UN MOIS DE MARCHE DANS BXL


CHANGER DE REGARD, CHANGER DE PERSPECTIVES

 

 

SEBASTIEN DE FOOZ : Alors que je vis et que je travaille à Bruxelles, je suis parti le 19 mai pour une marche d’un mois dans Bruxelles. Le soir je ne suis pas retourné chez moi, je n’ai pas sonné aux portes des gens que je connais. La rencontre a été ma destination. Pendant ce mois, j’ai adopté une attitude de curiosité et d’empathie. Et de cette attitude dépend la qualité de la rencontre. Durant cette expédition urbaine, j’ai désiré explorer des pistes pour réenchanter ma propre vie, et celle des autres. Mais l’exploration a débuté par une volonté de se perdre dans la ville et tout ce qui la compose.

Afin de pouvoir vous partager ce qu’il résulte de cette aventure par le biais d’un documentaire de 52′, nous procédons à une récolte de fonds pour pouvoir le financer. Si vous pensez que cette aventure humaine, qui se déroule peut-être au pas de votre porte, vaut la peine d’être partagée, vous pouvez y apporter votre soutien par le biais du site de récolte de fonds KissKissBankBank.

Sur le blog ci-dessous, vous découvrirez ce vers quoi cette attitude m’a mené au jour le jour pendant un mois…

 

Ces experts qui exaspèrent


Baudouin Loos

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Ils sont sur tous les plateaux télé en temps de crise. Sur toutes les radios et toutes les chaînes (françaises) d’information en continu, mais pas seulement. Les Claude Moniquet, Mohamed Sifaoui, Roland Jacquard, Jean-Charles Brisard et compagnie cumulent: ils sont à la fois incontournables et… horripilants.

Le phénomène n’est pas neuf, mais il a pris une résonance toute particulière ces derniers mois lors des attentats de Charlie-Hebdo, de Paris et de Bruxelles: tout se passe en effet comme si les télévisions se mettaient en devoir, en ces cas d’urgence médiatique, d’inviter au pied levé une série d’«experts» choisis sur une liste plutôt courte, des hommes (l’apparition de femmes dans ces cénacles relève du miracle) censés apporter au grand public leur décodage du haut de leur éminent savoir qu’ils consentent à partager. Mais des problèmes se posent, le moindre n’étant pas que leur expertise, souvent autoproclamée, ne coule pas de source…

Le site français Acrimed.org, observatoire acéré des médias, a répertorié une série d’assertions proférées par ces experts sur les plateaux de radio ou de télévision à la suite des attentats de Paris puis de Bruxelles. Citons quelques perles. Comme Roland Jacquard, «président de l’Observatoire international du terrorisme», qui disait sur RTL que «c’était préparé à l’avance». Ou l’ex-colonel Pierre Servent qui, sur Europe1, affirmait que «Daesh, comme Al-Qaïda, auparavant, sait très bien jouer des opportunités».«8.500 autoradicalisés»…

Sur le site de Télérama, le blogueur maison Samuel Gontier s’en donnait à cœur joie au lendemain du funeste 22 mars bruxellois. Citant Roland Jacquard sur France 5, qui lâche que «les chiffres de la montée du radicalisme sont impressionnants: 8.500 personnes autoradicalisées», le chroniqueur commente, ironique: «Rien que le mot autoradicalisés est impressionnant». On se demande d’ailleurs d’où il sort cette donnée. Car, le propre d’un bon «expert», c’est d’asséner des affirmations avec un tel aplomb que nul n’oserait demander ses sources.

