Si beaucoup de Gazaouis se sont transformés en journalistes reporters d’image pour documenter le massacre en cours, les vidéos ne manquent pas du côté des militaires israéliens, qui eux filment leurs exactions, brandissent leurs forfaits, avec la complicité de leur hiérarchie.
Captures d’écran de vidéos montrant le président et des soldats israéliens lors de la guerre en cours sur Gaza depuis le 7 octobre 2023 et des incursions de l’armée en Cisjordanie.
Dans toutes les guerres, des militaires exhibent les ennemis tués ou torturés comme autant de preuves de leur supériorité. Chacun se souvient de cette soldate américaine tenant en laisse un prisonnier dans la prison d’Abou Ghraib en Irak. Mais, jusqu’alors ce type d’images était réservé à un cercle restreint et n’arrivait au grand public que grâce à d’autres soldats indignés.
Avec les réseaux sociaux et en raison de la nature même de la guerre d’Israël contre les Palestiniens de Gaza, les bombardements, les destructions, les humiliations, sont mis en scène par des soldats, et les images partagées avec la population. Il n’y a plus d’hommes, de femmes ou d’enfants, mais des « ennemis » à abattre, des « choses » à faire disparaître. Voici quelques exemples parmi les très nombreuses vidéos publiées sur X (ex-Twitter), Instagram, TikTok etc. adressées au grand public israélien que nous avons pu visionner, vérifier, sélectionner. Et faire commenter.
BRÛLER UN CAMION DE PROVISIONS
Ce qui frappe en tout premier lieu c’est le nombre de photos et de vidéos venant de militaires heureux, hilares même, totalement inconscients de leurs propres crimes, tel un couple de soldats se demandant en mariage dans une école fraîchement bombardée au nord de Gaza. Ou ce militaire qui célèbre ses fiançailles avec ses camarades, comptant à rebours jusqu’à l’explosion d’une bombe dans un immeuble civil juste derrière lui.
Un soldat israélien demande son amie en mariage devant leurs collègues mobilisés sur le front de la guerre à Gaza.Instagram
On pourrait citer aussi ce militaire s’amusant avec des affaires abandonnées d’enfants gazaouis1, ces soldats forçant un coffre-fort dans une maison, et chantant au milieu des ruines en exhibant le rouleau de la Torah, ou encore cette scène invraisemblable à Jénine, en Cisjordanie, où des guerriers au repos fument la chicha, mangent des chips ou l’équivalent, se sentent à l’aise dans la maison de Palestiniens qui apparaissent les yeux bandés et les mains menottées en arrière-plan – le tout dans une atmosphère décalée qui siérait à un groupe de copains revenant de ballade.
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Deux soldats israéliens fument une cigarette pendant la destruction d’un bloc d’habitations civiles à Gaza.X
On pourrait être surpris de voir ces images si ardemment publiées, tant elles peignent un tableau peu glorieux de l’armée qui aime à se présenter comme « la plus morale du monde ». Mais au final, il s’agit de présenter la participation à l’écrasement d’un peuple et à l’anéantissement de toute forme d’infrastructure dans l’enclave comme un divertissement. La banalité des crimes de guerre !
LES INFLUENCEURS SE RÉINVENTENT
Un deuxième type de publications relève de la mise en scène minutieuse. Ces petits films, de courte durée, scénarisés, soigneusement écrits, montrent par exemple des soldats face caméra préparer des lance-missiles, installer des bombes pour détruire des structures civiles à Gaza sur fond de musique entraînante – mimant des tutoriels et adoptant le langage visuel des vidéos TikTok – et se féliciter de chaque explosion. D’autres s’amusent dans une maison vidée de ses habitants avant d’y mettre le feu, et finissent leur « sketch » par un « restez connectés [pour de prochaines vidéos] ».
Un soldat israélien, tout sourire, prépare ses munitions pour bombarder des habitations et des civils palestiniens à Gaza.Instagram
Le dernier chic pour les militaires israéliens est de signer avec des messages plus ou moins guerriers un obus. Un geste repris par le président israélien Yitzhak Herzog lui-même, le 25 décembre 2023, lors d’une visite sur le terrain. À la demande, on peut faire dédicacer une frappe de missile à un être cher à son cœur, comme on le ferait d’une chanson à la radio. Ou, comme cette influenceuse, inscrire des messages sur les obus puis accompagner les soldats pendant qu’ils les tirent sur Gaza.
Car ce tableau serait incomplet s’il ne donnait pas à voir le rôle des influenceuses et influenceurs professionnels, dont les comptes sur les réseaux sociaux étaient déjà suivis par des millions de « followers » avant le 7 octobre. Parmi eux, le blogueur-soldat Guy Hochman que l’on peut voir, par exemple, faire un tour dans une maison gazaouie détruite, comme s’il visitait une location sur Airbnb. Sur un ton extrêmement moqueur, il pointe tour à tour le toit en lambeaux, le sol jonché de débris et de sable, les murs tagués de messages anti-palestiniens : « Tout ce séjour est gratuit en utilisant le code ‘FREE PALESTINE’ pour réserver vos vacances », ajoute-il avant d’aller se baigner dans la mer de Gaza. « Ce sable, il est à nous. Cette mer, elle est à nous », martèle-t-il dans une autre vidéo toujours filmée à Gaza où le ton est, là, au premier degré.
On peut également suivre cet influenceur populaire, Shita Hakdosha, qui fait des vidéos en anglais, invitant à « profiter » d’un coucher de soleil et d’une glace devant les bombardements à Khan Younès, en compagnie de soldats en jeep. Si l’on en croit ses publications les plus récentes, il se serait enrôlé dans l’armée de terre déployée dans Gaza.
L’influenceur Shita Hakdosha mange une glace en compagnie de soldats israéliens en regardant les bombardements sur Khan Younès, dans la bande de Gaza.TikTok
Tout comme la réserviste Natalia Fadeev, créatrice de contenu « confirmée » sur TikTok et Instagram, qui se présente elle aussi dans sa biographie comme « réserviste de l’armée de défense israélienne ». Cette fan de cosplay2 titre toutes ses stories à la une avec le mot « war » (guerre) et les illustre d’un personnage de manga en tenue militaire israélienne. Si elle ne se filme pas en train de commettre des exactions, ses publications visent plutôt à donner une image « sexy » d’Israël, de son armée et de la guerre génocidaire contre Gaza. Sans surprise, la presse conservatrice israélienne glorifie souvent ces soldats et les présente comme des héros de guerre3, notamment en les invitant sur les plateaux télé et en leur donnant la parole.
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Depuis le 7 octobre un génocide est en cours à Gaza. Malgré des médias aux ordres, il n’est plus possible de nier la réalité : plus de 30000 mort.es dont une grande majorité de femmes et d’enfants, 90% de la population déplacée de force et régulièrement bombardée, des habitations pulvérisées, la famine organisée, des familles ciblées et exterminées.
La Cour Internationale de Justice a confirmé qu’il y a une tentative de génocide. Monsieur Macron n’a rien dit sur ce qui se passe à Gaza. Il n’a rien vu, il ignore que ce n’est pas seulement la population palestinienne qui est assassinée, c’est aussi le Droit international.
Il a sciemment fait une confusion majeure : les victimes de l’attaque du 7 octobre n’ont pas été tué.es en tant que juifs/ves. Pour leur malheur hélas, elles ont été tuées en tant que membres d’un État colonial et désormais fasciste, qui enferme depuis 16 ans plus de deux millions de personnes dans un ghetto dont il a construit les murs. Seize ans dans la plus parfaite illégalité et avec la complicité des nations dites civilisées ! Seize ans sans discontinuer jusqu’à la brèche du 7 octobre.
Toutes les vies ont la même valeur et parler des victimes israéliennes du 7 octobre sans un mot pour les milliers de victimes palestiniennes d’aujourd’hui et de demain est d’une indécence absolue.
Accuser le peuple palestinien d’antisémitisme, c’est légitimer les assassins au pouvoir en Israël qui sont allés jusqu’à justifier les meurtres des civil.es et des enfants.
Monsieur Macron semble ignorer totalement le Droit international. Résister à l’occupation et à l’oppression est un droit et même un devoir. L’occupation de la Palestine est illégale et les nombreux Français qui vivent dans les colonies violent le Droit international. Les milliers de Français engagés dans l’armée israélienne participent à des crimes contre l’humanité et à un génocide.
En mélangeant sciemment juif et israélien, en faisant de la Palestine un peuple d’antisémites, Monsieur Macron ne protège pas les Juifs. Il les met en danger. Il en fait les complices d’un génocide sur lequel il est étrangement silencieux. Il détruit la mémoire de l’antisémitisme et du génocide nazi qui n’ont rien à voir avec le soutien à un régime suprémaciste dirigé par des fascistes.
Il fait honte.
La Coordination nationale de l’UJFP le 7 février 2024
L’ONG Human Rights Watch a accusé, jeudi 21 décembre, Meta de restreindre les contenus favorables aux Palestiniens sur Facebook et Instagram, dénonçant une « censure en ligne systémique » depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas.
Vinciane Joly (avec AFP),
le 22/12/2023 à 13:57
Meta, dont on voit le logo sur l’image ci-dessus, maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, a été accusé jeudi 21 décembre par Human Rights Watch de rendre silencieuses les voix palestiniennes sur les réseaux sociaux.KOVOP / STOCK ADOBE.
Meta, la maison mère des réseaux sociaux Facebook et Instagram, a mis en place une censure « systémique et mondiale » des contenus favorables aux Palestiniens depuis le début du conflit entre Israël et le Hamas le 7 octobre dernier, accuse l’ONG Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié jeudi 21 décembre.
« Les politiques et systèmes de modération de contenus de Meta réduisent de plus en plus au silence les voix en faveur de la Palestine sur Instagram et Facebook », écrit-elle dans le rapport de 51 pages, estimant que « la censure par Meta contribue à l’effacement des souffrances des Palestiniens ».
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Mardi déjà, le conseil de surveillance indépendant de Meta a reproché aux plateformes du géant des réseaux sociaux une politique de modération trop restrictive dans le cadre de la guerre à Gaza, déclenchée le 7 octobre par une attaque terroriste du Hamas sur le sol israélien, faisant environ 1 140 morts, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur des chiffres israéliens. Plus de 20 000 Palestiniens, majoritairement des femmes, des enfants et des adolescents, ont été tués par Israël, d’après le ministère de la santé de Gaza, gouvernée par le Hamas.
