Liban : DIVORCER DE QUI?


par Ronald Barakat, lundi 22 octobre 2012, 15:10 ·

En plus de la dangereuse et maladroite glissade de fin de journée d’hier à la Place des Martyrs, les faux pas en termes de slogans n’ont pas manqué, tels cet appel au «divorce jusqu’à l’accomplissement de la justice». D’abord, le divorce est justement l’option qu’envisage ce parti dit de Dieu, qui a fondé son mini-État dans l’État, au cas où sa stratégie de phagocyter l’État, la Nation et ses composantes s’avérerait infructueuse. Ensuite, parler de divorce suppose un partenaire qui n’a jamais envisagé le moindre partenariat, autre que celui noué avec des Libano-chrétiens de service qui ont accepté d’adhérer à l’idéologie du Wilayet el-Fakih, en contrepartie d’une Wilaya locale durant laquelle leur chef pourra enfin satisfaire ses désirs de domination longtemps réprimés. Partenariat d’autant plus fictif, voire mensonger, que celui que l’on croyait partenaire et qu’on a soutenu et appuyé durant les longues années de résistance à l’occupant israélien a refusé, une fois le territoire libéré, de céder ses armes, conformément aux accords de Taëf qui ont entraîné le ramassage des armes des autres milices, surtout celle des Forces libanaises, sauf les milices chiites sous prétexte de résistance à l’occupant, indépendamment du fait de savoir pourquoi la résistance armée devait être l’apanage d’une milice chiite, alors que l’histoire de la résistance au Sud était composite et comprenait notamment des formations nationales et laïques qui furent par la suite interdites de résistance armée.

Divorcer donc de qui? De celui qui a prétexté la résistance et profité du laxisme et de la confiance de l’État libanais en matière d’armements pour ensuite retourner ses armes contre ceux qui réclament, légitimement et selon des accords conclus, la remise des armes aux mains de l’État, maintenant que la mission est terminée? Divorcer de qui? De celui qui utilise à présent son arsenal pour asseoir son hégémonie idéologique sur la nation libanaise? De celui qui a ouvert un État à son compte, a provoqué une guerre inégale et désastreuse en 2006, de celui qui envoie des roquettes, des drones, comme bon lui semble, au mépris des autorités libanaises et selon les directives iraniennes? Divorcer de qui? De celui qui participe activement et unilatéralement à la répression du peuple syrien aspirant à sa liberté, après avoir appuyé, pour des raisons s’avérant purement stratégiques, les peuples tunisien, yéménite et égyptien aspirant à la même liberté, et dans une moindre mesure le peuple libyen lorsque le vent printanier commençait à souffler son «dangereux» parfum à côté?  Divorcer de qui? De celui qui n’a cure de ses colocataires, des gens de sa propre maison, qui se plaît à les écœurer, à se faire haïr par son triomphalisme et son arrogance, à tirer lâchement profit de ses armes amassées à la faveur d’une résistance armée devenue a posteriori un moyen et non une fin? Divorcer de qui? Des «gens les plus nobles» versus les moins nobles qu’on assassine ou dont on couvre l’assassinat? Que l’on qualifie de traîtres à tout vent, au point de les pousser à souhaiter la victoire de l’ennemi israélien en 2006? Perçu comme un moindre mal et le seul remède?  Il faut un partenaire pour divorcer. Divorcer de qui?

R.B.

Meurtre du général Wissam al-Hassan, chef des renseignements des FSI libanaises.


par Ronald Barakat
Par quel génie cet homme a su épingler les coupables de son vivant, puis les condamner par sa mort. Par quel génie il a pu acculer l’Assassin à commettre son forfait à visage découvert, de façon si flagrante, à force de le contrarier et de le faire enrager, à force de déjouer ses complots, de dévoiler ses instruments, de sorte à dispenser les services de police des investigations d’usage. Par quel génie il a su se faire piéger à chaud, après les insultes de la veille à son encontre, et les menaces répétées de ses «proies» qui riaient jaune, et parvenir à piéger lui-même, par sa mort, son propre piégeur. Par quel génie il a pu susciter l’exaspération, voire la fixation obsessionnelle d’un pseudo seigneur de la communauté chrétienne, devenu son « saigneur », et il a pu être une occasion de chute au commanditaire occulte de son propre assassinat.
Par quel génie, autre que celui d’avoir découvert un tas de pots aux roses de fabrication israélienne et syrienne, il a pu, par sa mort, raviver la flamme affaiblie de la révolution du cèdre, rassembler et revigorer les joueurs fatigués, rapprocher le « Bey » du camp qu’il a déserté et le faire parler d’une «sortie provisoire du 14 mars», tendre et pincer la fibre souverainiste relâchée, revivifier les forces vives du mouvement du 14 mars, et par conséquent renvoyer le boomerang à la figure de ceux qui l’ont lancé. Indépendamment de la peine, de la perte, de l’affliction pour les victimes montées avec lui, indépendamment des dommages moraux et matériels, j’envie cet homme. J’envie son martyre, ce qui le précède et ce qui en découle. J’envie l’efficacité et l’héroïcité de son action sécuritaire. Qu’il est beau de mourir en héros!
Photo : Par quel génie cet homme a su épingler les coupables de son vivant, puis les condamner par sa mort. Par quel génie il a pu acculer l’Assassin à commettre son forfait à visage découvert, de façon si flagrante, à force de le contrarier et de l’enrager, à force de déjouer ses complots, de dévoiler ses instruments, de sorte à dispenser les services de police des investigations d’usage. Par quel génie il a su se faire piéger à chaud, après les insultes de la veille à son encontre, et les menaces répétées de ses «proies» qui riaient jaune, et parvenir à piéger lui-même, par sa mort, son propre piégeur. Par quel génie il a pu susciter l’exaspération, voire la fixation obsessionnelle d’un pseudo seigneur de la communauté chrétienne, devenu son "saigneur", et il a pu être une occasion de chute au commanditaire occulte de son propre assassinat. Par quel génie, autre que celui d’avoir découvert un tas de pots aux roses de fabrication israélienne et syrienne, il a pu, par sa mort, raviver la flamme affaiblie de la révolution du cèdre, rassembler et revigorer les joueurs fatigués, rapprocher le "Bey" du camp qu’il a déserté et le faire parler d’une «sortie provisoire du 14 mars», tendre et pincer la fibre souverainiste relâchée, revivifier les forces vives du mouvement du 14 mars, et par conséquent renvoyer le boomerang à la figure de ceux qui l’ont lancé. Indépendamment de la peine, de la perte, de l’affliction pour les victimes montées avec lui, indépendamment des dommages moraux et matériels, j’envie cet homme. J’envie son martyre, ce qui le précède et ce qui en découle. J’envie l’efficacité et l’héroïcité de son action sécuritaire. Qu’il est beau de mourir en héros!
p.s. « Par quel génie… »Par quel génie il a pu forcer la décence et les marques de solidarité de certains ministres, députés, chefs de partis et de clans de l’autre bord, qui ont longtemps fantasmé et souhaité sa disparition et qui s’en réjouissent in petto.