Entre autres incongruités, Gontier n’a pas non plus raté un certain Guillaume Bigot, auteur de l’immortel essai intitulé Les Sept Scénarios de l’apocalypse, invité sur I-Télé, pour exposer ses vastes connaissances sur la Belgique: «Dans ce pays, il y a deux ethnies, qui se regardent en chiens de faïence, les Français et les Flamands. Et les migrants musulmans sont regroupés complètement en eux-mêmes»…

«Le premier qui décroche a gagné»

Mais, au fond, comment les médias audiovisuels sélectionnent-ils leurs experts? Le magazine Télérama a consacré un gros dossier à la problématique. Un confrère de RTL y fait un aveu: «Dans l’urgence, la capacité des intervenants à meubler importe plus que leur expertise. Quand il se passe quelque chose, on appelle, on appelle, on appelle. Et c’est le premier qui décroche qui a gagné». Avec ce détail que tout le monde se dispute les mêmes experts, donc c’est souvent le dernier de la liste qui décroche.

La qualité de l’expertise se retrouve donc clairement mise en cause. Sur le sujet – très pointu – du terrorisme, le constat se révèle donc le plus souvent accablant. Le 25 mars, notre confrère David Thomson, de Radio France International, considéré comme l’un des rares vrais spécialistes francophones du djihad, expliquait sur le site desInrockuptibles pourquoi ces vrais faux experts pullulent sur les plateaux. «Quand une arrestation ou un attentat se produit, le passage en mode breaking news et live nécessite par définition des intervenants qui sont invités pour analyser, apporter des éléments de contexte et de compréhension mais qui, la plupart du temps, meublent en réalité le vide avec du vide. Les rédactions généralistes n’ont pas toujours les armes pour déceler le mouton noir, parfois elles savent qu’elles ouvrent leurs micros à des personnalités douteuses mais elles estiment ne pas avoir d’alternative. L’offre de spécialistes est limitée parce qu’il existe peu de personnes qui travaillent sérieusement, sur le long terme, de façon empirique, sur ce sujet très particulier.»

Les vrais experts existent donc, mais ils se comptent sur les doigts de la main. Citons avec Thomson, Jacques Raillane, Wassim Nasr ou Romain Caillet. Ce dernier, qui s’est converti à la religion musulmane, est décrié par certains qui le disent proche des djihadistes. Personne, en tout cas, ne conteste sa compétence s’agissant du sujet. Ces rares experts n’ont pas le don d’ubiquité et, du reste, refusent souvent de s’exprimer à chaud, quand, en l’absence d’infos, il s’agit surtout de meubler les interminables sessions télévisuelles en direct.

Comment reconnaître un vrai expert?

Mais qui sont donc ceux qui en revanche acceptent de participer aux plateaux TV à titre d’«experts»? Entre les «ex» de tel ou tel service secret, les «consultants en sécurité», les «directeurs» d’instituts inconnus mais à l’intitulé ronflant et les journalistes baroudeurs qui ont tout vécu et vont tout dire, comment séparer le bon grain de l’ivraie? David Perrotin, du site Buzzfeed, s’est amusé à décrire les qualités requises pour reconnaître un «vrai» expert antiterroriste. A partir des tweets envoyés par une série de «spécialistes», il énumère celui «qui veut que vous ne ratiez aucune de ses apparitions télé», celui «qui a des informations exclusives… qui sont parfois des intox», celui «qui l’avait bien dit avant les autres», celui «qui se félicite d’avoir été le premier à le dire», celui «qui balance des chiffres dont lui seul connaît les sources», etc.
Parmi les «usual guests» des télés françaises, il arrive qu’un cri de vérité retentisse. C’est ainsi qu’Acrimed relève dans le papier susmentionné la sortie étonnante de Mathieu Guidère (d’ailleurs pas le plus incompétent du lot). Sur Arte, il avait commencé son intervention le 22 mars par ces mots: «J’aimerais vraiment dire qu’il faut arrêter la médiatisation. D’ailleurs vous ne devriez pas nous inviter, moi je vous le dis sincèrement parce que c’est la logique, le terrorisme est médiatique, il n’existe que par cela. Or on est vraiment en train de le servir».

