La seule puissance régionale qui a constamment et inconditionnellement soutenu la cause palestinienne est l’Iran.


Par Ilan Pappe – The Palestine Chronicle  

Depuis la mort du président égyptien Gamal Abdul Nasser, aucune des puissances régionales du Moyen-Orient n’a manifesté de véritable solidarité avec le mouvement de libération palestinien.

La Jordanie a rompu ses liens avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) en 1970 ; le Liban a cessé d’être l’arrière-pays géographique du mouvement en 1982 ; la Syrie, qui était probablement plus loyale que les autres États, n’a pas permis aux Palestiniens d’avoir une stratégie et une vision indépendantes, tandis que l’Égypte a carrément cessé de jouer un rôle de premier plan dans la politique régionale.

D’autres pays arabes ont également été très absents de la lutte palestinienne.

La Turquie, sous la direction d’Erdogan, a parfois fait preuve d’une plus grande solidarité, notamment avec la bande de Gaza assiégée depuis 2005, mais a également poursuivi une politique ambivalente en raison de sa relation stratégique avec Israël.

La seule puissance régionale à soutenir constamment et inconditionnellement la cause palestinienne est l’Iran.

Une équation erronée

Le récit occidental assimile à tort, et probablement intentionnellement, l’Iran à l’État islamique (ISIS), cette même organisation qui, dans les faits, a posé des bombes en Iran, tuant de nombreuses personnes.

Il convient également de rappeler que le soutien occidental au djihadisme sunnite en tant que force opposée au mouvement anticolonial laïque et de gauche a planté les graines à partir desquelles Al-Qaïda et ISIS ont grandi et prospéré.

Leur violence était également dirigée contre des groupes chiites en Asie du Sud-Est et dans le monde arabe. Nombre de ces groupes sont directement liés à l’Iran.

Contrairement à la propagande occidentale, le soutien iranien aux groupes de résistance principalement chiites fait partie de sa perception de l’autodéfense et ne découle pas d’une volonté d’imposer une sorte de régime djihadiste dans le monde entier.

La Palestine dé-sionisée

Depuis la chute de l’Union soviétique, il y a plus de 30 ans, Israël est le seul État de la région à bénéficier du soutien inconditionnel d’une superpuissance extérieure et de ses alliés.

Et il est important, même au risque de paraître banal, de mentionner une fois de plus à quoi sert ce soutien inconditionnel.

En vertu de cette immunité internationale défendue par les États-Unis, Israël s’est étendu sur l’ensemble de la Palestine historique, a procédé à un nettoyage ethnique de plus de la moitié de sa population au fil des ans et a soumis l’autre moitié à un régime d’apartheid, de colonisation et d’oppression.

Ainsi, le soutien direct à la cause palestinienne de la part d’une puissance régionale importante telle que l’Iran vise à contrecarrer le danger existentiel auquel le peuple palestinien a été confronté au cours des 75 dernières années.

L’Iran est un allié compliqué. Il a encore du chemin à faire en ce qui concerne son propre bilan en matière de droits de l’homme.

Le vocabulaire et le réservoir d’images utilisés par les dirigeants iraniens et, parfois, par les médias ne rendent pas service à la véritable solidarité iranienne.

Des slogans tels que « Petit Satan » ou « Mort à Israël », ainsi que des promesses de destruction totale, sont autant de tropes inutiles pour galvaniser une nation qui l’est déjà. En effet, sous la dictature du Shah, le peuple iranien soutenait la Palestine et reprochait à son régime ses liens étroits avec Israël.

Au-delà de la rhétorique, la politique elle-même est très utile pour rétablir le déséquilibre des pouvoirs entre l’Israël de l’apartheid et les Palestiniens occupés, qui, une fois de plus, sont confrontés à une menace existentielle.

Il convient également de noter que le langage utilisé par la propagande israélienne pour parler de l’Iran, des Palestiniens ou du Hamas est bien pire – comme l’ont révélé en totalité les documents que le gouvernement sud-africain a remis à la Cour internationale de justice en décembre dernier.

À cet égard, nous sommes nombreux à partager la vision de l’Iran d’une solution d’un seul État dé-sionisé et décolonisé dans la Palestine historique, qui, du moins je l’espère, sera également un État-providence démocratique.

La politique de l’Iran à l’égard d’Israël est décrite en Occident comme motivée par un antisémitisme de la pire espèce.

En raison du ressentiment intrinsèque d’Israël à l’égard de tout sentiment pro-palestinien, au Moyen-Orient ou ailleurs dans le monde, la position ferme de l’Iran en faveur des Palestiniens en fait la principale cible d’Israël et de ses alliés. Afin de maintenir la pression occidentale sur l’Iran, Israël réécrit souvent, voire toujours, l’histoire, la chronologie même des événements, présentant ainsi toujours l’Iran comme un agresseur et Israël comme un pays en état permanent d’autodéfense.

Agressions israéliennes et contre-attaque iranienne

Pendant longtemps, l’Iran a toléré des actes de sabotage sur son sol, notamment l’assassinat de scientifiques, le meurtre et les blessures de son personnel en Syrie et les pressions israéliennes exercées sur les États-Unis pour qu’ils abolissent l’accord sur le nucléaire iranien en 2015.

Imaginez que l’Iran ait détruit une ambassade américaine, tuant certains des plus hauts gradés de l’armée américaine, on ne peut qu’imaginer quelle aurait été la réaction américaine.

Lors de sa dernière attaque contre Israël, le 13 avril, l’Iran a fait tout ce qui était en son pouvoir pour montrer qu’il ne cherchait pas à provoquer des dommages collatéraux ou à cibler des civils. En fait, il a donné aux Israéliens plus de dix jours pour se préparer à l’attaque.

Pourtant, Israël et l’Occident se sont empressés de déclarer que l’attaque iranienne était un échec total qui n’avait causé aucun dommage. Quelques jours plus tard, ils ont dû admettre que deux bases aériennes israéliennes avaient été directement touchées par l’attaque iranienne.

Mais là n’est pas la question. Bien sûr, les deux parties ont la capacité d’infliger à l’autre des dommages considérables et des pertes humaines. Cet équilibre des forces a toutefois des implications bien plus importantes que celles analysées par les experts militaires.

Un contrepoids

Si l’opération du Hamas du 7 octobre a jeté un doute sur l’invincibilité de l’armée israélienne, le savoir-faire technologique introduit par l’Iran est un autre indicateur qu’Israël n’est pas la seule superpuissance militaire de la région.

Il convient également de noter qu’Israël a eu besoin du soutien direct de la Grande-Bretagne, de la France, des États-Unis, de la Jordanie et de certains autres pays arabes pour se protéger de l’attaque iranienne.

Jusqu’à présent, rien n’indique que les Israéliens aient intériorisé les leçons importantes qu’ils auraient dû tirer au cours des sept derniers mois : les limites du pouvoir, l’incapacité d’exister en tant qu’État étranger au sein du monde arabe et musulman, et l’impossibilité de maintenir en permanence un régime d’apartheid racial et d’oppression militaire.

À cet égard, les capacités technologiques d’une puissance régionale comme l’Iran ne changent pas la donne. Mais elles constituent un contrepoids à une coalition forte et large qui a toujours soutenu le projet sioniste depuis le tout début. Un contrepoids qui n’existait pas pendant de nombreuses années.

Il est évident que la situation de la Palestine historique ne changera pas par le développement ou la transformation d’un seul facteur. En effet, le changement se produira à la suite de nombreux facteurs. La combinaison de ces processus finira par se fondre dans un événement transformateur, ou une série d’événements, qui aboutira à une nouvelle réalité politique située dans le cadre de la décolonisation, de l’égalité et de la justice réparatrice dans la Palestine historique.

