Aux admirateurs de gauche de la Syrie d’Assad


 

Invité du dernier MediapartLive, consacré à la Syrie, je prolonge ici mon coup de colère contre ces hommes et ces femmes qui se disent de gauche, donc solidaires en principe des luttes pour la justice partout dans le monde, et qui se déclarent favorables au régime des Assad, père et fils, principal responsable du désastre syrien

Après des bombardements massifs par l’aviation russe qui ont duré quatre mois, l’armée de Bachar al-Assad et les milices chiites venues de toute part, mobilisées par les mollahs iraniens, ont donc fini par « libérer » Alep-Est. La libérer de qui ? De ses habitants. Plus de 250.000 personnes sont forcés d’évacuer leur ville pour échapper aux massacres, comme avant eux la population de Zabadani ou de Darayya, et comme ce sera le sort, après eux, de bien d’autres Syriens si le « nettoyage » programmé, social et confessionnel, se poursuit dans leur pays, couvert par une grande campagne médiatique d’intoxication.

Qu’en Syrie même des nantis d’Alep, toutes confessions confondues, se réjouissent d’être débarrassés de la « racaille » – entendre les classes populaires qui peuplaient Alep-Est – n’est guère étonnant. On l’a souvent observé ailleurs, la morgue des classes dominantes est universelle.

Que des mollahs chiites d’un autre âge fêtent l’événement comme une grande victoire des vrais croyants sur les mécréants omeyyades, ou proclament qu’Alep était jadis chiite et le redeviendra, peut aussi se comprendre quand on connait leur doctrine aussi délirante que celle de leurs émules sunnites.

Enfin, qu’ici même, en France, en Europe, des hommes politiques et des faiseurs d’opinion d’extrême-droite ou de la droite extrême marquent bruyamment, de nouveau, leur soutien à Assad est également dans la nature des choses. Ils n’ont que mépris pour les Arabes et les musulmans, et ils pensent aujourd’hui comme hier que ces peuplades  doivent être menés à la trique.

Mais comment ne pas exploser de colère en lisant les déclarations favorables au régime des Assad, père et fils, proférés par des hommes et des femmes qui se disent de gauche, donc solidaires en principe des luttes pour la justice partout dans le monde ? Comment ne pas s’enrager en les entendant vanter l’indépendance, la laïcité,  le progressisme, voire le socialisme d’un clan sans foi ni loi qui s’est emparé du pouvoir par un coup d’État  militaire,  il y a plus de quarante-cinq ans, et dont le seul souci est de l’exercer éternellement ?  « Assad pour l’éternité », « Assad ou personne », « Assad ou nous brûlerons le pays », scandent ses partisans.  Et cette gauche-là acquiesce sous le prétexte qu’il n’y a pas d’autre choix : c’est lui ou Daech.

Or les Syriens qui se sont soulevés en 2011 n’ont attendu personne  pour dénoncer vigoureusement les groupes djihadistes de toutes origines et de toutes obédiences, Daech en particulier, qui ont infesté leur soulèvement après sa militarisation forcée.  Ces groupes, totalement étrangers à leurs revendications de liberté et de dignité, n’ont d’ailleurs pas tardé à s’attaquer principalement aux forces vives de l’opposition, civiles et militaires, et à sévir contre la population dans les zones qu’ils ont réussi à contrôler. Ils ont ainsi conforté Assad dans sa propagande, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, et lui ont notamment permis de se présenter en protecteur des minorités confessionnelles.

Ces mêmes Syriens ont souvent par ailleurs exprimé leur méfiance vis-à-vis des instances qui ont prétendu, et continuent de prétendre les représenter, et qui se sont révélées d’une effarante médiocrité. Espérant une intervention militaire occidentale qui n’était, de toute évidence, jamais envisagée par l’administration d’Obama, inféodés à tel ou tel pays voisin (l’Arabie saoudite, le Qatar ou la Turquie), divisés entre eux et inexistants sur le terrain, ils ont été incapables de formuler un discours politique cohérent à l’adresse du monde.

Mais ni l’intrusion des djihadistes ni les défaillances de la représentation autoproclamée de la révolution – ni tout autre argument brandi pour justifier l’injustifiable – n’infirment ces deux données fondamentales : la première, que les Syriens avaient mille raisons de se révolter, et la seconde, qu’ils se sont révoltés avec un courage exceptionnel, faisant face, dans l’indifférence quasi générale, à la terreur sans bornes du clan au pouvoir, aux ambitions impériales de l’Iran et, depuis septembre 2015, à une intervention militaire russe agréée par les États-Unis, qui a déjà fait des milliers et des milliers de victimes civiles.