Lamentation de Hadja Hassan Mohammed


Le moment est peut-être venu de faire entendre au Liban et dans le monde les lamentations de feu la grand-mère de Mounir, qui a marché 20 km du Sud Liban jusqu’à Chatila… Elle est arrivée à Chatila ce jour de septembre pour constater que 27 membres de sa famille avaient été tués – seuls Mounir et Nabil avaient survécu. Elle dit :

 » Nos colombes sont toujours là. Nos oeillets exalent leur parfum. Les moineaux chantent leurs chants de toujours. Mais Abou Zuhair est introuvable.

Beyrouth tu as pris tout ce que j’avais. Tu as pris ma dernière étincelle de vie et mon coeur gît dans tes rues.

Abou Zuhair, le grand, le jeune arbre a été cruellement coupé de ses racines sur ton sol.

Puisse le sang de celui qui t’a tué se mélanger au tien. Puisse sa mère souffrir la même agonie.

Qui a creusé ta tombe Abou Zuhair ? Qui nous a apporté ce désastre ? Qu’est-ce que je peux dire en ta mémoire ?

Mon coeur est lourd de reproches pour ce monde insensible. Cent navires , deux cents étalons ne suffiront pas pour porter le poids de la douleur dans mon coeur.

Qu’est-ce que je peux dire ? « Mère » tu me dis « va à nos tombes et prie pour ceux qu’elles ont engloutis »

Je vais aux tombes et j’étreins tendrement leur pierre. Je dis « faites que vos pierres entourent chaleureusement les corps de ceux que j’aime, prenez soin d’eux, je vous les confie.

Je pleure votre jeunesse et je pleure toutes les jeunes filles qui n’ont jamais connu un moment de bonheur ou de contentement.. Elles sont allées à la rencontre de la vie pleines d’espoir et d’impatience pour se faire piétiner et déchirer par sa férocité.

Mon Dieu, je n’ai plus de force. Il était l’homme le plus beau et le jeune homme le plus fort des garçons. Il préparait la voie pour les autres afin de faciliter leur marche.

Ton jeune corps s’est mélangé au sable trop tôt et le sable remplit tes yeux.

Qu’est-ce que je peux encore donner à mon pays ? Mon coeur est pénétré de souffrance et de reproches à la vie.

Comme je vous envie vous qui étiez là quand ceux que j’aime sont morts. Est-ce qu’ils avaient soif ? Avez-vous eu la bonté de leur donner à boire ?

J’implore chaque oiseau qui passe de vous porter mon angoisse et mon amour et de me ramener des nouvelles de ceux que j’aime.

Mon enfant, ton corps est criblé de balles. Qui t’a envoyé à moi, oiseau de malheur ? Pourquoi m’infliger tous ces désastres à la fois ? Épargne-moi un peu, oh mon Dieu.. Mon Dieu- attends au moins un an , et puis que ta volonté soit faite.

Je vous en supplie, vous les croque-morts, avancez lentement. Ne vous hâtez pas. Laissez-moi voir encore une fois ceux que j’aime.

Je vais vers les tombes et je reste là égarée. J’appelle Abou Zuhair, puis Oum Walid (sa soeur). Pas de réponse. Ils ne sont pas là. Ils ont suivi Oum Zuhair (la femme d’Abou Zuhair) et les enfants. Ils sont tous partis une nuit sous la lune – tous ceux que j’aime.

Mon enfant, tu n’es plus près de moi. Des montagnes de distance nous séparent…

Nabil (neveu d’ Abou Zuhair) appelle sa mère. « Mère » dit-il « à qui m’as- tu confié ? »

Zahra répond « je t’ai laissé à tes oncles. Ils devraient te donner de mes nouvelles et t’emmener jusqu’à ma tombe pour que mes yeux puissent te regarder et que mon coeur puisse t’atteindre ». Mais Abou Zuhair est parti et il ne peut pas accomplir le souhait de Zahra.

Zuhair (fils d’Abou Zuhair) demande à son père « à qui m’as tu confié ? »

« Ton grand-père viendra te chercher. C’est toi qui continues sa vie ».

Mais la vie, qu’est-ce qui nous reste de vie ? Nos coeurs sont morts. Nous n’avons plus de larmes pour tous les jeunes, hommes et femmes qui sont morts.

Où puis-je me tourner ? Où sont mes enfants ?

Mon enfant, que Dieu te montre la voie sacrée et que mon amour et mon affection soient une lanterne qui t’accompagne sur le chemin.

Dieu tout-puissant, donne-moi la patience. Jeunes gens, restez loin de moi : vous rouvrez mes plaies et je suis si lasse. Qu’est ce que je peux dire ? »

Lamentation de Hadja Hassan Mohammed, octobre 1982. (pp. 84.85,86 de From Beirut to Jerusalem).

Veuillez diffuser ce texte – une grand-mère palestinienne à sa famille, massacrée à Sabra et Chatila – j’ai conservé ses paroles et je les lis à tous ceux qui veulent les entendre depuis 28 ans.

source

A Jean-Claude Lefort et ses Camarades de la Flottille de la liberté


mercredi 20 juillet 2011, par ماري ناصيف-الدبس

Lettre du PCL
A Jean-Claude Lefort et ses Camarades,

Chers Camarades et Ami(e)s,

Nous, direction et militants du Parti Communiste libanais, voudrions vous exprimer notre fierté d´avoir en vous des amis de nos peuples, mais aussi de vous dire toute notre solidarité.

Il est vrai, cher Jean-Claude, que ce n´est pas la première fois que votre solidarité se manifeste avec nous contre les batteurs des tambours de guerre, les agresseurs israéliens qui tuent nos enfants parce que l´ONU, les Etats-Unis et l´Union leur accordent l´impunité. Nous t´avons vu déjà à l´oeuvre en 2006 au Liban, quand tout notre pays était mis à feu et à sang : tu avais, alors, avec des dizaines d’autres amis français et européens, mis un peu de baume sur nos blessures.

Merci pour etre toujours là. Nous sommes fiers d´appartenir à la meme école que vous.

