C’est notre sixième anniversaire. Si vous venez de nous rejoindre, voici quelques points clés sur la situation actuelle, du moins de mon point de vue, depuis que le maniaque génocidaire a fui la Syrie précipitamment le 8 décembre. [Résumé : la situation est encourageante, malgré de réels dangers, tant étrangers qu’intérieurs, alors que nous attendons la reconstruction.]
• Le grand bain de sang que beaucoup redoutaient ne s’est pas matérialisé, malgré les efforts acharnés de l’Iran à travers les vestiges du régime Assad, et malgré le massacre de mars. Il n’y a pas eu non plus « d’afghanisation », et le nouveau régime semble peu enclin à s’orienter dans cette direction.
• Le soutien régional et international a été immédiat et efficace : les sanctions ont été levées, l’aide financière a été promise, et Sharaa est traité en chef d’État. J’espère que cela ne nous poussera pas à la complaisance.
• Le rétablissement des services de base (notamment l’électricité et l’eau), la construction d’infrastructures essentielles, et la garantie d’un moyen de subsistance pour un plus grand nombre de Syriens restent les priorités absolues — de même que la facilitation du retour des réfugiés. Je pense que la majorité des Syriens conviendront que cela doit passer avant une Trump Tower ou équivalent.
• Les manigances de l’Iran demeurent la plus grande menace à la stabilité syrienne, tandis que l’absurdité des actions belliqueuses d’Israël leur nuit autant qu’à nous. Ce sont les deux seuls pays de la région qui s’activent ouvertement pour empêcher la stabilisation de la Syrie. La paix ne sera possible que lorsque leurs ingérences cesseront.
• Du côté des instances syriennes, les choses avancent lentement et manquent de clarté, et l’absence de représentation féminine est inacceptable : il y a beaucoup trop d’hommes, et bien trop peu de femmes, dans pratiquement tous les cercles de décision. Je pense aussi que ce sont aux femmes elles-mêmes de définir leur rôle et leur place dans la société. Inutile d’en rajouter avec une nouvelle version du « mansplaining ».
• L’ingérence religieuse ou idéologique dans les affaires civiles est tout aussi inacceptable. Par exemple, des contrôles isolés ont visé des hommes et des femmes vus ensemble en public : leur relation ne regarde personne. N’autorisez pas ces hommes à harceler et importuner les Syriens libres : mettez-les au pas.
• La Grande Mosquée des Omeyyades a survécu treize siècles sans les mesures stupides de l’administration actuelle visant à séparer hommes et femmes. Cessez ce ridicule et ne portez pas atteinte à notre droit d’entrer dans nos lieux publics, sacrés ou non, comme nous l’avons toujours fait.
• Un point positivement marquant chez Sharaa et son équipe est leur écoute des autres. Dans la plupart des réunions, il tient un stylo et prend des notes, et semble conscient du mécontentement public sur divers sujets. Cela dit, les nominations et décisions sont encore centralisées — ce qui peut se comprendre à cette étape.
• Cependant, de nombreux Syriens en ont assez du manque de transparence et de l’absence d’un processus de communication clair. Ils ne veulent pas devoir chercher des nouvelles, des rumeurs ou des déclarations sur des chaînes Telegram éparses. Il faut des porte-paroles officiels, et empêcher les ministres de prendre leurs monologues pour des conférences de presse. Améliorez aussi votre communication écrite : elle rappelle encore trop celle de la SANA.
• Il est réconfortant de constater de véritables efforts de progrès de la part de plusieurs ministres et ministères, notamment ceux qui s’adressent directement à la population, modèrent leurs promesses et gèrent les attentes. Personnellement, je trouve que la poésie est moins utile à ce stade.
• L’absence d’un acteur majeur de la vie publique syrienne ces derniers mois m’interpelle : où est passée l’opposition politique ? Où sont-ils tous ? Pourquoi le peuple syrien n’est-il pas interpellé par des programmes, des idées, des principes ? Attendent-ils la dernière minute, juste avant les élections dans moins de cinq ans ?
• Jusqu’à présent, la liberté d’expression et la liberté de réunion ont été largement respectées. Il faut veiller à ce qu’elles demeurent un droit civil protégé par la Constitution, comme tous les autres droits individuels — et non une exception temporaire.
En avant, et excelsior.
Source : facebook, traduction ChatGPT
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Add : As fate would have it, I had finished writing 90% of my book when Assad fled and the regime collapsed, with two chapters left before sending the manuscript to my publisher. Nothing changed except the last chapter, written after a few weeks to take in our momentous emotions, and our collective fears and aspirations. The book relates why and how Syrians got to where they are today, their patient and painful quest for dignity and freedom, and the regional and global factors that triggered their descent into the hell from which they now must emerge, together.
Que peut-on saisir des projets économiques et politiques du groupe Hayat Tahrir Al-Cham, qui s’est rendu maître de la Syrie, à partir de ce qu’il a expérimenté à Idlib et commencé de faire à Damas ? Entretien avec le chercheur Patrick Haenni.