Cette matrice nécessite une forte présence iranienne, qui peut même être plus efficace si elle est associée à des réformes à l’intérieur même de l’Iran. Elle exige également que le Sud global donne la priorité à la Palestine ; un changement similaire devrait également être enregistré dans le Nord global.

Un mouvement de libération de la Palestine uni et plus jeune, ainsi que la dé-sionisation des communautés juives mondiales, sont également deux facteurs importants.

L’implosion sociale en Israël, la crise économique et l’incapacité du gouvernement et de l’armée à répondre aux besoins actuels sont également des développements cruciaux.

Une fois fusionnés, tous ces facteurs créeront une puissante transformation sur le terrain, qui conduira à la création d’un nouveau régime et d’une nouvelle formation politique.

Il est trop tôt pour donner un nom à cette nouvelle formation et il est prématuré de prédire l’issue du processus de libération.

Cependant, ce qui est bien visible, c’est la nécessité d’aider cette nouvelle réalité à se déployer le plus rapidement possible. Sans cela, le génocide de Gaza ne serait pas le dernier chapitre horrible de l’histoire de la Palestine.

  • Ilan Pappé est professeur à l’université d’Exeter. Il était auparavant maître de conférences en sciences politiques à l’université de Haïfa. Il est l’auteur de The Ethnic Cleansing of Palestine, The Modern Middle East, A History of Modern Palestine : Une terre, deux peuples, et de Dix mythes sur Israël. Il est coéditeur, avec Ramzy Baroud, de « Our Vision for Liberation ». Pappé est décrit comme l’un des « nouveaux historiens » d’Israël qui, depuis la publication de documents pertinents des gouvernements britannique et israélien au début des années 1980, ont réécrit l’histoire de la création d’Israël en 1948. Il a contribué à cet article pour The Palestine Chronicle.

Traduit par Deepl

Lettre ouverte à Mme de Moor, Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration


Pierre GALAND,
Président de l’ABP

 

Madame la Ministre,

En tant qu’association de défense des droits des Palestiniens, l’ABP conteste  votre décision de demander le retrait de son statut de réfugié à Monsieur Mohammed Khatib.

L’article 19 de notre Constitution dit que “la liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties” et  limite cette liberté en ces termes “sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés“. Monsieur Mohammed Khatib a donc le droit, comme tout un chacun, d’exprimer son opinion. Avec son organisation, Samidoun, il défend notamment le droit à la résistance armée des Palestiniens contre l’occupation israélienne mais cela n’en fait pas un danger pour la Belgique. Il n’a d’ailleurs commis aucun délit et aucune des manifestations publiques de Samidoun n’a donné lieu à des désordres ou des actions violentes.

Sur quoi repose donc la décision de l’OCAM de qualifier Monsieur Mohammed Khatib de « prédicateur de haine » ? Demander la libération de la Palestine, dénoncer l’occupation israélienne et le sionisme, défendre la résistance, croire en la nécessité d’une révolution mondiale, cela relève-t-il de la haine ? Certainement pas, à moins que vous ne portiez à notre connaissance des propos incitant à la haine ou des activités délictueuses que nous n’aurions ni entendus ni vus.

Quelles que soient nos divergences avec Samidoun, nous refusons que la solidarité avec le peuple palestinien soit criminalisée et nous vous demandons donc, Madame la Secrétaire d’Etat, d’annuler la décision de retrait du statut de réfugié de M. Mohammed Khatib.

Salutations distinguées

Pierre GALAND,
Président de l’ABP

Bruxelles, le mercredi 17 avril 2024

LES MÉDECINS DE PALMED ONT ACCOMPLI LEUR MISSION À GAZA.


ACTUALITÉSPOUR AGIR (voir sur le site de CAPJPO de nombreuses photos)

Ils viennent de passer 15 jours à soigner les malades de Gaza, à encourir les même risques que leurs collègues médecins palestiniens, encore vivants et épuisés, dans les rares hôpitaux qui fonctionnent encore dans la bande de Gaza.

Les médecins de Palmed ont accompli leur mission à Gaza.

Ils reviennent tandis qu’une autre équipe médicale organisée par PALMED part les remplacer !

Nous les remercions chaleureusement.

Ci-dessous le communiqué de presse de PALMED :

CAPJPO-Europalestine

En Cisjordanie, des pacifistes israéliens tentent d’aider les Bédouins


Rachida El Azzouzi

Dans la vallée du Jourdain, en Cisjordanie occupée, la violence des colons est telle que des bergers palestiniens appellent à l’aide des militants israéliens anti-occupation pour les protéger, ainsi que leurs troupeaux. Comme Sigal Harari, que Mediapart a suivie

2 janvier 2024 à 17h28

Mediapart

Vallée du Jourdain (Cisjordanie occupée).– « Vol de moutons par des colons en présence de l’armée, confiscation d’un bassin et de barils d’eau, présence de militants souhaitée d’urgence »… : depuis le 7 octobre 2023, les boucles WhatsApp de Sigal Harari et de ses camarades anti-occupation se multiplient.

« La guerre à Gaza donne des ailes aux colons. Ils sont encore plus agressifs et violents », constate la quinquagénaire, membre du mouvement israélien Regarder l’occupation dans les yeux. 

Cet après-midi de décembre, elle arpente, en tenue ample et chaussures de randonnée, un village bédouin palestinien aux allures de bidonville, au cœur de la vallée du Jourdain, en Cisjordanie occupée. Sous haute surveillance israélienne depuis 1967, la vallée porte le nom du fleuve qui la traverse, principale ressource en eau de la région.

Le regard en alerte, tourné au loin vers les avant-postes et autres implantations illégales où se sont stratégiquement établis des colons pour accaparer de vastes étendues de terre, Sigal Harari vérifie que « tout va bien ».

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Jamal Amlihat, sans cesse aux aguets face à la violence des colons (vallée du Jourdain, Cisjordanie, décembre 2023). © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

Elle tente aussi de rassurer, malgré la barrière de la langue, l’hébreu pour elle, l’arabe pour lui, l’homme qui marche à ses côtés, un keffieh enroulé autour de la tête : Jamal Amlihat, un berger plusieurs fois attaqué ces derniers mois par des partisans d’Eretz Israel, le Grand Israël, qui entendent bien coloniser ses collines arides.

Depuis l’aube, Sigal Harari, employée dans une crèche pour enfants près de Tel-Aviv, le « sécurise » avec sa collègue Hava, actrice, ce qui leur a valu une descente de l’armée et de la police israéliennes, qui sillonnent la région en véhicule blindé.

« Comme ils n’avaient rien à nous reprocher, ils ont fouillé notre voiture et ils nous ont infligé une amende de 300 euros pour des broutilles. Ils ne comprennent pas notre engagement, surtout en cette période de guerre. Pour eux, comme pour les colons, nous sommes des traîtres à la nation israélienne, des alliées des terroristes du Hamas. » 

Plusieurs membres de leur mouvement ainsi que d’autres pacifistes ont été agressé·es physiquement ces derniers mois par les colons, comme en attestent des vidéos virales sur les réseaux sociaux ou les cicatrices sur les jambes de Hava.