Alors, est-elle vraiment indépendante et anti-impérialiste cette « Syrie d’Assad » où l’Iran et la Russie agissent comme bon leur semble, conjointement ou séparément,  et dont le destin dépend uniquement désormais de leurs accords ou désaccords ?  Que les admirateurs de gauche de ladite Syrie lisent le traité léonin signé avec la Russie, le 26 août 2015, lui accordant des privilèges exorbitants et une totale et permanente immunité quant aux dommages causés par les raids de son aviation.

Peut-on sérieusement qualifier de laïque un régime qui s’est employé dès sa naissance, pour s’imposer et durer, à envenimer les relations entre les différentes communautés confessionnelles, qui a pris en otages alaouites et chrétiens, qui a lui-même présidé à la contamination de la société syrienne par le salafisme le plus obscurantiste, qui a manipulé à son profit toutes espèces de djihadistes, et pas seulement en Syrie ?

Est-ce du progressisme que de promouvoir le capitalisme le plus sauvage, appauvrissant et marginalisant des millions de citoyens, cette masse démunie qui survivait dans les faubourgs des grandes villes ? C’est elle qui a été la principale composante sociale de la révolution, et c’est elle qui a été aussi la cible privilégiée du régime, avec son artillerie lourde, ses barils d’explosifs et son armement chimique. « Tuez-les jusqu’au dernier », réclamaient littéralement les chabbîha (nervis des Assad) depuis le début du soulèvement… et qu’on laisse la nouvelle bourgeoisie « progressiste » piller tranquillement les richesses nationales et entasser ses milliards de dollars dans les paradis fiscaux !

Faut-il encore, après tout cela, rappeler les crimes contre l’humanité commis par Hafez al-Assad, en toute impunité, durant ses trente ans de règne sans partage ?  Deux noms de lieu les résument : Hama où plus de 20.000 personnes, peut-être 30.000, ont été massacrées en 1982, et la prison de Palmyre, véritable camp d’extermination où les geôliers se vantaient de réduire leurs suppliciés en insectes.  C’est de cette même impunité que certains, hélas de gauche, voudraient faire bénéficier Bachar al-Assad, le principal responsable du désastre, de ces plus de dix millions de déplacés, ces centaines de milliers de morts, ces dizaines de milliers de prisonniers, de la torture et des exécutions sommaires dans les prisons, de l’interminable martyre de la Syrie.

Et ce martyre, tant que les bourreaux ne seront pas vaincus et punis, préfigure tant d’autres dans le monde – un monde où la Syrie aura disparu.

Farouk Mardam Bey (historien et éditeur franco-syrien)

Document exclusif : la bombe à retardement de Jérusalem


|  PAR RENÉ BACKMANN

Selon un rapport confidentiel rédigé par les diplomates de l’Union européenne à Jérusalem, que Mediapart s’est procuré, la tension dans la ville n’a jamais été aussi forte depuis 1967. Si la politique de discrimination et de colonisation menée par Israël se poursuit, ce sont les bases mêmes d’une solution pacifique qui seront détruites. Il est peut-être encore temps d’agir, mais l’Europe doit faire preuve de courage.

La situation à Jérusalem a atteint, en 2014, un degré de « polarisation et de violence »que la ville n’avait plus connu depuis 1967 ou la fin de la seconde intifada en 2005.« Si l’on ne s’attaque pas aux causes profondes de cette violence, le résultat probable sera une poursuite de l’escalade, et une aggravation de la division extrême dont la ville a souffert au cours des six derniers mois de l’année dernière. » C’est sur ce constat alarmant que s’ouvre le dernier rapport des chefs de mission diplomatique de l’Union européenne à Jérusalem et à Ramallah, récemment transmis à Bruxelles.