(Beyrouth, le 20 juillet 2011)

Pour le Parti Communiste libanais,
Marie Nassif-Debs,
Secrétaire générale adjointe
Responsable des relations internationales

Beyrouth plus belle qu’elle ne l’était


ÇA   COMMENCE   DEMAIN   14 MARS 2011

Aux Halles de Schaerbeek

rue Royale Sainte-Marie

B-1030 Bruxelles

T +32 (0)2 218 21 07

info@halles.be

http://www.halles.be/page.php?id=216

ET HORS LES MURS (voir plus loin) :

ISELP, CINEMATEK, CINEMA ARENBERG, REVUE L’ART MÊME

Du 14 mars au 12 avril 2011

Expositions, performances, chantiers de création, colloque, cinéma, vidéos, workshops

Un projet initié par Fabienne Verstraeten,

en complicité avec Elias Khoury à Beyrouth

Et avec Rasha Salti et Jade Tabet à Beyrouth et à Paris

ainsi que Nedjma Hadj, Lieven De Cauter, Jean-Didier Bergilez et Jihane Sfeir à Bruxelles

> programme détaillé

> programme général

Avec le soutien de

Fadila Laanan, Ministre de la Culture de la Communauté française Wallonie-Bruxelles

Rudy Demotte, Ministre-Président du Gouvernement et des Relations internationales de la Communauté française Wallonie-Bruxelles,

et de Wallonie Bruxelles International (WBI)

En partenariat avec

L’ISELP, la Cinematek, le Cinéma Arenberg, La Chaire Bernheim de l’ULB, le Département d’Architecture de la KUL, La Revue l’Art Même

LIEUX :

Les Halles de Schaerbeek

rue Royale Ste Marie 22a

1030 Bruxelles – Schaerbeek

T +32 (0)2 218 21 07

info@halles.be

reservation@halles.be

http://www.halles.be/contact.php

Plan d’accès Google maps

Cinéma Arenberg

Galerie de la Reine, 28

1000 Bruxelles

T +32 (0)2 512 80 63

http://www.arenberg.be/fr/

Plan d’accès Google maps

CINEMATEK

rue Baron Horta 9

1000 Bruxelles

T +32 (0)2 551 19 19

info@cinematek.be

http://www.cinematek.be/

Plan d’accès Google maps

ISELP

Institut supérieur pour l’étude du langage plastique

Boulevard de Waterloo, 31

1000 Bruxelles.

T +32 (0)2 504 80 70

iselp@iselp.be

www.iselp.be

Plan d’accès Google maps

Rafic Hariri : Mythe ou Mystification ?


Posté par René Naba le fév 12 2011.

«Lorsque le peuple respire, le vent se lève,

Lorsqu’il frappe du pied, la terre tremble» – Paul Nizan – Aden Arabie.

Le Liban, à tout le moins ses partisans, commémore, le 14 février 2011, le 6eme anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri, ancien premier ministre libanais. Un cérémonial initié sous le leadership caricatural de son héritier, Saad Hariri, le grand perdant du jeu politique libanais, sur fond d’une contestation généralisée des supplétifs de la stratégie américaine dans la sphère arabo musulmane, au terme d’une furieuse décennie de «guerre contre le terrorisme» (2001-2011), marquée récemment par le renversement des Présidents Zine el Abidine Ben Ali (Tunisie) et Hosni Moubarak (Egypte).

Retour sur ce personnage, son parcours et sa fonction stratégique dans l’échiquier du Moyen-orient.

Liban / Rafic Hariri : Mythe ou Mystification ? Pour en finir avec un mythe.

René Naba | 12.02.11 | Paris

Une industrie du martyrologue

Le martyr est commun à tous les peuples de la planète, mais sa redondance est une spécialité libanaise, au point de ressortir d’une industrie du martyrologe.

Au risque de choquer, en cette période de commémoration, ce dont l’auteur de ces lignes s’en excuse d‘avance, Rafic Hariri n’est pas l’unique «martyr» du Liban, qui compte une quarantaine de personnalités de premier plan assassinée, dont deux présidents de la République (Bachir Gemayel et René Mouawad), trois anciens premiers ministres (Riad El Solh, Rachid Karamé et Rafic Hariri), un chef d’état major (le Général François El-Hajj), le chef spirituel de la communauté chiite, l’Imam Moussa Sadr, et, le Mufti sunnite de la République, Cheikh Hassan Khaled, deux dirigeants du parti communiste libanais, Farjallah Hélou et Georges Hawi, le chef du Parti socialiste progressiste, le druze Kamal Joumblatt, le chef du parti nassérien Maarouf Saad, les députés Tony Frangieh et Pierre Gemayel, l’ancien chef milicien chrétien Elie Hobeika, ainsi qu’une flopée de journalistes Nassib Metni, Kamel Mroueh, Riad Taha, Salim Laouzi, Samir Kassir et Gébrane Tuéni.

Rafic Hariri n’est pas non plus l’unique martyr au monde, mais l’unique martyr au monde à avoir grevé les Finances Publiques de son pays de l’ordre de cinquante milliards de dollars et de bénéficier, à ce titre, d’un imposant mausolée sur la plus importante place publique de l’une des plus prestigieuses capitales arabes, Beyrouth. L’unique martyr au Monde à truster en sa mémoire les principaux services publics du pays, l’unique aéroport international du Liban, l’aéroport de Beyrouth Khaldé, un centre universitaire libanais et un centre hospitalier universitaire, trois établissements qui portent tous trois désormais son nom, sans compter l’imposant boulevard du front de mer de la capitale libanaise. Là réside la singularité nullement justifiée d’un homme qui aura été le bailleur de fonds de tous les seigneurs de la guerre du Liban, le prédateur de son parc immobilier, le fossoyeur de son économie.

Sous le halo du martyr couve en fait une vaste mystification. De Patrice Lumumba (1961, Congo Kinshasa) à Stephen Bantu Biko, alias Steve Biko (1977, Afrique du sud), en Afrique, à John et Robert Kennedy et Martin Luther King (1963-1968), aux Etats-Unis d’Amérique, à Ernesto Che Guevara de la Sierna (1967, Bolivie) et Salvador Allende (1973, Chili), en Amérique latine, à Bobby Sands (1981, Irlande du Nord), à Olof Palme (Suède), en Europe, au Mahatma Gandhi (1948), Indira Gandhi (1984) et son fils Rajiv, en Inde, à Zulficar Ali Bhutto (1973) et Benazir Bhutto (2007) au Pakistan: Tous les continents regorgent de personnalités charismatiques, héros mythiques tombés sur le champ d’honneur du combat politique, dans certains cas toute une dynastie décimée telles les figures emblématiques du Pakistan, la dynastie Bhutto avec 4 membres tués dont deux premiers ministres, et, la famille Gandhi en Inde avec trois membres tués, dont deux premiers ministres assassinés (Indira et Rajiv).

Mais nul part ailleurs qu’au Liban le culte des martyrs ne prend une telle ampleur au point que la vénération posthume des chefs de clan, la plupart fourvoyés dans des causes perdues, ressortit d’une industrie du martyrologe, une rente de situation pour les ayants droits, un passe droit permanent. Peu de famille demeure dans la sobriété. Beaucoup verse dans l’ostentation qui brandisse le martyr comme un trophée.