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Sigal Harari, activiste israélienne anti-occupation, se relaie avec ses collègues chaque semaine pour protéger le village bédouin de Jamal Amlihat des attaques de colons (vallée du Jourdain, Cisjordanie, décembre 2023). © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

« Ils n’hésitent pas à nous frapper, souvent avec des pierres et des bâtons, raconte Sigal Harari. Notre présence les dérange. Ils ne peuvent plus agir impunément lorsque nous sommes là. On filme leur violence. En retour, eux aussi nous filment pour nous faire peur. » 

Jamal Amlihat, visage émacié, ne cesse de la remercier pour sa présence. Il ne dort plus depuis plusieurs semaines. « Tout va mal ici. On doit rester en veille en permanence. Nous dépendons des activistes. Sans eux, nous serions morts. Vous vous rendez compte que je ne peux pas sortir mes bêtes dans les pâturages alentour sans eux car j’ai peur des colons ? »

Jamal a 38 ans, cinq enfants qui vont à l’école, située à quelques minutes à pied quand les colons ne les tétanisent pas sur le chemin, au volant d’un SUV blanc, d’un tracteur ou à cheval, en hurlant des insultes, une arme en bandoulière.

« Même un chien est mieux traité que nous ! Les enfants pleurent la nuit au moindre bruit, ils ont besoin de soutien psychologique. Ils ont cassé le bras de mon aîné », témoigne le père de famille en faisant défiler des vidéos sur son téléphone portable, dans lesquelles on le voit sortir de l’hôpital de Jéricho avec son fils qui a le bras plâtré. Ce dernier lui colle aux basques, un pistolet à eau en plastique bleu dans les mains : « C’est notre seule arme », dit-il en riant pour détendre l’atmosphère.

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Village bédouin dans la vallée du Jourdain (Cisjordanie, décembre 2023). © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

L’attaque la plus violente a eu lieu le 28 novembre, en soirée. « Ils sont arrivés à plusieurs, armés, et ils ont commencé à détruire nos hangars, nos panneaux solaires qui servent à produire de l’électricité. Ils ont volé plusieurs moutons, à moi, mon frère, mon cousin, 35 au total, puis ils sont entrés dans ma maison, ils ont frappé ma femme, mon fils. J’avais notre bébé d’à peine un mois dans les bras. »

Jamal Amlihat se remémore la scène en tremblant. Il a porté plainte, donné les noms de leurs agresseurs, « des jeunes des collines », assure-t-il, ces colons radicaux de moins de 30 ans qui sèment la terreur à travers la vallée et comptent « dégager les Arabes » de la Cisjordanie, qu’ils considèrent comme la terre sacrée d’Israël.

« La police m’a répondu qu’elle ne pouvait rien faire, que ces jeunes des collines ont des problèmes psychologiques, que leur place est à l’asile. » Il a peur que ses enfants deviennent comme eux, « des sauvages », et qu’ils pensent que « tous les juifs sont ainsi ».Cette nuit d’effroi,les activistes de Regarder l’occupation dans les yeux étaient absents. Ils s’affairaient à quelques kilomètres de là, dans un autre campement bédouin.

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Craignant la violence des colons, Jamal Amlihat préfère s’endetter pour nourrir son bétail plutôt que de le conduire dans les pâturages alentour (vallée du Jourdain, Cisjordanie, décembre 2023). © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

« Malheureusement, nous ne pouvons pas être partout, tout le temps, nous ne sommes pas assez nombreux au regard du nombre exponentiel d’agressions », regrette Sigal Harari. Elle tient à relativiser leur rôle de bouclier : « Notre présence rassure les villageois mais face à la violence des colons, nous ne faisons pas le poids. S’ils décident de les frapper, ils frapperont, peu importe notre présence. Nous restons minoritaires, encore plus depuis le 7 octobre. »

Elle a « ouvert les yeux » sur « l’extrême violence de l’occupation » israélienne lorsque le gouvernement le plus dur de l’histoire d’Israël, qui fait la part belle aux suprémacistes et aux ultraorthodoxes, a pris ses fonctions à l’automne 2022. 

Un film, réalisé par des militants, qu’elle a visionné à cette époque a joué un rôle déclencheur : il décrit en quelques minutes la privation d’eau imposée aux Palestinien·nes par les colons dans la vallée du Jourdain. « J’en avais entendu parler mais je n’avais encore jamais rien vu de mes propres yeux depuis toutes ces décennies. J’ai été si choquée que le lendemain je m’engageais dans le mouvement anti-occupation. » 

Illustration 5
Alors qu’il vit près du Jourdain, Jamal Amlihat se ruine pour acheter de l’eau, accaparée par l’occupant israélien (vallée du Jourdain, Cisjordanie, décembre 2023). © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

Conduits et réserves d’eau sabotés, béton coulé dans les puits, eaux usées versées dans les citernes, accès à l’eau sévèrement restreint… Les colons, « mais aussi l’armée », insiste Sigal Harari, se comportent « comme des criminels avec les Palestiniens ».

« Ils ne cherchent pas à les priver d’eau pour les tuer mais pour les forcer à se déplacer, à abandonner leurs terres, afin de pouvoir les leur confisquer,explique la militante. L’eau coûte une fortune aux Bédouins. Ils doivent acheter plusieurs mètres cubes, faire de longs trajets pour cela à cause des barrages militaires. Plusieurs ont été fermés, au nord, depuis le 7 octobre, rallongeant les détours et l’attente de plusieurs heures pour que l’armée leur ouvre les barrières à l’arrivée puis à nouveau au départ. Tout est fait pour leur rendre la vie impossible. » 

Parfois, l’armée confisque aux Palestiniens un tracteur servant à remplir leurs citernes, « dans le seul but de pourrir encore plus leur quotidien ». « Lorsque cela arrive, on essaie de le récupérer. On fixe aussi dans les villages des pompes à eau, car ils n’ont pas le droit de le faire. On fait pression sur l’armée également pour l’ouverture des check-points »,détaille Sigal Harari.

Elle pointe du doigt, près de l’école, le château d’eau aux couleurs de Mekorot, la compagnie israélienne qui exploite les eaux en Cisjordanie occupée, et s’indigne : « J’ai honte de mon pays ! Mekorot vole l’eau des Palestiniens pour la leur revendre ensuite ! »

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La présence d’activistes israéliens aux côtés des bergers palestiniens n’empêche pas toujours la violence des colons (vallée du Jourdain, Cisjordanie, décembre 2023). © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

L’État d’Israël n’accapare pas seulement la terre de Palestine. Il accapare aussi son eau naturelle pour approvisionner les Israélien·nes, y compris celles et ceux qui vivent dans les colonies illégales, à des fins domestiques, agricoles et industrielles.

L’eau représente plus de la moitié des dépenses mensuelles de Jamal Amlihat, qui tire de maigres revenus de la vente de fromage, de lait de brebis et de viande de mouton. Elle sert à subvenir aux besoins essentiels de sa famille mais aussi à ceux de son troupeau qu’il peine à nourrir. 

« Les colons nous empêchent d’accéder à nos pâturages. Je préfère ne pas prendre le risque d’être frappé ou tué mais cela nécessite que j’achète de la nourriture pour mes bêtes. La vie est très dure mais grâce à Dieu, nous sommes vivants »,confie-t-il en s’arrêtant devant la bergerie, escorté par ses deux chiens de berger, pour donner du foin au bétail.

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Agressé plusieurs fois par des colons, le fils de Jamal Amlihat avait encore récemment le bras droit dans le plâtre (vallée du Jourdain, Cisjordanie, décembre 2023). © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

Sa famille, autrefois nomade du désert, s’est sédentarisée il y a plusieurs décennies, sans qu’il ait le souvenir précis de la genèse, sinon que l’exode était dû aux guerres successives. Depuis les années 1980, elle vivote dans les replis de cette plaine désertique, aujourd’hui ciblée par les colons, aux côtés de quelque soixante-dix autres familles. Elles s’entassent dans la misère et la poussière sous des amas de tôles et derrière des bâches en plastique en guise de maisons. 