Depuis qu’un diplomate britannique en a eu l’idée il y a une quinzaine d’années, les consuls et consuls généraux représentant les pays de l’UE (aujourd’hui au nombre de 28) en Israël et dans les territoires occupés palestiniens, rédigent chaque année pour le comité politique et de sécurité du Service européen d’action extérieure – le ministère des affaires étrangères de l’Europe – une sorte « d’état des lieux », qui fait le point sur la situation à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Celui de ce printemps, qui couvre l’année 2014, est particulièrement épais. Mediapart s’est procuré ce document européen à diffusion restreinte, traditionnellement rédigé en anglais : il peut être consulté en cliquant ici.

Il comporte 32 pages, dont trois pages de recommandations, et cinq pages de statistiques (nombre de morts et blessés dus aux actes de violence, état des démolitions par Israël de maisons palestiniennes, nombre de personnes affectées, évolution des conditions d’accès pour les Palestiniens à la mosquée Al-Aqsa, nombre d’accrochages avec les colons, répartition des incidents par localité). Il est aussi particulièrement alarmant.

« Jérusalem demeure, dans le cadre du processus de paix au Proche-Orient, l’une des questions les plus passionnelles et les plus problématiques, écrivent les diplomates européens. Aussi longtemps que le statut de la ville ne sera pas résolu, un accord global entre Israéliens et Palestiniens ne sera pas possible. Ce point n’a jamais été aussi pertinent que cette année. […] Au cours de l’année 2014, la situation s’est gravement détériorée à Jérusalem dans pratiquement tous les domaines couverts par les rapports précédents.

L’expansion de la colonisation s’est poursuivie, y compris dans les zones très sensibles ; des politiques très restrictives sur les constructions palestiniennes à Jérusalem ont été maintenues avec force et ont été suivies par des vagues de démolitions et d’expulsions ; l’éducation pour les Palestiniens reste inéquitable ; les Palestiniens continuent d’affronter des difficultés pour bénéficier des soins de santé ; l’économie de Jérusalem-Est ne montre aucun signe d’amélioration. De surcroît, Israël a remis en vigueur des mesures punitives, comme la révocation des droits de résidence et la démolition des habitations des Palestiniens impliqués dans des attentats. »

Après avoir rappelé que pour l’UE les colonies sont, de longue date, considérées comme illégales au regard du droit international et constituent un obstacle à la paix, les auteurs du rapport constatent que sur les 540 000 colons recensés en 2014, près de 200 000 vivent à Jérusalem-Est, aux côtés de 300 000 Palestiniens, et que près de 3 000 bâtiments destinés à accueillir des colons ont été mis en chantier. La même politique a été poursuivie à la périphérie de la ville, parfois à l’abri d’un prétexte touristique, écologique ou archéologique.

Pour développer la zone E1, qui doit devenir une vaste colonie stratégique, à l’est de Jérusalem, le gouvernement israélien s’apprête même à chasser les communautés de bédouins qui vivent traditionnellement sur ces terres, et à les installer au nord de Jéricho, ce qui pourrait être considéré comme un « transfert forcé », en contravention avec la quatrième convention de Genève. Ce déplacement pourrait aussi ouvrir la voie à d’autres expansions de colonies israéliennes, compromettant un peu plus encore la viabilité de la solution à deux États.

« Si ce projet était réalisé, estiment les diplomates, il couperait Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie, et la diviserait en une partie nord et une partie sud, portant un coup sévère à la contiguïté d’un futur État de Palestine et au potentiel de Jérusalem comme future capitale de deux États. »

Après avoir recensé et analysé les principaux attentats et incidents intervenus en 2014, et leur perception par la population de Jérusalem-Est, les auteurs du rapport constatent que « l’une des plus évidentes conséquences de ce très haut niveau de tension et de violence est la polarisation croissante de la ville, qui a récemment été décrite par divers observateurs et médias comme « plus divisée » qu’elle ne l’a jamais été depuis 1967 ». La situation autour de l’Esplanade des mosquées, où deux lieux saints de l’islam surplombent le Mur des lamentations, est décrite comme particulièrement explosive.

Forces de sécurité israéliennes sur l'Esplanade des mosquées.Forces de sécurité israéliennes sur l’Esplanade des mosquées. © Reuters

« Toute menace ou perception de menace contre l’intégrité de ce site ou contre le statu quo ne risque pas seulement de saper la reprise du processus de paix, mais possède le potentiel de déstabiliser la région et de provoquer des réactions de grande ampleur à travers le monde », estiment les diplomates.