Voix « étouffées »
Cette censure est « particulièrement nocive dans une période de terribles atrocités et de répression qui étouffent déjà les voix des Palestiniens », a déploré Deborah Brown, directrice adjointe par intérim de la division Technologies et droits humains de HRW, citée dans le communiqué de l’ONG. « Les réseaux sociaux constituent une plateforme essentielle permettant aux gens de témoigner et de dénoncer les abus », rappelle-t-elle, tandis que la guerre se double d’une bataille informationnelle en ligne.
Dans son rapport intitulé, « Les promesses non tenues de Meta : censure systémique de contenus pro palestiniens sur Instagram et Facebook », HRW a documenté 1 050 « cas de censure ou de suppression de contenu » dans plus de 60 pays entre octobre et novembre. Parmi eux, 1 049 concernent des publications de soutien pacifique à la Palestine et un en faveur d’Israël. Un panel d’analyse limité certes, mais qui fait écho aux résultats obtenus par des études de HRW ou d’autres organisations ces dernières années. « Les propres publications d’HRW pour mener à bien son enquête sur la censure en ligne ont été considérées comme des spams », affirme le rapport.
L’ONG met en lumière six modèles récurrents de censure : suppressions de contenus ; suspension ou suppression de comptes ; incapacité d’interagir avec les contenus ; incapacité de suivre ou de marquer des comptes ; restrictions à l’utilisation de fonctionnalités telles qu’Instagram/Facebook Live ; et « shadow banning » (bannissement furtif, en français).
Ce dernier terme désigne une pratique consistant à restreindre drastiquement la visibilité des publications, des stories (contenu publié temporairement) ou du compte d’un individu à son insu. Cette technique de modération des contenus, via l’usage d’algorithmes, permet de limiter le cyberharcèlement, les publications incitant à la violence et la propagation de fausses informations.
Cette fois-ci, elle a été utilisée pour exclure les internautes partageant des contenus dits pro palestiniens. « Dans des centaines de cas, des commentaires mentionnant les mots de « free Palestine », « ceasefire now » ou « stop the genocide » ont été supprimés », rapporte HRW, indiquant que cela concernait également les émojis de drapeaux palestiniens. « De nombreux utilisateurs ont rapporté que leurs publications étaient effacées si elles contenaient des critiques à l’égard du gouvernement israélien, y compris à l’égard de Benyamin Netanyahou », ajoute l’ONG.
Pour contourner cette mise en sourdine, des internautes ont eu recours à diverses techniques, notamment les fautes d’orthographe intentionnelles ou le remplacement des lettres par des symboles (Palestine devient ainsi P@lest ! ne).
Influence excessive des gouvernements
Dans ce contexte, Human Rights Watch estime que quatre facteurs ont contribué à cette censure. Le premier est la politique de Meta sur les individus et organisations dangereuses (DOI) qui entravent les discours de ceux qui prônent la violence. Or, l’entreprise s’appuie pour cela sur la large liste des organisations désignées terroristes par les États-Unis. Ainsi, « la manière dont Meta applique cette politique bloque dans les faits de nombreux narratifs qui soutiennent les principaux mouvements politiques palestiniens et entrave les discussions autour d’Israël et de la Palestine », dénonce le rapport.
L’ONG critique également l’influence excessive des gouvernements qui réclament la suppression de contenu, et cite nommément les « demandes de l’unité cyber d’Israël ». Enfin, HRW épingle la dépendance à l’égard d’outils automatisés de modération et l’application opaque et incohérente de ces politiques de modération par Meta de manière générale.
Sollicitée par HRW, Meta a « cité sa responsabilité en matière de droits de l’homme et ses principes fondamentaux en la matière », détaille le communiqué. L’ONG a appelé Meta à « aligner ses politiques et pratiques de modération de contenus sur les normes internationales en matière de droits de l’homme ».
Opinion | Les Israéliens doivent choisir entre la provocation et la main tendue
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’exprime lors d’une conférence de presse le mois dernier. Photo: Abir Sultan/AP
Yoana Gonen (12 nov. 2023)
Peut-être est-ce la fin de Benjamin Netanyahou. Peut-être qu’après un tel désastre, il n’aura plus sa légendaire capacité de récupération et qu’il disparaîtra de la vie publique, libérant l’État d’Israël de l’étau dans lequel il l’enserre depuis des années. Bien sûr, les cimetières métaphoriques sont pleins de journalistes qui ont parié sur la fin de l’ère Netanyahou, et il est donc préférable de ne pas faire de déclarations grandioses pour le moment.
Mais même si le Premier ministre s’en va, enfin, et même si tout son cortège de flagorneurs et d’imbéciles s’en va dans son sillage, sa destitution n’est pas un exorcisme magique qui résoudra tous nos problèmes. Un mois après le massacre du 7 octobre, il convient d’examiner le chemin parcouru depuis lors et de prêter attention à la manière dont le comportement de chacun d’entre nous affecte l’image de la société qui émergera des ruines.
Quatre anciens législateurs arabes israéliens arrêtés par la police pour avoir organisé une manifestation contre la guerre
Un grand théâtre de Jérusalem gèle sa production après qu’un écrivain ait accusé Israël de « génocide » à Gaza
La voix des Arabes israéliens qui s’opposent à la guerre est la voix de la démocratie
À l’heure actuelle, nous nous dirigeons au galop vers l’abîme. L’atmosphère publique est envahie par les vapeurs putrides du nationalisme, du silence et de la violence à l’égard de tout léger écart par rapport à l’unité forcée. Les premières victimes sont bien sûr les citoyens arabes, qui ont vécu ces dernières semaines une campagne de persécution répugnante.
Alors que les citoyens juifs sont autorisés à diffuser des mensonges et des provocations, les Arabes sont arrêtés ou renvoyés de leur emploi pour chaque message mal traduit ou remarque désinvolte. Le mauvais esprit déborde dans certains cas sur la violence physique et les médias, pour leur part, préfèrent traiter de l’antisémitisme plutôt que du racisme à l’intérieur du pays, qui n’est pas un problème moins funeste pour notre avenir collectif.
Nous savons tous que l’histoire ne se répète pas, mais qu’elle a des parallèles. Ainsi, comme un chapitre tiré d’un livre sur l’histoire européenne du XXe siècle, le monde universitaire et la gauche radicale ont été désignés comme des ennemis du peuple, les universités sont exhortées à renvoyer les conférenciers qui ne semblent pas assez patriotiques et les médias sociaux sont remplis de messages faisant publiquement honte aux personnes qui ont exprimé leur tristesse face à la mort d’innocents dans la bande de Gaza.
De nombreux Israéliens sont devenus des tyrans du clavier, se lançant à la poursuite des traîtres et faisant des crises de colère puériles à propos de chaque Islandais pris au hasard sur TikTok qui n’a pas compris la complexité du conflit. Dans ce cas également, les médias attisent le sentiment de persécution et, jusqu’à présent, les tensions internes fermentent comme du pus.
Les personnes qui, il y a encore un mois, s’insurgeaient contre la démagogie vénéneuse de Netanyahou et contre ses partenaires adoptent aujourd’hui avidement leurs méthodes : désigner des ennemis, faire taire les critiques, exiger des condamnations et harceler des citoyens privés au lieu des éléments responsables.
Dans son livre « The Anatomy of Fascism », le chercheur Robert Paxton note que la combinaison d’une crise catastrophique et d’un sentiment accru de victimisation, qui justifie toute action contre les ennemis de l’intérieur et de l’extérieur, est le terreau toxique sur lequel se développent les tendances fascistes.
Selon lui, les discussions sur le fascisme ont tendance à se concentrer sur les grands drames, mais les régimes fascistes naissent d’un tissu de décisions banales prises par de petites gens : la volonté de fermer les yeux, le soutien implicite ou explicite à la persécution des opposants, les mesures quotidiennes qui s’additionnent pour aboutir à des résultats désastreux.
Il est possible d’en tirer des encouragements, pour ne pas dire un plan d’action : Ces mesures quotidiennes peuvent également constituer une force qui empêchera la détérioration de s’accélérer. Chacun d’entre nous peut choisir à chaque instant de consacrer son temps à harceler un groupe minoritaire ou des personnes dont les échecs et l’insensibilité ont provoqué cette catastrophe.
À chaque instant, il est possible de décider d’investir son temps dans la provocation et de jouer les victimes ou d’aider et de tendre la main. La guerre à Gaza finira par se terminer, mais si nous ne nous redressons pas et ne sortons pas de cette frénésie insensée, une réalité très sombre nous attend de l’autre côté.
Dernier bilan du ministère de la Santé à Gaza : « L’occupation israélienne commet 12 massacres contre des familles à Gaza, entraînant 107 morts et 165 blessés au cours des dernières 24 heures. »
Un bilan qui s’élève désormais à 27 238 martyrs et 66 452 blessés depuis le 7 octobre de l’année dernière.»
Gidéon Lévy écrit dans Haaretz : « 11 500 enfants ont été tués à Gaza. L’horreur de cette échelle n’a aucune justification »
« Deux cent soixante noms de bébés qui n’avaient pas atteint l’âge d’un an, des centaines de noms d’enfants d’un ou deux ans ; les tout-petits âgés de trois ou quatre ans ; des enfants âgés de cinq, six, sept ou huit ans, jusqu’aux jeunes âgés de 17 ans au moment de leur décès.« , énonce-t-il dans la presse israélienne, en se demandant si les lecteurs se rendent compte de l’étendue et de la monstruosité
L’aviation israélienne bombarde le quartier d’Al-Manara et les chantiers de l’hôpital européen de Gaza à Khan Younès.
DÉVASTATION
Les Palestiniens inspectent leurs maisons lourdement endommagées après le retrait des forces israéliennes de diverses zones du nord de Gaza.
Une scène effrayante documentée par Euro-Med Monitor montre l’exécution d’un civil palestinien qui cherchait de la nourriture près du stade Palestine à Gaza.
Comme beaucoup d’autres, il a été abattu par des tireurs d’élite israéliens postés sur les toits qui ciblent quotidiennement les civils, tout en empêchant les ambulances d’accéder aux blessés.
Plus de 5 jours se sont écoulés et, sans nouvelles, on craint le pire pour le sort de la petite Hind et de l’équipe du Croissant-Rouge qui est allée la secourir .
