux.

Il est possible d’en tirer des encouragements, pour ne pas dire un plan d’action : Ces mesures quotidiennes peuvent également constituer une force qui empêchera la détérioration de s’accélérer. Chacun d’entre nous peut choisir à chaque instant de consacrer son temps à harceler un groupe minoritaire ou des personnes dont les échecs et l’insensibilité ont provoqué cette catastrophe.

À chaque instant, il est possible de décider d’investir son temps dans la provocation et de jouer les victimes ou d’aider et de tendre la main. La guerre à Gaza finira par se terminer, mais si nous ne nous redressons pas et ne sortons pas de cette frénésie insensée, une réalité très sombre nous attend de l’autre côté.

Source

Refuser Solidarity Network






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Je m’appelle Maya Eshel et je viens de rejoindre l’équipe du réseau Refuser Solidarity Network en tant que coordinatrice de la solidarité internationale. Je voudrais vous parler un peu de moi et vous dire comment vous pouvez amplifier la voix des Israéliens contre la guerre à Gaza et appeler à un cessez-le-feu.

J’ai déménagé en Israël à l’âge de 16 ans et six mois plus tard, l’armée israélienne m’envoyait déjà un premier ordre d’incorporation. Environ deux ans plus tard, j’ai été incorporé dans l’armée israélienne et j’ai servi en Cisjordanie pendant neuf mois. Pendant cette période, j’ai vu plusieurs Palestiniens détenus être amenés au centre de détention de ma base. Un jour, alors que j’attendais le médecin militaire, un jeune Palestinien a été escorté dans la clinique. En plein hiver, il ne portait qu’une chemise à manches longues. Il avait les yeux bandés et les mains menottées et ne devait pas avoir plus de 11 ans. Ce moment précis, assis à quelques centimètres d’un garçon qui ne pouvait pas me voir, qui était seul et qui avait été enlevé à sa communauté, est resté gravé dans ma mémoire.

Au fil des ans, j’ai souvent pensé à ce garçon. Je pensais au traumatisme qu’il avait pu subir à ce moment précis et à ma participation à un système aussi brutal. Je me suis penchée sur moi-même, sur mon environnement et sur l’occupation violente que notre société, ici en Israël, a normalisée. Après m’être informée et avoir pris connaissance des politiques suprémacistes utilisées par Israël pour maintenir un régime militaire oppressif sur des millions de Palestiniens, j’ai décidé de rejoindre le mouvement de résistance contre l’occupation et l’apartheid. Vous pouvez également soutenir la résistance en suivant notre page instagram,  voicesagainstwar, et nos autres pages de médias sociaux où nous fournissons une plateforme pour documenter et publier des manifestations contre la guerre et des témoignages individuels d’Israéliens contre cette guerre.

Mon travail de solidarité m’a amené à vivre dans des villages palestiniens du sud des collines d’Hébron, dans la zone C de la Cisjordanie, et à documenter les démolitions et la violence des colons et des militaires à l’encontre des Palestiniens. J’ai vu des colons maltraiter et menacer violemment des Palestiniens, déraciner des centaines d’oliviers, danser avec des armes sur des terres palestiniennes volées, alors que l’armée se tenait prête à intervenir. J’ai également vu des soldats chargés de démolir des maisons, de maltraiter de petites communautés agricoles et d’arrêter des hommes au milieu de la nuit.

Depuis que j’ai commencé à visiter les collines du sud d’Hébron, la situation s’est décuplée. Les horreurs du 7 octobre ont ébranlé l’éthique israélienne jusqu’au plus profond d’elle-même. Le gouvernement israélien, qui n’a pas eu le temps de faire son deuil, s’est servi de notre douleur pour mener une guerre de vengeance contre les habitants de Gaza, tuant des milliers de civils et provoquant le déplacement de plus d’un million de personnes.

Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons résister à la guerre à partir de la base et nous devons le faire ensemble. Aidez-nous à amplifier les voix israéliennes qui résistent à la manipulation violente de notre douleur par le gouvernement. Regardez et partagez nos différentes pages sur les médias sociaux, afin de diffuser les voix des Israéliens qui protestent contre cette guerre.
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 Nous vous remercions de votre soutien. Nous continuerons à vous informer sur les efforts de la résistance israélienne et sur les actions que vous pouvez entreprendre pour résister à cette guerre.
 

Maya Eshel
International Solidarity Coordinator 
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Traduit avec Deepl

Enfants palestiniens tués lors d’attaques israéliennes sur Gaza


Cliquez sur Al Jazeera

La bande de Gaza est un cimetière pour des milliers d’enfants, selon les Nations unies.

Depuis le 7 octobre, les attaques israéliennes ont tué au moins 10 000 enfants, selon les autorités palestiniennes. Cela représente un enfant palestinien tué toutes les 15 minutes, soit environ un enfant sur 100 dans la bande de Gaza.

Des milliers d’autres sont portés disparus sous les décombres, la plupart d’entre eux étant présumés morts.

Les enfants survivants, qui ont subi l’impact traumatique de multiples guerres, ont passé leur vie à l’ombre d’un blocus israélien, qui influence chaque aspect de leur existence depuis leur naissance.

Sans eau salubre, beaucoup plus d’enfants mourront de privations et de maladies ».
– Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF

GAZA : SILENCE, ON TUE !


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ACTUALITÉS

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Dernier bilan du ministère de la Santé à Gaza : « L’occupation israélienne commet 12 massacres contre des familles à Gaza, entraînant 107 morts et 165 blessés au cours des dernières 24 heures. »

Un bilan qui s’élève désormais à 27 238 martyrs et 66 452 blessés depuis le 7 octobre de l’année dernière.»

Gidéon Lévy écrit dans Haaretz : « 11 500 enfants ont été tués à Gaza. L’horreur de cette échelle n’a aucune justification »

« Deux cent soixante noms de bébés qui n’avaient pas atteint l’âge d’un an, des centaines de noms d’enfants d’un ou deux ans ; les tout-petits âgés de trois ou quatre ans ; des enfants âgés de cinq, six, sept ou huit ans, jusqu’aux jeunes âgés de 17 ans au moment de leur décès.« , énonce-t-il dans la presse israélienne, en se demandant si les lecteurs se rendent compte de l’étendue et de la monstruosité

L’aviation israélienne bombarde le quartier d’Al-Manara et les chantiers de l’hôpital européen de Gaza à Khan Younès.

DÉVASTATION

Les Palestiniens inspectent leurs maisons lourdement endommagées après le retrait des forces israéliennes de diverses zones du nord de Gaza.

Une scène effrayante documentée par Euro-Med Monitor montre l’exécution d’un civil palestinien qui cherchait de la nourriture près du stade Palestine à Gaza.
Gaza : Silence, on tue !

Comme beaucoup d’autres, il a été abattu par des tireurs d’élite israéliens postés sur les toits qui ciblent quotidiennement les civils, tout en empêchant les ambulances d’accéder aux blessés.

Plus de 5 jours se sont écoulés et, sans nouvelles, on craint le pire pour le sort de la petite Hind et de l’équipe du Croissant-Rouge qui est allée la secourir .

LES MONSTRES QUI SE PERMETTENT ENSUITE DE TRAITER D’ANTISÉMITE LA TERRE ENTIÈRE

« Oui, nous incendions les maisons. Autant que nous pouvons. Et nous en sommes fiers. » », a déclaré le directeur général du parti sionisme religieux, Yehuda Vald, qui a également participé à l’invasion de Gaza, affirme un article israélien qui révèle que des généraux israéliens ont ordonné aux soldats d’incendier des maisons palestiniennes à Gaza.