Ils déplorent « l’escalade brutale, durant l’année 2014, des tensions sur l’Esplanade alimentée par les constantes provocations et incitations des représentants du gouvernement israélien, des colons et des extrémistes. […] Une source particulière d’inquiétude a été le nombre de visites spectaculaires et provocatrices de membres du monde politique israélien. Le 25 novembre, le chef de la police israélienne a sévèrement critiqué ces visites ».

Discrimination à grande échelle

Cette tolérance, voire complicité de l’État israélien, face à ces intrusions provocatrices sur l’Esplanade, est d’autant plus mal perçue par la majorité de la population musulmane que les Palestiniens sont victimes d’une réglementation qui limite considérablement leur droit d’accès aux lieux saints. « Les vendredis du Ramadan, notent les auteurs du rapport, l’accès de l’Esplanade a été interdit aux musulmans de moins de 50 ans et le nombre de Palestiniens de Cisjordanie qui franchissaient les checkpoints autour de Jérusalem a spectaculairement diminué. Il est passé de 466 466 en 2013 à 45 291 en 2014, car seuls les hommes de plus de 50 ans et les femmes de plus de 40 étaient autorisés à entrer à Jérusalem sans permis spéciaux, tandis que l’accès était totalement interdit aux habitants de Hébron et de Gaza. »

Autre source de préoccupation pour les diplomates européens : le régime de planification urbaine de la municipalité de Jérusalem, « qui soumet à de très sévères restrictions les activités de construction des Palestiniens, ce qui crée une grave pénurie de logements et d’infrastructures pour les résidents palestiniens et paralyse le développement. Près de 52 % de la superficie municipale de Jérusalem-Est, telle qu’elle a été définie par Israël, ne sont pas ouverts à la construction, et 35 % sont affectés aux colonies. Conséquence : moins de 13 % de la superficie peuvent être utilisés par des constructions. Or la majeure partie de cette terre est déjà construite et la réglementation sur la densité rend l’obtention d’un permis très difficile et très coûteuse. Au moins 33 % des habitations palestiniennes à Jérusalem-Est ont donc été construites sans permis, ce qui expose plus de 93 000 Palestiniens au risque de voir leur maison détruite et d’être déplacés ».

Destruction de maisons palestiniennes à Jérusalem-Est sous protection de l'armée.Destruction de maisons palestiniennes à Jérusalem-Est sous protection de l’armée. © Reuters

Très critiques des réglementations municipales (parfois contraires au droit international) qui encadrent de plus en plus étroitement le statut de « résident » des Palestiniens de Jérusalem-Est – mesures officiellement destinées à limiter à 40 % la population palestinienne de cette partie de la ville –, les diplomates européens condamnent aussi énergiquement, arguments à l’appui, les nombreux obstacles à la liberté de mouvement des Palestiniens.

« La barrière [de séparation], rappellent-ils, déconnecte Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie et sépare, physiquement, les communautés palestiniennes au sein de Jérusalem-Est : 30 % de la population de Jérusalem-Est vivent à l’intérieur des limites municipales, mais au-delà de la barrière de séparation, et sont ainsi coupés de tous les services urbains. »

Aggravant encore les conditions de vie créées par cet enchevêtrement de réglementations restrictives, les choix politiques du gouvernement israélien à Jérusalem-Est entravent l’accès des habitants à l’éducation, à la santé et nuisent au développement économique. Alors que les 300 000 Palestiniens de Jérusalem représentent 38 % de la population totale de la ville et sont soumis au même régime fiscal que les résidents israéliens, la part du budget municipal qui leur est consacrée ne dépasse pas 12 %. Et ils ne disposent que de trois bureaux d’aide sociale, bien qu’ils constituent plus du tiers de la population municipale, tandis que la partie occidentale de la ville dispose de 18 bureaux.

Cette politique de discrimination, constatent les rédacteurs du rapport, s’étend aussi aux transports, aux infrastructures, aux institutions palestiniennes de Jérusalem-Est – pour la plupart fermées depuis 2001, à l’exception des hôpitaux – et à l’exercice des religions.« Le droit d’accès, la liberté de culte et le droit de pèlerinage dans la Ville sainte demeurent des domaines de grave préoccupation pour les musulmans et les chrétiens, constate le rapport. La barrière de séparation, qui divise les congrégations, fait aussi obstacle au travail des organisations religieuses qui participent à l’éducation, la santé, l’assistance humanitaire et l’aide sociale aux Palestiniens à Jérusalem-Est, et autour. Degraves entraves à la liberté de circulation et de culte continuent d’affecter les Palestiniens musulmans et chrétiens de Cisjordanie, qui ne peuvent se rendre à Jérusalem sans permis délivré par Israël. Ces permis ont une durée limitée et sont attribués de manière très sélective. »