EtEt si l’observation des centres commerciaux, ou malls, implantés ces dernières années à Idlib constituait l’un des meilleurs moyens pour comprendre ce que pourrait devenir la Syrie de demain ?
Dans un article passionnant publié juste avant l’offensive victorieuse du groupe Hayat Tahrir Al-Cham (HTC) sur Damas, le chercheur Patrick Haenni montrait à quel point ces lieux cristallisaient les tensions, mais aussi les accommodements possibles entre les normes islamiques, le consumérisme et la mise en place d’un espace public que les différentes composantes religieuses, politiques et sociales de la région d’Idlib ne se représentent pas à l’identique.
Pourquoi certains cafés et restaurants tenus par des capitaux proches de HTC acceptaient le narguilé tandis que d’autres, moins liés à HTC, l’interdisaient ? Pourquoi une loi de régulation plus stricte du mélange entre les sexes dans ces lieux avait-elle pu être adoptée au moment précis où HTC envoyait des messages de « modération » à l’intention de la communauté internationale ? Comment faire cohabiter un impératif ascétique lié à une culture combattante et islamiste et les aspirations à la consommation, voire à l’hédonisme, des sociétés ?
Alors que le ministre des affaires étrangères du gouvernement dirigé par Hayat Tahrir Al-Cham se trouvait récemment au Forum économique de Davos en Suisse, pour annoncer un plan de privatisations et débattre, notamment, avec Tony Blair, et tandis que Ahmed al-Charaa prononçait, jeudi 30 janvier, son premier discours à la nation depuis la chute de Bachar al-Assad, que peut-on dire de la vision du monde, à la fois politique et économique, portée par HTC ?
Entretien avec Patrick Haenni, chercheur affilié à l’Institut universitaire européen de Florence. Il publiera, avec Jerome Drevon, en juin, un ouvrage intitulé Transformed by the people. HTS’ road to power in Syria, une analyse fine des mutations idéologiques et politiques de ce mouvement, basée sur un travail de terrain de plus de cinq ans dans l’ancien fief du mouvement dans le nord-ouest de la Syrie.
Mediapart : HTC est-il représentatif de cet « islam de marché » à la fois conservateur sur le plan des mœurs et libéral sur le plan économique que vous analysiez il y a quelques années à propos des Frères musulmans égyptiens ?
Patrick Haenni : L’Islam de marché interrogeait l’espace des convergences entre mondialisation et islamisation, et montrait les affinités entre l’islam politique et le nouvel ordre libéral, voir néolibéral, en train de se mettre en place dans les années 1990-2000. Là, nous sommes dans une configuration radicalement différente. HTC est un produit de la guerre, et il en reflète l’évolution.
HTC est un groupe armé, un mouvement de combattants, qui, de combats en batailles, a perdu énormément de ses cadres initiaux, lesquels étaient souvent des urbains éduqués. HTC a donc vu sa base prendre l’ascenseur social.
Une très grande partie de la première génération, éduquée et politisée comme l’est Ahmed al-Charaa, est morte dans les combats ou a disparu du fait des scissions de HTC, d’abord avec l’État islamique, puis avec Al-Qaïda.
En raison de cet élagage, à partir de 2019, le mouvement a dû recruter localement, dans la région d’Idlib. Il en a découlé une mue sociologique. Le mouvement se provincialise, et sa nouvelle base sociale est constituée par les petites classes moyennes pour les cadres et un socle très rural pour les combattants.
On est ainsi passé d’un mouvement en partie internationaliste, recrutant souvent au sein des classes moyennes, à un mouvement plus local et moins diplômé, implanté davantage en bas de l’échelle sociale. Ce qui a obligé HTC à simplifier les formations idéologiques données aux combattants et à largement les dépolitiser.
Par ailleurs, l’expérience de l’exercice du pouvoir qui se met en place à Idlib en 2017 sous le nom de « Gouvernement syrien du Salut » est le produit d’un mouvement militarisé limité en ressources humaines et financières qui n’a jamais fait de la gouvernance locale sa priorité, ni n’y voit le lieu de réalisation de ses idéaux politiques. Son seul horizon utopique a toujours été la prise de Damas, Fath al-Cham,en arabe, à l’instar de l’appellation de son mouvement.
Contrairement aux Kurdes qui ont créé une dynamique de fonctionnarisation de la société syrienne du nord-est en ayant réussi à mettre près de 220 000 personnes dans une administration censée d’ores et déjà incarner leur idéal militant et préparer la Syrie de demain, Charaa fait, lui, de la gouvernance locale par défaut, par manque de ressources humaines et financières mais aussi parce que ses intérêts sont ailleurs.
On est bien sur un régime néolibéral, mais c’est une forme de néolibéralisme par défaut.
À Idlib, pas d’administration pléthorique, mais un secteur public dégraissé, un État minimal et une propension à la décharge du service public sur le secteur associatif, les ONG, internationales ou locales, ou les Nations unies : un tiers de la population à Idlib vit ainsi dans des camps et survit sous perfusion onusienne.