Ces derniers temps, Sigal Harari séjourne à leurs côtés en moyenne trois fois par semaine, rapporte quelques fruits, des pommes et des kakis, quelques crayons aux enfants pour qu’ils dessinent, évacuent par l’art la violence subie. Elle ne pensait pas son pays capable de tels « crimes ».Elle vit avec son mari et leurs quatre enfants dans un kibboutz près de Tel-Aviv, « une bulle » qui lui a permis pendant longtemps de fermer les yeux et de se boucher les oreilles.

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Les colons n’hésitent pas à détruire les maisons aux toits de tôle lors de leurs attaques (vallée du Jourdain, Cisjordanie, décembre 2023). © Photo Rachida El Azzouzi / Mediapart

« Comme beaucoup d’Israéliens, nous vivons dans un narratif où les Palestiniens sont tous des terroristes,déplore Sigal Harari. Nous sommes les bons, ils sont les méchants. On a grandi avec cela. Pour ouvrir les yeux, il faut le vouloir. Même moi, je ne l’ai pas voulu pendant des décennies alors que je suis de gauche, progressiste. La réalité n’est pas celle que l’on nous vend. » 

Autour d’elle, tout le monde n’a pas compris son engagement, à commencer par son mari. « Il a mis du temps à l’accepter mais contrairement à d’autres autour de nous, qui ont abandonné la lutte anti-occupation après les massacres du Hamas le 7 octobre, il n’a pas remis en cause mon combat. » Quant à leurs enfants, « ils ne veulent pas savoir. Ils [lui] disent que tout cela est bien trop violent ».

Rachida El Azzouzi

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Infos CAPJPO-EuroPalestine du 25/01/2024 


Chères amies, Chers amis,

La Cour Internationale de Justice tarde à ordonner la cessation immédiate du massacre du peuple de Palestine, à Gaza, comme le lui a demandé l’Afrique du Sud, rejointe maintenant par d’autres États.

Netanyahou et sa bande de tueurs aux commandes d’Israël n’ont atteint aucun de leurs objectifs proclamés, à savoir l’écrasement de la résistance et la récupération des prisonniers retenus à Gaza. Mais ils poursuivent leur besogne génocidaire, au prix de centaines d’hommes, de femmes et d’enfants tués ou blessés chaque jour.

La catastrophe est là.

Le monde entier assiste, en temps réel, à la destruction du peuple de Palestine : aux morts, aux disparus et aux blessés – déjà plus de 100.000 – s’ajoutent l’installation de la famine et des épidémies qui pourraient tuer plus d’un demi-million d’habitants de Gaza au cours des prochains mois, selon les funèbres prédictions d’experts des Nations-Unies.

Biden et Macron, pour ne citer qu’eux, assurent Israël de son impunité. Tandis que le ministre de la Défense Sébastien Lecornu se rend deux fois de suite en Israël, à l’Assemblée Nationale le nouveau ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné voudrait interdire l’emploi du terme « génocide » pour qualifier les crimes du régime d’apartheid.

LE SILENCE TUE

Faisons entendre notre voix !

Tous les jours de la semaine, partout en France, ont lieu de nombreuses initiatives de solidarité, que ce soient des rassemblements et des meetings, des collages massifs d’affiches, ou des actions de boycott, notamment le boycott citoyen du groupe Carrefour, qui offre des milliers de colis alimentaires à l’armée d’invasion de Gaza pendant que la population du territoire martyr crève de faim et de soif.

À PARIS, MANIFESTONS MASSIVEMENT

DIMANCHE 28 JANVIER

DÉPART 14H30 PLACE DE LA RÉPUBLIQUE

STOP AU GÉNOCIDE ! FREE PALESTINE

(Note : la manifestation parisienne a fait l’objet d’une déclaration en préfecture de la part de CAPJPO-EuroPalestine et du NPA/NPA Jeunes, avec le soutien de l’Inter-Orgas Palestine, ISM France, Collectif Nord Essonne… D’autres soutiens s’y ajouteront prochainement, de même que nous vous indiquerons prochainement le parcours de la marche)

Amicalement,

CAPJPO-EuroPalestine

contact : info@euroalestine.com

L’antisionisme en tant que décolonisation


Leila Shomali et Lara Kilani

15-12-2023

Résumé (texte intégral suit)(original anglais)

Dans le domaine de la solidarité et de la résistance, notamment dans le contexte du conflit israélo-palestinien, la transparence et la clarté des objectifs d’une organisation sont primordiales. Les entités engagées dans de telles causes doivent communiquer de manière franche et directe leurs idéaux et intentions, tant pour attirer de nouveaux membres que pour maintenir une relation de confiance avec leurs donateurs. Cependant, certaines organisations adoptent une approche de communication ambiguë pour élargir leur base de soutien tout en restant attractives pour un spectre plus large de donateurs.

Cette stratégie se manifeste souvent par l’utilisation de langage vague et généraliste, évoquant des notions comme l’égalité, la justice et un avenir prospère pour tous, sans aborder concrètement les besoins spécifiques des Palestiniens dans le cadre du conflit avec Israël. Une telle démarche, bien qu’elle puisse sembler tactiquement avantageuse, pose plusieurs problèmes. Elle tend à simplifier indûment la complexité de la situation et peut être perçue comme une tentative de masquer les véritables positions de l’organisation, ce qui nuit à sa crédibilité et à la confiance de ses partisans.

Le phénomène du « double discours » est particulièrement problématique. Il s’agit d’une tactique où des messages contradictoires sont adressés à différents groupes : un discours modéré est présenté aux donateurs et au grand public, tandis qu’un message plus spécifique ou radical est réservé aux partisans de base. Cette dualité de communication est considérée comme manipulatrice et vise à maximiser le soutien sans adopter une position ferme et cohérente.

L’exemple du conflit israélo-palestinien sert à illustrer l’importance d’une communication honnête et sans équivoque. L’auteur soutient que les efforts des groupes engagés dans la cause palestinienne devraient avoir un objectif clair : la libération de la Palestine « de la rivière à la mer ». Cette vision d’une Palestine libre et unifiée exige un engagement ferme envers l’anti-sionisme et la solidarité, sans compromis ni ambiguïté. La lutte pour la liberté palestinienne nécessite un soutien audacieux et sans réserve.

En conclusion, le texte souligne que la clarté et la cohérence sont essentielles pour les organisations engagées dans la solidarité et la résistance. Les tactiques telles que l’usage de langage vague et le double discours ne font que saper la confiance et la légitimité de ces organisations. L’exemple du conflit israélo-palestinien démontre l’importance de soutenir fermement les causes justes et de résister à la tentation de diluer les messages pour des gains institutionnels ou personnels. L’engagement envers une communication transparente et sans équivoque est fondamental pour maintenir la confiance des partisans et des donateurs et pour faire avancer efficacement la cause de la solidarité et de la résistance.

Le texte intégral

 Les scènes horribles de Gaza , enregistrées, publiées et rediffusées dans le monde entier, ont secoué les gens et déclenché leur solidarité. Cette vague d’activisme est alimentée par des réactions viscérales aux réalités épouvantables du génocide continu d’Israël opéré sur la scène mondiale. Les gens réalisent, par milliers, que le sionisme est un programme politique d’éradication des peuples autochtones et d’accumulation de leurs ressources .