CAPJPO-Europalestine

Nous disposons d’un outil pour mettre fin aux crimes de guerre d’Israël : le BDS


Naomi Klein (Je n’ai pas pu copier les images saisissantes du texte original publié dans The Guardian. Vous les trouverez en cliquant sur le lien de Naomi Klein)

Naomi Klein

En 2005, les Palestiniens ont appelé le monde à boycotter Israël jusqu’à ce qu’il se conforme au droit international. Et si nous avions écouté ? 10 Janv. 2024 12.00 CET

Il y a exactement 15 ans cette semaine, j’ai publié un article dans le Guardian. Il commençait ainsi :

« Il est temps. Il est grand temps. La meilleure stratégie pour mettre fin à une occupation de plus en plus sanglante est qu’Israël devienne la cible du type de mouvement mondial qui a mis fin à l’apartheid en Afrique du Sud. En juillet 2005, une vaste coalition de groupes palestiniens a élaboré des plans en ce sens. Ils ont appelé « les personnes de conscience du monde entier à imposer de vastes boycotts et à mettre en œuvre des initiatives de désinvestissement à l’encontre d’Israël, semblables à celles appliquées à l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid ». La campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions était née.

En janvier 2009, Israël a déclenché une nouvelle phase choquante de massacres dans la bande de Gaza, en baptisant sa campagne de bombardements féroces « Opération Plomb durci ». Elle a tué 1 400 Palestiniens en 22 jours ; le nombre de victimes du côté israélien était de 13. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase et, après des années de réticence, je me suis prononcée publiquement en faveur de l’appel au boycott, au désinvestissement et aux sanctions contre Israël, lancé par les Palestiniens jusqu’à ce qu’il se conforme au droit international et aux principes universels des droits de l’homme, et connu sous le nom de BDS.

Bien que le BDS ait bénéficié d’un large soutien de la part de plus de 170 organisations de la société civile palestinienne, le mouvement est resté modeste au niveau international. Au cours de l’opération « Plomb durci », la situation a commencé à changer et un nombre croissant de groupes d’étudiants et de syndicats en dehors de la Palestine ont adhéré au mouvement.

Pourtant, nombreux étaient ceux qui ne voulaient pas se joindre au mouvement. Je comprenais pourquoi cette tactique me paraissait délicate. Il existe une longue et douloureuse histoire d’entreprises et d’institutions juives prises pour cibles par des antisémites. Les experts en communication qui font pression au nom d’Israël savent comment exploiter ce traumatisme, de sorte qu’ils présentent invariablement les campagnes conçues pour contester les politiques discriminatoires et violentes d’Israël comme des attaques haineuses contre les Juifs en tant que groupe identitaire.

Pendant deux décennies, la peur généralisée découlant de cette fausse équation a empêché Israël de faire face au plein potentiel du mouvement BDS. Aujourd’hui, alors que la Cour internationale de justice entend la compilation dévastatrice de preuves de l’Afrique du Sud sur le crime de génocide commis par Israël à Gaza, c’en est vraiment assez.

Du boycott des bus au désinvestissement des combustibles fossiles, les tactiques BDS ont une histoire bien documentée en tant qu’armes les plus puissantes de l’arsenal non-violent. Les reprendre et les utiliser à ce tournant de l’humanité est une obligation morale.

Cette responsabilité est particulièrement aiguë pour ceux d’entre nous dont les gouvernements continuent d’aider activement Israël en lui fournissant des armes mortelles, des accords commerciaux lucratifs et un droit de veto aux Nations unies. Comme nous le rappelle le BDS, nous n’avons pas à laisser ces accords en faillite parler en notre nom sans les remettre en question.

Les groupes de consommateurs organisés ont le pouvoir de boycotter les entreprises qui investissent dans des colonies illégales ou qui fabriquent des armes israéliennes. Les syndicats peuvent pousser leurs fonds de pension à se désinvestir de ces entreprises. Les gouvernements municipaux peuvent sélectionner des entrepreneurs sur la base de critères éthiques qui interdisent ces relations. Comme nous le rappelle Omar Barghouti, l’un des fondateurs et dirigeants du mouvement BDS : « L’obligation éthique la plus profonde en ces temps est d’agir pour mettre fin à la complicité. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons réellement espérer mettre fin à l’oppression et à la violence ».

En ce sens, le mouvement BDS mérite d’être considéré comme une politique étrangère populaire, ou une diplomatie par le bas – et s’il devient suffisamment fort, il finira par forcer les gouvernements à imposer des sanctions par le haut, comme l’Afrique du Sud tente de le faire. C’est manifestement la seule force capable de faire dévier Israël de sa trajectoire actuelle.

M. Barghouti souligne que, tout comme certains Sud-Africains blancs ont soutenu les campagnes anti-apartheid au cours de cette longue lutte, les Israéliens juifs qui s’opposent aux violations systémiques du droit international commises par leur pays sont les bienvenus dans le mouvement BDS. Pendant l’opération « Plomb durci », un groupe d’environ 500 Israéliens, dont un grand nombre d’artistes et d’universitaires de renom, a fait exactement cela, et a fini par nommer son groupe « Boycott from Within » (Boycott de l’intérieur).

Dans mon article de 2009, je citais leur première lettre de lobbying, qui appelait à « l’adoption de mesures restrictives et de sanctions immédiates » contre leur propre pays et établissait un parallèle direct avec la lutte anti-apartheid sud-africaine. Le boycott de l’Afrique du Sud a été efficace », soulignent-ils, affirmant qu’il a contribué à mettre fin à la légalisation de la discrimination et de la ghettoïsation dans ce pays, ajoutant : « Mais Israël est traité avec des gants de velours : « Mais Israël est traité avec des gants… Ce soutien international doit cesser.

C’était vrai il y a 15 ans, c’est terriblement vrai aujourd’hui.

Le prix de l’impunité

En lisant les documents du BDS datant du milieu et de la fin des années 2000, je suis surtout frappée par l’ampleur de la détérioration du terrain politique et humain. Dans l’intervalle, Israël a construit davantage de murs, érigé plus de points de contrôle, lâché plus de colons illégaux et lancé des guerres bien plus meurtrières. Tout a empiré : le vitriol, la rage, la justice. Il est clair que l’impunité – le sentiment d’imperméabilité et d’intouchabilité qui sous-tend le traitement des Palestiniens par Israël – n’est pas une force statique. Elle se comporte plutôt comme une marée noire : une fois libérée, elle s’infiltre vers l’extérieur, empoisonnant tout et tous sur son passage. Il s’étend largement et s’enfonce profondément.

Depuis l’appel initial au BDS en juillet 2005, le nombre de colons vivant illégalement en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, a explosé, atteignant selon les estimations 700 000 personnes, soit un nombre proche de celui des Palestiniens expulsés lors de la Nakba de 1948. L’expansion des avant-postes des colons s’est accompagnée d’une augmentation de la violence des attaques des colons contre les Palestiniens, tandis que l’idéologie de la suprématie juive et même le fascisme manifeste sont devenus le centre de la culture politique en Israël.

Lorsque j’ai écrit ma première chronique sur le BDS, le consensus dominant était que l’analogie avec l’Afrique du Sud était inappropriée et que le mot « apartheid », utilisé par les juristes, les militants et les organisations de défense des droits de l’homme palestiniens, était inutilement incendiaire. Aujourd’hui, de Human Rights Watch à Amnesty International en passant par B’Tselem, la principale organisation israélienne de défense des droits de l’homme, tous ont mené leurs propres études et sont parvenus à la conclusion inéluctable que l’apartheid est effectivement le terme juridique approprié pour décrire les conditions dans lesquelles Israéliens et Palestiniens mènent des vies totalement inégales et ségréguées. Même Tamir Pardo, l’ancien chef de l’agence de renseignement Mossad, a admis ce fait : « Il y a un État d’apartheid ici », a-t-il déclaré en septembre. « Dans un territoire où deux personnes sont jugées selon deux systèmes juridiques, c’est un État d’apartheid.