Cela vaut également pour des secteurs à haute teneur idéologique comme l’éducation, où les salaires étaient payés par des financements occidentaux, et les manuels, ainsi que les examens, repris du gouvernement intérimaire syrien de l’opposition basé en Turquie.
Quant à l’État syrien, depuis la prise de pouvoir, le dégraissage a également commencé avec le renvoi de près de 30 % des employés du secteur public redoublé de suppressions de subventions à certains biens de première nécessité, comme l’huile de chauffage, les transports publics, l’essence ou, de manière plus cruciale, le pain dont le prix a été multiplié par 10 à certains endroits.
On est bien sur un régime néolibéral, mais c’est une forme de néolibéralisme qui, là encore, fonctionne « par défaut », et non comme conséquence d’une motivation idéologique de contraction de l’intervention étatique.
Est-il possible de cerner « l’idéologie » de HTC, que ce soit sur le plan économique ou politique ?
HTC ne possède pas une idéologie structurée. Ce sont bien sûr des islamistes, qui se sont déradicalisés sans devenir modérés pour autant.
Leur déradicalisation est le produit non intentionnel de quatre dynamiques : leur rupture avec le djihad global ; leur rupture avec le salafisme comme projet de purification à marche forcée de la religiosité ; leur pari sur les majorités silencieuses pour mieux marginaliser les minorités radicales agissantes à l’intérieur ou à l’extérieur du mouvement ; et, en conséquence, la pratique tacite d’un « salafisme inversé » d’acceptation d’une certaine inertie du social qui permet à un islam populaire, soufi notamment, de se réaffirmer sur la scène sociale après en avoir été occulté pendant près d’une décennie.
Cette déradicalisation ne se fait pas au nom d’une idéologie : c’est le produit d’une trajectoire que HTC maîtrise seulement partiellement. Sans surprise, quand on demande aux leaders du mouvement de se définir, les réponses varient et demeurent évasives : ils parlent de mouvement révolutionnaire, d’islamisme, de djihadisme politique, de conservatisme sunnite…
Le compromis trouvé à Idlib entre les normes de l’islam et la société à laquelle elles s’appliquent peut-il se reproduire à Damas, dont la composition sociologique et la diversité religieuse sont très différentes d’une petite ville conservatrice et homogène du nord du pays ?
Le leader de HTC, Ahmed al-Charaa, est un politique davantage qu’un idéologue ayant une recette claire pour reformater la société selon ses convictions. À Idlib, il a trouvé une forme d’équilibre dans une société polarisée entre une austérité révolutionnaire et combattante et une volonté jugeant que la révolution et le combat devaient déboucher sur la réalisation d’une société nouvelle laissant la place à une vie sociale non contrainte par la rigueur souhaitée par les premiers.
Al-Charaa a donc fait des compromis entre une aile populiste islamiste, parfois salafiste, dure et austère, et une société, toujours musulmane et conservatrice, mais qui voulait revivre et respirer. À Idlib, le compromis était tenable parce que la marge d’écart entre ces deux tendances n’était pas drastique.
À Damas, en revanche, la polarisation est bien plus forte. On a, d’un côté, le renforcement de cette aile populiste islamiste et parfois salafiste qui réinvestit un champ religieux moins contrôlé à Damas qu’il ne l’était à Idlib. Là-bas, HTC avait la main sur les mosquées, les écoles, les instituts de charia. Les prédicateurs étaient sous contrôle, parfois directement, parfois indirectement, par exemple en intégrant, pour les contenir, les plus durs dans les institutions religieuses que ces derniers ne contrôlaient pas.
À Damas, et dans les autres grandes villes, les radicaux étrangers ou les groupes de prédication (dawa) paradent en pick-up, rappellent la norme islamique dans ses versions les plus conservatrices, s’installent dans un champ religieux peu contrôlé pour l’instant.
Et de manière plus profonde, on voit aussi s’affirmer une identité sunnite vindicative difficile à contenir et qui a sa part sombre de violence revancharde. Elle s’affirme sur la côte ou dans la région de Homs, notamment dans les espaces urbains brassés d’un point de vue confessionnel et travaillés par une mémoire de la guerre civile souvent marquée par la haine et le sang.
Mais, de l’autre, on voit aussi une affirmation de la société civile, des bourgeoisies urbaines avec des styles de vie radicalement différents et soucieux de les défendre. Eux aussi recourent à la rue. On le voit à travers les manifestations, petites mais continues, de femmes notamment, qui arborent des slogans ouvertement séculiers tels « la religion à Dieu et la nation à tous ». Bouillonne ainsi une société civile politisée voulant être dans le jeu et improvisant réunions et formations politiques dans les cafés d’activistes.
Or les nouveaux maîtres de Damas ne pourront faire sans ces élites urbaines qui détiennent l’économie et qui, in fine, sont les dépositaires de l’expérience de l’État. Depuis la prise de Damas, les rencontres avec ces dernières sont légion, même si on ne sait pas encore quel type de partage de pouvoirs elles sont susceptibles – ou non – d’engendrer. En clair, si des visions différentes de la norme religieuse ont, bien sûr, toujours (co)existé, les pressions contraires qui ont contraint Charaa à l’arbitrage à Idlib sont bien plus divergentes à Damas.