De nombreux nouveaux activistes et organisateurs réactivés cherchent à traduire leurs réactions émotionnelles en un soutien tangible. Ils recherchent également des hubs communautaires, souvent sous la forme d’organisations, qui confrontent le sionisme et le colonialisme – cause profonde de ce génocide. Que les activistes le sachent ou non, ils cherchent un hub anti-sioniste pour leurs efforts d’organisation. Aussi est-ce précisément le moment de tenir un débat honnête sur certaines des caractéristiques essentielles de cette organisation solidement ancrée dans les principes de la libération palestinienne et de la décolonisation, en éliminant les dernières couches de confusion ou de mystère. Cet essai vise à ouvrir un échange qui n’a que trop tardé en proposant des suggestions que les individus considèreront lorsqu’ils chercheront leur hub anti-sioniste.

Si nous acceptons, comme le font même ceux qui ont une compréhension rudimentaire de l’histoire, que le sionisme est un processus continu de colonisation de peuplement, alors le démantèlement du sionisme nécessite un anti-sionisme, qui doit être compris comme un processus de décolonisation. L’anti-sionisme en tant qu’idéologie décoloniale est alors à juste titre situé comme un mouvement de libération indigène. L’implication qui en découle est double. Premièrement, l’organisation décoloniale exige que nous nous libérions des limitations des structures de pouvoir et de connaissance existantes et imaginions un monde nouveau et juste. Deuxièmement, cette compréhension révèle que ceux qui préservent la pensée anti-sioniste sont les communautés indigènes résistant à l’éradication coloniale , et que c’est de cette analyse que les stratégies, les modes et les objectifs de la praxis décoloniale doivent découler. En termes plus simples : ce sont les Palestiniens engagés dans la décolonisation, et non les ONG occidentales, qui sont les principaux auteurs de la pensée anti-sioniste. Nous écrivons cela en tant que Palestinienne et Palestinienne-Américaine qui vivons et travaillons en Palestine, et qui avons vu l’impact des prétendues « valeurs occidentales » et comment la centralisation du paradigme des « droits humains » perturbe les véritables efforts décoloniaux en Palestine et à l’étranger, cela au profit du maintien du statu quo et du rapprochement du pouvoir par le recours à nos slogans vidés de l’analyse historique palestinienne.

L’organisation anti-sioniste n’est pas une notion nouvelle, mais jusqu’à présent, l’utilisation du terme dans les cercles d’organisation a été entachée de malentendus, de définitions vagues ou carrément minimisées. Certains ont décrit incorrectement l’anti-sionisme comme se réduisant à des activités ou des pensées limitées aux critiques de l’actuel gouvernement israélien – dangereuse déformation. Comprendre l’anti-sionisme comme décolonisation exige l’articulation d’un mouvement politique avec des objectifs matériels et articulés : la restitution des territoires ancestraux et le respect du principe inviolable de rapatriement indigène et du droit au retour, couplés à la déconstruction des structures sionistes et à la reconstitution de cadres de gouvernance conçus, dirigés et mis en œuvre par les Palestiniens.

L’anti-sionisme met en lumière la nécessité de rendre le pouvoir à la communauté indigène et la nécessité de cadres de justice et de responsabilité pour les communautés de peuplement qui ont mené une guerre sanglante et implacable depuis un siècle contre le peuple de Palestine. Cela signifie que l’anti-sionisme est bien plus qu’un simple slogan.

Un mouvement de libération : Compte tenu des implications de la définition de l’anti-sionisme, nous devons le réorienter dans le cadre d’un mouvement de libération. D’où l’importance stratégique du contrôle sur le récit et les principes de l’anti-sionisme dans le contexte des efforts décoloniaux mondiaux. Comme le souligne Steven Salaita dans « Hamas is a Figment of Your Imagination« ( Le Hamas est le fruit de votre imagination) , le sionisme et le sionisme libéral continuent d’influencer la forme de la résistance palestinienne :

« Les sionistes ont un type de contrôle rhétorique dans l’espace public : ils déterminent la culture du natif ; ils prescrivent (et interdisent) les contours de la résistance ; ils jugent le travail de libération nationale. Les Palestiniens sont pris au piège par l’imagination grossière et intéressée de l’oppresseur. »

Nous devons récupérer notre droit à la narration et pouvons utiliser la pensée anti-sioniste comme guide pour la libération. Nous devons reprendre la praxis anti-sioniste à ceux qui limiteront à un titre dans un courriel d’appel de fonds.

Alors que notre imagination collective n’a pas entièrement articulé à quoi ressemblerait une Palestine libérée et décolonisée, les contours approximatifs ont été tracés à plusieurs reprises. Demandez à n’importe quel réfugié palestinien déplacé de Haïfa, des terres de Sheikh Muwannis ou de Deir Yassin – ils vous diront qu’une Palestine décolonisée est, au minimum, le droit au retour des Palestiniens vers une unité politique autonome de la rivière à la mer.

Lorsque des « anti-sionistes » auto-proclamés utilisent des rhétoriques comme « Israël-Palestine » – ou pire encore, « Palestine-Israël » – nous nous demandons : où pensez-vous qu’Israël existe ? Sur quelle terre repose-t-il, sinon en Palestine ? Ce n’’est rien de plus qu’une tentative de légitimer un État colonial ; le nom que vous recherchez est la Palestine – aucun trait d’union requis. Au minimum, les formations anti-sionistes devraient éliminer le langage qui impose aux Palestiniens et aux alliés non-palestiniens la violence du vol colonial.

La relation colonisateur/colonisé : Comprendre la relation colonisateur/colonisé est essentiel dans l’organisation anti-sioniste. Cela signifie confronter la désignation « colon » dans le colonialisme de peuplement sioniste – un statut de classe indiquant sa place dans les systèmes de pouvoir coloniaux plus larges. Le discours anti-sioniste devrait remettre en question de manière critique le (re)cadrage du sionisme de l’histoire à travers des instruments coloniaux, tels que les accords d’Oslo et une dépendance excessive à l’égard des cadres du droit international, à travers lesquels ils différencient les colons israéliens à Tel Aviv et ceux des colonies de Cisjordanie.

Suggérer que certaines villes israéliennes sont des colonies tandis que d’autres ne le sont pas perpétue le cadre sioniste, accordant une légitimité au contrôle colonial selon des divisions géographiques arbitraires en Palestine, et divisant davantage la terre en zones disparates. L’analyse anti-sioniste comprend que les « colons » ne sont pas seulement des résidents de colonies « illégales » de Cisjordanie comme Kiryat Arba et Efrat, mais aussi ceux de Safed et Petah Tikvah. Demandez à n’importe quels Palestiniens de Haïfa vivant en exil; ils vous diront que les Israéliens vivant dans leurs maisons sont aussi des colons.

Le choix commun de centrer les accords d’Oslo, le droit international humanitaire et le paradigme des droits humains sur les réalités socio-historiques palestiniennes ne limite pas seulement notre analyse et nos interventions politiques ; ce choix restreint notre imagination quant au type d’avenir que les Palestiniens méritent, reléguant les questions de décolonisation pour nous convaincre que ce sont les nouveaux, mauvais colons en Cisjordanie qui sont la source de la violence. Les colons légitimes, qui résident dans les limites des géographies palestiniennes volées en 1948 comme Tel Aviv et Jérusalem-Ouest, sont différents dans ce récit. Comme Breaking the Silence, ils peuvent être éclairés en apprenant l’erreur de la violence coloniale perpétrée au service des colons méchants. Ils peuvent même être nos partenaires de solidarité – tout cela sans avoir à sacrifier une miette de privilège colonial ou à condamner la violence sioniste antérieure à 1967 dans toutes ses cruelles manifestations.