LES MONSTRES QUI SE PERMETTENT ENSUITE DE TRAITER D’ANTISÉMITE LA TERRE ENTIÈRE
« Oui, nous incendions les maisons. Autant que nous pouvons. Et nous en sommes fiers. » », a déclaré le directeur général du parti sionisme religieux, Yehuda Vald, qui a également participé à l’invasion de Gaza, affirme un article israélien qui révèle que des généraux israéliens ont ordonné aux soldats d’incendier des maisons palestiniennes à Gaza.
Naomi Klein (Je n’ai pas pu copier les images saisissantes du texte original publié dans The Guardian. Vous les trouverez en cliquant sur le lien de Naomi Klein)
En 2005, les Palestiniens ont appelé le monde à boycotter Israël jusqu’à ce qu’il se conforme au droit international. Et si nous avions écouté ? 10 Janv. 2024 12.00 CET
Il y a exactement 15 ans cette semaine, j’ai publié un article dans le Guardian. Il commençait ainsi :
« Il est temps. Il est grand temps. La meilleure stratégie pour mettre fin à une occupation de plus en plus sanglante est qu’Israël devienne la cible du type de mouvement mondial qui a mis fin à l’apartheid en Afrique du Sud. En juillet 2005, une vaste coalition de groupes palestiniens a élaboré des plans en ce sens. Ils ont appelé « les personnes de conscience du monde entier à imposer de vastes boycotts et à mettre en œuvre des initiatives de désinvestissement à l’encontre d’Israël, semblables à celles appliquées à l’Afrique du Sud à l’époque de l’apartheid ». La campagne Boycott, Désinvestissement et Sanctions était née.
En janvier 2009, Israël a déclenché une nouvelle phase choquante de massacres dans la bande de Gaza, en baptisant sa campagne de bombardements féroces « Opération Plomb durci ». Elle a tué 1 400 Palestiniens en 22 jours ; le nombre de victimes du côté israélien était de 13. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase et, après des années de réticence, je me suis prononcée publiquement en faveur de l’appel au boycott, au désinvestissement et aux sanctions contre Israël, lancé par les Palestiniens jusqu’à ce qu’il se conforme au droit international et aux principes universels des droits de l’homme, et connu sous le nom de BDS.
Bien que le BDS ait bénéficié d’un large soutien de la part de plus de 170 organisations de la société civile palestinienne, le mouvement est resté modeste au niveau international. Au cours de l’opération « Plomb durci », la situation a commencé à changer et un nombre croissant de groupes d’étudiants et de syndicats en dehors de la Palestine ont adhéré au mouvement.
Pourtant, nombreux étaient ceux qui ne voulaient pas se joindre au mouvement. Je comprenais pourquoi cette tactique me paraissait délicate. Il existe une longue et douloureuse histoire d’entreprises et d’institutions juives prises pour cibles par des antisémites. Les experts en communication qui font pression au nom d’Israël savent comment exploiter ce traumatisme, de sorte qu’ils présentent invariablement les campagnes conçues pour contester les politiques discriminatoires et violentes d’Israël comme des attaques haineuses contre les Juifs en tant que groupe identitaire.
Pendant deux décennies, la peur généralisée découlant de cette fausse équation a empêché Israël de faire face au plein potentiel du mouvement BDS. Aujourd’hui, alors que la Cour internationale de justice entend la compilation dévastatrice de preuves de l’Afrique du Sud sur le crime de génocide commis par Israël à Gaza, c’en est vraiment assez.
Du boycott des bus au désinvestissement des combustibles fossiles, les tactiques BDS ont une histoire bien documentée en tant qu’armes les plus puissantes de l’arsenal non-violent. Les reprendre et les utiliser à ce tournant de l’humanité est une obligation morale.
Cette responsabilité est particulièrement aiguë pour ceux d’entre nous dont les gouvernements continuent d’aider activement Israël en lui fournissant des armes mortelles, des accords commerciaux lucratifs et un droit de veto aux Nations unies. Comme nous le rappelle le BDS, nous n’avons pas à laisser ces accords en faillite parler en notre nom sans les remettre en question.
Les groupes de consommateurs organisés ont le pouvoir de boycotter les entreprises qui investissent dans des colonies illégales ou qui fabriquent des armes israéliennes. Les syndicats peuvent pousser leurs fonds de pension à se désinvestir de ces entreprises. Les gouvernements municipaux peuvent sélectionner des entrepreneurs sur la base de critères éthiques qui interdisent ces relations. Comme nous le rappelle Omar Barghouti, l’un des fondateurs et dirigeants du mouvement BDS : « L’obligation éthique la plus profonde en ces temps est d’agir pour mettre fin à la complicité. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons réellement espérer mettre fin à l’oppression et à la violence ».
En ce sens, le mouvement BDS mérite d’être considéré comme une politique étrangère populaire, ou une diplomatie par le bas – et s’il devient suffisamment fort, il finira par forcer les gouvernements à imposer des sanctions par le haut, comme l’Afrique du Sud tente de le faire. C’est manifestement la seule force capable de faire dévier Israël de sa trajectoire actuelle.
M. Barghouti souligne que, tout comme certains Sud-Africains blancs ont soutenu les campagnes anti-apartheid au cours de cette longue lutte, les Israéliens juifs qui s’opposent aux violations systémiques du droit international commises par leur pays sont les bienvenus dans le mouvement BDS. Pendant l’opération « Plomb durci », un groupe d’environ 500 Israéliens, dont un grand nombre d’artistes et d’universitaires de renom, a fait exactement cela, et a fini par nommer son groupe « Boycott from Within » (Boycott de l’intérieur).
Dans mon article de 2009, je citais leur première lettre de lobbying, qui appelait à « l’adoption de mesures restrictives et de sanctions immédiates » contre leur propre pays et établissait un parallèle direct avec la lutte anti-apartheid sud-africaine. Le boycott de l’Afrique du Sud a été efficace », soulignent-ils, affirmant qu’il a contribué à mettre fin à la légalisation de la discrimination et de la ghettoïsation dans ce pays, ajoutant : « Mais Israël est traité avec des gants de velours : « Mais Israël est traité avec des gants… Ce soutien international doit cesser.
C’était vrai il y a 15 ans, c’est terriblement vrai aujourd’hui.
Le prix de l’impunité
En lisant les documents du BDS datant du milieu et de la fin des années 2000, je suis surtout frappée par l’ampleur de la détérioration du terrain politique et humain. Dans l’intervalle, Israël a construit davantage de murs, érigé plus de points de contrôle, lâché plus de colons illégaux et lancé des guerres bien plus meurtrières. Tout a empiré : le vitriol, la rage, la justice. Il est clair que l’impunité – le sentiment d’imperméabilité et d’intouchabilité qui sous-tend le traitement des Palestiniens par Israël – n’est pas une force statique. Elle se comporte plutôt comme une marée noire : une fois libérée, elle s’infiltre vers l’extérieur, empoisonnant tout et tous sur son passage. Il s’étend largement et s’enfonce profondément.
Depuis l’appel initial au BDS en juillet 2005, le nombre de colons vivant illégalement en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, a explosé, atteignant selon les estimations 700 000 personnes, soit un nombre proche de celui des Palestiniens expulsés lors de la Nakba de 1948. L’expansion des avant-postes des colons s’est accompagnée d’une augmentation de la violence des attaques des colons contre les Palestiniens, tandis que l’idéologie de la suprématie juive et même le fascisme manifeste sont devenus le centre de la culture politique en Israël.
Lorsque j’ai écrit ma première chronique sur le BDS, le consensus dominant était que l’analogie avec l’Afrique du Sud était inappropriée et que le mot « apartheid », utilisé par les juristes, les militants et les organisations de défense des droits de l’homme palestiniens, était inutilement incendiaire. Aujourd’hui, de Human Rights Watch à Amnesty International en passant par B’Tselem, la principale organisation israélienne de défense des droits de l’homme, tous ont mené leurs propres études et sont parvenus à la conclusion inéluctable que l’apartheid est effectivement le terme juridique approprié pour décrire les conditions dans lesquelles Israéliens et Palestiniens mènent des vies totalement inégales et ségréguées. Même Tamir Pardo, l’ancien chef de l’agence de renseignement Mossad, a admis ce fait : « Il y a un État d’apartheid ici », a-t-il déclaré en septembre. « Dans un territoire où deux personnes sont jugées selon deux systèmes juridiques, c’est un État d’apartheid.
En outre, nombreux sont ceux qui comprennent désormais que l’apartheid existe non seulement dans les territoires occupés, mais aussi à l’intérieur des frontières d’Israël de 1948, comme le montre un important rapport publié en 2022 par une coalition d’associations palestiniennes de défense des droits de l’homme réunie par Al-Haq. Il est difficile d’affirmer le contraire lorsque le gouvernement israélien actuel d’extrême droite est arrivé au pouvoir en vertu d’un accord de coalition qui stipule que : « Le peuple juif a un droit exclusif et absolu à la liberté d’expression : « Le peuple juif a un droit exclusif et incontestable sur toutes les régions de la Terre d’Israël … la Galilée, le Néguev, le Golan, la Judée et la Samarie ».
Quand l’impunité règne, tout bouge, tout se déplace, y compris la frontière coloniale. Rien ne reste statique.
Et puis il y a Gaza. Le nombre de Palestiniens tués lors de l’opération « Plomb durci » nous a semblé insondable à l’époque. Nous avons rapidement appris qu’il ne s’agissait pas d’une opération ponctuelle. Au contraire, elle a inauguré une nouvelle politique meurtrière que les responsables militaires israéliens appelaient avec désinvolture « tondre l’herbe » : tous les deux ans, une nouvelle campagne de bombardements était lancée, tuant des centaines de Palestiniens ou, dans le cas de l’opération Protective Edge (bordure protectrice) de 2014, plus de 2 000, dont 526 enfants.
Ces chiffres ont de nouveau choqué et déclenché une nouvelle vague de protestations. Mais cela n’a pas suffi à priver Israël de son impunité, qui a continué à être protégée par le veto fiable des États-Unis à l’ONU, ainsi que par l’afflux constant d’armes. Les récompenses ont été plus corrosives que l’absence de sanctions internationales : ces dernières années, parallèlement à toute cette anarchie, Washington a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël et y a déplacé son ambassade. Il a également négocié les accords dits d’Abraham, qui ont débouché sur des accords de normalisation lucratifs entre Israël et les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Soudan et le Maroc.