En outre, nombreux sont ceux qui comprennent désormais que l’apartheid existe non seulement dans les territoires occupés, mais aussi à l’intérieur des frontières d’Israël de 1948, comme le montre un important rapport publié en 2022 par une coalition d’associations palestiniennes de défense des droits de l’homme réunie par Al-Haq. Il est difficile d’affirmer le contraire lorsque le gouvernement israélien actuel d’extrême droite est arrivé au pouvoir en vertu d’un accord de coalition qui stipule que : « Le peuple juif a un droit exclusif et absolu à la liberté d’expression : « Le peuple juif a un droit exclusif et incontestable sur toutes les régions de la Terre d’Israël … la Galilée, le Néguev, le Golan, la Judée et la Samarie ».

Quand l’impunité règne, tout bouge, tout se déplace, y compris la frontière coloniale. Rien ne reste statique.

Et puis il y a Gaza. Le nombre de Palestiniens tués lors de l’opération « Plomb durci » nous a semblé insondable à l’époque. Nous avons rapidement appris qu’il ne s’agissait pas d’une opération ponctuelle. Au contraire, elle a inauguré une nouvelle politique meurtrière que les responsables militaires israéliens appelaient avec désinvolture « tondre l’herbe » : tous les deux ans, une nouvelle campagne de bombardements était lancée, tuant des centaines de Palestiniens ou, dans le cas de l’opération Protective Edge (bordure protectrice) de 2014, plus de 2 000, dont 526 enfants.

Ces chiffres ont de nouveau choqué et déclenché une nouvelle vague de protestations. Mais cela n’a pas suffi à priver Israël de son impunité, qui a continué à être protégée par le veto fiable des États-Unis à l’ONU, ainsi que par l’afflux constant d’armes. Les récompenses ont été plus corrosives que l’absence de sanctions internationales : ces dernières années, parallèlement à toute cette anarchie, Washington a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël et y a déplacé son ambassade. Il a également négocié les accords dits d’Abraham, qui ont débouché sur des accords de normalisation lucratifs entre Israël et les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc.

C’est Donald Trump qui a commencé à couvrir Israël de ces derniers cadeaux tant désirés, mais le processus s’est poursuivi sans heurts sous Joe Biden. Ainsi, à la veille du 7 octobre, Israël et l’Arabie saoudite étaient sur le point de signer ce qui avait été qualifié avec verve d' »accord du siècle ».

Où étaient les droits et les aspirations des Palestiniens dans tous ces accords ? Absolument nulle part. Car l’autre chose qui a changé pendant ces années d’impunité, c’est tout prétexte pour qu’Israël revienne à la table des négociations. L’objectif était clairement d’écraser le mouvement palestinien pour l’autodétermination par la force, ainsi que par l’isolement physique et politique et la fragmentation.

Nous savons comment se dérouleront les prochains chapitres de cette histoire. L’horrible attentat du 7 octobre perpétré par le Hamas. La détermination furieuse d’Israël à exploiter ces crimes pour faire ce que certains hauts responsables du gouvernement voulaient de toute façon faire depuis longtemps : dépeupler Gaza des Palestiniens, ce qu’ils semblent actuellement tenter de faire en combinant le meurtre direct, la démolition massive de maisons (« domicide »), la propagation de la famine, de la soif et des maladies infectieuses et, enfin, l’expulsion massive.

Ne vous y trompez pas : c’est ce que signifie permettre à un État de devenir un voyou, de laisser l’impunité régner sans contrôle pendant des décennies, en utilisant les traumatismes collectifs réels subis par le peuple juif comme une excuse et une histoire pérenne de couverture . Une telle impunité n’engloutira pas seulement un pays, mais tous les pays avec lesquels il est allié. Elle engloutira toute l’architecture internationale du droit humanitaire forgée dans les flammes de l’holocauste nazi. Si nous laissons faire.

Une décennie d’attaques juridiques contre le BDS

Ce qui soulève un autre point qui n’est pas resté stable au cours des deux dernières décennies : L’obsession croissante d’Israël d’écraser le BDS, quel que soit le prix à payer pour des droits politiques durement acquis. En 2009, les détracteurs du BDS avançaient de nombreux arguments pour expliquer pourquoi il s’agissait d’une mauvaise idée. Certains craignaient que les boycotts culturels et universitaires ne mettent un terme à l’engagement indispensable avec les Israéliens progressistes, et craignaient que cela ne vire à la censure. D’autres soutenaient que des mesures punitives créeraient une réaction brutale et feraient évoluer Israël vers la droite.

Il est donc frappant, avec le recul, de constater que ces premiers débats ont pratiquement disparu de la sphère publique, et ce n’est pas parce qu’un camp a remporté l’argument. Ils ont disparu parce que l’idée même d’un débat a été remplacée par une stratégie dévorante : le recours à l’intimidation juridique et institutionnelle pour mettre les tactiques du BDS hors de portée et faire taire le mouvement.

À ce jour, aux États-Unis, 293 projets de loi anti-BDS ont été déposés et adoptés dans 38 États, selon Palestine Legal, qui a suivi de près cette montée en puissance. Il explique que certaines législations ciblent le financement des universités, d’autres exigent que toute personne recevant un contrat avec un État ou travaillant pour un État signe un contrat par lequel elle s’engage à ne pas boycotter Israël, et « certaines demandent à l’État de compiler des listes noires publiques d’entités qui boycottent pour les droits des Palestiniens ou soutiennent le BDS ». En Allemagne, le soutien à toute forme de BDS est suffisant pour que les prix soient annulés, les financements supprimés et les spectacles et conférences annulés (j’en ai fait l’expérience moi-même).

Cette stratégie est, sans surprise, plus agressive à l’intérieur même d’Israël. En 2011, le pays a promulgué la loi sur la prévention des dommages causés à l’État d’Israël par le boycott, étouffant ainsi dans l’œuf le mouvement naissant du Boycott de l’intérieur. Le centre juridique Adalah, une organisation œuvrant pour les droits des minorités arabes en Israël, explique que la loi « interdit la promotion publique du boycott académique, économique ou culturel par des citoyens et des organisations israéliens contre des institutions israéliennes ou des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie. Elle permet d’engager des poursuites civiles contre toute personne appelant au boycott ». Comme les lois au niveau de l’État aux États-Unis, « elle interdit également à une personne qui appelle au boycott de participer à tout appel d’offres public ». En 2017, Israël a commencé à interdire ouvertement aux militants pro-BDS d’entrer en Israël ; 20 groupes internationaux ont été placés sur la prétendue liste noire BDS, y compris le pilier anti-guerre Jewish Voice for Peace.

Pendant ce temps, aux États-Unis, les lobbyistes des compagnies pétrolières et gazières et des fabricants d’armes à feu s’inspirent de l’offensive juridique anti-BDS et poussent à l’adoption de lois similaires pour restreindre les campagnes de désinvestissement qui visent leurs clients. « Cela montre pourquoi il est si dangereux d’autoriser ce type d’exception à la liberté d’expression en faveur de la Palestine », a déclaré Meera Shah, avocate principale de Palestine Legal, au magazine Jewish Currents. « Car non seulement elle nuit au mouvement pour les droits des Palestiniens, mais elle finit par nuire à d’autres mouvements sociaux. Une fois de plus, rien ne reste statique, l’impunité s’étend, et lorsque les droits de boycott et de désinvestissement sont supprimés pour la solidarité palestinienne, le droit d’utiliser ces mêmes outils pour faire pression en faveur de l’action climatique, du contrôle des armes à feu et des droits des personnes LGBTQ+ est également supprimé.

D’une certaine manière, c’est un avantage, car cela permet d’approfondir les alliances entre les mouvements. Toutes les grandes organisations progressistes et tous les syndicats ont intérêt à protéger le droit au boycott et au désinvestissement en tant que principes fondamentaux de la liberté d’expression et outils essentiels de la transformation sociale. La petite équipe de Palestine Legal a mené la riposte aux États-Unis de manière extraordinaire – en déposant des dossiers judiciaires qui contestent les lois anti-BDS comme étant inconstitutionnelles et en soutenant les dossiers d’autres personnes. Ils méritent beaucoup plus de soutien.