En conséquence de ce raisonnement, les organisations de solidarité mettent souvent en avant certains Israéliens – ceux qui renoncent à la violence d’État au service des colons méchants et de leur colonisation continue de la Cisjordanie – dans des rôles de professionnels et de faiseurs de paix, les positionnant sur un pied d’égalité intellectuelle, morale ou de classe avec les Palestiniens. Il n’y a aucune reconnaissance du déséquilibre inhérent de pouvoir entre ces Israéliens et les Palestiniens avec lesquels ils prétendent être solidaires – se dépouillant de leur statut de colon. Le colon est retiré du contexte historico-politique qui lui a accordé un statut privilégié sur une terre volée et lui donne le pouvoir de délimiter l’expérience palestinienne. Cela fait partie de la dissimulation historique du récit sioniste, en négligeant le contexte du colonialisme de peuplement pour considérer le colon comme un individu, et en omettant son statut de classe en tant que colon.

Lecture erronée de la « décolonisation » : Il est essentiel de noter que les Palestiniens n’ont jamais rejeté l’indigénéité juive en Palestine. Cependant, le mouvement de libération a fait la distinction entre les colons sionistes et les autochtones juifs. Les Palestiniens ont établi un cadre clair et rationnel pour cette distinction, comme dans les Thawabet, la Charte nationale de la Palestine de 1968. L’article 6 stipule : « Les Juifs qui résidaient normalement en Palestine jusqu’au début de l’invasion sioniste seront considérés comme Palestiniens. »

Lorsque des individus confondent « décolonisation » avec « le meurtre de masse ou l’expulsion des Juifs », c’est souvent le reflet de leur propre implication dans le colonialisme ou le résultat de la propagande sioniste. Perpétuer cette rhétorique est une interprétation délibérée erronée de la pensée palestinienne, qui a maintenu cette position sur un siècle d’organisation indigène.

Même après 100 ans de nettoyage ethnique, de communautés entières bombardées et de lignées familiales entières effacées, les Palestiniens n’ont jamais, en tant que collectif, appelé au meurtre massif des Juifs ou des Israéliens. L’anti-sionisme ne peut pas faire l’impasse sur l’emploi des définitions historico-politiques de « colon » et « autochtone » dans son discours pour confronter les lectures a-historiques de la pensée décoloniale palestinienne et la propagande sioniste.

Version sioniste du « toutes les vies comptent »

Comme nous le constatons, le colonialisme des colons assure la position du colon, l’investissant de droits, en l’occurrence, un droit divin de conquête. En tant que tel, le sionisme garantit que les droits des colons l’emportent sur ceux des peuples autochtones, au détriment de ces derniers. Sachant cela, le slogan libéral « égalité des droits pour tous » nécessite une réflexion approfondie. Plutôt que de mettre l’accent sur la déconstruction de l’État colonial et la violence inhérente à celui-ci, qui sert éternellement le colon au détriment direct des communautés autochtones, le slogan suggère que les Palestiniens doivent simplement obtenir plus de droits au sein du système violent. Mais les « droits égaux », dans le sens que ceux qui scandent cette phrase le pensent, ne viendront pas des tentatives de réhabilitation d’un État colonial. Ils ne peuvent être assurés que par la décolonisation de la Palestine, par la restitution matérielle des terres et des ressources. Sans discussion supplémentaire, le slogan ne sert que de mécanisme supplémentaire du sionisme, maintenant les droits du colon plutôt que de souligner la nécessité de restaurer les droits des communautés autochtones, qui ont depuis longtemps été les victimes des droits des colons.

Les anti-sionistes ne peuvent à la fois condamner le colonialisme des colons et le sionisme, et plaider en faveur de l’idée que les colons devraient avoir des droits égaux et immuables. Les sionistes voudraient vous faire croire que leur État a toujours existé, que les Israéliens ont toujours vécu sur cette terre. Mais une brève référence à l’histoire récente nous rappelle que l’anti-sionisme doit faire face aux mécanismes continus qui font progresser matériellement le développement des colonies en Palestine.

En 2022 seulement, les institutions sionistes ont investi près de 100 millions de dollars, transférant quelque 60 000 nouveaux colons de Russie, d’Europe de l’Est, des États-Unis et de France pour contribuer à assurer une majorité démographique et à garantir une présence physique sur les terres autochtones. Cela ne se produit que par le maintien du déplacement forcé des Palestiniens, et par leur déplacement violent renouvelé, comme nous le voyons quotidiennement, notamment en Cisjordanie rurale.

Il n’y a aucune légitimité morale dans l’idée que ces colons ont le « droit » de vivre sur des terres palestiniennes volées, le vol étant maintenu par la force, tant qu’il n’y a pas eu de restauration des droits des Palestiniens. Aucune théorie de la justice n’existe dans le discours éthique ou philosophique dominant qui plaide en faveur du droit d’une personne ayant volé quelque chose de garder légitimement ce qu’elle a pris. L’acte de voler, par définition, viole les principes fondamentaux des théories de la justice, qui mettent l’accent sur l’équité, la distribution équitable des ressources et le respect des droits individuels et de la propriété.

Pour rappeler que la décolonisation n’est pas une métaphore, certains activistes ayant la citoyenneté israélienne, dont Nadav Gazit et Yuula Benivolsky, ont pris l’initiative de soutenir concrètement la libération palestinienne et ont renoncé à leur revendication de la citoyenneté coloniale. Lorsque des ONG libérales défendent l’idée d' »égalité des droits pour tous » sans discuter davantage de ce que cela signifie, c’est la version sioniste du « toutes les vies comptent », perpétuant – ou au mieux, ne remettant pas en question – le maintien de systèmes de violence contre les Palestiniens.

Après avoir exposé certains des concepts fondamentaux et des définitions concernant le sionisme et l’anti-sionisme, nous pouvons explorer certaines stratégies et tactiques essentielles de l’organisation anti-sioniste.

Changements structurels au soutien de  la libération

Comme l’anti-sionisme nécessite le démantèlement systématique des structures sionistes, ce processus peut inclure des programmes éducatifs et des manifestations, qui servent d’activités fondamentales. Cependant, il est essentiel d’être prudent quant aux espaces et aux activités d’organisation qui deviennent des zones de confort pour les militants ne prenant pas les risques nécessaires et les défis significatifs aux structures de la violence sioniste en place. L’organisation anti-sioniste doit impliquer une réforme stratégique des politiques et du droit qui soutiennent la décolonisation à distance, comme cibler les lois permettant aux organisations caritatives internationales de financer des milices coloniales israéliennes et l’expansion des colonies. Après tout, notre objectif depuis l’étranger devrait être de provoquer des changements structurels pour faire progresser la décolonisation, et non simplement de changer le sentiment public à l’égard de la Palestine.

Les approches décoloniales à l’étranger incluent le changement des structures internes d’institutions qui soutiennent la colonisation : des organismes de bienfaisance, des églises, des synagogues, des clubs sociaux et d’autres institutions donatrices. Cela inclut des entités auxquelles de nombreux militants internationaux sont personnellement, professionnellement et financièrement liés, tels que les organisations à but non lucratif avec lesquelles nous collaborons et de grandes institutions de financement comme la Open Society Foundation et la Carnegie Corporation de New York.