C’est Donald Trump qui a commencé à couvrir Israël de ces derniers cadeaux tant désirés, mais le processus s’est poursuivi sans heurts sous Joe Biden. Ainsi, à la veille du 7 octobre, Israël et l’Arabie saoudite étaient sur le point de signer ce qui avait été qualifié avec verve d' »accord du siècle ».
Où étaient les droits et les aspirations des Palestiniens dans tous ces accords ? Absolument nulle part. Car l’autre chose qui a changé pendant ces années d’impunité, c’est tout prétexte pour qu’Israël revienne à la table des négociations. L’objectif était clairement d’écraser le mouvement palestinien pour l’autodétermination par la force, ainsi que par l’isolement physique et politique et la fragmentation.
Nous savons comment se dérouleront les prochains chapitres de cette histoire. L’horrible attentat du 7 octobre perpétré par le Hamas. La détermination furieuse d’Israël à exploiter ces crimes pour faire ce que certains hauts responsables du gouvernement voulaient de toute façon faire depuis longtemps : dépeupler Gaza des Palestiniens, ce qu’ils semblent actuellement tenter de faire en combinant le meurtre direct, la démolition massive de maisons (« domicide »), la propagation de la famine, de la soif et des maladies infectieuses et, enfin, l’expulsion massive.
Ne vous y trompez pas : c’est ce que signifie permettre à un État de devenir un voyou, de laisser l’impunité régner sans contrôle pendant des décennies, en utilisant les traumatismes collectifs réels subis par le peuple juif comme une excuse et une histoire pérenne de couverture . Une telle impunité n’engloutira pas seulement un pays, mais tous les pays avec lesquels il est allié. Elle engloutira toute l’architecture internationale du droit humanitaire forgée dans les flammes de l’holocauste nazi. Si nous laissons faire.
Une décennie d’attaques juridiques contre le BDS
Ce qui soulève un autre point qui n’est pas resté stable au cours des deux dernières décennies : L’obsession croissante d’Israël d’écraser le BDS, quel que soit le prix à payer pour des droits politiques durement acquis. En 2009, les détracteurs du BDS avançaient de nombreux arguments pour expliquer pourquoi il s’agissait d’une mauvaise idée. Certains craignaient que les boycotts culturels et universitaires ne mettent un terme à l’engagement indispensable avec les Israéliens progressistes, et craignaient que cela ne vire à la censure. D’autres soutenaient que des mesures punitives créeraient une réaction brutale et feraient évoluer Israël vers la droite.
Il est donc frappant, avec le recul, de constater que ces premiers débats ont pratiquement disparu de la sphère publique, et ce n’est pas parce qu’un camp a remporté l’argument. Ils ont disparu parce que l’idée même d’un débat a été remplacée par une stratégie dévorante : le recours à l’intimidation juridique et institutionnelle pour mettre les tactiques du BDS hors de portée et faire taire le mouvement.
À ce jour, aux États-Unis, 293 projets de loi anti-BDS ont été déposés et adoptés dans 38 États, selon Palestine Legal, qui a suivi de près cette montée en puissance. Il explique que certaines législations ciblent le financement des universités, d’autres exigent que toute personne recevant un contrat avec un État ou travaillant pour un État signe un contrat par lequel elle s’engage à ne pas boycotter Israël, et « certaines demandent à l’État de compiler des listes noires publiques d’entités qui boycottent pour les droits des Palestiniens ou soutiennent le BDS ». En Allemagne, le soutien à toute forme de BDS est suffisant pour que les prix soient annulés, les financements supprimés et les spectacles et conférences annulés (j’en ai fait l’expérience moi-même).
Cette stratégie est, sans surprise, plus agressive à l’intérieur même d’Israël. En 2011, le pays a promulgué la loi sur la prévention des dommages causés à l’État d’Israël par le boycott, étouffant ainsi dans l’œuf le mouvement naissant du Boycott de l’intérieur. Le centre juridique Adalah, une organisation œuvrant pour les droits des minorités arabes en Israël, explique que la loi « interdit la promotion publique du boycott académique, économique ou culturel par des citoyens et des organisations israéliens contre des institutions israéliennes ou des colonies israéliennes illégales en Cisjordanie. Elle permet d’engager des poursuites civiles contre toute personne appelant au boycott ». Comme les lois au niveau de l’État aux États-Unis, « elle interdit également à une personne qui appelle au boycott de participer à tout appel d’offres public ». En 2017, Israël a commencé à interdire ouvertement aux militants pro-BDS d’entrer en Israël ; 20 groupes internationaux ont été placés sur la prétendue liste noire BDS, y compris le pilier anti-guerre Jewish Voice for Peace.
Pendant ce temps, aux États-Unis, les lobbyistes des compagnies pétrolières et gazières et des fabricants d’armes à feu s’inspirent de l’offensive juridique anti-BDS et poussent à l’adoption de lois similaires pour restreindre les campagnes de désinvestissement qui visent leurs clients. « Cela montre pourquoi il est si dangereux d’autoriser ce type d’exception à la liberté d’expression en faveur de la Palestine », a déclaré Meera Shah, avocate principale de Palestine Legal, au magazine Jewish Currents. « Car non seulement elle nuit au mouvement pour les droits des Palestiniens, mais elle finit par nuire à d’autres mouvements sociaux. Une fois de plus, rien ne reste statique, l’impunité s’étend, et lorsque les droits de boycott et de désinvestissement sont supprimés pour la solidarité palestinienne, le droit d’utiliser ces mêmes outils pour faire pression en faveur de l’action climatique, du contrôle des armes à feu et des droits des personnes LGBTQ+ est également supprimé.
D’une certaine manière, c’est un avantage, car cela permet d’approfondir les alliances entre les mouvements. Toutes les grandes organisations progressistes et tous les syndicats ont intérêt à protéger le droit au boycott et au désinvestissement en tant que principes fondamentaux de la liberté d’expression et outils essentiels de la transformation sociale. La petite équipe de Palestine Legal a mené la riposte aux États-Unis de manière extraordinaire – en déposant des dossiers judiciaires qui contestent les lois anti-BDS comme étant inconstitutionnelles et en soutenant les dossiers d’autres personnes. Ils méritent beaucoup plus de soutien.
Le moment du BDS est-il enfin arrivé ?
Il y a une autre raison de se réjouir : la raison pour laquelle Israël s’en prend au BDS avec une telle férocité est la même que celle pour laquelle tant de militants ont continué à y croire malgré ces attaques sur plusieurs fronts. Parce qu’il peut fonctionner.
Nous l’avons vu lorsque des entreprises internationales ont commencé à se retirer d’Afrique du Sud dans les années 1980. Ce n’était pas parce qu’elles étaient soudainement frappées par des épiphanies morales antiracistes. Au contraire, lorsque le mouvement s’est internationalisé et que les campagnes de boycott et de désinvestissement ont commencé à toucher les ventes de voitures et les clients des banques en dehors du pays, ces entreprises ont calculé qu’il leur en coûterait plus cher de rester en Afrique du Sud que d’en partir. Les gouvernements occidentaux ont commencé tardivement à imposer des sanctions pour des raisons similaires.
Cela a nui au secteur des entreprises sud-africaines, dont certaines ont fait pression sur le gouvernement de l’apartheid pour qu’il fasse des concessions aux mouvements de libération des Noirs qui se rebellaient contre l’apartheid depuis des décennies par des soulèvements, des grèves de masse et une résistance armée. Le coût du maintien d’un statu quo cruel et violent était de plus en plus élevé, y compris pour l’élite sud-africaine.
Enfin, à la fin des années 80, la pression exercée de l’extérieur et de l’intérieur est devenue si intense que le président FW de Klerk a été contraint de libérer Nelson Mandela de prison après 27 ans, puis d’organiser des élections « une personne, un vote », qui ont porté Mandela à la présidence.
Les organisations palestiniennes qui ont entretenu la flamme du BDS au cours d’années très sombres placent toujours leur espoir dans le modèle sud-africain de pression extérieure. En effet, alors qu’Israël perfectionne l’architecture et l’ingénierie de la ghettoïsation et de l’expulsion, c’est peut-être le seul espoir.
En effet, Israël est nettement plus à l’abri des pressions internes exercées par les Palestiniens que ne l’étaient les Sud-Africains blancs sous l’apartheid, qui dépendaient de la main-d’œuvre noire pour toutes sortes de tâches, des travaux domestiques à l’extraction de diamants. Lorsque les Sud-Africains noirs retiraient leur main-d’œuvre ou s’engageaient dans d’autres types de perturbations économiques, ils ne pouvaient pas être ignorés.
Israël a tiré les leçons de la vulnérabilité de l’Afrique du Sud : depuis les années 90, sa dépendance à l’égard de la main-d’œuvre palestinienne n’a cessé de diminuer, en grande partie grâce aux « travailleurs invités » et à l’afflux d’environ un million de Juifs en provenance de l’ex-Union soviétique. Cela a permis à Israël de passer du modèle d’oppression de l’occupation au modèle actuel de ghettoïsation, qui tente de faire disparaître les Palestiniens derrière des murs imposants dotés de capteurs de haute technologie et de la défense antiaérienne israélienne Dôme de fer, tant vantée.
Mais ce modèle – appelons-le la bulle fortifiée – comporte ses propres vulnérabilités, et pas seulement face aux attaques du Hamas. La vulnérabilité la plus systémique vient de l’extrême dépendance d’Israël à l’égard du commerce avec l’Europe et l’Amérique du Nord, qu’il s’agisse de son secteur touristique ou de son secteur des technologies de surveillance alimentées par l’IA. L’image de marque qu’Israël s’est forgée est celle d’un avant-poste occidental branché dans le désert, une petite bulle de San Francisco ou de Berlin qui se trouve par hasard dans le monde arabe.
Cela la rend particulièrement vulnérable aux tactiques du BDS, y compris les boycotts culturels et universitaires. En effet, lorsque des stars de la pop, désireuses d’éviter la controverse, annulent leurs concerts à Tel-Aviv, que des universités américaines prestigieuses mettent fin à leurs partenariats officiels avec des universités israéliennes après avoir assisté à l’explosion de plusieurs écoles et universités palestiniennes, et que de belles personnalités ne choisissent plus Eilat pour leurs vacances parce que leurs followers Instagram ne seront pas impressionnés, c’est tout le modèle économique d’Israël qui s’en trouve ébranlé, ainsi que l’idée qu’il se fait de lui-même.