Rafic Hariri n’était pas, non plus, un capitaliste au sens classique du terme, à l’instar des capitalistes américains ou européens, dont la fortune s’est accumulée par le libre exercice des lois de l’économie du marché au sein d’un pays de la libre entreprise, aux méthodes souvent orthodoxes, parfois hétérodoxes, toujours concurrentielles. Le milliardaire libano saoudien constituait un rare exemple de «capitalisme décrété» par la volonté d’un parrain, bienfaiteur, certes, mais nullement désintéressé, pour les besoins de sa propre cause.

La sur médiatisation de Rafic Hariri du fait de sa puissance financière et de son empire médiatique, la financiarisation de la vie publique consécutive à la mondialisation, qui a favorisé la propulsion de capitalistes au pouvoir à l’instar de Silvio Berlusconi (Italie) et de Michael Bromberg (Maire de New York), son amitié tonitruante avec le président français Jacques Chirac et les enjeux de puissance que cela véhiculait sur fond de recomposition régionale dans la foulée de la perte de l’Irak pour la France, expliquent, sans la justifier, cette phagocytose et cette proéminence.

La  recherche constante de l’homme providentiel

Sur fond d’une contestation généralisée des supplétifs de la stratégie américaine dans la sphère arabo musulmane, au terme d’une furieuse décennie de «guerre contre le terrorisme», dans la foulée de l’instrumentalisation de  l’Islam comme arme de combat contre l’athéisme de l’Union soviétique, initiée par l’alliance contre nature entre le néo conservatisme américain et le fondamentalisme wahhabite, les hommes liges de l’Amérique se retrouvent en position de projection hors du pouvoir, tels le tunisien Zine el Abidine Ben Ali, «le rempart contre l’intégrisme en Afrique du Nord», l’égyptien Hosni Moubarak, le «fer de lance du combat contre l’arc chiite au Moyen Orient», le complice d’Israël dans le blocus de Gaza, voire même Rafic Hariri, l’héritier du «martyr de l’Occident».

Au vu de la déconfiture occidentale tant en Tunisie, qu’en Côte d’ivoire qu’au Liban et de la contestation de ses auxiliaires en Egypte, en Jordanie et au Yémen, au vu de ce bilan calamiteux se pose la question de la pertinence de la politique de l’homme providentiel et du maintien de cette pratique contraire aux règles de la démocratie.

Un des rares hommes politiques libanais de premier plan à s’être propulsé à la tête de l’état sans avoir auparavant exercé le moindre mandat électif, ni la moindre fonction politique, M. Hariri cherchera à compenser par sa fortune et ses amitiés internationales son inexpérience politique et gouvernementale. Homme de parade, il occupera pendant vingt sept ans (1978 -2005) le devant de la scène politique et médiatique d’abord en tant qu’hommes d’affaires, puis pendant ses dix ans de pouvoir (1992-1998 /2000-2004) comme chef de gouvernement. Relayé par une importante force de frappe cathodique, il reléguera à l’arrière plan non seulement la totalité de la classe politique, mais également le pays lui-même. Il exercera une sorte de magistère de la parole pour promouvoir son projet politique d’identification substitution, confondant dans sa personne et l’état et la nation, donnant par la même un rare exemple de prépotence. A l’heure du bilan, l’erreur lui sera fatale tout comme son excès de confiance dans ses capacités de gestionnaire sur le plan économique et de manoeuvrier sur le plan politique.

La diplomatie saoudienne du «carnet de chèques»

Prestataire de service d’un état rentier, en mission dans la première opération de délocalisation du rigorisme wahhabite au sein d’une société pluraliste et contestataire, le Liban, son lien ombilical le vouera, par fonction et par destination, à pâtir des éventuels contrecoups de son parrain politique, la monarchie saoudienne. Sous parrainage saoudien, Rafic Hariri avait articulé son déploiement international sur deux béquilles, une béquille régionale, syrienne, en la personne du vice président Abdel Halim Khaddam, une béquille occidentale, française, en la personne du président Jacques Chirac. Mal lui en prit.

Au-delà de Rafic Hariri, la «diplomatie du carnet de chèques», maniée de tous temps par les Saoudiens, pour restaurer le pouvoir sunnite tant à Beyrouth qu’à Damas aura ainsi montré son indigence et ses limites et ses vecteurs son manque de consistance: Les deux cautions sunnites inamovibles du pouvoir alaouite, pendant trente ans, le général Moustapha Tlass, ministre de la Défense, et Abdel Halim Khaddam, ministre des Affaires étrangères, deux personnalités de premier plan présumées socialistes du régime baasiste, céderont finalement aux sirènes des pétrodollars saoudiens, avant de se désintégrer. Le militaire laissera convoler sa fille Nahed, une belle tige de la société syrienne, vers le septuagénaire marchand d’armes saoudien Akram Ojjeh, avant de sombrer dans le comique d’un problématique doctorat universitaire parisien, tandis que le diplomate laïc versait dans l’affairisme haririen et l’intégrisme religieux des «Frères Musulmans», avant de se carboniser.

Détail piquant, l’homme en charge du dossier libanais en Syrie pendant trente ans, celui-la même qui était craint par les diverses factions libanaises et redouté par les chancelleries arabes et occidentales qui tonnait la foudre et ordonnait les accalmies, à ce titre responsable au premier chef des dérives syriennes au Liban, le vice-président de la République Abdel Halim Khaddam, sera promu comme sauveur suprême de la Syrie et du Liban.  Il se retrouvera relégué aux oubliettes de l’histoire lâché par tous, y compris par ses nouveaux alliés, l’organisation des «Frères musulmans», celle là même qui s’était lancée à l’assaut du pouvoir, en février 1982, en vue de faire trébucher le régime baasiste dont il était un des piliers, à quatre mois de l’invasion israélienne du Liban.

Le bien nommé Khaddam, dont le patronyme en arabe signifie littéralement «le serviteur», reniera singulièrement son militantisme après avoir abusivement ponctionné le Liban, opérant par cupidité la plus retentissante reconversion de l’histoire politique récente, finissant sa vie en factotum de son coreligionnaire sunnite libanais Rafic Hariri.

Amplement gratifié de sa forfaiture d’un somptueux cadeau, -la résidence du nabab pétrolier grec, Aristote Onassis, sur la plus célèbre artère de la capitale française, l’Avenue Foch- le renégat devra livrer bataille devant la justice française afin de se maintenir dans les lieux, alors que son pendant français, l’ancien président Jacques Chirac avait droit à un appartement avec vue sur Seine, Quai Voltaire à Paris, pensionnaire posthume de son ami, dont l’assassinat résulte vraisemblablement du grand basculement opéré par le président français dans la foulée de l’invasion américaine de l’Irak.