Ce véritable réquisitoire contre la politique israélienne à Jérusalem-Est est d’autant plus accablant qu’il n’émane pas de militants politiques ou de défenseurs des droits de l’homme, mais de diplomates habitués à peser leurs mots. Ils représentent une entité – l’Union européenne – dont l’audace, en politique étrangère, n’est pas la qualité première. Si elles étaient – même partiellement – suivies d’effet, les 40 recommandations que formulent les auteurs du rapport provoqueraient un bouleversement politique international majeur.

« Élaborées avec, pour objectif, la préservation de la viabilité de la solution à deux États, telle qu’elle est exposée dans de nombreuses déclarations de l’UE, y compris les conclusions adoptées par le Conseil le 22 juillet et le 17 novembre 2014, ces recommandations, précisent les diplomates, ont aussi pour but de préserver la présence palestinienne à Jérusalem aux niveaux politique, culturel et économique. La situation, qui s’est très rapidement détériorée à Jérusalem au cours de l’année 2014, rend la mise en œuvre de ces recommandations des plus pressantes. »

Les 40 recommandations

Les 40 recommandations de l’UE obéissent à quatre axes prioritaires de l’action diplomatique européenne au Proche-Orient : préserver la viabilité de Jérusalem comme futur capitale de deux États ; consolider l’identité religieuse et culturelle de la ville ; mettre fin à l’isolement socio-économique de Jérusalem ; renforcer le rôle, la visibilité et la politique de l’Union européenne.

Pour atteindre ces objectifs, les représentants de l’UE proposent des mesures déjà citées dans les rapports précédents – rouvrir des institutions palestiniennes de Jérusalem-Est, soutenir la société civile, héberger les événements organisés par la société civile palestinienne dans les centres culturels, les consulats, les résidences diplomatiques européennes, encourager le dialogue interreligieux, assurer une présence européenne lorsque des familles palestiniennes sont exposées au risque d’expulsion, ou de démolition de leur maison.

Netanyahou sort grand vainqueur des élections législatives de la mi-mars.Netanyahou sort grand vainqueur des élections législatives de la mi-mars. © Pierre Puchot

Ils avancent aussi des recommandations plus musclées, manifestement dictées par l’urgence de la situation, qui révèlent leur irritation face à la stratégie d’occupation-colonisation-annexion impunie d’Israël. Sans utiliser le mot « boycott », diplomatiquement incorrect, ils suggèrent de prendre « de nouvelles mesures coordonnées pour garantir que les consommateurs européens soient capables d’exercer leur droit à un choix informé, pour ce qui concerne les produits des colonies, en conformité avec les règles en cours dans l’UE ».

Ils conseillent également que soient « examinées et adoptées » des mesures réglementant l’entrée dans les pays de l’UE des colons connus pour leur violence et de ceux qui appellent à commettre des actes de violence. Ils souhaitent que soient poursuivis les efforts visant à attirer l’attention des citoyens européens et des entreprises de l’Union européenne sur les risques liés aux activités économiques et financières dans les colonies. Ils proposent aussi que des « conseils » soient donnés aux organisateurs de voyages européens, pour qu’ils évitent de soutenir les entreprises installées dans les colonies de Jérusalem-Est.

Pour enrayer le naufrage économique de Jérusalem-Est, les diplomates proposent que l’UE demande à Israël de lever les restrictions de mouvement sur les biens et les services entre Jérusalem et le reste des territoires occupés, de mettre un terme aux pratiques qui limitent la liberté de circulation des citoyens européens, de rouvrir la chambre de commerce arabe de Jérusalem-Est, d’améliorer les infrastructures et les services publics à Jérusalem-Est, d’associer les Palestiniens à la planification urbaine à Jérusalem-Est, et d’apporter une aide spécifique aux communautés affectées par la barrière de séparation.

En d’autres termes, compte tenu de la majorité de droite et d’extrême droite qui a émergé des dernières élections législatives et de la coalition sur laquelle Benjamin Netanyahou entend s’appuyer pour constituer son gouvernement, c’est une véritable collision diplomatique qui se dessine entre Israël et l’Europe si Bruxelles s’avise de suivre ces recommandations et, comme Barack Obama, de « réévaluer ses options ».