Le moment du BDS est-il enfin arrivé ?

Il y a une autre raison de se réjouir : la raison pour laquelle Israël s’en prend au BDS avec une telle férocité est la même que celle pour laquelle tant de militants ont continué à y croire malgré ces attaques sur plusieurs fronts. Parce qu’il peut fonctionner.

Nous l’avons vu lorsque des entreprises internationales ont commencé à se retirer d’Afrique du Sud dans les années 1980. Ce n’était pas parce qu’elles étaient soudainement frappées par des épiphanies morales antiracistes. Au contraire, lorsque le mouvement s’est internationalisé et que les campagnes de boycott et de désinvestissement ont commencé à toucher les ventes de voitures et les clients des banques en dehors du pays, ces entreprises ont calculé qu’il leur en coûterait plus cher de rester en Afrique du Sud que d’en partir. Les gouvernements occidentaux ont commencé tardivement à imposer des sanctions pour des raisons similaires.

Cela a nui au secteur des entreprises sud-africaines, dont certaines ont fait pression sur le gouvernement de l’apartheid pour qu’il fasse des concessions aux mouvements de libération des Noirs qui se rebellaient contre l’apartheid depuis des décennies par des soulèvements, des grèves de masse et une résistance armée. Le coût du maintien d’un statu quo cruel et violent était de plus en plus élevé, y compris pour l’élite sud-africaine.

Enfin, à la fin des années 80, la pression exercée de l’extérieur et de l’intérieur est devenue si intense que le président FW de Klerk a été contraint de libérer Nelson Mandela de prison après 27 ans, puis d’organiser des élections « une personne, un vote », qui ont porté Mandela à la présidence.

Les organisations palestiniennes qui ont entretenu la flamme du BDS au cours d’années très sombres placent toujours leur espoir dans le modèle sud-africain de pression extérieure. En effet, alors qu’Israël perfectionne l’architecture et l’ingénierie de la ghettoïsation et de l’expulsion, c’est peut-être le seul espoir.

En effet, Israël est nettement plus à l’abri des pressions internes exercées par les Palestiniens que ne l’étaient les Sud-Africains blancs sous l’apartheid, qui dépendaient de la main-d’œuvre noire pour toutes sortes de tâches, des travaux domestiques à l’extraction de diamants. Lorsque les Sud-Africains noirs retiraient leur main-d’œuvre ou s’engageaient dans d’autres types de perturbations économiques, ils ne pouvaient pas être ignorés.

Israël a tiré les leçons de la vulnérabilité de l’Afrique du Sud : depuis les années 90, sa dépendance à l’égard de la main-d’œuvre palestinienne n’a cessé de diminuer, en grande partie grâce aux « travailleurs invités » et à l’afflux d’environ un million de Juifs en provenance de l’ex-Union soviétique. Cela a permis à Israël de passer du modèle d’oppression de l’occupation au modèle actuel de ghettoïsation, qui tente de faire disparaître les Palestiniens derrière des murs imposants dotés de capteurs de haute technologie et de la défense antiaérienne israélienne Dôme de fer, tant vantée.

Mais ce modèle – appelons-le la bulle fortifiée – comporte ses propres vulnérabilités, et pas seulement face aux attaques du Hamas. La vulnérabilité la plus systémique vient de l’extrême dépendance d’Israël à l’égard du commerce avec l’Europe et l’Amérique du Nord, qu’il s’agisse de son secteur touristique ou de son secteur des technologies de surveillance alimentées par l’IA. L’image de marque qu’Israël s’est forgée est celle d’un avant-poste occidental branché dans le désert, une petite bulle de San Francisco ou de Berlin qui se trouve par hasard dans le monde arabe.

Cela la rend particulièrement vulnérable aux tactiques du BDS, y compris les boycotts culturels et universitaires. En effet, lorsque des stars de la pop, désireuses d’éviter la controverse, annulent leurs concerts à Tel-Aviv, que des universités américaines prestigieuses mettent fin à leurs partenariats officiels avec des universités israéliennes après avoir assisté à l’explosion de plusieurs écoles et universités palestiniennes, et que de belles personnalités ne choisissent plus Eilat pour leurs vacances parce que leurs followers Instagram ne seront pas impressionnés, c’est tout le modèle économique d’Israël qui s’en trouve ébranlé, ainsi que l’idée qu’il se fait de lui-même.

Cela introduira de la pression là où les dirigeants israéliens n’en ressentent manifestement que peu aujourd’hui. Si les entreprises mondiales de technologie et d’ingénierie cessent de vendre des produits et des services à l’armée israélienne, la pression augmentera encore, peut-être suffisamment pour modifier la dynamique politique. Les Israéliens souhaitent ardemment faire partie de la communauté mondiale et, s’ils se retrouvent soudainement isolés, un nombre beaucoup plus important d’électeurs pourrait commencer à exiger certaines des actions que les dirigeants actuels d’Israël rejettent d’emblée, comme négocier avec les Palestiniens une paix durable fondée sur la justice et l’égalité telles que définies par le droit international, plutôt que d’essayer de sécuriser sa bulle fortifiée à l’aide de phosphore blanc et d’épuration ethnique.

Le problème, bien sûr, c’est que pour que les tactiques non violentes de BDS fonctionnent, les victoires ne peuvent pas être sporadiques ou marginales. Elles doivent être durables et générales – au moins aussi générales que la campagne sud-africaine, qui a vu de grandes entreprises comme General Motors et Barclays Bank retirer leurs investissements, tandis que des artistes de renom comme Bruce Springsteen et Ringo Starr se joignaient à un supergroupe des années 80 pour chanter « ain’t gonna play Sun City » (référence à la station balnéaire de luxe emblématique de l’Afrique du Sud).

Barghouti estime que les « syndicats de travailleurs et d’agriculteurs, ainsi que les mouvements de justice raciale, sociale, climatique et de genre » qui le soutiennent « représentent collectivement des dizaines de millions de personnes dans le monde ». Mais le mouvement n’a pas encore atteint un point de basculement comparable à celui de l’Afrique du Sud.

Cela a un coût. Il n’est pas nécessaire d’être un historien des luttes de libération pour savoir que lorsque des tactiques guidées par la morale sont ignorées, mises à l’écart, salies et interdites, d’autres tactiques – non liées à ces préoccupations éthiques – deviennent beaucoup plus attrayantes pour les personnes désespérées par l’espoir d’un changement.

Nous ne saurons jamais comment le présent aurait pu être différent si davantage d’individus, d’organisations et de gouvernements avaient tenu compte de l’appel au BDS lancé par la société civile palestinienne en 2005. Lorsque j’ai pris contact avec M. Barghouti il y a quelques jours, il n’a pas évoqué deux décennies d’impunité, mais 75 ans. Israël, a-t-il déclaré, « n’aurait pas été en mesure de perpétrer son génocide télévisé à Gaza sans la complicité des États, des entreprises et des institutions avec son système d’oppression ». La complicité, a-t-il souligné, est quelque chose que nous avons tous le pouvoir de rejeter.

Une chose est sûre : les atrocités commises actuellement à Gaza renforcent considérablement les arguments en faveur du boycott, du désinvestissement et des sanctions. Les tactiques non violentes que beaucoup considéraient comme extrêmes ou craignaient d’être taxées d’antisémitisme semblent très différentes à la lumière de deux décennies de carnage, avec de nouveaux décombres empilés sur les anciens, de nouveaux chagrins et traumatismes gravés dans le psychisme des nouvelles générations, et de nouvelles profondeurs de dépravation atteintes à la fois dans les mots et dans les actes.