Judas a trahi son Seigneur pour trente deniers. D’autres trahisons valent certes leur pesant d’or mais accablent le renégat d’un discrédit pour l’éternité. Par une cruelle ironie du sort, l’homme qui a sinistré le Liban par la mise su pied d’un tribunal Spécial sur le Liban instrumentalisé pour juger les assassins de Rafic Hariri, Jacques Chirac devra répondre, en personne, devant la justice de son pays, le 7 Mars 2011, des affaires en rapport avec l’argent illicite, illustration pathétique de la prévarication étatique.

Entre Saad Hariri et Hassan Nasrallah, une différence d’échelle

Sur le plan interne, entre le sunnite Rafic Hariri et le chiite Hassan Nasrallah, d’une manière encore plus criante entre Saad Hariri et le chef du Hezbollah, existe une différence d’échelle. Les deux ont pris les rênes du pouvoir politique, la même année, en 1992, mais l’un à l’inverse de l’autre. Rafic Hariri a été propulsé sous George Bush Senior et a implosé sous George Bush Junior, quand Hassan Nasrallah s’imposait contre le père et survivait au fils.

Entre les deux acteurs majeurs de la vie politique libanaise existe une différence d’échelle, une différence de niveau. Face à un Hassan Nasrallah, impérieux, faisant front à Israël qu’il humiliera par sa riposte balistique et sa maîtrise de l’art de la guerre asymétrique, Saad Hariri avait, il est vrai, fait piètre figure, quatre ans plus tôt, en juillet 2006.

Chef de la majorité parlementaire et député d’une ville reconstruite par son père, à nouveau détruite par l’aviation israélienne, l’héritier, plutôt que de partager le sort de ses concitoyens, plutôt que de se préoccuper des besoins de ses électeurs, se mettra au frais à l’étranger à des milliers de km du champ de bataille, laissant la conduite des opérations à ses rivaux, le Président Emile Lahoud, ostracisé par la communauté internationale, et le chef du Hezbollah, glanant au passage le sobriquet de «planqué de Beyrouth». Il se couvrira de ridicule de même que son mentor Fouad Siniora lorsque le premier ministre de l’époque éclatera en sanglots devant les destructions infligées à Beyrouth par ses amis américains par israéliens interposés, s’inclinant enfin devant son rival chiite propulsé au firmament de la popularité panarabe.

Le Hezbollah a rompu, psychologiquement et militairement, le défaitisme ambiant du monde arabe, alors que l’héritier théorise la soumission au Diktat américain au prétexte de protéger son pays d’un cordon de sécurité. Chef d’une formation disposant de la plus forte cohésion idéologique et sociale, bras armé de la stratégie de la contestation de l’hégémonie israélo américaine sur la sphère arabe, Hassan Nasrallah tire sa force de ses exploits, Saad Hariri de son rôle de paravent aux menées israélo américaines. Le moine soldat est un prescripteur essentiel de l’ordre régional, le milliardaire libano saoudien, un prestataire de services pour le compte de ses commanditaires. Autrement dit, le chiite force le destin quand le sunnite le subit.

Saad Hariri, un binational libano saoudien, plus saoudien que libanais

Natif d’Arabie saoudite, le pays de son premier choix qu’il assure avoir quitté à contre coeur pour répondre à l’appel du devoir à Beyrouth, binational libano saoudien, plus saoudien que libanais, Saad Hariri est un cas parfait d’alibi saoudien, la caution sunnite de la stratégie hégémonique occidentale sur le Liban. Son père a payé de sa vie le prix de cette servitude, lui léguant une dette publique de cinquante milliards de dollars, en guise de cadeau posthume à son entrée en fonction, au titre de sa gestion erratique.

Compagnon festif du fils du roi Fahd d’Arabie, rien ne prédestinait Saad à la direction d’un pays aussi singulier que le Liban, la poudrière par excellence du Moyen orient. Pas plus ses balises que ses protecteurs, que sa fortune, ne seront d’un grand secours à l’héritier Hariri aux heures décisives, propulsé à l’épicentre du pouvoir d’un pays névralgique sans la moindre préparation.

A l’Automne 2010, Saad Hariri, au terme de son voyage à Canossa, fait face à un terrible dilemme. Le tribunal international ou le gouvernement. Autrement dit, son attachement à la juridiction ad hoc que son écurie politique a instrumentalisée pour perpétuer sa mainmise politique sur le Liban ou son maintien à la tête du gouvernement au sein d’une coalition nationale.

Saad Hariri a admis, tour à tour, la mise en cause abusive de la Syrie par les enquêteurs internationaux sur la base de faux témoignages, de même que l’existence de faux témoins, sans toutefois en tirer les ultimes conséquences de son aveu: le jugement des faux témoins. Sa rémission, pour être complète, suppose qu’il boive la coupe jusqu’à la lie, à l’effet de lui ouvrir définitivement le chemin de Damas et de lui assurer une quiétude, gage de sa pérennité politique.

«Le planqué de Beyrouth», le sobriquet qu’il a glané en juillet 2006, lorsqu’il déserta la capitale dont il est le député pour se mettre à l‘abri des bombes israéliennes, empruntera le chemin de la fuite, pour la troisième fois, en novembre 2010, en plein débat gouvernemental sur le jugement des faux témoins de l’enquête sur l’assassinat de son père, entreprenant, une longue tournée diplomatique de trois semaines au Koweït, à Abou Dhabi, Téhéran, Moscou et Paris, pour se donner une contenance internationale, à défaut de consistance, accréditant l’idée d’un fugitif.

En cinq ans, l’homme de la relève aura fui trois fois, soit une fuite en moyenne tous les dix huit mois. N’est pas Invectus (l’Invincible) qui veut. Et, au vu de son comportement, particulièrement lors de la guerre de destruction israélienne du Liban, en juillet 2006, gageons que Saad Hariri n’est « ni maître de mon destin, ni capitaine de son âme ».

L’un des plus célèbres transfusés politiques de l’époque contemporaine, au même titre que Hamid Karzai (Afghanistan) et Mahmoud Abbas (Palestine), Saad Hariri a implosé , à la mi janvier, victime collatérale du basculement psychologique opéré par «le printemps arabe» avec la chute de la dictature tunisienne, la caramélisation  de l’égyptien Hosni Moubarak, l’un de ses grands protecteurs sur la scène sunnite libanaise,  et de l’instrumentalisation de la Justice internationale aux fins d’une guerre de substitution à l’Iran par la criminalisation du Hezbollah.

Rafic Hariri et Benazir Bhutto, une situation de parfaite similitude pour un traitement différencié.

Rafic Hariri (Liban) et Benazir Bhutto (Pakistan) se situaient aux extrémités d’un axe politique ayant vocation à servir de levier de transformation de l’Asie occidentale en «Grand Moyen Orient».

