Baudouin Loos
L’escalade entre la Syrie et la Turquie mènera-t-elle à une intervention étrangère dans le premier pays ? Les forces de l’Otan, dont la Turquie est un membre clé, vont-elles se mettre au service d’Ankara au nom de la solidarité atlantique, pour attaquer le régime de Bachar el-Assad ? Non. Il y a gros à parier que les représailles militaires turques en Syrie après le bombardement qui a tué cinq civils turcs mercredi resteront sans lendemain.
Certes, tout est possible, au Proche-Orient plus encore qu’ailleurs, où l’imprévisible peut à tout moment devenir réalité. Une provocation, parfois, peut entraîner un grand dérapage. Mais une simple analyse des intérêts des uns et des autres conduit à penser que le conflit ne va pas prendre une autre dimension, en tout cas dans un avenir proche. Erdogan, le Premier ministre turc, se devait de répliquer au bombardement de mercredi, surtout pour des considérations de politique interne, mais il devrait en rester là. Il n’a nulle envie d’entrer dans un bourbier inextricable d’autant que son puissant voisin iranien cajole l’autre camp. En fait, aucune puissance militaire ne caresse l’ambition d’intervenir. La seule question des possibles pertes humaines suffit déjà à dissuader les chancelleries dans leurs éventuels projets belliqueux. En effet, qui va envoyer ses soldats (ou ses pilotes) mourir pour la révolution syrienne ? L’armée syrienne est sans doute en lambeaux, mais elle possède assez de ressources matérielles pour faire mal, le jet turc abattu en juin le démontre.
Et puis, on le sait, l’Occident reste tétanisé par la perspective de voir la Syrie basculer dans l’extrémisme islamique. De nombreux reportages de presse l’ont montré : les djihadistes de tout poil se pressent désormais en Syrie, il en vient par centaines de tout le monde musulman. Les mêmes articles ont souvent prouvé que la population ne les attendait pas, ne les espérait pas. Mais aussi qu’elle finit parfois – souvent ? – par se dire qu’eux, au moins, viennent apporter une aide concrète, même si elle n’est pas désintéressée…
On en vient ainsi, d’une manière dramatique, à prendre la mesure de la maldonne : en voulant éviter de favoriser les ultra-islamistes, les Occidentaux leur ouvrent au contraire les portes d’un pays où ils croissent.
Cela alors que les Syriens en révolte contre leur cruel despote accumulent une immense amertume à l’égard d’un monde pétrifié qui les laisse mourir sous les bombes.