L’ancienne politique d’arbitrages pratiquée à Idlib tient, désormais, pour les nouveaux dirigeants, d’une pratique du grand écart idéologique toujours plus complexe.
La prise de Damas a principalement été vue sous deux angles : soit la victoire finale d’une révolution, soit le début de l’imposition d’une idéologie islamiste. Les tensions en cours se jouent-elles principalement autour de l’idéologie et du religieux ?
Pas uniquement. Ces dimensions sont réelles mais il en est une autre, non moins fondamentale, qui est la dimension de classe.
La prise de Damas est vue par beaucoup, dans la capitale, comme un débarquement sociologique de la province d’Idlib, le fief de HTC avant son Blitzkrieg [« guerre éclair » – ndlr] victorieux le mois passé. À l’image de ces révolutionnaires issus des campagnes d’Idlib qui, arrivant dans le quartier huppé d’Al-Malki à Damas, ont créé, dans une mosquée du quartier, le « conseil des notables d’Al-Malki ». Une initiative que la bourgeoisie locale regarde en grinçant des dents, étant entendu qu’il n’y a pas plus de « notables » à Al-Malki que dans le XVIe arrondissement de Paris…
Contrairement à la vision des talibans de Kaboul, il n’y a pas, chez le militant moyen de HTC, cette idée de Damas comme ville pécheresse.
Alors qu’elle était l’incarnation de la marge, la province d’Idlib devient d’ores et déjà implicitement une marque de statut social. Les voitures porteuses de plaques d’Idlib se voient privilégiées par la police de la route, prompte à leur donner la priorité au nom d’une libération qui leur est créditée.
Surtout, et de manière bien plus profonde, la politique de nominations et de licenciements au sein de la fonction publique prend la pente d’un double appui sur une appartenance sunnite et, plus spécifiquement, parfois, des réseaux de solidarité tissés autour de l’expérience du pouvoir développée par HTC à Idlib ces dernières années.
D’une certaine manière, on retrouve dans cette affirmation révolutionnaire et sociale d’une province spécifique au sein de la capitale ce qu’avait déjà connu Damas avec la prise de pouvoir du Baas en 1963, qui fut également à la fois l’affirmation de la province et celle d’une région.
Le chercheur français Michel Seurat disait il y a très longtemps que « l’État au Machrek, c’est une assabiyya[groupe ou réseau de solidarité – ndlr] qui a réussi » ; la Syrie aujourd’hui lui donne clairement, une fois de plus, raison.
Mais cette forme de revanche des campagnes sur les villes n’est-elle pas une vengeance, comme ce fut le cas lorsque les talibans s’emparèrent de Kaboul en 1996 ou lorsque les Khmers rouges prirent Phnom Penh ?
Contrairement à la vision des talibans de Kaboul, il n’y a pas, chez le militant moyen de HTC, cette idée de Damas comme ville pécheresse. Le contact de la ruralité et de l’urbanité est pour l’instant ambivalent.
Il y a, d’une part, la réaction défensive des élites, les sorties en pick-up « d’entrepreneurs de morale » venant prêcher la bonne parole et qui sont souvent pesants pour le voisinage, mais, d’autre part, les selfies des jeunes femmes avec les combattants débarqués de la campagne ou la satisfaction d’élites totalement épuisées par la prédation suffocante exercée sur eux par l’ancien régime.
Il y a surtout, comme à Idlib, un ancrage du mouvement dans les petites classes moyennes, provinciales souvent, mais pas pour autant déconnectées du urban life style qui existe dans les grandes villes.
Et quand la pression morale dépasse un certain seuil, comme ce fut le cas avec la tentative d’islamiser les manuels d’enseignement à Damas, d’imposer une police des mœurs à Idlib ou de priver les femmes de participation à des discussions sur le futur de la justice à Alep, alors les autorités corrigent le tir par le haut et imposent un rétropédalage.
Ce rétropédalage peut aussi se faire de manière spontanée : le conseil des notables du quartier d’Al-Malki, comme dans les autres quartiers de la ville, est d’ores et déjà en état de mort clinique tout simplement car la greffe de la culture provinciale n’y a pas pris souche.
En définitive, en dépit des décalages cognitifs, on n’est donc ni dans un triomphe revanchard de la ruralité sur l’urbanité – Charaa a passé son adolescence dans le quartier plutôt cossu de Mezze –, ni dans l’imposition d’une islamisation par le haut, comme ce fut le cas avec les talibans.
HTC n’a jamais fait son “coming out” identitaire. Le groupe n’a jamais accouché d’une charte ou d’un document fondateur explicitant la nouvelle doctrine ou son identité politique.
Mais cette affirmation provinciale est aussi très contextuelle. À Damas, le syndicat principal des avocats a été importé et substitué par le syndicat local d’Idlib. Dans les régions, la « ruralisation » du pouvoir peut être plus forte et se faire via des plans de dégraissage sur la base des appartenances confessionnelles.