Les deux anciens premiers ministres, le sunnite libanais et la chiite pakistanaise, tous deux assassinés à deux ans d’intervalles, présentaient un cas de similitude absolu dans leurs fonctions, les deux d’ailleurs en connexion étroite avec l’Arabie saoudite dans la mesure ou Rafic Hariri était le co-garant avec le Prince Bandar Ben Sultan, le président du Conseil national de sécurité, de l’accord régissant le retour d’exil de l’ancien premier ministre pakistanais Nawaz Charif, rival de Benazir. Une garantie reprise à son compte par Saad Hariri, l’héritier politique du clan Hariri au Liban. En dépit de cette similitude, les deux «martyrs pro occidentaux» bénéficieront, curieusement, d’un traitement différencié.

Le sunnite libanais aura droit à un tribunal international ad hoc, la chiite pakistanaise, pas, quand bien même les assassinats ont continué à se produire au Pakistan, comme en témoigne en janvier 2011, le meurtre du gouverneur du Pendjab.

L’acte d’accusation

En 430 jours de mandature gouvernementale, Saad Hariri aura passé deux cent jours hors du Liban, soit la moitié de son mandat dans le giron de ses multiples protecteurs. La sanction, inéluctable, s’abattra, dans toute sa brutalité, le 12 janvier 2011, à l’instant même où il franchissait le seuil de la Maison Blanche. Comme pour lui signifier son mécontentement et sa lassitude devant le protectorat de fait que son comportement dilatoire imposait au pays, l’opposition libanaise a fait démissionner, ce jour là, les onze ministres de sa mouvance entraînant la démission de facto du gouvernement d’union nationale qu’il présidait. Survenue alors que Saad Hariri s’apprêtait à s’entretenir avec Barack Obama, cette spectaculaire démission collective a retenti comme un double camouflet tant à l’égard du président américain qu’à l’égard du chef du clan saoudo américain au Liban.

Sans surprise, le procureur du Tribunal spécial pour le Liban (TSL) a déposé auprès du greffe du tribunal international l’acte d’accusation au cours d’une audience à huis clos, le 17 janvier, le jour présumé du début des consultations parlementaires désigner le successeur de Saad Hariri à la tête visant à la formation d’un nouveau gouvernement.

Une programmation qui ne doit rien au hasard.  Le calendrier de la juridiction internationale placerait ainsi les tractations politiques libanaises sous la pression d’une éventuelle menace de criminalisation du Hezbollah et offrirait à la coalition pro occidentale la possibilité de galvaniser les ardeurs de leurs troupes en cette période commémorative du 6eme anniversaire de l’assassinat de Rafic Hariri, le 14 février 2005, en vue d’imposer la reconduction du mandat gouvernemental de l’héritier du clan.

La diplomatie occidentale est coutumière de tels procédés. Un premier coup de semonce avait été lancé à l’encontre du Hezbollah, avec l’assassinat de Imad Moughnieh, le responsable militaire de la formation chiite, le 13 février 2008, à la veille de la commémoration du 3eme anniversaire de l’assassinat du milliardaire saoudo libanais, elle récidivera, en 2011, en fixant au 7 février, l’audience du TSL pour la publication de l’acte d’accusation, soit à une semaine de la commémoration du 6eme anniversaire de l’assassinat de Hariri père. Une démarche similaire à celle qui se produisit au moment de la bataille législative libanaise, où Hilary Clinton, secrétaire d’état, et, son adjoint Jeremy Feltman, avaient fait un forçing similaire, en juin 2009, pour maintenir la majorité parlementaire au sein de la coalition occidentale.

Le juge Daniel Fransen disposera de six semaines pour étudier les preuves remises par le procureur pour étayer ses accusations. Si celles-ci étaient confirmées, elles seront ensuite transmises aux autorités des Etats où résident les accusés. Le secrétaire général du Hezbollah, qui attribue cet attentat à Israël, a lui-même affirmé, dans de nombreux discours prononcés depuis mars 2010, que le procureur ciblait, à tord, des membres de son parti.

Il a affirmé,  en octobre 2010, que toute personne qui arrêterait l’un des membres de « la résistance » aurait « la main coupée ». La question clé de ces accusations est de savoir s’il  dispose d’éléments concrets pour confondre les commanditaires.

Cadeau déguisé des Etats-Unis d’Amérique à l’Arabie saoudite, en compensation de la contribution des «Arabes afghans» dans la victoire occidentale dans la guerre antisoviétique d’Afghanistan, Rafic Hariri a été parachuté à la tête du gouvernement libanais dans la foulée de la conclusion de l’accord interlibanais de Taëf, qui mis fin à la guerre civile libanaise (1975-1990), en rongeant les prérogatives constitutionnelles des Maronites.

Chef du clan américano saoudien au Liban, Rafic Hariri, ancien partenaire de la Syrie reconverti en fer de lance du combat antibaasiste, a été, en protée de la vassalité, un exécutant majeur de la pantomime du Moyen-Orient, et, à ce titre, une victime majeure du discours disjonctif occidental, discours prônant la promotion des valeurs universelles pour la protection d’intérêts matériels, discours en apparence universel mais à tonalité morale variable, adaptable en fonction des intérêts particuliers des Etats et des dirigeants. Pur produit de la financiarisation de la vie publique nationale du fait de la mondialisation économique, Rafic Hariri aura implosé à l’instar d’une bulle financière, en purge d’un passif, en solde de tout compte.

L’histoire du Monde arabe abonde de ces exemples de «fusibles» magnifiés dans le «martyr», victimes sacrificielles d’une politique de puissance dont ils auront été, les partenaires jamais, les exécutants fidèles, toujours. Dans les périodes de bouleversement géostratégique, les dépassements de seuil ne sauraient se franchir dans le monde arabe sans déclencher des répliques punitives. Le Roi Abdallah 1er de Jordanie, assassiné en 1948, le premier ministre irakien Noury Saïd, lynché par la population 10 ans après à Bagdad, en 1958, ainsi que son compère jordanien Wasfi Tall, tué en 1971, le président égyptien Sadate en 1981, le président libanais Bachir Gemayel, dynamité à la veille de sa prise du pouvoir en 1982, l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri en 2005, et l’ancien premier ministre du Pakistan Benazir Bhutto en 2007, enfin, constituent à cet égard les plus illustres témoins posthumes de cette règle non écrite des lois de la polémologie si particulière du Moyen-Orient. Tel pourrait être l’enseignement majeur de cette séquence dont la victime principale aura été l’espérance.

Immarcescible, Beyrouth, que le ministre saoudien des affaires étrangères, Saoud Al Faysal, voulait «débarrasser de ses voyous», lors du siège israélien de la capitale libanaise, en juin 1982, dont le secrétaire d’état Alexander Haig voulait  en «conserver le port… dans le camp de l’Occident».