Dépasser son niveau de compétence…

Guidère est un cas: ce professeur de l’Université de Toulouse, islamologue compétent -il vient de sortir chez Gallimard le Retour du califat- se laisse pourtant présenter sur les plateaux télé comme spécialiste du terrorisme, ou de l’islam radical, ou encore spécialiste des mouvements radicaux… Parce qu’il faut bien relier ses titres à l’actualité qui justifie sa présence en direct. Car les radios et télévisions, dans l’urgence, ne se soucient guère du principe évident que chacun possède un niveau de compétence et que le dépasser nuit à la qualité des commentaires.

Le criminologue belge Dan Kaminski (de l’UCL) en atteste après un direct par téléphone sur France Info, le 22 mars, dans une lettre adressée au responsable de l’émission et postée sur son compte Facebook: «Votre collègue m’a posé la question à laquelle je vous avais pourtant précisé de pas vouloir répondre (les faits et leur explication). Tentant ensuite d’exprimer ce que je considérais comme relevant de mon expertise, j’ai été coupé sous prétexte que je choquais vos auditeurs». Edifiant.

Le constat est saumâtre. De vrais faux experts qui enfoncent des portes ouvertes mais recourent aussi au discours anxiogène tout en se montrant volontiers va-t-en-guerre… Mais que fait la police?

 

Portrait express 1 : Moniquet, premier de cordée

Les chiffres ne concernent que le baromètre thématique des JT entre 20 et 21 heures pour 2015 en France: avec le politologue Frédéric Encel, c’est Claude Moniquet qui occupe la tête du classement au nombre de passages sur antenne. En Belgique, c’est surtout la chaîne privée RTL qui recourt à ses services comme consultant sur les affaires de terrorisme. Selon Télérama, il a été sous contrat avec iTélé lors des attentats de Paris en novembre dernier.

L’homme, né en Belgique, cultive son look original: silhouette d’armoire à glace, crâne luisant, bouc poivre et sel affirmé. Presque une barbouze. Après avoir longtemps nié la chose, il admet – s’en vante même – depuis cinq ans avoir bossé pendant deux décennies, en même temps qu’il était journaliste, pour les services français de renseignement. Avant cela, on le prenait de toute façon déjà pour un espion. Pro-israélien aussi, comme il le disait au Soir en 2006, ajoutant que ses écrits le prouvaient.

Il dirige aussi un «institut», l’Isisc, qui fait de l’analyse, de la consultance et du lobbying. A ce titre, il a naguère participé au torpillage du seul organe de presse marocain libre de l’époque, Le Journal hebdomadaire, en gagnant un procès en diffamation à Casablanca devant une justice marocaine dont on connaît l’indépendance. L’hebdo avait imprudemment laissé entendre qu’un rapport de l’Esisc qui éreintait le mouvement sahraoui indépendantiste Polisario avait été commandité par l’Etat marocain…

Comme consultant, il sévit surtout à Bruxelles sur RTL-TVi en temps de crise, même si certaines télés françaises le trouvent aussi télégénique. A RTL, tout le monde n’est pas dupe, à commencer par les humoristes maison Leborgne et Lamy, qui voient en lui«l’expert en contre-terrorisme et fournisseur officiel de contre-avis sur tout et son contraire». Une petite pique méritée comme en atteste le petit montage cruel réalisé par la concurrence rtbfienne dans lequel on le voit se contredire sur Salah Abdessalam.

Portait express 2 : Sifaoui, chasseur d’islamistes

Parmi les «experts» appelés à la rescousse sur les plateaux de télévision français, Mohamed Sifaoui occupe une place à part. Car lui est d’origine arabe et musulmane.
Sifaoui squatte depuis des années certains studios de télé français, comme celui de l’émission «C dans l’air» chère à Yves Calvi, sur France 5, où on ne compte plus ses prestations. Dans son livre assassin Les Intellectuels faussaires, Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques, l’avait qualifié en 2011 de «pourfendeur utile de l’islamisme». L’intéressé met en tout cas un zèle exceptionnel à dénoncer les dérives de l’islam vers l’extrémisme.