Cela introduira de la pression là où les dirigeants israéliens n’en ressentent manifestement que peu aujourd’hui. Si les entreprises mondiales de technologie et d’ingénierie cessent de vendre des produits et des services à l’armée israélienne, la pression augmentera encore, peut-être suffisamment pour modifier la dynamique politique. Les Israéliens souhaitent ardemment faire partie de la communauté mondiale et, s’ils se retrouvent soudainement isolés, un nombre beaucoup plus important d’électeurs pourrait commencer à exiger certaines des actions que les dirigeants actuels d’Israël rejettent d’emblée, comme négocier avec les Palestiniens une paix durable fondée sur la justice et l’égalité telles que définies par le droit international, plutôt que d’essayer de sécuriser sa bulle fortifiée à l’aide de phosphore blanc et d’épuration ethnique.
Le problème, bien sûr, c’est que pour que les tactiques non violentes de BDS fonctionnent, les victoires ne peuvent pas être sporadiques ou marginales. Elles doivent être durables et générales – au moins aussi générales que la campagne sud-africaine, qui a vu de grandes entreprises comme General Motors et Barclays Bank retirer leurs investissements, tandis que des artistes de renom comme Bruce Springsteen et Ringo Starr se joignaient à un supergroupe des années 80 pour chanter « ain’t gonna play Sun City » (référence à la station balnéaire de luxe emblématique de l’Afrique du Sud).
Barghouti estime que les « syndicats de travailleurs et d’agriculteurs, ainsi que les mouvements de justice raciale, sociale, climatique et de genre » qui le soutiennent « représentent collectivement des dizaines de millions de personnes dans le monde ». Mais le mouvement n’a pas encore atteint un point de basculement comparable à celui de l’Afrique du Sud.
Cela a un coût. Il n’est pas nécessaire d’être un historien des luttes de libération pour savoir que lorsque des tactiques guidées par la morale sont ignorées, mises à l’écart, salies et interdites, d’autres tactiques – non liées à ces préoccupations éthiques – deviennent beaucoup plus attrayantes pour les personnes désespérées par l’espoir d’un changement.
Nous ne saurons jamais comment le présent aurait pu être différent si davantage d’individus, d’organisations et de gouvernements avaient tenu compte de l’appel au BDS lancé par la société civile palestinienne en 2005. Lorsque j’ai pris contact avec M. Barghouti il y a quelques jours, il n’a pas évoqué deux décennies d’impunité, mais 75 ans. Israël, a-t-il déclaré, « n’aurait pas été en mesure de perpétrer son génocide télévisé à Gaza sans la complicité des États, des entreprises et des institutions avec son système d’oppression ». La complicité, a-t-il souligné, est quelque chose que nous avons tous le pouvoir de rejeter.
Une chose est sûre : les atrocités commises actuellement à Gaza renforcent considérablement les arguments en faveur du boycott, du désinvestissement et des sanctions. Les tactiques non violentes que beaucoup considéraient comme extrêmes ou craignaient d’être taxées d’antisémitisme semblent très différentes à la lumière de deux décennies de carnage, avec de nouveaux décombres empilés sur les anciens, de nouveaux chagrins et traumatismes gravés dans le psychisme des nouvelles générations, et de nouvelles profondeurs de dépravation atteintes à la fois dans les mots et dans les actes.
Dimanche dernier, pour sa dernière émission sur MSNBC, Mehdi Hasan a interviewé le photojournaliste palestinien Motaz Azaiza, basé à Gaza, qui risque sa vie, jour après jour, pour transmettre au monde les images des massacres perpétrés par Israël. Le message qu’il a adressé aux téléspectateurs américains était clair : « Ne vous considérez pas comme une personne libre si vous ne pouvez pas changer les choses, si vous ne pouvez pas arrêter un génocide qui est toujours en cours ».
Dans un moment comme le nôtre, nous sommes ce que nous faisons. Tant de gens ont fait plus que jamais auparavant : bloquer des livraisons d’armes, occuper des sièges de gouvernement pour exiger un cessez-le-feu, se joindre à des manifestations de masse, dire la vérité, même si c’est difficile. La combinaison de ces actions pourrait bien avoir contribué au développement le plus important dans l’histoire du BDS : la requête de l’Afrique du Sud auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye accusant Israël de commettre un génocide et demandant des mesures provisoires pour arrêter son attaque contre Gaza.
Une analyse récente du journal israélien Haaretz note que si la CIJ se prononce en faveur de l’Afrique du Sud, même si les États-Unis opposent leur veto à une intervention militaire aux Nations unies, « une injonction pourrait avoir pour conséquence d’ostraciser Israël et les entreprises israéliennes et de les soumettre à des sanctions imposées par des pays ou des blocs individuels ».
Les boycotts populaires, quant à eux, commencent déjà à porter leurs fruits. En décembre, Puma – l’une des principales cibles du BDS – a fait savoir qu’elle mettrait fin à son parrainage controversé de l’équipe nationale de football d’Israël. Avant cela, des artistes ont quitté un grand festival de bande dessinée en Italie, après qu’il est apparu que l’ambassade d’Israël figurait parmi les sponsors. Ce mois-ci, le directeur général de McDonald’s, Chris Kempczinski, a écrit que ce qu’il a appelé la « désinformation » avait « un impact commercial significatif » sur certaines de ses ventes dans « plusieurs marchés du Moyen-Orient et certains en dehors de la région ». Il faisait ainsi référence à la vague d’indignation suscitée par la nouvelle selon laquelle McDonald’s Israël avait fait don de milliers de repas aux soldats israéliens. M. Kempczinski s’est efforcé de séparer la marque mondiale des « propriétaires-exploitants locaux », mais peu de personnes au sein du mouvement BDS sont convaincues par cette distinction.
Il sera également essentiel, alors que le mouvement BDS continue à prendre de l’ampleur, d’être parfaitement conscient que nous sommes au milieu d’une vague alarmante et réelle de crimes haineux, dont beaucoup sont dirigés contre les Palestiniens et les musulmans, mais aussi contre les entreprises et les institutions juives simplement parce qu’elles sont juives. Il s’agit là d’antisémitisme, et non d’activisme politique.
Le BDS est un mouvement sérieux et non violent, doté d’un modèle de gouvernance bien établi. Tout en laissant aux organisateurs locaux l’autonomie de déterminer les campagnes qui fonctionneront dans leur région, le comité national BDS (BNC) définit les principes directeurs du mouvement et sélectionne soigneusement un petit groupe d’entreprises cibles à fort impact, choisies « en raison de leur complicité avérée avec les violations des droits de l’homme des Palestiniens commises par Israël ».
Le BNC est également très clair sur le fait qu’il n’appelle pas au boycott des Israéliens parce qu’ils sont israéliens, déclarant qu’il « rejette, par principe, les boycotts d’individus fondés sur leur opinion ou leur identité (comme la citoyenneté, la race, le sexe ou la religion) ». En d’autres termes, les cibles sont des institutions complices de systèmes d’oppression, et non des personnes.
Aucun mouvement n’est parfait. Chaque mouvement fera des faux pas. Cependant, la question la plus urgente aujourd’hui n’a pas grand-chose à voir avec la perfection. Elle est simplement la suivante : qu’est-ce qui a le plus de chances de changer un statu quo moralement intolérable, tout en empêchant de nouvelles effusions de sang ? L’indomptable journaliste de Haaretz, Gideon Levy, ne se fait pas d’illusions sur ce qu’il faudra faire. Il a récemment déclaré à Owen Jones « La formule est très simple : tant que les Israéliens ne paieront pas et ne seront pas punis pour l’occupation, qu’ils n’en seront pas tenus pour responsables et qu’ils ne la ressentiront pas au quotidien, rien ne changera ».
La police anti-émeute menace des étudiants manifestant contre l’apartheid à Johannesburg, Afrique du Sud, le 20 août 1989. Photo : Louise Gubb/Corbis/Getty Images : Louise Gubb/Corbis/Getty Images
Il est tard
En juillet 2009, quelques mois après la publication de mon premier article sur le BDS, je me suis rendue à Gaza et en Cisjordanie. À Ramallah, j’ai donné une conférence sur ma décision de soutenir le BDS. J’ai notamment présenté mes excuses pour ne pas avoir fait entendre ma voix plus tôt, ce qui, je l’ai avoué, était dû à la peur : la peur que la tactique soit trop extrême lorsqu’elle est dirigée contre un État forgé par le traumatisme juif ; la peur qu’on m’accuse de trahir mon peuple. Des craintes que j’ai toujours.
« Mieux vaut tard que jamais », m’a dit un spectateur bienveillant après la conférence.
Il était tard à l’époque ; il est encore plus tard aujourd’hui. Mais il n’est pas trop tard. Il n’est pas trop tard pour que chacun d’entre nous crée sa propre politique étrangère à partir de la base, une politique qui intervienne dans la culture et l’économie de manière intelligente et stratégique – des moyens qui offrent un espoir tangible que les décennies d’impunité incontrôlée d’Israël prennent enfin fin.
Comme l’a demandé le comité national du BDS la semaine dernière : « Si ce n’est pas maintenant, quand ? Le mouvement anti-apartheid sud-africain s’est organisé pendant des décennies pour obtenir un large soutien international menant à la chute de l’apartheid ; et l’apartheid est tombé. La liberté est inévitable. Le moment est venu d’agir et de rejoindre le mouvement pour la liberté, la justice et l’égalité en Palestine ».
Dans la vallée du Jourdain, en Cisjordanie occupée, la violence des colons est telle que des bergers palestiniens appellent à l’aide des militants israéliens anti-occupation pour les protéger, ainsi que leurs troupeaux. Comme Sigal Harari, que Mediapart a suivie
Vallée du Jourdain (Cisjordanie occupée).– « Vol de moutons par des colons en présence de l’armée, confiscation d’un bassin et de barils d’eau, présence de militants souhaitée d’urgence »… : depuis le 7 octobre 2023, les boucles WhatsApp de Sigal Harari et de ses camarades anti-occupation se multiplient.
« La guerre à Gaza donne des ailes aux colons. Ils sont encore plus agressifs et violents », constate la quinquagénaire, membre du mouvement israélien Regarder l’occupation dans les yeux.