Dans le contexte des États-Unis, les institutions sionistes les plus menaçantes sont les partis politiques enracinés qui fonctionnent pour maintenir le statu quo de l’empire américain, pas les groupes Hillel sur les campus universitaires ou même les églises chrétiennes sionistes. Bien que la Ligue anti diffamation (ADL) et le Comité des affaires publiques israélo-américaines (AIPAC) s’engagent dans des formes de violence qui répriment la libération palestinienne et ne doivent pas être minimisées, il est crucial de reconnaître que les institutions les plus importantes dans le contexte du colonialisme des colons ne sont pas exclusivement orientées ou représentées par les Juifs : le Parti républicain et le Parti démocrate aux États-Unis font probablement plus pour amener le public à consentir au massacre des Palestiniens que l’ADL et l’AIPAC réunis. Même le Caucus progressiste et la majorité de ‘The Squad’ en sont coupables.

Ces défis internes aux institutions et aux communautés auxquelles nous appartenons sont, par définition, risqués et sacrificiels – mais essentiels et libérateurs. Ils nécessitent une confrontation, et probablement la retenue de soutien et de ressources matérielles, afin d’instaurer le changement. Comme nous l’avons vu au cours des derniers mois, organiser simplement des manifestations pour faire pression sur les politiciens sans l’intention explicite de retirer le soutien électoral et financier des partis politiques et des institutions est fondamentalement défaillant. Cela ne garantit pas non plus le résultat souhaité : le 28 novembre 2023, en plein génocide des Palestiniens à Gaza par Israël, les membres de la Chambre des représentants des États-Unis ont voté à 421 contre 1 (le 1 n’étant affilié à aucun mouvement de décolonisation) en faveur d’un projet de loi assimilant l’anti-sionisme à l’antisémitisme. Les membres de ‘The Squad’ qui n’ont pas voté pour le projet de loi n’ont pas voté contre.

Les politiciens, les leaders organisationnels et les institutions de financement doivent voir les véritables conséquences politiques de leurs décisions de soutenir le génocide. La réticence au sein de la direction exécutive des organisations internationales de solidarité à tenir les élus responsables est un signal d’alarme, car nous ne pouvons pas équilibrer nos loyautés entre la libération et la commodité politique temporaire. L’anti-sionisme nécessite plus qu’une organisation politique ciblée contre ceux qui maintiennent intentionnellement la suprématie blanche par le biais du sionisme ; il exige que nous misions sur notre accès au pouvoir pour démanteler les mécanismes d’oppression. Nous devons cesser de parier sur la pérennité du sionisme.

Lorsque nous dissocions correctement le sionisme du judaïsme et le comprenons comme un processus d’éradication indigène et d’accumulation primitive des ressources, les formations politiques dominantes, l’industrie des armements et le secteur de la sécurité high-tech sont facilement compris comme des institutions indispensables dans le cadre du projet sioniste plus large. Ces organes bénéficient aussi matériellement du statu quo de la colonisation sioniste, et utilisent donc leur pouvoir pour le maintenir. Cela fait partie d’une fonction plus large de ces formations visant à soutenir la suprématie blanche, l’impérialisme et le colonialisme à l’échelle mondiale – systèmes qui nuisent à toutes les communautés, quoique de manière inégale. Cela nous aide à reconnaître que le sionisme ne sert pas à avantager les Juifs, même si ce n’est pas la raison principale pour laquelle nous devrions l’abolir. Établir une équivalence entre la sécurité et la prospérité des communautés juives dans le monde et la sauvegarde de la violence coloniale est un argument antisémite et fallacieux. Il prétend que, pour prospérer, les communautés juives doivent déplacer, dominer, incarcérer, opprimer et tuer les Palestiniens.

Cela se rapporte à la discussion précédente sur la compréhension des Palestiniens en tant qu’auteurs et gardiens de la pensée décoloniale anti-sioniste. Nous devons veiller à ne pas présenter l’anti-sionisme comme appartenant de manière exclusive aux militants juifs, ou exigeant l’initiative d’organisations juives. Caractériser l’anti-sionisme comme une pratique nécessairement dirigée par des militants juifs, plutôt que de le reconnaître comme une praxis décoloniale visant à déconstruire les institutions maintenant la colonisation de la Palestine, déplace le leadership décolonial palestinien. En mettant trop l’accent sur le rôle des organisations juives, nous décentrons la connaissance, l’expérience et les efforts décoloniaux palestiniens au profit d’agences non palestiniennes. C’est une grave erreur. Une telle confusion ne représente pas seulement les objectifs de l’anti-sionisme, mais contribue involontairement à la poursuite des sentiments antisémites en assimilant judaïsme et colonialisme.

La solidarité audacieuse

En résumé, l’anti-sionisme n’est pas un simple slogan, mais un processus de décolonisation et de libération. Les Palestiniens engagés dans la résistance au sionisme et à leur éradication sont les gardiens de ce mouvement politique. Des villes telles que Tel Aviv et Modi’in sont des colonies, tout comme Itamar ou Tel Rumeida en Cisjordanie. La décolonisation n’implique pas le déplacement de l’ensemble des communautés juives en Palestine; cependant, il est crucial de reconnaître que chaque individu s’identifiant comme juif n’est pas autochtone de la Palestine. Ce cadre de base doit être articulé sans réserve dans leur plaidoyer par les organisations et alliés anti-sionistes. L’organisation anti-sioniste doit s’orienter vers le démantèlement des structures coloniales en modifiant les lois et les politiques des institutions et formations les plus essentielles au projet étatique israélien.

Cet essai n’est pas un manuel exhaustif ; au contraire, il entame une conversation nécessaire et présente les principes centraux de la praxis anti-sioniste. Ces principes sont non négociables et représentent certains repères de l’organisation anti-sioniste. Ces indicateurs anti-sionistes ne doivent pas être dispersés dans des courriels ou des publications sur les réseaux sociaux que l’on doit chercher, mais ils doivent être manifestes dans notre travail et notre analyse.

L’engagement d’une organisation envers la solidarité et la conceptualisation de la résistance doit être transparent. Ses idéaux devraient être clairs tant pour les nouveaux venus potentiels que pour ses donateurs. Nous avons vu, trop souvent, des organisations obscurcir délibérément leur position afin de toucher une large masse de personnes tout en restant acceptables pour les donateurs libéraux. Elles utilisent un langage vague sur le futur qu’elles envisagent, parlant d’ « égalité, de justice et d’un avenir prospère pour tous les Palestiniens et Israéliens » sans discussion réfléchie sur ce dont les Palestiniens auront besoin pour atteindre cette prospérité. Le phénomène du double discours, où des messages contradictoires sont transmis aux partisans de base et aux donateurs financiers, est une tactique manipulatrice pour un gain institutionnel ou personnel. Il devrait être clair dès le départ que les efforts d’un groupe ont un objectif ultime : de la rivière à la mer, la Palestine sera libre. L’anti-sionisme et la solidarité doivent être audacieux. Les Palestiniens méritent rien de moins.

Remerciements : Nous tenons à remercier Em Cohen et Omar Zahzah pour leur édition minutieuse et leurs suggestions réfléchies.

Leila Shomali est une doctorante palestinienne en droit international à l’Université de Maynooth en Irlande et membre du Good Shepherd Collective.

Lara Kilani est une chercheuse américano-palestinienne, doctorante et membre du Good Shepherd Collective.

Original anglais

Palestine : samedi 09/08/2014 De 14H à 16H


Pour maintenir notre pression en faveur de Gaza
Pour exiger la fin de l’agression militaire israélienne
Pour l’arrête immédiat du Blocus
Pour finir avec l’occupation de PALESTINE

L’Union Générale des Communautés Palestiniennes en Europe
vous invitons à un rassemblement devant le Parlement européen

Le Samedi 09/08/2014
De 14H à 16H
Place de Luxembourg

Bruxelles

Soyons nombreux
Venez avec vos drapeaux palestiniens
Merci de participer et de diffuser cet appel
La Communauté Palestinienne en Belgique et au Luxembourg
Hamdan AL Damiri ( Coordinateur )

Pierre Galand : Justice pour la Palestine




La coordination européenne des comités et associations de soutien à la Palestine (ECCP) basée à Bruxelles,
lance un appel à la solidarité avec le peuple palestinien.