Au lendemain des attentats de Bruxelles, Samuel Gontier, le blogueur de Télérama, avait ramassé quelques-unes de ses interventions pas piquées des vers. Qui montrent un «expert» au sang-froid très relatif: «Les islamistes sont des salopards qu’il faut annihiler, il faut l’assumer et ne pas laisser ce discours à l’extrême droite. Ça fait des années que je les dénonce, je ne pense pas que j’ai eu un jour un dérapage, contrôlé ou pas, ou une condamnation devant un tribunal pour un quelconque propos».

Peut-être. Mais Boniface démonte dans son livre le très douteux reportage qu’il avait signé et qui avait été diffusé par France 2 dans lequel il affirmait avoir infiltré une cellule d’Al-Qaïda. Et d’autres, comme David Perrotin, sur Buzzfeed, de noter une déclaration récente, toujours sur la même chaîne publique française, dans laquelle il s’en était pris à Latifa Ibn Ziaten, mère d’une victime du djihadiste Mohamed Merah, qui se consacre à la déradicalisation (elle a reçu la légion d’honneur et a été reçue en mars par le secrétaire d’Etat américain John Kerry): «Je suis assez étonné, avait dit Sifaoui, qu’on honore une femme qui a perdu son fils mais qui porte le voile (…). Ce n’est pas parce qu’une personne perd son fils qu’on va la sortir de ses fourneaux pour en faire une égérie de la laïcité». Même les amis de Sifaoui doivent avoir du mal à le défendre sur ce coup-là…

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Jan Goossens: « L’identité bruxelloise sera toujours faible, hybride »


A la tête du KVS, le grand théâtre flamand de Bruxelles, depuis 2001, Jan Goossens est connu pour ses positions engagées. Farouchement opposé au repli identitaire et aux nationalistes, cet Anversois se sert de la multiculturalité de Bruxelles pour sa programmation. « Stoppons cette obsession de la N-VA ! », clame-t-il. Il évoque aussi la peur que les artistes ont des politiques. Jan Goossens est l’Invité du samedi de LaLibre.be.

 

A deux mois des élections, quelle est votre principale attente des futures majorités ?

Je n’ai pas d’attente précise. En Flandre, j’espère qu’on aura un gouvernement qui défendra l’ouverture, la solidarité et le multiculturalisme, qui ne prendra pas une direction socio-économique trop dure, trop libérale. Je ne suis pas convaincu qu’avec la N-VA, un tel gouvernement soit possible. En même temps, des opinions très différentes traversent ce parti, notamment sur la culture. Il n’est donc pas toujours facile de comprendre ce qu’ils pensent.

Avez-vous des reproches à formuler aux politiques en place ?

Je trouve que le gouvernement flamand, en terme de culture, n’a été ni courageux ni très engagé. Heureusement, il n’y a pas eu de coupures budgétaires très fortes mais la culture n’a certainement pas non plus été une priorité, pas même pour la ministre Joke Schauvliege. Et je suis inquiet qu’en cette période de campagne, on ne parle pas du tout de la culture. S’il y a un parti qui en parle, c’est la N-VA, mais pas dans le sens que je voudrais… Les autres partis se taisent ! Ça risque de créer un climat d’indifférence et de non engagement pour le futur gouvernement. Quant à Bruxelles, je voudrais un gouvernement qui défend un vrai projet de ville audacieux, courageux, visionnaire et qui ne soit pas communautariste.

Le gouvernement bruxellois est communautariste ?

Je trouve que certains politiques bruxellois, tant flamands que francophones, ont trop de réflexes communautaristes. Ils ne prennent pas comme priorité l’avenir de cette ville et de ses habitants. On est encore trop dans une logique bicommunautaire alors que plus de la moitié de la ville n’a pas un cadre de référence belgo-belge.

En tant que théâtre flamand situé à Bruxelles, vous sentez-vous parfois délaissé par la Région flamande ?