Dimanche dernier, pour sa dernière émission sur MSNBC, Mehdi Hasan a interviewé le photojournaliste palestinien Motaz Azaiza, basé à Gaza, qui risque sa vie, jour après jour, pour transmettre au monde les images des massacres perpétrés par Israël. Le message qu’il a adressé aux téléspectateurs américains était clair : « Ne vous considérez pas comme une personne libre si vous ne pouvez pas changer les choses, si vous ne pouvez pas arrêter un génocide qui est toujours en cours ».

Dans un moment comme le nôtre, nous sommes ce que nous faisons. Tant de gens ont fait plus que jamais auparavant : bloquer des livraisons d’armes, occuper des sièges de gouvernement pour exiger un cessez-le-feu, se joindre à des manifestations de masse, dire la vérité, même si c’est difficile. La combinaison de ces actions pourrait bien avoir contribué au développement le plus important dans l’histoire du BDS : la requête de l’Afrique du Sud auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye accusant Israël de commettre un génocide et demandant des mesures provisoires pour arrêter son attaque contre Gaza.

Une analyse récente du journal israélien Haaretz note que si la CIJ se prononce en faveur de l’Afrique du Sud, même si les États-Unis opposent leur veto à une intervention militaire aux Nations unies, « une injonction pourrait avoir pour conséquence d’ostraciser Israël et les entreprises israéliennes et de les soumettre à des sanctions imposées par des pays ou des blocs individuels ».

Les boycotts populaires, quant à eux, commencent déjà à porter leurs fruits. En décembre, Puma – l’une des principales cibles du BDS – a fait savoir qu’elle mettrait fin à son parrainage controversé de l’équipe nationale de football d’Israël. Avant cela, des artistes ont quitté un grand festival de bande dessinée en Italie, après qu’il est apparu que l’ambassade d’Israël figurait parmi les sponsors. Ce mois-ci, le directeur général de McDonald’s, Chris Kempczinski, a écrit que ce qu’il a appelé la « désinformation » avait « un impact commercial significatif » sur certaines de ses ventes dans « plusieurs marchés du Moyen-Orient et certains en dehors de la région ». Il faisait ainsi référence à la vague d’indignation suscitée par la nouvelle selon laquelle McDonald’s Israël avait fait don de milliers de repas aux soldats israéliens. M. Kempczinski s’est efforcé de séparer la marque mondiale des « propriétaires-exploitants locaux », mais peu de personnes au sein du mouvement BDS sont convaincues par cette distinction.

Il sera également essentiel, alors que le mouvement BDS continue à prendre de l’ampleur, d’être parfaitement conscient que nous sommes au milieu d’une vague alarmante et réelle de crimes haineux, dont beaucoup sont dirigés contre les Palestiniens et les musulmans, mais aussi contre les entreprises et les institutions juives simplement parce qu’elles sont juives. Il s’agit là d’antisémitisme, et non d’activisme politique.

Le BDS est un mouvement sérieux et non violent, doté d’un modèle de gouvernance bien établi. Tout en laissant aux organisateurs locaux l’autonomie de déterminer les campagnes qui fonctionneront dans leur région, le comité national BDS (BNC) définit les principes directeurs du mouvement et sélectionne soigneusement un petit groupe d’entreprises cibles à fort impact, choisies « en raison de leur complicité avérée avec les violations des droits de l’homme des Palestiniens commises par Israël ».

Le BNC est également très clair sur le fait qu’il n’appelle pas au boycott des Israéliens parce qu’ils sont israéliens, déclarant qu’il « rejette, par principe, les boycotts d’individus fondés sur leur opinion ou leur identité (comme la citoyenneté, la race, le sexe ou la religion) ». En d’autres termes, les cibles sont des institutions complices de systèmes d’oppression, et non des personnes.

Aucun mouvement n’est parfait. Chaque mouvement fera des faux pas. Cependant, la question la plus urgente aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec la perfection. Elle est simplement la suivante : qu’est-ce qui a le plus de chances de changer un statu quo moralement intolérable, tout en empêchant de nouvelles effusions de sang ? L’indomptable journaliste de Haaretz, Gideon Levy, ne se fait pas d’illusions sur ce qu’il faudra faire. Il a récemment déclaré à Owen Jones « La formule est très simple : tant que les Israéliens ne paieront pas et ne seront pas punis pour l’occupation, qu’ils n’en seront pas tenus pour responsables et qu’ils ne la ressentiront pas au quotidien, rien ne changera ».

A row of white police officers wearing helmets and carrying automatic weapons faces what we see only as Black and brown hands raised holding flowers and showing the peace sign.
La police anti-émeute menace des étudiants manifestant contre l’apartheid à Johannesburg, Afrique du Sud, le 20 août 1989. Photo : Louise Gubb/Corbis/Getty Images : Louise Gubb/Corbis/Getty Images

Il est tard

En juillet 2009, quelques mois après la publication de mon premier article sur le BDS, je me suis rendue à Gaza et en Cisjordanie. À Ramallah, j’ai donné une conférence sur ma décision de soutenir le BDS. J’ai notamment présenté mes excuses pour ne pas avoir fait entendre ma voix plus tôt, ce qui, je l’ai avoué, était dû à la peur : la peur que la tactique soit trop extrême lorsqu’elle est dirigée contre un État forgé par le traumatisme juif ; la peur qu’on m’accuse de trahir mon peuple. Des craintes que j’ai toujours.

« Mieux vaut tard que jamais », m’a dit un spectateur bienveillant après la conférence.

Il était tard à l’époque ; il est encore plus tard aujourd’hui. Mais il n’est pas trop tard. Il n’est pas trop tard pour que chacun d’entre nous crée sa propre politique étrangère à partir de la base, une politique qui intervienne dans la culture et l’économie de manière intelligente et stratégique – des moyens qui offrent un espoir tangible que les décennies d’impunité incontrôlée d’Israël prennent enfin fin.

Comme l’a demandé le comité national du BDS la semaine dernière : « Si ce n’est pas maintenant, quand ? Le mouvement anti-apartheid sud-africain s’est organisé pendant des décennies pour obtenir un large soutien international menant à la chute de l’apartheid ; et l’apartheid est tombé. La liberté est inévitable. Le moment est venu d’agir et de rejoindre le mouvement pour la liberté, la justice et l’égalité en Palestine ».

Cela suffit. Il est temps de boycotter.

Texte traduit par Deepl

Des fonctionnaires occidentaux protestent contre la politique d’Israël à l’égard de Gaza


Israel-Gaza war

A destroyed building in Gaza

Tom Bateman

BBC State Department correspondent

Plus de 800 fonctionnaires en poste aux États-Unis et en Europe ont signé une déclaration avertissant que les politiques de leurs propres gouvernements concernant la guerre entre Israël et Gaza pourraient constituer de « graves violations du droit international ».

La « déclaration transatlantique », dont une copie a été transmise à la BBC, indique que leurs administrations risquent d’être complices de « l’une des pires catastrophes humaines de ce siècle », mais que leurs conseils d’experts ont été mis de côté.

Il s’agit du dernier signe en date d’un désaccord important au sein des gouvernements de certains des principaux alliés occidentaux d’Israël.

L’un des signataires de la déclaration, un fonctionnaire du gouvernement américain ayant plus de 25 ans d’expérience dans le domaine de la sécurité nationale, a déclaré à la BBC que leurs préoccupations étaient « continuellement rejetées ».

« Les voix de ceux qui comprennent la région et la dynamique n’ont pas été écoutées », a déclaré le fonctionnaire.

« Ce qui est vraiment différent ici, c’est que nous ne sommes pas en train d’échouer à empêcher quelque chose, nous sommes activement complices. C’est fondamentalement différent de toute autre situation dont je me souvienne », a ajouté le fonctionnaire, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat.

La déclaration est signée par des fonctionnaires des États-Unis, de l’Union européenne et de 11 pays européens, dont le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne.