Elle peut aussi prendre la forme d’une islamisation de l’État. Ainsi, à Deir ez-Zor, l’autorité de l’État central s’effectue en réalité par le truchement des anciens frères d’armes de Charaa, originaires de la petite ville de Sheheil, à l’est de l’Euphrate, longtemps bastion du Front Al-Nosra. Dès leur prise de pouvoir, plusieurs femmes fonctionnaires de la municipalité non voilées ont été licenciées. Mais là encore, on est davantage dans l’ordre de l’initiative locale que de l’application d’un programme idéologique dûment élaboré par le haut.
En réalité, depuis sept ans, le leadership tend à pondérer ses bases, voire à contraindre les plus velléitaires idéologiquement. Et on est toujours bien face à une déradicalisation par le haut, souvent imposée par le leadership du mouvement à des cadres intermédiaires revêches.
Quelle est alors l’identité des nouveaux maîtres de Damas ?
Agent réel de déradicalisation, HTC n’a pourtant jamais fait son « coming out » identitaire. Le groupe n’a jamais accouché d’une charte ou d’un document fondateur explicitant la nouvelle doctrine ou son identité politique.
Le mouvement a fait l’économie d’un aggiornamento théologique. Sa déradicalisation est le fruit de l’exercice du pouvoir, non d’une mutation idéologique assumée et argumentée.
Elle est à la fois profonde, ancrée dans la durée et difficilement réversible car cristallisée par des changements de force en profondeur dans le mouvement, à savoir la mise à l’écart de la ligne dure, même si bien sûr les radicaux sont loin d’avoir tous disparus.
Elle reste pourtant sans discours sur sa propre transformation. Révolution silencieuse pour les uns, dont je suis, ou conspiration du silence d’un nouveau pouvoir déjà passé maître dans l’art de la taqiyya et de la dissimulation, pour les sceptiques cherchant une oriental touch. Il est sans doute un peu tôt pour répondre de manière définitive.
Ce que nous pouvons en revanche d’ores et déjà affirmer, c’est que cette déradicalisation est unique dans le paysage djihadiste, et ce, à deux titres. D’une part, il ne s’agit pas d’une révolution doctrinale alors qu’habituellement les djihadistes commencent par l’idéologie, comme l’ont fait les djihadistes égyptiens ou libyens. D’autre part, c’est une déradicalisation qui s’effectue par un acteur en position de force alors que la déradicalisation des djihadistes est d’ordinaire le produit d’une phase de faiblesse, et de l’expérience carcérale.
La déradicalisation s’effectue ici en position de pouvoir. Plus que cela, elle est le produit de l’exercice du pouvoir et des contraintes qu’il véhicule.
HTC s’est fait transformer par la société qu’il contrôle. Sa déradicalisation, c’est du salafisme à l’envers.
Lorsqu’on est contraint de faire alliance avec l’armée turque, armée de l’Otan émanant de l’expérience d’un État laïc, il faut répondre à ceux qui rejettent le principe de recherche d’appui sur des forces infidèles.
Lorsqu’il s’agit de réaffirmer l’autorité de la ligne de HTC face au discours des idéologues du djihad global, l’adoption de l’école de jurisprudence chaféite permet de produire de la légitimité locale et du contrôle religieux. Le chaféisme n’est ainsi pas le reflet d’un traditionalisme mais le produit d’une stratégie affirmée de différenciation.
Lorsqu’il s’agit de gérer un champ religieux très dense avec plus de 1 200 mosquées, de multiples instituts de charia issus pour la plupart de la tradition soufie, contrairement à l’État islamique prêt à imposer son dogme à tout prix, HTC « fait avec », c’est-à-dire réhabilite le bas clergé local et ses visions du monde.
Quand les nouvelles recrues sont du terroir, peu éduquées, plus attachées à la défense de leur village qu’à l’avènement d’un califat mondial et que, de surcroît, l’État islamique reste un concurrent, la formation idéologique des combattants est révisée à la baisse, à la fois simplifiée et déradicalisée : il faut faire rempart – au risque de défections vers l’État islamique – et rendre accessible.
De fil en aiguille, HTC a progressivement amorcé un cours « thermidorien » et renoncé à « purifier le dogme » et la société, c’est-à-dire renoncé à l’idéal salafiste de la tabula rasa et, toujours plus – et de manière largement empirique – compose avec « l’inertie du social », selon les termes de l’historien François Furet. HTC s’est fait transformer par la société qu’il contrôle. La déradicalisation de HTC, c’est du salafisme à l’envers.
De manière stratégique, HTC à Idlib s’est comporté de façon profondément transactionnelle, y compris sur les questions de normes religieuses, et n’a pas clarifié sa ligne idéologique. De ce point de vue, il y a bien une part de taqiyya, de dissimulation dans ce flou stratégique.
Mais qu’est-ce qui est dissimulé ? Une radicalité impénitente qui sortira du bois une fois le pouvoir pris ou, à l’inverse, un recentrage idéologique sur une ligne révolutionnaire, sunnite et conservatrice mais déradicalisée et qui ne dit pas encore son nom pour faciliter la greffe d’un modèle encore fragile dans un milieu qui le voit parfois encore avec scepticisme ?