Cet après-midi de décembre, elle arpente, en tenue ample et chaussures de randonnée, un village bédouin palestinien aux allures de bidonville, au cœur de la vallée du Jourdain, en Cisjordanie occupée. Sous haute surveillance israélienne depuis 1967, la vallée porte le nom du fleuve qui la traverse, principale ressource en eau de la région.
Le regard en alerte, tourné au loin vers les avant-postes et autres implantations illégales où se sont stratégiquement établis des colons pour accaparer de vastes étendues de terre, Sigal Harari vérifie que « tout va bien ».
Elle tente aussi de rassurer, malgré la barrière de la langue, l’hébreu pour elle, l’arabe pour lui, l’homme qui marche à ses côtés, un keffieh enroulé autour de la tête : Jamal Amlihat, un berger plusieurs fois attaqué ces derniers mois par des partisans d’Eretz Israel, le Grand Israël, qui entendent bien coloniser ses collines arides.
Depuis l’aube, Sigal Harari, employée dans une crèche pour enfants près de Tel-Aviv, le « sécurise » avec sa collègue Hava, actrice, ce qui leur a valu une descente de l’armée et de la police israéliennes, qui sillonnent la région en véhicule blindé.
« Comme ils n’avaient rien à nous reprocher, ils ont fouillé notre voiture et ils nous ont infligé une amende de 300 euros pour des broutilles. Ils ne comprennent pas notre engagement, surtout en cette période de guerre. Pour eux, comme pour les colons, nous sommes des traîtres à la nation israélienne, des alliées des terroristes du Hamas. »
Plusieurs membres de leur mouvement ainsi que d’autres pacifistes ont été agressé·es physiquement ces derniers mois par les colons, comme en attestent des vidéos virales sur les réseaux sociaux ou les cicatrices sur les jambes de Hava.
« Ils n’hésitent pas à nous frapper, souvent avec des pierres et des bâtons, raconte Sigal Harari. Notre présence les dérange. Ils ne peuvent plus agir impunément lorsque nous sommes là. On filme leur violence. En retour, eux aussi nous filment pour nous faire peur. »
Jamal Amlihat, visage émacié, ne cesse de la remercier pour sa présence. Il ne dort plus depuis plusieurs semaines. « Tout va mal ici. On doit rester en veille en permanence. Nous dépendons des activistes. Sans eux, nous serions morts. Vous vous rendez compte que je ne peux pas sortir mes bêtes dans les pâturages alentour sans eux car j’ai peur des colons ? »
Jamal a 38 ans, cinq enfants qui vont à l’école, située à quelques minutes à pied quand les colons ne les tétanisent pas sur le chemin, au volant d’un SUV blanc, d’un tracteur ou à cheval, en hurlant des insultes, une arme en bandoulière.
« Même un chien est mieux traité que nous ! Les enfants pleurent la nuit au moindre bruit, ils ont besoin de soutien psychologique. Ils ont cassé le bras de mon aîné », témoigne le père de famille en faisant défiler des vidéos sur son téléphone portable, dans lesquelles on le voit sortir de l’hôpital de Jéricho avec son fils qui a le bras plâtré. Ce dernier lui colle aux basques, un pistolet à eau en plastique bleu dans les mains : « C’est notre seule arme », dit-il en riant pour détendre l’atmosphère.
L’attaque la plus violente a eu lieu le 28 novembre, en soirée. « Ils sont arrivés à plusieurs, armés, et ils ont commencé à détruire nos hangars, nos panneaux solaires qui servent à produire de l’électricité. Ils ont volé plusieurs moutons, à moi, mon frère, mon cousin, 35 au total, puis ils sont entrés dans ma maison, ils ont frappé ma femme, mon fils. J’avais notre bébé d’à peine un mois dans les bras. »
Jamal Amlihat se remémore la scène en tremblant. Il a porté plainte, donné les noms de leurs agresseurs, « des jeunes des collines », assure-t-il, ces colons radicaux de moins de 30 ans qui sèment la terreur à travers la vallée et comptent « dégager les Arabes » de la Cisjordanie, qu’ils considèrent comme la terre sacrée d’Israël.
« La police m’a répondu qu’elle ne pouvait rien faire, que ces jeunes des collines ont des problèmes psychologiques, que leur place est à l’asile. » Il a peur que ses enfants deviennent comme eux, « des sauvages », et qu’ils pensent que « tous les juifs sont ainsi ».Cette nuit d’effroi,les activistes de Regarder l’occupation dans les yeux étaient absents. Ils s’affairaient à quelques kilomètres de là, dans un autre campement bédouin.
« Malheureusement, nous ne pouvons pas être partout, tout le temps, nous ne sommes pas assez nombreux au regard du nombre exponentiel d’agressions », regrette Sigal Harari. Elle tient à relativiser leur rôle de bouclier : « Notre présence rassure les villageois mais face à la violence des colons, nous ne faisons pas le poids. S’ils décident de les frapper, ils frapperont, peu importe notre présence. Nous restons minoritaires, encore plus depuis le 7 octobre. »
Elle a « ouvert les yeux » sur « l’extrême violence de l’occupation » israélienne lorsque le gouvernement le plus dur de l’histoire d’Israël, qui fait la part belle aux suprémacistes et aux ultraorthodoxes, a pris ses fonctions à l’automne 2022.
Un film, réalisé par des militants, qu’elle a visionné à cette époque a joué un rôle déclencheur : il décrit en quelques minutes la privation d’eau imposée aux Palestinien·nes par les colons dans la vallée du Jourdain. « J’en avais entendu parler mais je n’avais encore jamais rien vu de mes propres yeux depuis toutes ces décennies. J’ai été si choquée que le lendemain je m’engageais dans le mouvement anti-occupation. »
Conduits et réserves d’eau sabotés, béton coulé dans les puits, eaux usées versées dans les citernes, accès à l’eau sévèrement restreint… Les colons, « mais aussi l’armée », insiste Sigal Harari, se comportent « comme des criminels avec les Palestiniens ».
« Ils ne cherchent pas à les priver d’eau pour les tuer mais pour les forcer à se déplacer, à abandonner leurs terres, afin de pouvoir les leur confisquer,explique la militante. L’eau coûte une fortune aux Bédouins. Ils doivent acheter plusieurs mètres cubes, faire de longs trajets pour cela à cause des barrages militaires. Plusieurs ont été fermés, au nord, depuis le 7 octobre, rallongeant les détours et l’attente de plusieurs heures pour que l’armée leur ouvre les barrières à l’arrivée puis à nouveau au départ. Tout est fait pour leur rendre la vie impossible. »
Parfois, l’armée confisque aux Palestiniens un tracteur servant à remplir leurs citernes, « dans le seul but de pourrir encore plus leur quotidien ». « Lorsque cela arrive, on essaie de le récupérer. On fixe aussi dans les villages des pompes à eau, car ils n’ont pas le droit de le faire. On fait pression sur l’armée également pour l’ouverture des check-points »,détaille Sigal Harari.
Elle pointe du doigt, près de l’école, le château d’eau aux couleurs de Mekorot, la compagnie israélienne qui exploite les eaux en Cisjordanie occupée, et s’indigne : « J’ai honte de mon pays ! Mekorot vole l’eau des Palestiniens pour la leur revendre ensuite ! »
L’État d’Israël n’accapare pas seulement la terre de Palestine. Il accapare aussi son eau naturelle pour approvisionner les Israélien·nes, y compris celles et ceux qui vivent dans les colonies illégales, à des fins domestiques, agricoles et industrielles.
L’eau représente plus de la moitié des dépenses mensuelles de Jamal Amlihat, qui tire de maigres revenus de la vente de fromage, de lait de brebis et de viande de mouton. Elle sert à subvenir aux besoins essentiels de sa famille mais aussi à ceux de son troupeau qu’il peine à nourrir.
« Les colons nous empêchent d’accéder à nos pâturages. Je préfère ne pas prendre le risque d’être frappé ou tué mais cela nécessite que j’achète de la nourriture pour mes bêtes. La vie est très dure mais grâce à Dieu, nous sommes vivants »,confie-t-il en s’arrêtant devant la bergerie, escorté par ses deux chiens de berger, pour donner du foin au bétail.
Sa famille, autrefois nomade du désert, s’est sédentarisée il y a plusieurs décennies, sans qu’il ait le souvenir précis de la genèse, sinon que l’exode était dû aux guerres successives. Depuis les années 1980, elle vivote dans les replis de cette plaine désertique, aujourd’hui ciblée par les colons, aux côtés de quelque soixante-dix autres familles. Elles s’entassent dans la misère et la poussière sous des amas de tôles et derrière des bâches en plastique en guise de maisons.
Ces derniers temps, Sigal Harari séjourne à leurs côtés en moyenne trois fois par semaine, rapporte quelques fruits, des pommes et des kakis, quelques crayons aux enfants pour qu’ils dessinent, évacuent par l’art la violence subie. Elle ne pensait pas son pays capable de tels « crimes ».Elle vit avec son mari et leurs quatre enfants dans un kibboutz près de Tel-Aviv, « une bulle » qui lui a permis pendant longtemps de fermer les yeux et de se boucher les oreilles.
« Comme beaucoup d’Israéliens, nous vivons dans un narratif où les Palestiniens sont tous des terroristes,déplore Sigal Harari. Nous sommes les bons, ils sont les méchants. On a grandi avec cela. Pour ouvrir les yeux, il faut le vouloir. Même moi, je ne l’ai pas voulu pendant des décennies alors que je suis de gauche, progressiste. La réalité n’est pas celle que l’on nous vend. »
Autour d’elle, tout le monde n’a pas compris son engagement, à commencer par son mari. « Il a mis du temps à l’accepter mais contrairement à d’autres autour de nous, qui ont abandonné la lutte anti-occupation après les massacres du Hamas le 7 octobre, il n’a pas remis en cause mon combat. » Quant à leurs enfants, « ils ne veulent pas savoir. Ils [lui] disent que tout cela est bien trop violent ».
Diffusé en anglais, le 21 janvier, et charcuté-diabolisé par les médias mainstream francophones, voici, en français, l'intégralité du récit du Hamas concernant son opération militaire du 7 octobre. Vous pouvez également retrouver l'analyse de ce document par Investig'Action en cliquant ici.