Pierre Galand
Jeudi 24 Juillet 2014

Dans le cadre actuel des négociations engagées pour un cessez-le-feu à Gaza, les revendications de la partie palestinienne, présentées par le Hamas et l’Autorité palestinienne, ne sont rien d’autres que les résolutions adoptées par le Conseil et l’Assemblée générale des Nations Unies. Un peuple occupé, placé par l’occupant sous blocus, est en droit de résister et a, selon les normes des conventions internationales et de la Charte des Nations Unies, le choix des moyens pour obtenir la fin de cette occupation et la levée du blocus qui le privent de sa liberté et de ses échanges sociaux, économiques, culturels avec l’extérieur. C’est en ces termes qu’il y a lieu d’aborder la question de Gaza et de sa population de plus de 1,8 million d’habitants emprisonnés sur quelque 360 km2.

Refusant toute négociation avec les représentants élus de Gaza, Israël se place en situation d’occupant et d’oppresseur colonial. Il oblige ainsi la population à user de sa légitime défense. Mais Israël, se présentant comme l’agressé, inverse tout simplement les réalités du terrain. Son usage totalement disproportionné de la force, non pour se défendre mais pour punir toute une population est un crime de guerre, ainsi que l’a précisé la Fédération Internationale des Droits de l’Homme. En s’attaquant à des civils – femmes, enfants et vieillards, en détruisant les infrastructures et équipements publics – hôpitaux, écoles, centrales électriques, circuits d’eau potable, en détruisant les approvisionnements médicamenteux et alimentaires, en détruisant les maisons et des quartiers entiers, Israël commet une fois de plus des crimes contre l’humanité déjà dénoncés en 2009 par le rapport Goldstone et en mars 2013 par le Tribunal Russell sur la Palestine.

Les Etats et les entreprises qui, directement ou indirectement, apportent un soutien à l’Etat agresseur, se rendent complices de ces crimes.
En décrétant le Hamas « organisation terroriste », les pays occidentaux se placent de facto du côté de l’agresseur qui refuse officiellement toute négociation avec une instance politique élue démocratiquement. L’ancien président US Carter, de nombreux élus occidentaux comme moi-même avons pu observer en 2006 la régularité des élections législatives qui amenèrent au pouvoir les représentants du Hamas. Rappelons-nous qu’en son temps, ce sont les mêmes pays qui, pour soutenir le gouvernement sud-africain de l’apartheid, avaient qualifié l’ANC et son chef Nelson Mandela de terroristes. Qu’on apprécie ou non le Hamas, il est le représentant des populations de Gaza et sa résistance est légitime et soutenue aujourd’hui par le peuple palestinien tout entier.
Le gouvernement israélien, en se lançant une nouvelle fois dans une guerre contre Gaza, a cru pouvoir – une fois encore – abuser de l’impunité dont il bénéficie de la part de responsables politiques occidentaux. Toutefois, il n’a pas prévu que cette guerre coaliserait et rendrait sa volonté de résister à tout un peuple. La suprématie militaire israélienne impose un coût humain inacceptable pour les Palestiniens mais la résistance de ceux-ci a – cette fois aussi – un prix inattendu pour le gouvernement et l’armée. Cette guerre provoque au sein de la population israélienne de fortes réactions d’opposition d’une part grandissante de l’opinion publique et de la presse.

Le renouveau de la résistance dans l’ensemble de la Palestine pourrait être, pour Israël, ce que le Vietnam fut pour les Etats-Unis.

Ceux et celles qui se présentent comme la Communauté internationale vont-ils enfin condamner cette inacceptable agression israélienne qui se poursuit en violation de l’ensemble du droit humanitaire et des conventions internationales notamment la Quatrième Convention de Genève ? Entretemps, une droite sioniste et pro-sioniste s’obstine à vouloir justifier les positions bellicistes et coloniales d’Israël. La plus radicale soutient les faucons de l’extrême-droite du gouvernement au nom de leur indéfectible et aveugle soutien à Israël. Parmi eux, une frange d’extrémistes n’hésite pas à proclamer – pour des motifs idéologiques et religieux – qu’Israël doit rejeter les Palestiniens en Jordanie afin que la Palestine historique du mandat britannique revienne entièrement à Israël. Ils soutiennent qu’Israël est l’Etat des Juifs et d’eux-seuls. Ils nient tout à la fois le droit des Palestiniens à un Etat et aux Palestiniens vivant en Israël d’y bénéficier d’une citoyenneté égale à celle des juifs. La première conséquence étant la création d’un Etat d’apartheid. Une autre droite tout aussi sioniste, si elle ne développe pas ces thèses des ultras, déploie cependant des efforts importants pour détourner l’attention des décideurs et de l’opinion publique sur un terrain particulièrement dangereux : Israël, « la seule démocratie du Proche-Orient », est le seul réel allié des Occidentaux dans la région. Ces derniers perdraient une position stratégique en ne défendant pas ce petit Etat né de la Shoah et vaillant défenseur des « valeurs occidentales » face à un monde arabe « fourbe et incertain ». Ils agitent avec des moyens non négligeables une série d’angoisses latentes parmi nos populations, qui reposent tantôt sur les mythes de l’envahisseur, tantôt sur les risques d’une immigration incontrôlable et inassimilable. Pour eux, n’importe qu’elle manifestation ou revendication exprimée par les Européens originaires de l’autre rive de la Méditerranée est l’expression d’un antisémitisme redoutable. Ont-ils oublié ceux qui, en Europe, durant la guerre du Vietnam, brûlèrent des drapeaux américains sans jamais remettre en cause les Etats-Unis ni leur contribution inestimable à la chute du nazisme en 1945. Tout en se disant prêts à l’existence de deux Etats, leur obsession ou stratégie est de faire campagne contre le retour de l’antisémitisme, campagne qui s’apparente à une manière de détourner l’attention du public des raisons mêmes du courroux des manifestants à savoir la guerre d’occupation, de colonisation et de spoliation menée par Israël contre les Palestiniens. Cela étant dit, tout acte d’antisémitisme est et doit rester condamnable.

Aujourd’hui, avec les Israéliens qui dénoncent la guerre et l’occupation de la Palestine, avec les Palestiniens qui luttent pour leur droit à un Etat libéré de l’occupant israélien, le mouvement de solidarité internationale s’élargit et se renforce en Amérique, en Europe et dans le monde. Il pèsera de plus en plus pour forcer l’ONU, son Conseil de sécurité et les gouvernements à prendre des mesures pour la mise en œuvre des résolutions multiples qui fixent les droits et obligations permettant à la Palestine d’exister et de coexister avec ses voisins et parmi eux, un Etat d’Israël guéri de ses projets annexionnistes.
Face à l’incurie actuelle des responsables politiques mondiaux, le mouvement de solidarité doit amplifier une action solidaire et énergique de la société civile et des opinions publiques. La réponse la plus appropriée est celle du BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) lancée par plus de 174 associations palestiniennes. De son ampleur dépendra aussi le changement d’attitude des responsables publics aux Etats-Unis et en Europe comme ce fut le cas durant la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud.

Bruxelles, le 24 /07/2014
Pierre Galand, ancien Sénateur belge, président de E.C.C.P (coordination européenne des ONG et des comités de soutien à la Palestine


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