Si tout est sans doute possible, je penche pour la seconde option. En effet, si HTC s’est montré fortement transactionnel, il devra l’être d’autant plus après sa victoire face aux pressions externes – l’incantation internationale vers l’inclusivité et la paranoïa non moins globale et locale vis-à-vis de l’islam politique.
Les nouveaux dirigeants ne pourront préserver le pouvoir sans préservation de l’État, ce qui suppose un pacte avec la communauté internationale et avec les élites urbaines, seules détentrices de l’expérience étatique, toutes deux impossibles à obtenir en cas de régime islamique dur.
L’actuelle structure des contraintes liées à l’exercice du pouvoir après le 8 décembre devrait caler la boussole idéologique du mouvement sur le cap des réajustements centristes qu’il tenait depuis la rupture avec Al-Qaïda en 2016.
La trajectoire de HTC peut-elle être un modèle de déradicalisation pour d’autres organisations de ce type ?
En définitive, le recentrage idéologique de HTC rappelle moins les anciennes expériences djihadistes que l’expérience des partis d’extrême droite qui ont connu un itinéraire parfois similaire de dégagement des extrêmes dans un contexte de position de force, de volonté de prise de pouvoir et sans grands efforts de conceptualisation doctrinale.
En réalité, l’expérience d’Idlib permet de jeter quelques lumières sur les affirmations centristes de ces partis. Tout d’abord, le recentrage idéologique n’est jamais purement instrumental. À Idlib comme ailleurs, lorsqu’un mouvement radical opère un recentrage idéologique, cela provoque des tensions internes majeures, des scissions, des départs et des purges. Ce processus ne mène pas nécessairement à une véritable modération, mais il élimine les éléments les plus radicaux.
Le recentrage ne transforme pas seulement les extrêmes ; le centre lui-même est redéfini en absorbant des aspects idéologiques des marges radicales.
Ensuite, le recentrage ne transforme pas seulement les extrêmes ; le centre lui-même est redéfini en absorbant des aspects idéologiques des marges radicales. À Idlib, cela se traduit par une influence persistante de la culture salafiste. Un radicalisme conservateur se maintient, mais à l’extérieur du mouvement et sur le mode d’une contestation populiste de ce dernier.
Par ailleurs, le recentrage n’est jamais purement politique. HTC a dû composer avec les réalités socio-religieuses d’Idlib puis de Damas et accepter une certaine revanche de la société qui prend le chemin d’une retraditionnalisation, tout comme les partis d’extrême droite européens s’adaptent à la modernité sociologique – acceptation des valeurs libérales, recul sur les modèles familiaux traditionnels, etc. – et renoncent à la tabula rasa conservatrice.
Les recentrages idéologiques sont, ensuite, généralement durables. HTC, comme les partis européens d’extrême droite, a consolidé son recentrage en s’éloignant des éléments radicaux, rendant un retour aux années de terreur improbable.
Contrairement aux partis européens, HTC n’agit pas dans un cadre démocratique institutionnel. Son recentrage repose sur des calculs politiques : assurer la paix sociale en faisant un pari sur les majorités silencieuses, obtenir une acceptabilité internationale nécessaire pour recevoir de l’aide humanitaire, et incarner une alternative gagnante au régime syrien.
Les recentrages idéologiques ne fonctionnent pas nécessairement uniquement en régime électoral. À Idlib, le recentrage idéologique de HTC a coïncidé avec une réduction relative de l’autoritarisme qui, contrairement à l’Égypte de Sissi ou à la Syrie de Bachar al-Assad, fonctionne moins à la répression brute qu’à la suppression de toute option politique concurrente.
Le pouvoir reste verrouillé. HTC concède des espaces limités de liberté politique et sociale, tout en contrôlant les institutions clés. Le recentrage idéologique est mis au service d’une entreprise de raréfaction des alternatives politiques au nom du rejet des extrêmes (al-ghulû, dans la terminologie islamiste).
À Idlib comme ailleurs, les réajustements idéologiques de formations politiques anciennement radicales peuvent soutenir des formes finalement assez ordinaires d’« extrême centre », pour reprendre le concept de Pierre Serna. D’un côté bizarrerie dans le paysage djihadiste, la déradicalisation de HTC se situe bien, de l’autre, dans un air du temps, singulièrement illibéral et mondial.
Le militant des droits humains franco-syrien Firas Kontar (1) juge durement l’attitude des Européens face au régime de Bachar Al Assad, qu’ils ont selon lui longtemps soutenu par leur inaction. Alors que les Syriens ont besoin d’une urgente aide humanitaire, la passivité des démocraties occidentales constituerait un nouvel « affront ».
Treize années de lutte acharnée ont été nécessaires aux Syriens pour mettre fin à la tyrannie des Assad. L’enracinement du régime dans la société syrienne et ses alliances internationales ont permis à ce dernier de se maintenir au prix de bombes, d’armes chimiques et de massacres
Il y a encore quelques semaines, Assad proclamait sa victoire, et la diplomatie européenne cédait aux sirènes de la « realpolitik » en nommant un représentant de l’Union européenne en Syrie. Plusieurs pays européens s’apprêtaient à suivre cette voie ; l’Italie, pionnière en la matière, avait déjà nommé un ambassadeur dès la fin juillet.