Conscience critique de toute une génération politique, soupape de sécurité des gouvernements arabes pendant un demi siècle, pacifiée, normalisée, reconstruite par Rafic Hariri, à nouveau détruite par Israël, Beyrouth, immarcescible, demeure le pôle de référence inoxydable de la combativité libanaise et arabe, exerçant désormais une fonction traumatique à l’égard des Israéliens, au grand désespoir des Occidentaux, de leurs alliés arabes et du Clan Hariri au Liban.

Sic Transit Gloria Mundi… Ainsi passent les gloires de ce  monde.

Pour aller plus loin

Rafic Hariri- Jacques Chirac: le récit d’une bérézina diplomatique http://www.renenaba.com/?p=557

Hassan Nasrallah, l’indomptable : http://www.renenaba.com/?p=2685

Le martyrologe Libanais: entre instrumentalisation du martyr et rente de situation

La séquence chrétienne http://www.renenaba.com/?p=239

La séquence musulmane http://www.renenaba.com/?p=244

Le Tribunal Spécial sur le Liban à l’épreuve de la guerre de l’ombre 1/3

Le Liban, une passoire   http://www.renenaba.com/?p=2718

Le Liban, banc d’essai de la théorie de la dissension sociale2/3  http://www.renenaba.com/?p=2733

Les Etats-Unis, une justice à la carte, la France en suspicion légitime3/3  http://www.renenaba.com/?p=2765

BEYROUTH, PLUS BELLE QU’ELLE NE L’ÉTAIT…


Association pour un Liban Laïque
Initiative belgo-libanaise
جمعية من أجل لبنان علماني

مبادرة بلجيكية-لبنانية
Aux Halles de Schaerbeek 2010-2011
Pour nformation uniquement.
N’est pas organisé par et n’engage pas l’Association pour un Liban laïque

 

Aux Halles de Schaerbeek
rue Royale Sainte-Marie
B-1030 Bruxelles
T +32 (0)2 218 21 07
info@halles.be
http://www.halles.be/page.php?id=216

BEYROUTH, PLUS BELLE QU’ELLE NE L’ÉTAIT…

> programme détaillé

> programme général

Beyrouth, au croisement de tensions régionales et internationales. Malgré les multiples guerres civiles qui ravagèrent le Liban, au cours du XXe siècle, Beyrouth s’est affirmée comme la ville de la modernité arabe : lieu de référence pour l’édition, la création théâtrale et littéraire, et plus récemment les arts visuels.
Quel art, quel langage quand la catastrophe a eu lieu ? Quand elle menace d’éclater à nouveau à tout moment ? Beyrouth plus belle qu’elle ne l’était tente d’appréhender les représentations et l’imaginaire d’une ville en crise. par l’attention qu’ils portent à l’histoire contre l’amnistie qui signa la fin de la guerre civile, aux enjeux de la mémoire contre l’oubli et l’amnésie ; par leur opposition au confessionnalisme politique qui annule la politique, les artistes et intellectuels de Beyrouth restent porteurs d’une vision de l’humain. A travers leurs travaux et réflexions, Beyrouth, au bord de la catastrophe, demeure refuge et utopie.

Cycle MONDES ARABES
Nouveau! Un cycle de littérature centré sur les « mondes arabes », pour découvrir des auteurs importants là-bas, souvent méconnus ici. Pour réfléchir aux questions cruciales de notre temps, et partager le plaisir de lire et d’écouter…La proposition est simple: tout au long de la saison, Les Halles proposent un ‘salon littéraire’ dans l’espace de la cave. Les rendez-vous s’égrènent d’octobre à mai, certains dans le contexte des temps forts de la programmation. Autant de rencontres avec un auteur, son écriture et le regard qu’il porte sur notre monde, au fil du passionnant catalogue rassemblés par Actes Sud dans sa collection « Mondes arabes ».
Concrètement, la soirée commence par la lecture d’un extrait de texte par l’auteur en arabe, suivit d’une lecture en français par un(e) comédien(e) de Bruxelles. La conversation qui suit, en anglais en français ou en arabe, est bien sûr traduite en simultané.
En collaboration avec les éditions Actes Sud, Tropismes libraires et le Journal Le Soir

Hanane El Cheikh (Liban)
30 septembre 2010 20h30

A l’occasion de la sortie de son nouveau roman Toute une histoire

Khaled Al khamissi (Egypte)
23 novembre 2010 20h30

Conversation en français avec Jihane Sfeir (chargée du cours ‘Monde arabe contemporain: approches socio-politiques’. Département de science politique de l’Université Libre de Bruxelles)

Ali Badr (Irak)
8 décembre 2010 20h30
Un exilé à Bruxelles
Conversation en anglais avec Marie-Claude Souaid, sociologue et anthropologue (Lib)

Samuel Shimon (Irak)
9 décembre 2010 20h30
Un irakien à Paris
Conversation en anglais et français avec Marie-Claude Souaid, sociologue et anthropologue (Lib)

Joumana Haddad
17 février 2011  20h30
Conversation en français avec Béatrice Delvaux
Jumana Haddad s’adresse au lecteur occidental avant de lui expliquer comment elle et ses semblables peuvent être des femmes libres dans un monde arabe pourtant ravagé par le despotisme et l’obscurantisme… Mêlant témoignage personnel, méditations, poèmes, elle raconte ses premiers émois, sa lecture, toute jeune, de Sade, son expérience d’adolescente dans une ville en guerre, Beyrouth, de jeune-femme écrivant de la poésie libertiné et enfin, de femme de quarante ans qui édite le premier magazine érotique en langue arabe.

Sonallah Ibrahim (Egypte)
23 février 2011 20h30
A l’occasion de la sortie du roman Turbans et chapeaux

Mahmoud Darwich
jeudi 17 mars 2011- 20h30
Le Cantique des Cantiques & Hommage à Mahmoud Darwich
Le grand musicien de la scène rock alternative française Rodolphe Burger met en miroir deux merveilleux poèmes d’amour : le biblique Cantique des Cantiques et Que s’envolent les colombes du grand poète palestinien.

Elias Khoury (Liban)
Deuxième quinzaine de mars, dans le cadre de TEMPS D’IMAGES BEYROUTH

Abbas Beydoun (Liban)
Deuxième quinzaine de mars, dans le cadre de TEMPS D’IMAGES BEYROUTH

Habib Salmi (Tunisie)
7 avril 2011 20h30
A l’occasion de la sortie de son nouveau roman Le Parfum de Marie-Claire

Salim Barakat (Syrie)
4 mai 2011 (sous réserve de confirmation) 20h30
A l’occasion de la sortie de son nouveau roman, Les Plumes

Jours intranquilles à Beyrouth


mardi 18 janvier 2011 – 18h:26

Alain Gresh
Le Monde diplomatique

La révolution tunisienne a permis à la presse libanaise une courte pause.