Elle indique qu’Israël n’a montré « aucune limite » dans ses opérations militaires à Gaza, « ce qui a entraîné la mort de dizaines de milliers de civils qui auraient pu être évités ; et… le blocage délibéré de l’aide… mettant des milliers de civils en danger de famine et de mort lente ».

« Il existe un risque plausible que les politiques de nos gouvernements contribuent à de graves violations du droit international, à des crimes de guerre, voire à un nettoyage ethnique ou à un génocide.

Les Israéliens font part aux députés des preuves de violences sexuelles commises par le Hamas

Blessés, affamés et seuls, les enfants de Gaza rendus orphelins par la guerre

L’identité des personnes qui ont signé ou approuvé la déclaration n’a pas été rendue publique et la BBC n’a pas vu la liste des noms, mais elle croit savoir que près de la moitié sont des fonctionnaires qui ont chacun au moins dix ans d’expérience au sein du gouvernement.

Un ambassadeur américain à la retraite a déclaré à la BBC que la coordination des fonctionnaires dissidents de plusieurs gouvernements était sans précédent.

« C’est unique dans mon expérience de la politique étrangère des 40 dernières années », a déclaré Robert Ford, ancien ambassadeur américain en Algérie et en Syrie.

video sur le soutien de Joe Biden à Israël lui a fait perdre des voix parmi les Américains d’origine arabe. ici : Western officials in protest over Israel Gaza policy – BBC News

Il a comparé cette situation aux préoccupations exprimées par l’administration américaine en 2003 au sujet des faux renseignements ayant conduit à l’invasion de l’Irak, mais il a ajouté que cette fois-ci, de nombreux fonctionnaires ayant des réserves ne voulaient pas rester silencieux.

« Il y avait des gens qui savaient mieux que nous, qui savaient que les renseignements étaient triés sur le volet, qui savaient qu’il n’y avait pas de plan pour le lendemain, mais personne n’a rien dit publiquement. Et cela s’est avéré être un grave problème », a-t-il déclaré.

« Les problèmes liés à la guerre de Gaza sont si graves et les implications sont si sérieuses qu’ils se sentent obligés de les rendre publics », a-t-il ajouté.

Les fonctionnaires affirment que la nature actuelle du soutien militaire, politique ou diplomatique de leurs gouvernements à Israël, « sans conditions réelles ni obligation de rendre des comptes », risque non seulement d’entraîner la mort de nouveaux Palestiniens, mais aussi de mettre en danger la vie des otages détenus par le Hamas, ainsi que la sécurité d’Israël et la stabilité de la région.

« L’opération [militaire] n’a pas contribué à l’objectif d’Israël de vaincre le Hamas et a au contraire renforcé l’attrait du Hamas, du Hezbollah et d’autres acteurs négatifs ».

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Les fonctionnaires affirment qu’ils ont exprimé leurs préoccupations professionnelles en interne, mais que des considérations politiques et idéologiques ont eu raison d’eux.

Un haut fonctionnaire britannique qui a approuvé la déclaration a déclaré à la BBC que les fonctionnaires étaient de plus en plus inquiets.

Il a évoqué les retombées de l’arrêt préliminaire rendu la semaine dernière par la Cour internationale de justice des Nations unies dans une affaire portée par l’Afrique du Sud, qui exigeait d’Israël qu’il fasse tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir les actes de génocide.

Le rejet de l’affaire de l’Afrique du Sud par notre ministre des affaires étrangères, qui l’a qualifiée d' »inutile », met en péril l’ordre international fondé sur des règles.

Nous avons entendu des ministres rejeter des allégations contre le gouvernement israélien apparemment sans avoir reçu un avis juridique approprié et bien étayé. Notre approche actuelle ne semble pas être dans le meilleur intérêt du Royaume-Uni, de la région ou de l’ordre mondial », a déclaré le fonctionnaire qui a également parlé sous le couvert de l’anonymat.

An effigy of Joe Biden with a sign saying 'Genocide Joe' at a protest

Le Département d’État américain, la Commission européenne et le Bureau des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement du Royaume-Uni ont été sollicités pour des commentaires.

La déclaration suggère que si l’opération militaire d’Israël a causé une destruction sans précédent de vies et de biens à Gaza, il ne semble pas y avoir de stratégie viable pour éliminer efficacement le Hamas en tant que menace, ni de solution politique pour assurer la sécurité d’Israël à plus long terme.

Le rapport demande aux gouvernements américain et européen de « cesser d’affirmer au public que l’opération israélienne repose sur une logique stratégique et défendable ».

Les responsables israéliens ont toujours rejeté ces critiques. En réponse à cette nouvelle déclaration, l’ambassade d’Israël à Londres a déclaré qu’elle était liée par le droit international.

Elle a ajouté : « Israël continue d’agir contre une organisation terroriste génocidaire qui commet des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ».

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a affirmé que seule une pression militaire totale sur le Hamas permettrait d’obtenir une nouvelle libération des otages, tandis que l’armée affirme avoir détruit d’importantes infrastructures souterraines utilisées par le groupe, notamment des centres de commandement, des sites d’armement et des installations destinées à la détention d’otages.

Samedi, l’armée israélienne a déclaré « Dans [la ville de] Khan Yunis, nous avons éliminé plus de 2 000 terroristes en surface et sous terre ».

Israël a rejeté à plusieurs reprises les allégations selon lesquelles il prendrait délibérément pour cible des civils, accusant le Hamas de se cacher à l’intérieur et autour des infrastructures civiles.

Depuis le début de la guerre, plus de 26 750 Palestiniens ont été tués et au moins 65 000 blessés, selon les autorités sanitaires de la bande de Gaza, gouvernée par le Hamas et soumise au blocus d’Israël et de l’Égypte depuis 2007.

Les autorités israéliennes affirment que 9 000 des personnes tuées étaient des militants du Hamas, mais elles n’ont pas fourni de preuves de ce chiffre. Plus de 1 200 personnes ont été tuées en Israël lors des attaques du Hamas du 7 octobre, et 100 autres ont succombé à leurs blessures selon les autorités israéliennes. Plus de 250 personnes ont été prises en otage à Gaza.

L’administration américaine a déclaré à plusieurs reprises que « beaucoup trop de Palestiniens ont été tués » à Gaza et qu’Israël a le droit de faire en sorte que le 7 octobre « ne se reproduise plus jamais ».

Source

Traduction par Deepl

Ziad Medoukh : « Bonjour de Gaza la détruite et Gaza la dévastée »


UJFP

Croyez-moi : ma détermination, mon courage, ma résilience, ma patience, et mon optimisme n’arrivent pas à dépasser ma détresse totale.

Ziad Medoukh 27/01/24Gaza | Témoignages | Témoignages de Palestine

Après presque quatre mois depuis le début de cette agression horrible de l’occupation contre la population civile de la bande de Gaza, la situation sur place est de plus en plus catastrophique et terrifiante.

La vie a un goût amer, en fait, il n’y a pas de vie à Gaza.

La vie est paralysée totalement.

Il n’y a rien : ni nourriture, ni eau, ni médicaments, ni électricité, ni gaz, ni lait, ni pain, ni fruits, ni légumes, ni viande, ni poulet, ni poissons, ni moyens de transport, ni logement et ni perspectives.

Des milliers d’élèves sont privés de leurs cours, et des dizaines de milliers d’étudiants sont privés de leurs études.

Des milliers de fonctionnaires, d’employés et d’ouvriers sont privés de leur travail et de leurs salaires.

Rien ne fonctionne à Gaza actuellement : aucune administration et aucun commerce.

Je suis très triste.

Je suis malheureux, je souffre au quotidien comme tous les habitants de cette région dévastée et laissée à son sort par une communauté internationale officielle complice.

Et je suis en train de supporter l’insupportable.