On aurait pu espérer que, après l’humiliation de collaborer avec l’un des plus grands criminels de l’histoire récente, la chute d’Assad offrirait l’occasion de faire amende honorable. Il n’en est rien. Alors que les besoins humanitaires sont immenses et que des milliers de prisonniers agonisant dans les abattoirs du régime sont libérés, aucun des pays européens n’a annoncé une aide massive et urgente en faveur des Syriens.
Les libérateurs de la Syrie
Si les préoccupations concernant l’avenir de la Syrie, en particulier du fait de la présence de groupes islamistes au sein de la coalition rebelle, sont légitimes, la réaction de nombreux décideurs européens a quelque chose de honteux.
Les crimes contre la majorité arabe sunnite ont été ignorés depuis 2011, souvent justifiés par la prétendue nécessité de protéger les minorités. Et beaucoup en Europe ont repris le récit du régime syrien sur la protection des minorités que prétendait offrir Assad tout en s’accommodant du massacre de la majorité.
Les radicalisations observées chez certains combattants syriens sont les conséquences directes de cet abandon. En 2011, ce sont les étudiants, intellectuels et cadres de la société civile qui ont mené les premières manifestations pacifiques. Beaucoup sont morts sous la torture dans les prisons du régime. Faute d’aide occidentale, les premières formations rebelles de 2012, sous l’égide de l’Armée syrienne libre, n’avaient aucune chance contre un régime soutenu militairement par la Russie et l’Iran. En ne leur fournissant aucune aviation, ni couverture aérienne, ni ressource, les démocraties occidentales ont organisé leur défaite, laissant le champ libre aux factions islamistes.
Le renoncement d’Obama
Le renoncement d’Obama après le massacre chimique de la Ghouta en août 2013 est l’un des nombreux symboles de l’abandon des Syriens face à la barbarie. En 2015, Obama a également signalé à Poutine qu’il ne soutiendrait pas les rebelles en cas d’intervention militaire russe, offrant ainsi les garanties nécessaires à une intervention russe sans risque majeur. Cette inaction occidentale a non seulement condamné des millions de Syriens à l’exil forcé, soit plus de la moitié de la population du pays, mais a également envoyé un signal favorable à Poutine pour envahir l’Ukraine, avec les conséquences que l’on connaît
Ce vendredi 13 décembre, des millions de Syriens ont célébré la chute d’Assad dans toutes les grandes villes du pays. La coalition rebelle a été accueillie en libératrice. Le chef du groupe HTC, Al Joulani, connu pour son passé djihadiste, a opéré une mutation depuis plusieurs années. Abandonnant l’idéologie du djihadisme international, il semble porter aujourd’hui un projet national conservateur qu’il a commencé à développer depuis 2017 dans la province d’Idlib.
Si le nord de la Syrie est en grande partie débarrassé du djihadisme international, c’est surtout grâce à l’action de HTC, qui a mené la lutte en coordination avec les services de renseignements occidentaux. Il montre des signes d’ouverture, les universités à Idlib sont ouvertes aux femmes, les communautés druzes et chrétiennes dans la province exercent leur culte librement. Il a adressé des messages rassurants à toutes les minorités, reconnaissant leur appartenance pleine et entière à la Syrie.
Célébrer la chute d’Assad
Il faut souligner que la libération des villes n’a donné lieu à aucune exaction contre les civils et que toutes les composantes ethniques et religieuses de la société syrienne célèbrent la chute d’Assad. Cependant, la méfiance persiste vis-à-vis d’Al Joulani, en particulier chez les jeunes Syriens, toutes confessions confondues, qui aspirent à une société libre, loin de toute forme d’autoritarisme, qu’il soit religieux ou politique.
Laissons les Syriens, qui ont fait preuve d’une résilience et d’un courage incroyables, juger et agir pour leurs droits et leur liberté. Ils n’ont pas besoin de paternalisme. Ce qu’ils attendent, c’est la réouverture des ambassades, la levée des sanctions, des aides concrètes et la reconnaissance de leur combat. Ils ne veulent plus de leçons de morale de la part d’États qui les ont abandonnés.
L’abandon des démocraties occidentales est un affront pour les Syriens qui restera dans l’histoire, témoignant de la faillite morale et stratégique des puissances libérales face à l’autoritarisme. Cet échec devrait pousser l’Europe à redéfinir une politique claire de soutien aux populations en lutte pour leur liberté.
– de son vrai nom Ahmed al-Charaa – sur France 24 :
France 24 : Que répondez-vous aux inquiétudes de la communauté internationale sur votre arrivée au pouvoir ?
Ahmed al-Charaa : Sous Bachar al-Assad, la persécution des Syriens était immense, les détenus étaient assassinés, broyés, brûlés, gazés avec des armes chimiques, ensevelis avec des barils explosifs ou noyés sur les routes de l’exil. Où était l’inquiétude de la communauté internationale pendant cette période ?
