Réponse au « Monde »
Une ancienne journaliste française, Claire Brisset (« Le Figaro », « Le Monde », « Le Monde diplomatique ») s’est offusquée du fameux éditorial paternaliste du « Monde » qui grondait la Belgique… Voici ce qu’elle écrit:
Depuis plus d’une semaine, en France, les commentateurs de tous poils –journalistes, politiques – ont trouvé un bouc émissaire à l’action terroriste qui a ensanglanté le pays le 13 novembre. Chacun y va de son interprétation condescendante, « Le Monde » du 24 novembre allant même jusqu’à se demander, dans son éditorial, si la Belgique ne serait pas devenue « une nation sans Etat ».
Qu’il y ait eu des failles, pour dire le moins, dans la surveillance de ceux qui s’apprêtaient à commettre des actes aussi lâches qu’ignobles, consistant à cibler une classe d’âge, la jeunesse, à laquelle chaque pays est viscéralement attaché, qui le conteste ? Mais comment peut-on jeter la pierre à une société tout entière en l’enjoignant, comme le fait encore « Le Monde » dans le même sentencieux éditorial, de se « ressaisir », comme on le dirait au plus mauvais élève de la classe ? Comment ne pas voir que le terrorisme prospère sur ce qui fait l’essence des démocraties, à savoir le refus du tout policier et du tout militaire ?
Les failles ont existé des deux côtés de la frontière, c’est l’évidence même. De part et d’autre de cette frontière, les deux pays ont laissé se constituer des ghettos hermétiques où la police ne rentre plus, où faiblesse de l’action sociale le dispute à la laideur urbaine, celle qui rend fou. Avant 2012, la France a éclairci comme jamais les rangs de ses forces de l’ordre. Et elle n’a pas su tirer les leçons des attentats de janvier 2015 qui auraient dû provoquer le sursaut que l’on voit aujourd’hui.
Le propos n’est pas ici d’entrer dans un débat technique sur l’anti-terrorisme. Mais de constater une désagréable réalité. Sous prétexte que la France est un vieux pays centralisé – malgré toutes les tentatives de ces dernières décennies –, elle considère avec condescendance ses voisins moins peuplés, moins anciens, et ne cesse d’invoquer, au nom de la République, la force de ses structures « régaliennes », oubliant au passage que le mot veut dire …royal.
Je ne tomberai pas dans le travers qui consisterait à dénigrer mon propre pays, profondément blessé. Mais je rejette ce regard méprisant sur un pays, la Belgique, qui est à la fois joyeux et attentif, qui accueille par milliers des Français handicapés ou âgés dont la France se désintéresse… et qui accueille, aussi par milliers, des Français soucieux d’échapper à une fiscalité qu’ils jugent confiscatoire. Un pays, la Belgique, véritable laboratoire du travail social, je peux en témoigner. Un pays où l’on connait les arcanes de la politique française mieux que ne le font beaucoup de Français. Un pays où l’on mange comme Pantagruel, où l’on boit sec, où l’on célèbre le Beaujolais nouveau, où l’on vous prête sa chambre. Un pays frère.
relayé par Baudouin Loos sur fb ici