Notre récit…
L’opération déluge d’Al-Aqsa
INTRODUCTION
Notre peuple palestinien inébranlable ;
Les nations arabes et islamiques ;
Les peuples libres du monde entier et ceux qui défendent la liberté, la justice et la dignité humaine.
À la lumière de l’agression israélienne en cours sur la bande de Gaza et la Cisjordanie, et alors que notre peuple continue sa bataille pour l’indépendance, la dignité et la libération de la plus longue occupation au cours de laquelle ils ont fait preuve de la plus grande bravoure et d’héroïsme face à la machine meurtrière et d’agression israéliennes.
Nous aimerions clarifier, pour notre peuple et pour les peuples libres du monde, la réalité de ce qui s’est passé le 7 octobre, les motifs derrière, le contexte général lié à la cause palestinienne ainsi que réfuter les allégations israéliennes et mettre les faits en perspective.
– Deuxièmement : Les événements de l’opération déluge d’Al-Aqsa et réponses aux allégations israéliennes
– Troisièmement : Vers une enquête internationale transparente
– Quatrièmement : Un rappel au monde, qui est le Hamas ?
– Cinquièmement : De quoi a-t-on besoin ?
PREMIEREMENT :
POURQUOI L’OPERATION DELUGE D’Al-AQSA ?
1) La bataille du peuple palestinien contre l’occupation et le colonialisme n’a pas commencé le 7 octobre, mais a commencé il y a 105 ans, dont 30 ans de colonialisme britannique et 75 ans d’occupation sioniste. En 1918, le peuple palestinien possédait 98,5 % de la terre de Palestine et représentait 92 % de la population sur la terre de Palestine.
Alors que les Juifs, qui ont été amenés en Palestine dans le cadre de campagnes d’immigration de masse en coordination entre les autorités coloniales britanniques et le mouvement sioniste, sont parvenus à prendre le contrôle de pas plus de 6 % des terres de Palestine et à représenter 31 % de la population avant 1948, date à laquelle l’entité sioniste a été annoncée sur la terre historique de la Palestine.
À cette époque, le peuple palestinien s’est vu refuser le droit à l’autodétermination et les bandes sionistes se sont engagées dans une une campagne de nettoyage ethnique contre le peuple palestinien visant à l’expulser de ses terres et régions.
En conséquence, les bandes sionistes ont pris le contrôle de la région, les gangs sionistes ont pris le contrôle par la force de 77 % de la de la Palestine, où ils ont expulsé 57 % du peuple palestinien de Palestine, détruit plus de 500 villages et villes palestiniennes, et ont commis des dizaines de massacres contre les Palestiniens, ce qui a abouti à la création de l’entité de l’entité sioniste en 1948.
En outre, dans la continuité de l’agression, les forces israéliennes ont occupé en 1967 le reste de la de la Palestine, y compris la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem, ainsi que les territoires arabes autour de la Palestine.
2) Au cours de ces longues décennies, le peuple palestinien a subi toutes les formes d’oppression, d’injustice, d’expropriation de ses droits fondamentaux et de politiques d’apartheid. La bande de Gaza, par exemple, a souffert en 2007 d’un blocus étouffant pendant 17 ans, qui en a fait la plus grande prison à ciel ouvert du monde.
Le peuple palestinien de Gaza a également souffert de cinq guerres destructrices et des agressions dont « Israël » était la partie offensante. La population de Gaza en 2018 a également initié la Grande Marche du Retour pour protester pacifiquement contre le blocus israélien, leurs conditions humanitaires misérables et pour revendiquer leur droit au retour. Cependant, les forces d’occupation israéliennes ont réagi à ces manifestations par une répression brutale dans laquelle 360 Palestiniens ont été tués et 19 000 autres blessés, dont plus de 5 000 enfants, en l’espace de quelques mois.
3) Selon les chiffres officiels, entre janvier 2000 et septembre 2023, l’occupation israélienne a tué 11 299 Palestiniens et en a blessé 156 768 autres, en grande majorité des civils. Malheureusement, l’administration américaine et ses alliés n’ont pas prêté attention aux souffrances du peuple palestinien au cours des dernières années, mais ont couvert l’agression israélienne. Ils se sont contentés de déplorer les soldats israéliens tués le 7 octobre, sans même chercher à savoir ce qui s’est passé, et ils se sont rangés à tort derrière le discours israélien en condamnant un prétendu ciblage de civils israéliens. L’administration américaine a apporté un soutien financier et militaire aux massacres perpétrés par l’occupation israélienne contre les civils palestiniens et à l’agression brutale de la bande de Gaza, et les responsables américains continuent d’ignorer les massacres commis par les forces d’occupation israéliennes dans la bande de Gaza.
4) Les violations et la brutalité israéliennes ont été documentées par de nombreuses organisations des Nations Unies et des groupes internationaux de défense des droits de l’homme, dont Amnesty International et Human Rights Watch, et même par des groupes israéliens de défense des droits de l’homme. Cependant, ces rapports et témoignages ont été ignorés et l’occupation israélienne n’a toujours pas été tenue pour responsable. Par exemple, le 29 octobre 2021, l’ambassadeur d’Israël auprès des Nations Unies, Gilad Erdan, a insulté le système des Nations Unies en déchirant un rapport destiné à la Commission des droits de l’homme de l’ONU, lors d’un discours à l’Assemblée générale, et l’a jeté dans une poubelle avant de quitter le podium. Malgré cela, il a été nommé l’année suivante – 2022 – au poste de vice-président de l’Assemblée générale des Nations Unies.
5) L’administration américaine et ses alliés occidentaux ont toujours traité Israël comme un État au-dessus de la loi ; ils lui fournissent la couverture nécessaire pour continuer à prolonger l’occupation, à réprimer le peuple palestinien tout en permettant à « Israël » d’exploiter cette situation pour exproprier davantage de terres palestiniennes et judaïser leurs sanctuaires et leurs lieux saints.
Malgré le fait que l’ONU ait émis plus de 900 résolutions au cours des 75 dernières années en faveur du peuple palestinien, « Israël » a rejeté ces résolutions, a refusé de s’y conformer, et le VETO américain a toujours été présent au Conseil de sécurité de l’ONU pour empêcher toute condamnation de la politique et des violations d’« Israël ». C’est pourquoi les États-Unis et d’autres pays occidentaux sont complices et partenaires de l’occupation israélienne dans ses crimes et dans la souffrance continue du peuple palestinien.
6) Quant au « processus de règlement pacifique ». Bien que les accords d’Oslo, signés en 1993 avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), prévoyaient la création d’un État palestinien indépendant en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, « Israël » a systématiquement détruit toute possibilité d’établir l’État palestinien par une vaste campagne de construction de colonies et de judaïsation des terres palestiniennes en Cisjordanie et à Jérusalem occupées. Après 30 ans, les partisans du processus de paix se sont rendus compte qu’ils étaient dans une impasse et que ce processus a eu des conséquences catastrophiques pour le peuple palestinien.
Les responsables israéliens ont confirmé à plusieurs reprises leur refus absolu de la création d’un État palestinien. Un mois avant l’opération « déluge d’Al-Aqsa », le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a présenté une carte d’un soi-disant « nouveau Moyen-Orient », décrivant « Israël » s’étendant du Jourdain à la mer Méditerranée, y compris la Cisjordanie et la bande de Gaza. Le monde entier, présent à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies, est resté silencieux face à ce discours plein d’arrogance et d’ignorance à l’égard des droits du peuple palestinien.
7) Après 75 ans d’occupation et de souffrances incessantes, après l’échec de toutes les initiatives de libération et de retour à notre peuple et après les résultats désastreux du soi-disant processus de paix, qu’attendait le monde du peuple palestinien en réponse à ce qui suit :
♦ Les plans israéliens pour judaïser la mosquée bénie d’Al-Aqsa, ses tentatives de division temporelle et spatiale, ainsi que l’intensification des incursions des colons israéliens dans la sainte mosquée.
♦ Les pratiques du gouvernement israélien extrémiste de droite qui prend des mesures pour annexer toute la région de l’Ouest, de la Cisjordanie et de Jérusalem dans la soi-disant « souveraineté d’Israël », alors que les autorités israéliennes envisagent d’expulser les Palestiniens de leurs maisons et de leurs quartiers.
♦ Les milliers de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes qui sont privés de leurs droits fondamentaux et subissent des pressions de la part des autorités israéliennes ainsi que des agressions et des humiliations sous la supervision directe du ministre fasciste israélien Itamar Ben-Gvir.
♦ Le blocus aérien, maritime et terrestre injuste imposé à la bande de Gaza depuis 17 ans.
♦ L’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie à un niveau sans précédent, ainsi que la violence quotidienne perpétrée par les colons à l’encontre des Palestiniens et de leurs biens.
♦ Les sept millions de Palestiniens qui vivent dans des conditions extrêmes dans des camps de réfugiés et dans d’autres régions et qui souhaitent retourner sur leurs terres, et qui ont été expulsés il y a 75 ans.
♦ L’échec de la communauté internationale et la complicité des superpuissances pour empêcher la création d’un État palestinien.
Qu’attendait-on du peuple palestinien après tout cela ?
Qu’il continue d’attendre et de compter sur l’impuissance de l’ONU ! Ou qu’il prenne l’initiative de défendre le peuple palestinien, ses terres, en sachant que l’acte de défense est un droit inscrit dans les lois, les normes et les conventions internationales.
Compte tenu de ce qui précède, l’opération « déluge d’Al-Aqsa » du 7 octobre était une étape nécessaire et une réponse normale pour faire face à toutes les conspirations israéliennes contre le peuple palestinien et sa cause.
Il s’agissait d’un acte défensif dans le cadre de l’élimination de l’occupation israélienne, de la récupération des droits des Palestiniens et sur la voie de la libération et de l’indépendance, comme l’ont fait tous les peuples du monde entier.
DEUXIEMEMENT :
LES EVENEMENTS DE L’OPERATION DELUGE D’Al-AQSA ET REPONSES AUX ALLEGATIONS ISRAELIENNES
À la lumière des accusations et allégations fabriquées par Israël au sujet de l’opération « déluge d’Al-Aqsa » du 7 octobre et de ses répercussions, nous, le Mouvement de résistance islamique – Hamas, clarifions les points suivants :
L’opération déluge d’Al-Aqsa du 7 octobre visait les sites militaires israéliens et cherchait à arrêter les soldats de l’ennemi afin de faire pression sur les autorités israéliennes pour qu’elles libèrent les milliers de Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes dans le cadre d’un accord d’échange de prisonniers. L’opération s’est donc concentrée sur la destruction de la division de Gaza de l’armée israélienne, les sites militaires israéliens stationnés près des colonies israéliennes autour de Gaza.