Financièrement, on ne peut pas dire que ce gouvernement ne s’est pas engagé. Et je ne constate pas d’attitude différente à l’égard d’institutions culturelles, qu’elles soient à Anvers, Gand ou Bruxelles. Mais au niveau du poids dans les débats, de la visibilité, de l’engagement symbolique, il est clair que ce gouvernement flamand ne s’intéresse quasiment pas à Bruxelles. Bruxelles n’a pas été une priorité. Que ce soit dans la culture ou dans d’autres domaines. De manière générale, on sent une distance grandissante entre les Flamands de Bruxelles et les Flamands de Flandre.

Comment expliquer le succès des nationalistes en Flandre ?

On vit dans un monde globalisé, multipolaire, compliqué à comprendre, moins stable. La crise économique n’arrange rien. Du coup, les gens ont peur, se replient sur eux-mêmes par réflexe identitaire. Malheureusement, des forces politiques tentent de manipuler la situation, de s’en servir. La N-VA joue sur les peurs. Dans leurs discours contre les Wallons et les francophones, ils soutiennent que les problèmes viennent de la construction belge et du système de solidarité.

La N-VA constitue une crainte pour vous ?

Non, je refuse de vivre dans la crainte. C’est le problème de nombreux politiciens flamands : ils ont peur de la N-VA et, du coup, ils se taisent. N’oublions pas qu’il s’agit d’un parti démocratique. A nous de ne pas être d’accord avec eux. Mais stoppons cette obsession de la N-VA, arrêtons d’en parler. Il faut bien les écouter mais surtout chacun doit défendre son propre projet. Il faudrait que davantage de politiques se mettent au niveau de De Wever et osent débattre en toute ouverture. Pour l’instant, ils le craignent trop.

L’identité flamande à Bruxelles, qu’est-ce que c’est ?

A Bruxelles, je me sens bruxellois. Mais cette identité bruxelloise -et c’est ça que j’aime- sera toujours faible, hybride, ouverte. Mon identité est constituée de forts éléments flamands, parce que le néerlandais est ma langue maternelle, que mon héritage culturel est flamand, et j’en suis très fier. Mais je suis aussi constitué d’éléments provenant de ma vie bruxelloise, de mes voyages en Afrique,… Il faut surtout éviter les identités excluantes.

En période de tension communautaire, le théâtre a-t-il pour rôle de resserrer les liens ?

En partie, oui. Le théâtre peut montrer qu’une autre façon de vivre ensemble, d’avoir des dialogues, d’échanger est possible. La culture a un rôle fédérateur. En même temps, il importe parfois aussi de s’opposer, de créer une contradiction.

Autrefois, des artistes comme Hugo Claus avaient un vrai rôle contestataire face aux politiques. Aujourd’hui, les actes posés n’ont plus cette portée…

C’est vrai. Ce que je vois autour de moi, c’est que les gens ont peur. Tous ceux qui dépendent des subsides et financements politiques se font des soucis. Cette situation est dangereuse et précaire. Il ne faut pas taper sur la politique par plaisir. Mais il faut entretenir son autonomie, son franc-parler. On n’est pas là pour exécuter une politique culturelle imposée. Et la réticence est parfois trop grande quand il s’agit de faire entendre notre voix dans le débat public.

Est-ce le cas du côte francophone également ?

Oui, là aussi les acteurs culturels ont tendance à être très prudents, à bien écouter les politiciens. Les proximités avec l’establishment politique expliquent cette situation. Il faudrait avoir une émancipation. Les politiques auraient avantage à avoir des partenaires culturels qui osent exprimer leurs opinions quand elles sont différentes.

Pour vraiment faire bouger les choses, pourquoi ne vous présentez-vous pas sur une liste ?

