Le Docteur canadien Mc Crae. ![]() |
Le médecin militaire canadien Mc Crae acquit sa célébrité en Belgique, sur les bords de l’Yser, en écrivant un poème à la gloire des soldats qui reposent dans la boue des Flandres. Peu de Belges connaissent la vie de ce médecin contrairement à nos amis du Commonwealth qui lui vouent une véritable admiration. En déposant avec cérémonie des petits coquelicots en tissus ou papier sur les tombes de leurs aïeuls tombés chez nous ou en France, beaucoup d’entre-eux ont une pensée émue pour le docteur Mc Crae qui offrit aux combattants de la Grande Guerre le magnifique symbole d’une fleur fragile, éphémère, parée de la couleur du sang et si commune dans la terre des Flandres ! Le docteur Mc Crae est devenu lui-même un symbole: n’est-il pas le digne représentant devenu célèbre du personnel médical qui s’efforça de soulager la misère du combattant? En racontant sa vie, nous rendons hommage aux médecins, brancardiers et infirmiers de toutes nationalités qui « perdirent la vie » en essayant de sauver celles des autres!
Le Dr Mc Crae est né le 30 novembre 1872 à Guelph, ville universitaire se trouvant à 40 km de Toronto. Il participe comme volontaire à la guerre des Boers (1899-1902) et se signale par son courage. Rentré au pays, il se spécialise en anatomo-pathologie et déploie une activité professionnelle débordante en tant que médecin de famille, professeur ou encore anatomo-pathologiste.
Le docteur Mc Crae
Quand le Canada déclara la guerre à l’Allemagne le 4 août 1914, le docteur Mc Crae se trouvait en mer sur le chemin de l’Angleterre ce qui ne l’empêcha pas de télégraphier immédiatement son engagement comme volontaire. Quelques mois après en avril 1915, il se retrouve sur le champ de bataille dans le secteur d’ Ypres et subit le 22 avril la première attaque par gaz de combat ( 5.730 bouteilles de chlore furent ouvertes par les Allemands). Ce jour là, le docteur Mc Crae se trouvait dans son poste de secours le long de l’Yperlee, entre Ypres et le village de Boezingue. De son « Advanced dressing station » consistant en un abri enterré dans les berges du canal de l’Yperlee, John Mc Crae, pendant 17 jours d’enfer (deuxième bataille d’Ypres) ira porter secours aux blessés et assister aux derniers moments des mourants. A côté de son poste, le cimetière militaire improvisé, dont la vue désolante lui rappelle à chaque instant le sacrifice demandé aux combattants ne cesse de s’agrandir démesurément…. Le 2 mai, c’est au tour du lieutenant Helmer aux côtés de qui il avait combattu en Afrique du Sud, d’être enterré dans la boue des Flandres. Cette mort, la mort d’un véritable ami, le toucha très douloureusement. Sa sensibilité exacerbée lui fit voir le champ de bataille comme jamais encore il ne l’avait vu. Le lendemain de ce funeste jour, Mc Crae écrira « In Flanders Fields « , le poème le plus lu de la grande Guerre qui sera, peu après sa publication le 8 décembre 1915, sur toutes les lèvres des combattants du Commonwealth!
Les qualités littéraires de ce poème ne sont sans doute pas exagérées. Le fait que ce poème, traduit avec des approximations inévitables dans de multiples langues, puisse garder son énorme potentialité à émouvoir me fait dire qu’il est un véritable chef-d’œuvre.
En quelques phrases, Mc Crae, par un véritable tour de force, résume les sentiments complexes éprouvés par les soldats sous le feu de l’ennemi.
Trois réflexions ressortent particulièrement:
Le sentiment de la beauté de la nature mais en même temps de son indifférence cruelle à la mort des hommes, la découverte faite par les hommes quand ils approchent la mort que la seule chose importante à vivre est d’aimer et de se savoir aimé et enfin la crainte que les non-combattants ou les générations ultérieures oublient leur sacrifice qui se viderait alors de son sens pour les vivants mais aussi pour …eux-mêmes.
Quelques lignes de Mc Crae nous apprennent peut-être plus sur la condition humaine qu’un gros traité de philosophie: les soldats de 14 ne sont pas trompés en faisant de ce poème « leur carte de visite ».
In Flanders Fields
In flanders Fields the poppies blow
Between the crosses, row on row,
That mark our place; and in the sky
The larks, still bravely singing, fly
Space heard amid the guns below
We are the Dead. Short days ago
We lived, felt dawn, saw sunset glow,
Loved, and were loved, and now we lie
In flanders fields.
Take up our quarrel with the foe:
To you from failing hands we throw
The torch; be yours to hold it high.
If ye break faith with us who die
We shall not sleep, though poppies grow
In flanders fields
Dans les champs de Flandre, les coquelicots fleurissent
entre les rangées de croix qui marquent notre place
Et dans le ciel, malgré le rugissement des canons
L’on perçoit encore le chant des courageuses alouettes.
Nous sommes la Mort et pourtant quelques jours auparavant
Nous regardions l’aurore poindre et le soleil rougir en
Se couchant. Nous aimions et étions aimés et aujourd’hui
Nous gisons dans les champs de Flandre.
Reprenez notre combat contre l’ennemi:
De nos mains qui chancellent, nous vous confions
Le flambeau qui sera vôtre et que vous tiendrez haut.
Si vous ne croyez plus en nous qui mourrons, jamais nous
Ne retrouverons le repos dans les Champs de Flandre
Ou fleurissent les coquelicots
(Traduction Dr Loodts)