Les quotidiens du 15 janvier titrent sur la victoire du peuple, reprenant les mots d’un poème que tous les écoliers arabes ont appris, « si un jour le peuple veut vivre, alors la nuit doit finir… » [1]

Mais ni ce coup de tonnerre dans le ciel arabe, ni même la visite officielle du prince de Monaco, reçu par le président Sleimane, n’ont pu venir à bout des inquiétudes qui ont saisi le Liban depuis la démission du gouvernement et l’annonce que « le procureur du Tribunal spécial remettra ses mises en accusation lundi », le 17 janvier, pour examen par le juge (LeMonde.fr, 15 janvier). Le pays vit au ralenti, la circulation, toujours difficile, est plus fluide, le soir certains quartiers ont perdu de leur animation.

Les révélations (qu’il faut prendre avec une grande prudence, d’autant qu’elles avaient déjà été faites en décembre et sont « relancées » aujourd’hui) par un site conservateur américain Newsmax.com (14 janvier), selon lesquelles le rapport ne mettrait pas seulement en cause des membres du Hezbollah, mais aussi l’ayatollah Khamenei et d’importants responsables syriens, ont fait monter la tension (Ken Timmerman, « Israel Cautiously Monitors Lebanese Crisis »).

Les 17 et le 18 janvier, le président mènera des consultations avec les membres du parlement et devrait proposer un nouveau premier ministre.

Le 12 janvier, avec leur démission, les ministres de l’opposition ont fait chuter le gouvernement. Une des bizarreries de ce pays : malgré la constitution d’un gouvernement d’union nationale au printemps 2008, on continue de parler de majorité et d’opposition. Dans le premier camp, le premier ministre Saad Hariri et la majorité de la communauté sunnite ainsi qu’Amine Gemayel et Samir Geagea représentent une moitié environ des chrétiens ; dans le second, le Hezbollah et Amal mobilisent l’ensemble, ou presque, des chiites et le général Michel Aoun est soutenu par l’autre moitié des chrétiens – cette division des chrétiens, qui rend difficile un discours simpliste sur la menace du Hezbollah, est souvent oubliée dans les médias (lire Nicolas Dot-Pouillard, « Révolution chez les chrétiens du Liban », Le Monde diplomatique, juin 2009).

La majorité peut aligner 55 députés, l’opposition 57 et, au centre, si l’on peut dire, le bloc dirigé par Walid Joumblatt du Parti socialiste progressiste, leader druze, naguère allié à Hariri et qui a pris ses distances, s’est rapproché à la fois du Hezbollah et de la Syrie. Sa position déterminera l’issue de la crise actuelle. Il compte 11 députés. Si l’on ajoute quelques indépendants, on atteint le nombre de 128 élus.

Après une longue crise, déjà, qui avait débouché en mai 2008 sur la prise de contrôle militaire par le Hezbollah et ses alliés de Beyrouth, des accords négociés à Doha (Qatar) avaient permis de constituer ce gouvernement d’union nationale. (Lire « Une semaine qui a ébranlé le Liban », Le Monde diplomatique, juin 2008). Celui-ci a survécu, cahin-caha, y compris aux élections de juin 2009 perdues par l’opposition, qui avait toutefois obtenu plus de voix que la majorité.

Mais il n’a pas résisté aux rumeurs qui courent depuis plusieurs mois, et qui disaient que le procureur général du Tribunal spécial sur le Liban (TSL) sur l’affaire Hariri allait demander l’inculpation de membres du Hezbollah. Le 31 mars 2010, Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah, révélait que des adhérents de son parti avaient été entendus par le procureur, mais à simple titre de témoins (« Nasrallah, le Hezbollah et l’assassinat de Rafic Hariri »). C’est le 16 juillet que le même explique, dans un discours, que Saad Hariri l’a informé que des adhérents de son parti seraient inculpés par le TSL. Désormais, la stratégie du Hezbollah comme celle de l’opposition va être de demander au gouvernement de dénoncer les accords liant le Liban et les Nations unies sur le TSL, d’arrêter son financement, de retirer les juges libanais qui y siègent.

Des tentatives de médiation syro-saoudienne durant la seconde moitié de 2010 ne déboucheront pas, les positions des deux camps se révélant inconciliables sur le TSL. L’opposition exige désormais que le gouvernement qui sera constitué rompe avec le tribunal. Appuyée par la Syrie, réussira-t-elle ?

Pour le Hezbollah, comme pour la Syrie, l’enjeu dépasse largement le Liban. Le TSL, dont l’enquête serait « politisée » – et nul ne peut nier qu’elle l’a été, comme le prouve l’affaire dite des « faux témoins » (qui avaient mis en cause, dès le lendemain de l’attentat contre Hariri des responsables syriens) -, participe d’un complot visant à affaiblir la résistance et ses alliés, à la priver de ses armes, à la discréditer. Son analyse s’inscrit dans un cadre régional d’affrontement avec Israël et les Etats-Unis.

C’est aussi, paradoxalement, l’analyse de l’actuelle administration américaine, qui continue à considérer le Hezbollah comme une organisation terroriste et à vouloir l’affaiblir à tout prix. Nombre d’analystes au Liban pensent que Washington a contribué à l’échec de la médiation syro-saoudienne en poussant Hariri à maintenir un soutien fort au tribunal. [2]

Dans ce contexte, le compromis semble difficile. Nasrallah doit parler le 16 janvier au soir et on en saura sans doute plus.

Une nouvelle fois, il apparaît que les enjeux libanais dépassent largement les frontières de ce pays et que, tant que l’affrontement avec Israël perdurera et que la Palestine restera occupée, le Liban a peu de chances de connaître autre chose que des trêves et de pouvoir décider seul de son sort.

(JPG)

Du même auteur :

- Le Proche-Orient après l’attentat d’Alexandrie
- La prochaine guerre
- Marine Le Pen n’est pas le problème…

[1] Un lecteur a donné la citation exacte et je l’en remercie : Le poème arabe dont parle Alain Gresh est « La Volonté de vivre » du poète tunisien Abû al-Qâsim al-Châbbî, un des plus grands poètes du monde arabe et qui pourtant est mort à l’âge de 25 ans. « Lorsqu’un jour le peuple veut vivre Force est pour le destin de répondre Force est pour les ténèbres de se dissiper Force est pour les chaînes de se briser ».

[2] L’histoire de la commission d’enquête et du tribunal, de sa politisation, de sa manipulation, dépasse le cadre de cet envoi, au-delà même de savoir pourquoi on juge certains criminels et pas d’autres.

17 janvier 2011 – Les blogs du Diplo
Vous pouvez consulter cet article à :
http://blog.mondediplo.net/2011-01-…

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