Non, ça ne m’intéresse pas. Je pose des actes politiques à partir d’ici. Je suis persuadé que sans artistes forts, engagés, il n’est pas possible de construire une société équilibrée et, à Bruxelles, avoir un avenir riche et multiculturel. Je perdrais beaucoup d’impact politique si je quittais le monde culturel. Je réfléchirai si un jour on me propose le poste de ministre de la Culture (rires). Mais ça n’arrivera pas…

Quel regard portez-vous sur les 10 ans de Fadila Laanan à la tête de la Culture ?

C’est une période très difficile pour un ministre de la Culture. Tous les opérateurs ont des réclamations mais les enveloppes budgétaires subissent des coupes… Cela dit, j’apprécie sa visibilité, sa présence dans le débat et sur Bruxelles. On ne peut en dire autant de la ministre flamande…

Peter de Caluwe (photo ci-dessous), directeur général de La Monnaie, affirme que « ne pas investir dans la culture est une aberration ». En période d’économie, n’est-il pas logique de sabrer dans ce secteur ?

Non ! Il n’est pas normal qu’on se tourne vers la culture dès qu’il s’agit de faire des économies. En Flandre, la culture reste un secteur fragile : en 2-3 ans, on peut détruire ce qui s’est construit en 20 ans. Mais le secteur doit se poser des questions. Pour qui travaille-t-on ? Qui est dans nos salles et qui n’y est pas ? Il faut sans cesse avoir pour but de toucher des nouveaux publics.

Bruxelles étant une ville multiculturelle, vous cherchez à toucher le plus grand nombre ou vous vous restreignez dans la cible ?

Au KVS, on ne veut pas fidéliser un public, d’ailleurs nous n’avons pas de système d’abonnement. Nous préférons, à travers notre programme, toucher des publics différents. On voudrait donner, à chaque Bruxellois intéressé par le théâtre, l’envie de venir au moins une fois par an au KVS. On y arrive plus ou moins.

Quels publics ne parvenez-vous pas à toucher ?

C’est une vile très fragmentée et le travail au niveau du public est donc très compliqué. Par exemple, toucher le public des institutions européennes est un défi énorme. On en tient compte lorsqu’on construit la programmation. Aujourd’hui, nous avons un beau mélange de publics sur base annuelle. Mais ce n’est pas le cas à l’analyse « spectacle par spectacle ».

Vous êtes impliqué dans la création venant du Congo. Les choses neuves viendront de là ?

Le metteur en scène américain Peter Sellars a une fois déclaré « En Europe, on a la forme ; en Afrique on a le contenu ». C’est caricatural mai pas tout à fait faux. Aujourd’hui, quand je vois le travail d’artistes européens, j’ai parfois l’impression que la recherche formelle est très pointue mais que le message est faible. En Afrique, il y a du contenu, de la matière, des choses à construire, ces combats à mener, d’énormes crises et donc un potentiel incroyable. Cette vitalité, cet engagement me nourrissent. Et puis, on est confronté à l’essentiel, aux nécessités, aux urgences. Ici, parfois, dans la société et le secteur culturel, la grande ambition est de défendre, de protéger tout ce qu’on a gagné, mais sans grand défi, sans vision de progrès.

Une interview de Jonas Legge

source

bruxelles ville refuge : ali amar


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L’auteur et journaliste marocain Ali Amar (°1969 – Mohammed VI. Le Grand Malentendu, Paris-Marrakech) sera en résidence à Bruxelles durant les prochaines années dans le cadre d’ICORN (International Cities of Refuge Network). Il est co-fondateur de l’hebdomadaire marocain indépendant Le Journal, qui a cessé de paraître pour des raisons politiques et financières. Son livre sur Mohammed VI n’était pas bienvenu au Maroc. Agé de 42 ans, Amar collabore actuellement au site d’information Slate. Dans son oeuvre, il dépeint avec courage la réalité actuelle de son pays. A l’Hôtel de Ville de Bruxelles, il donne une conférence sur son travail et les problèmes de liberté d’expression qu’il a rencontrés. Ensuite il s’entretiendra avec Béatrice Delvaux (Le Soir).