J’ai décidé d’écrire ce témoignage pour partager ma peine avec vous, les amis et les solidaires de bonne volonté, vous êtes mon seul réconfort dans cet enfer quotidien.

Quand j’ai un accès à Internet, j’essaie de donner des nouvelles, le problème est que pour arriver à un point Internet, je dois marcher deux kilomètres et devant ce point, il y a un monde fou et que chacun à le droit à trente minutes seulement, tout le monde veut avoir des nouvelles de sa famille au sud et le réseau de communication est souvent perturbé et détruit par les bombardements.

Je vois vos très nombreux messages de soutien et de sympathie – les personnes qui proposent des aides et des dons, je vous remercie beaucoup, je disais toujours que le plus important c’est la solidarité morale et politique, en plus, moi je suis un simple citoyen palestinien de Gaza, je vis comme tous les habitants, et je ne veux pas être privilégié avec mon réseau et mes nombreux amis et connaissances.

Même si je ne réponds pas car le réseau Internet est très faible, vos messages me soulagent, moi le citoyen palestinien de Gaza qui a tout perdu et qui essaie de survivre avec le peu d’espoir qui lui reste.

Mon quotidien est très difficile et très compliqué.

C’est vrai que j’ai vécu beaucoup de guerres, d’agressions, d’offensives et de carnages.

Mais je n’ai jamais vécu une situation horrible comme celle-ci depuis mon enfance.

Actuellement, déplacé d’un quartier à un autre et d’une maison à une autre chez les proches et les cousins, car les bombardements se poursuivent jour et nuit partout dans cette prison à ciel ouvert et fermé, et les chars peuvent arriver dans n’importe quel quartier à tout moment.

Le problème est que dans chaque foyer, il y de 30 à 40 personnes qui y habitent entre habitants et déplacés, et on doit faire face à cette situation exceptionnelle.

Je suis devenu sans domicile et sans abri et je dois accepter tout dans ces maisons d’accueil.

Je ne peux ni lire ni écrire dans ces maisons, à cause du bruit, et la présence de dizaines de personnes, en plus j’ai perdu mes ordinateurs et ma bibliothèque avec ses 3.000 livres en français après la destruction de mon appartement début décembre dernier, je n’ai rien pu récupérer de mes affaires, mes vêtements, mes diplômes, mes livres publiés, mes recherches et mes cours.

Tout le monde rentre chez lui avant 17h, et on dort vers19h, le soir on allume avec des lampes qu’on recharge le matin avec les panneaux solaires, heureusement qu’il y a toujours du soleil à Gaza, en fait les panneaux solaires ont beaucoup aidé les habitants de Gaza pour avoir un peu de lumière en rechargeant leurs lampes, leurs batteries et leurs téléphones portables pendant cette période d’obscurité et de panne électrique depuis le début de cette agression début octobre dernier.

Pour moi, la nuit, je n’arrive pas à dormir, je pense à mon frère assassiné avec toute sa famille, et je pleure seul, je reviens à mes beaux souvenirs avant cette agression, j’essaie de rêver et d’espérer un meilleur avenir, mais en vain.

Moi, qui remontais le moral des jeunes et des enfants de Gaza traumatisés, je suis devenu sous le choc et traumatisé par la succession des événements tragiques qui ont frappé ma famille et tous les citoyens de Gaza ces derniers mois, et je ne trouve personne pour effacer mes larmes et pour calmer ma colère énorme.

Mon coeur saigne tout le temps.

Croyez-moi, je ne suis pas pessimiste, et j’aime beaucoup la vie comme tout le peuple palestinien, mais sur place, notre contexte est inimaginable, inacceptable et horrible !

Pour la nourriture, on mange un seul repas par jour et quelques fois un repas tous les deux jours, il n’y a rien sur les marchés pour manger, souvent une assiette de riz et quelques morceaux de pain, et si on boit une tasse de café ou du thé, c’est un luxe pour nous.

Dans chaque maison, les hommes et les femmes s’activent pour préparer le repas en utilisant le feu de bois, parce qu’il n’y a pas de gaz.

Ce n’est pas l’argent qui manque mais les produits alimentaires et essentiels, car depuis 4 mois aucun produit entre à Gaza et il n’y a pas d’aides humanitaires qui arrivent dans le nord de la bande de Gaza.

En plus, il n’y a aucune organisation internationale ou association locale qui s’occupent des personnes démunies et déplacées qui sont très nombreuses actuellement dans la bande de Gaza.

Selon un dernier rapport des Nations Unies début janvier 2024, 90% des habitants de Gaza souffrent de l’insécurité alimentaire.

Les gens ici ont commencé à mourir de faim.

Sans oublier que les prix sont multipliés par dix, et les rares produits disponibles sont très chers.

Une petite bouteille d’eau minérale coûte actuellement à Gaza 5 euros, auparavant son prix ne dépassait même pas 0,10 centimes.

Un kilo de riz qui coûtait 2 euros est passé à 10 euros, un kilo de farine 12 euros avant on l’achetait à 1 euro, et un œuf vaut 3 euros, alors que le plateau de 30 œufs coûtait 4 euros avant l’agression.

Tout est très cher à Gaza, et rien n’est disponible sur les marchés.

S’ajoute à tout cela qu’il n’y a ni fruits ni légumes, en fait, tous les terrains agricoles au nord de la bande de Gaza ont été détruits.

Pour l’eau, pas d’eau potable pour boire, et même l’eau à usage domestique, il n’arrive pas dans les robinets, et on l’achète très cher de quelques stations qui fonctionnent encore, car plusieurs puits d’eau ont été détruits.

Plusieurs maladies contaminées touchent les habitants.

Le pire est qu’il n’y a aucune autorité, aucun gouvernement et aucuns services municipaux qui gèrent et qui contrôlent la situation très critique.

Chacun se débrouille seul pour survivre.

Par contre, les Palestiniens de Gaza sont solidaires entre eux, mais quelquefois, les gens n’ont rien pour donner, parce qu’il n’y a rien sur place.

Le matin, le souci de chacun est de chercher de quoi nourrir sa famille et cherche de l’eau avec énormément de difficultés.

Quand je marche dans les rues de Gaza, je deviens très malheureux, car dans chaque quartier, il y a des maisons, bâtiments, immeubles et infrastructures civiles détruits et endommagés.

J’apprends chaque jour l’assassinat de mes cousins, proches, amis, collègues, voisins et étudiants, ça me rend très triste car je suis impuissant et je ne peux pas dire un mot de condoléances à leurs familles.

Le sentiment d’impuissance est horrible.

Imaginez-vous, il n’y aucune boulangerie ni magasin, ni pharmacie, ni restaurant et ni café ouvert.

Les gens ici sont très tristes, ils sont préoccupés par leur quotidien tragique, ils pensent à leurs proches disparus et ils essaient de chercher de la nourriture et de l’eau pour leurs enfants, personne ne parle à personne, aucun échange, aucun sourire, tout le monde est sous le choc ; dans chaque famille, il y a des morts, des blessés, des déplacés et des maisons détruites.

Quelquefois, je me demande comment les gens ici font pour survivre et pour exister toujours.

Pour la situation sanitaire, elle est dramatique, aucun hôpital fonctionne, tous les hôpitaux sont hors service, il y a seulement trois cliniques dans toute la ville de Gaza qui abritent 300.000 habitants et déplacés, dans chaque clinique, il a seulement cinq ou six médecins bénévoles débordés qui reçoivent.

5.000 patients par jour, sans de vrais médicaments à donner, ou des médicaments expirés.

Personnellement, je suis actuellement malade, je ne trouve aucun laboratoire pour faire des analyses ni pharmacie ni hôpital pour me soigner.

L’armée la plus morale au monde a assassiné 27.000 palestiniens de Gaza jusqu’à présent parmi eux 22.000 enfants et femmes, et en a blessé 70.000.

Sans oublier, la destruction de presque 65% des infrastructures civiles.