Le destin réservé aux rapports précédents – un archivage discret, sans suites concrètes, faute de consensus – n’incite pas à l’optimisme. Mais si, comme il l’a annoncé vendredi, Laurent Fabius s’apprête à « relancer les efforts de la France » pour faire voter au Conseil de sécurité de l’ONU une résolution fixant les grandes lignes d’un règlement au Proche-Orient entre Israël et Palestiniens, le contenu de ce rapport pourrait utilement éclairer les rédacteurs de cette résolution…

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Syrie : offensive diplomatique pour une médiation, la Russie se rapproche de l’opposition


28 décembre 2012 | Par Pierre Puchot

Le salut des Syriens viendra-t-il de Moscou ? Pour la première fois de manière officielle depuis le début d’un conflit qui dure depuis près de deux ans maintenant, le principal allié du régime de Bachar al-Assad tend la main à l’opposition syrienne. Le vice-ministre russe des affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, a affirmé jeudi 27 décembre à l’agence Ria Novosti que la diplomatie russe avait envoyé une invitation au chef de la coalition de l’opposition syrienne, Moaz El-Khatib, afin qu’il participe à des négociations en vue d’un règlement du conflit syrien.

La Russie incite par ailleurs le régime syrien de Bachar al-Assad à faire le « maximum » pour concrétiser ses intentions de dialoguer avec l’opposition en vue de résoudre le conflit, a déclaré vendredi le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov. Un premier pas qui marque un tournant : jusqu’à ce jour, la Russie – qui maintient une base militaire en Syrie et contribue au réarmement de l’armée régulière – et la Chine ont toujours bloqué les projets de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies condamnant le président Bachar al-Assad et ouvrant la porte à des sanctions voire au recours à la force.

En Syrie, le conflit se poursuit et du côté du régime d’al-Assad, les défections se succèdent. Mercredi 26 décembre, c’était au tour du chef de la police militaire, le général Abdelaziz Jassim al Challal, d’annoncer son ralliement à l’opposition, dans une vidéo diffusée sur You Tube.

« L’armée a détruit des villes et des villages et commis des massacres contre une population sans arme qui manifestait pour réclamer la liberté », explique celui qui, selon une source officielle syrienne citée par le site de la chaîne France 24, devait de toute façon partir en retraite le mois prochain.

Moins rapide qu’annoncée cet été, la lente déliquescence du régime se poursuit néanmoins, comme l’expliquait Mediapart fin novembre (lire ici l’enquête de Caroline Donati). Reste le principal obstacle à une solution diplomatique : le départ de Bachar al-Assad, tabou pour le régime, condition sine qua non du dialogue pour l’opposition. Les Syriens réclament « un changement réel et tout le monde comprend ce que cela veut dire », a d’ailleurs affirmé Lakhdar Brahimi, l’émissaire international de l’ONU pour la Syrie qui, après avoir patienté plusieurs mois, a finalement rencontré le président syrien cette semaine. « Le changement réclamé ne doit pas être cosmétique, le peuple syrien a besoin et réclame un changement réel, et cela tout le monde l’a compris », a déclaré l’envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue arabe lors d’une conférence de presse à Damas, au cours de laquelle il s’est en revanche bien gardé d’évoquer un possible départ de Bachar al-Assad. « Il faut former un gouvernement ayant tous les pouvoirs (…), qui assumera le pouvoir pendant la période de transition. Cette période transitoire prendra fin avec des élections », a-t-il cependant conclu.

Un gouvernement de transition, solution idoine pour un arrêt des combats en Syrie ? Le porte-parole de la diplomatie russe a déja démenti jeudi l’existence d’un accord entre Moscou et Washington sur la constitution d’un tel gouvernement de transition, avec maintien du président syrien Bachar al-Assad jusqu’au terme de son mandat en 2014, sans possibilité de se représenter, comme cela été envisagé un temps. De son côté, le ministère français des affaires étrangères a de nouveau faire savoir, jeudi 27 décembre lors d’un point presse, que le président syrien, « qui porte la responsabilité des 45 000 victimes de ce conflit, ne peut faire partie de la transition politique » en Syrie.

mediapart