Nous avons libéré le pays en faisant un minimum de dégâts pour les civils. Nous avons libéré Alep, Hama, Homs, sans provoquer le moindre exode des communautés. Voilà ce qui doit rassurer. En onze jours, nous avons mis fin à cinquante-quatre ans de dictature.
Notre projet est pour la Syrie. On récupère un pays en miettes dans tous les secteurs : l’industrie, le commerce, l’armée, l’administration, alors qu’avant Assad, c’était une référence dans tous les domaines. Notre opération n’était pas juste militaire, on a tout de suite investi les zones libérées avec une administration, des services et une police, en nous aidant des institutions que nous avons mises en place à Idleb.
Pour autant, il est prématuré de définir quelle sera la forme exacte du nouveau régime que nous sommes en train de mettre en place. L’écriture d’une nouvelle constitution va prendre du temps. Des élections pourraient se tenir, mais en l’état, on ne sait même pas combien d’électeurs il y a en Syrie. Par exemple, beaucoup de mineurs ont atteint l’âge de voter dans les camps ou à l’étranger et n’ont pas de pièce d’identité. Un immense travail de recensement doit être fait pour recréer un registre.
Notre première préoccupation, c’est de faire rentrer les gens chez eux, que ce soit de l’étranger ou les déplacés en Syrie. Il faut donc sécuriser cette période transitoire, tout en s’assurant que l’aide nécessaire sera fournie à tous les Syriens qui reviennent chez eux, avec de la nourriture, des infrastructures, des services et une sécurité.
Quant à notre politique, un congrès national doit avoir lieu et en fonction des conclusions qui en sortiront, nous mettrons en place des mécanismes d’application.
Pourquoi avoir échangé le treillis militaire avec le costume civil ? Quel avenir voyez-vous pour la résolution 2 254 du Conseil de sécurité de l’ONU [adoptée en 2015 et qui établit une feuille de route pour un règlement politique en Syrien] ?
Le militaire c’était pour la guerre. Désormais, nous sommes dans une autre phase. Tout simplement.
Concernant la résolution 2 254, nous avons ramené les déplacés chez eux, nous avons chassé les milices étrangères, nous avons fait une transition pacifique avec les organes de l’État, donc nous avons déjà appliqué des recommandations de cette résolution. Cette résolution vieille de neuf ans doit donc être adaptée à la nouvelle réalité.
Comment éviter les vendettas et les conflits internes après treize ans de guerre ?
Il faut juger Bachar al-Assad, sa famille et ses aides de camp et mettre en place des processus de confiscation de leurs biens mal acquis. Pour le reste, on a donné la priorité à l’amnistie. Tous ceux qui ne respectent pas cette décision, qu’ils soient civils ou issus de nos rangs, seront poursuivis.
Quelles dispositions prendrez-vous vis-à-vis des combattants étrangers qui ont combattu à vos côtés en Syrie ?
Des gens du monde entier sont venus se battre en Syrie par empathie avec les Syriens. Tous ceux qui sont à nos côtés ont accepté de suivre nos directives et d’accepter notre gouvernance. Ils ne constituent pas un danger pour les autres pays et méritent d’être récompensés pour leurs efforts. Leur situation sera donc traitée et régularisée de manière légale à travers une loi.
Quelle est votre réaction face aux dernières incursions et frappes israéliennes en Syrie ?
Les Israéliens avaient l’alibi – ou l’excuse – des milices iraniennes pour frapper en Syrie. Mais ces milices ne sont plus là.
Nous ne voulons pas de conflit, ni avec Israël ni avec d’autres pays. La Syrie ne sera pas utilisée pour cibler d’autres pays : les Syriens sont fatigués et ont juste besoin de vivre en paix.
Alors que des délégations britanniques et françaises arrivent à Damas, que demandez-vous à la communauté internationale ?
Nous avons des contacts, et nous avons créé des liens avec plusieurs pays du monde ces cinq dernières années. La compréhension de notre projet et ce que nous avons accompli à Idleb a permis de diminuer leur méfiance à notre égard.
Nous demandons l’aide de la communauté internationale pour poursuivre les criminels du régime d’Assad et récupérer l’argent volé aux Syriens. Nous demandons aussi de faire pression sur Israël pour mettre un terme à ses opérations en Syrie.
Appelez-vous à ce que le HTC soit sorti de la liste des organisations terroristes des Nations unies ?
Notre inscription sur liste terroriste émane d’une volonté politique. En tant que HTC, nous avons mené des opérations militaires, mais nous n’avons pas ciblé de civils. Or le terrorisme consiste à cibler les civils.
Mais la mise sous sanctions et sur liste terroriste, à la vue de ce qu’il se passe, importe peu. L’important est de lever les sanctions qui pèsent sur la Syrie.
On ne doit même pas négocier cette levée des sanctions : c’est notre droit de nous en libérer, nous les Syriens, les victimes, sommes punis pour les actes de notre bourreau, qui lui n’est plus là.