Le problème que cette armée lâche et criminelle n’a réalisé aucun objectif fixé pour ce gouvernement d’extrême droite.

C’est de la folie meurtrière et l’impunité totale sans aucune réaction internationale officielle.

Les Palestiniens de Gaza, malgré leur colère et leur malheur, apprécient beaucoup les manifestations de solidarité partout dans le monde pour dénoncer ce génocide répété et pour appeler à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza.

Quatre mois très difficiles pour moi et pour tous les habitants de Gaza avec des événements douloureux, ces quatre mois étaient tous terribles.

Le mois d’octobre 2023, au début de l’agression, c’est vrai qu’il y avait des bombardements intensifs, mais j’ai été très occupé, j’accordais des interviews à des médias francophones, j’avais accès à Internet et je donnais des témoignages quotidiens et des contacts réguliers avec les amis et les groupes de solidarité avec la Palestine dans le monde francophone, les marchés étaient ouverts et il y avait un peu de nourriture.

Le mois de novembre dernier, la situation est devenue très compliquée, avec le début de l’opération terrestre, l’évacuation de ma famille au sud, et l’arrivée des chars dans mon quartier, j’ai été encerclé chez-moi dans mon quartier dévasté.

Le mois de décembre 2023 était un mois noir pour moi avec l’assassinat de mon frère et toute sa famille, la destruction de mon appartement et notre immeuble, et mon obligation de quitter mon quartier pour trouver refuge chez les proches.

Le mois de janvier 2024, a connu la poursuite des bombardements et l’arrivée des chars dans toute la ville de Gaza, et mon obligation de nouveau de chercher d’autres maisons pour y habiter.

Il y a beaucoup d’événements à raconter, j’aurais besoin des pages et des livres pour décrire notre quotidien très difficile sous les bombes et sous le choc avec cette situation humanitaire catastrophique et ce désastre sans précédent, et je ne crois pas encore que je suis toujours vivant, car je vois la mort mille fois par jour, même si je n’ai pas peur de la mort, cependant, je suis inquiet pour notre avenir.

L’aspect positif dans tout cela qui me rend fier de moi : je n’ai pas de haine.

Amitiés palestiniennes de Gaza qui n’est plus Gaza.

Et de Ziad qui n’est plus Ziad.

Source : UJFP

Opinion |Le retour de l’arrogance israélienne après une brève période d’humilité suite au 7 octobre


Gideon Levy

https://www.haaretz.com

An IDF tank with an Israeli flag in October.

Un char de l’armée israélienne avec un drapeau israélien en octobre. Photo: Ilan Assayag

Jan 31, 2024 11:36 pm IST

Après la guerre du Kippour, Israël a humblement baissé la tête et s’est amendé. Le pays traumatisé s’est replié sur lui-même et a fait son deuil. L’arrogance et la vantardise de l’après-guerre des Six Jours ont disparu, de même que le culte de la personnalité militariste et l’adoration de l’armée.

Il est d’ores et déjà clair que cette fois-ci, ce sera différent. L’arrogance, la vantardise et le culte de la puissance armée reviennent en force. En fait, ils n’ont jamais disparu. Le choc et l’impuissance, l’horreur et même l’humilité ont régné les premiers jours, mais l’arrogance est vite revenue.

  • La catastrophe humanitaire à Gaza est au cœur de l’arrêt de la CIJ sur le génocide israélien
  • Israël paie le prix de la négligence des observateurs des FDI
  • La campagne israélienne à Gaza est devenue une guerre sainte pour expier le désengagement.

Comme si Israël n’avait pas été pris par surprise et n’avait pas été attaqué par une armée assiégée et en lambeaux alors que sa propre armée était absente et que sa puissance militaire s’était révélée peu fiable. Israël était plongé dans le deuil et l’inquiétude, comme après la guerre du Kippour, mais rien n’indiquait qu’il allait changer d’avis.

L’argument selon lequel continuer à vivre par l’épée ne peut que conduire Israël à la destruction est considéré comme une hérésie. Les dégâts de la guerre du 7 octobre 2023 sont donc pires que ceux de la guerre du 6 octobre 1973. Après cette dernière, il y a eu une correction, cette fois-ci,

An IDF soldier in Khan Yunis on Tuesday.

Un soldat de l’IDF à Khan Yunis, mardi. Photo : Rami Shllush

On aurait pu s’attendre à une réaction différente. Le 8 octobre, Haaretz a publié ce que j’avais écrit l’après-midi précédent, avant que l’ampleur des atrocités ne soit révélée : « L’arrogance israélienne est à l’origine de tout cela. Nous pensions que nous pouvions faire n’importe quoi sans jamais être pénalisés.

… Nous nous arrêterons, nous tuerons, nous abuserons, nous déposséderons, nous protégerons les colons pogromistes, nous ferons des pèlerinages au tombeau de Joseph, au tombeau d’Othniel, à l’autel de Josué et, bien sûr, au mont du Temple ; nous tirerons sur les innocents, nous creverons les yeux et briserons les visages.

Hier, Israël a vu sur les images du sud ce qu’il n’avait jamais vu auparavant. Des véhicules militaires palestiniens patrouillant dans ses villes, des motards franchissant ses portes. Ces images doivent faire tomber le voile de l’arrogance ».

Aujourd’hui, quatre mois plus tard, Israël agit comme si nous étions après le 5 juin 1967, et non après le 7 octobre 2023. Le discours est arrogant. Les généraux bavardent dans les studios : nous allons frapper ici, conquérir là, déplacer des forces de Beyrouth à Téhéran, en passant par la route Philadelphie et le Yémen, tandis que les soldats et les colons se déchaînent en Cisjordanie.

La discussion dans les médias passe des convulsions de l’armée à un commerce sirupeux du sentiment national. Une guerre inutile est dépeinte sous un autre jour : celui des succès imaginaires. Il n’y a pas de soirée sans que l’on fasse l’éloge de la glorieuse armée, de la 162e division et de l’équipe de combat de la 401e brigade, comme s’il ne s’agissait pas de la même armée que celle du 7 octobre, comme si elle menait Israël vers une situation meilleure.

Personne n’exprime une opinion différente, sceptique, subversive. Il n’y a que des flatteries pour l’armée, pour la guerre, pour le peuple d’Israël, pour Israël pour toujours, pour tout le monde. La majorité des médias israéliens a trahi sa mission et son professionnalisme en faveur du déni, de la dissimulation et de l’enrôlement au service de la propagande.

Il y a une absence honteuse de reportages sur ce qui se passe dans la bande de Gaza – les ruines et les morts, les blessés, les estropiés, les affamés et les déplacés – accompagnée d’une arrogance qui s’est emparée de la discussion nationale et de la vie nationale.

Displaced Palestinians flee from Khan Yunis in the southern Gaza Strip on Tuesday.

Des Palestiniens déplacés fuient Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, mardi. Photo : Mahmud Hams/AFP

Au Centre international des congrès de Jérusalem, nous construisons des colonies à Gaza. À Jénine, nous nous déguisons en équipes médicales, en violation flagrante du droit international, sous les applaudissements. À Gaza, nous détruisons tout comme s’il n’y avait pas de lendemain.

Dans les capitales du monde, nous menons une campagne pour défaire l’UNRWA, et à La Haye, nous essayons d’ignorer la Cour internationale de justice. Il n’y a nulle part d’humilité, de modestie, de pensée différente, de réflexion sur une nouvelle voie ou d’écoute du monde, ce qui est pourtant si important aujourd’hui.

Nous continuons à nous mentir sciemment, à croire que nous pouvons vivre éternellement par l’épée, que nous sommes toujours les plus justes, les plus forts, plus que tous les autres, plus que le monde entier. Ce ne serait pas aussi terrible si nous ne savions pas que cela mènera à la prochaine catastrophe.

Traduction par Deepl

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