Éviter de blesser les civils, en particulier les enfants, les femmes et les personnes âgées est un engagement religieux et moral de tous les combattants des Brigades Al-Qassam. Nous rappelons que la résistance palestinienne était parfaitement disciplinée et attachée aux valeurs islamiques au cours de l’opération et que les combattants palestiniens n’ont visé que les soldats de l’occupation et ceux qui portaient des armes contre notre peuple. Dans le même temps, les combattants palestiniens ont tenu à éviter de blesser des civils, même si la résistance ne possède pas d’armes de précision. En outre, s’il y a eu des cas de ciblage de civils, cela s’est produit accidentellement et au cours de la confrontation avec les forces d’occupation.
Depuis sa création en 1987, le mouvement Hamas s’est engagé à éviter de porter atteinte aux civils. Après que le criminel sioniste Baruch Goldstein a perpétré, en 1994, un massacre contre les fidèles palestiniens de la mosquée Al-Ibrahimi dans la ville occupée d’Hébron, le mouvement Hamas a annoncé une initiative visant à éviter que les civils ne fassent les frais des combats menés par toutes les parties, mais l’occupation israélienne l’a rejetée et n’a même pas fait de commentaires à ce sujet. Le mouvement Hamas a également répété ces appels, à plusieurs reprises, mais l’occupation israélienne est restée sourde et a continué à prendre délibérément pour cible les populations civiles et à tuer des civils palestiniens.
Il est possible que des erreurs se soient produites lors de la mise en œuvre de l’opération « déluge d’Al-Aqsa », en raison de l’effondrement rapide du système sécuritaire et militaire israélien et du chaos causé le long des zones frontalières avec Gaza. Comme l’ont attesté de nombreuses personnes, le mouvement Hamas s’est comporté de manière positive et aimable avec tous les civils qui ont été détenus à Gaza, et a cherché, dès les premiers jours de l’agression, à les libérer, et c’est ce qui s’est passé pendant la trêve humanitaire d’une semaine, durant laquelle des civils ont été libérés en échange de la libération de femmes et d’enfants palestiniens détenus dans les prisons israéliennes.
Les allégations de l’occupation israélienne selon lesquelles les Brigades Al-Qassam auraient, le 7 octobre, pris pour cible des civils israéliens ne sont rien d’autre que des mensonges et des fabrications. La source de ces allégations est le récit officiel israélien et aucune source indépendante ne les a prouvées. Il est bien connu que le discours officiel israélien a toujours cherché à diaboliser la résistance palestinienne tout en légalisant son agression brutale sur Gaza.
Voici quelques détails qui vont à l’encontre des allégations israéliennes :
♦ Les clips vidéo pris ce jour-là – le 7 octobre – ainsi que les témoignages des Israéliens eux-mêmes qui ont été publiés plus tard ont montré que les combattants des Brigades Al-Qassam n’ont pas pris de civils pour cible, et que de nombreux Israéliens ont été tués par l’armée et la police israéliennes en raison de leur confusion.
♦ Le mensonge des « 40 bébés décapités » par les combattants palestiniens a également été fermement réfuté, et même des sources israéliennes ont démenti ce mensonge. De nombreuses agences de presse occidentales ont malheureusement repris cette allégation et l’ont promue.
♦ L’idée selon laquelle les combattants palestiniens auraient commis des viols sur des femmes israéliennes a été totalement démentie, y compris par le mouvement Hamas. Entre autres, un rapport du site d’information Mondoweiss le 1er décembre 2023, a déclaré qu’il n’y avait aucune preuve des « viols massifs » qui auraient été perpétrés par des membres du Hamas, le 7 octobre, et qu’Israël avait utilisé cette allégation « pour alimenter le génocide à Gaza ».
♦ Selon deux rapports du journal israélien Yedioth Ahronoth, du 10 octobre, et du journal Haaretz, du 18 novembre, de nombreux civils israéliens ont été tués par un hélicoptère militaire israélien, en particulier ceux qui participaient au festival de musique Nova, près de Gaza, où 364 civils israéliens ont été tués. Les deux rapports indiquent que les combattants du Hamas ont atteint la zone du festival sans en avoir eu connaissance de celui-ci au préalable ; une zone où l’hélicoptère israélien a ouvert le feu à la fois sur les combattants du Hamas et sur les participants au festival. Yedioth Ahronoth a également indiqué que l’armée israélienne a frappé plus de 300 cibles dans les zones entourant la bande de Gaza.
♦ D’autres témoignages israéliens ont confirmé que les raids de l’armée israélienne et les opérations des soldats ont tué de nombreux captifs israéliens et leurs ravisseurs. L’armée d’occupation israélienne a bombardé les maisons des colonies israéliennes où se trouvaient des combattants palestiniens et des Israéliens. Une application claire de la fameuse « directive Hannibal » de l’armée israélienne qui dit clairement que « mieux vaut un otage civil ou un soldat mort que pris vivant » afin d’éviter de s’engager dans un échange de prisonniers avec la résistance palestinienne.
♦ De plus, les autorités d’occupation ont révisé le nombre de leurs soldats et civils tués de 1 400 à 1 200, après avoir constaté que 200 cadavres brûlés avaient appartenu aux combattants palestiniens qui ont été tués et avaient mélangés aux cadavres israéliens. Cela signifie que celui qui a tué les combattants est celui qui a tué les Israéliens, sachant que seule l’armée israélienne possède des avions militaires qui ont tué, brûlé et détruit des zones israéliennes le 7 octobre.
♦ Les raids aériens israéliens à travers Gaza qui ont conduit à la mort de près de 60 captifs israéliens prouvent également que l’occupation israélienne ne se soucie pas de la vie de ses captifs à Gaza.
Il est également avéré qu’un certain nombre de colons israéliens installés dans les colonies autour de Gaza étaient armés et se sont heurtés à des combattants palestiniens le 7 octobre. Ces colons ont été enregistrés comme civils alors qu’il s’agissait en réalité d’hommes armés combattant aux côtés de l’armée israélienne.
Lorsque l’on parle de civils israéliens, il faut savoir que la conscription s’applique à tous les Israéliens âgés de plus de 18 ans – les hommes ayant effectué 32 mois de service militaire et les femmes 24 mois de service militaire – où tous peuvent être enrôlés dans l’armée israélienne et tous peuvent porter et utiliser des armes. Ceci est basé sur la théorie israélienne de la sécurité d’un « peuple armé » qui a transformé l’entité israélienne en « une armée avec un pays attaché ».
.Le meurtre brutal de civils est une approche systématique de l’entité israélienne et l’un des moyens d’humilier le peuple palestinien. Le massacre des Palestiniens à Gaza est une preuve évidente de cette approche.
La chaîne d’informations Al-Jazeera a déclaré dans un documentaire qu’au cours d’un mois d’agression l’agression israélienne sur Gaza, la moyenne quotidienne des enfants palestiniens tués à Gaza était de 136, tandis que la moyenne des enfants tués en Ukraine – au cours de la guerre russo-ukrainienne – était d’un enfant par jour.
Ceux qui défendent l’agression israélienne ne regardent pas les événements de manière objective, mais vont plutôt justifier le massacre israélien de Palestiniens en disant qu’il y aurait des victimes parmi les civils lorsque les forces armées israéliennes attaquent des combattants du Hamas. Cependant, ces personnes n’utiliseraient pas une telle hypothèse lorsqu’il s’agit de l’événement déluge d’Al-Aqsa du 7 octobre.
Nous sommes convaincus que toute enquête équitable et indépendante prouvera la véracité de notre récit et l’ampleur des mensonges et des informations trompeuses du côté israélien. Cela inclut également les allégations israéliennes concernant les hôpitaux de Gaza, selon lesquelles la résistance que la résistance palestinienne les utilisait comme centres de commandement ; une allégation qui n’a pas été prouvée et qui a été réfutée par les rapports de nombreux journaux et agences de presse occidentales.
TROISIEMEMENT :
VERS UNE ENQUETE INTERNATIONALE TRANSPARENTE
La Palestine est un État membre de la Cour Pénale Internationale (CPI) et a adhéré aux statuts de Rome en 2015. Lorsque la Palestine a demandé une enquête sur les crimes de guerre israéliens commis sur son territoire, elle s’est heurtée à l’intransigeance et au rejet israéliens, ainsi qu’aux menaces de punir les Palestiniens pour leur demande à la CPI. Il est aussi regrettable de mentionner que certaines grandes puissances, qui prétendent défendre les valeurs de justice, se sont complètement rangées du côté de l’occupation et se sont opposées aux démarches palestiniennes dans le système judiciaire international. Ces puissances veulent maintenir « Israël » en tant qu’État au-dessus de la loi et s’assurer qu’il échappe à toute responsabilité et à l’obligation de rendre des comptes.
Nous demandons instamment à ces pays, en particulier à l’administration américaine, l’Allemagne, le Canada et le Royaume-Uni, s’ils veulent la justice comme ils le prétendent, d’annoncer leur soutien à l’enquête en cours sur tous les crimes commis en Palestine occupée et soutenir pleinement les tribunaux internationaux pour qu’ils fassent efficacement leur travail.
Malgré les doutes sur ces pays quant à leur volonté de défendre la justice, nous demandons instamment au Procureur de la CPI et à son équipe d’agir, de se rendre, immédiatement et de toute urgence, en Palestine occupée pour enquêter sur les crimes et les violations qui y sont commis, plutôt que de se contenter d’observer la situation à distance ou d’être soumis aux restrictions israéliennes.
En décembre 2022, lorsque l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution demandant l’avis de la Cour Internationale de Justice (CIJ) sur les conséquences juridiques de l’occupation illégale des territoires palestiniens par « Israël », les (rares) pays qui soutiennent « Israël » ont annoncé leur rejet de cette démarche qui avait été approuvée par près de 100 pays. Et lorsque notre peuple et ses groupes juridiques et de défense des droits ont cherché à engager des poursuites contre les criminels de guerre israéliens devant les tribunaux des pays européens – par le biais du système de compétence universelle – les régimes européens ont fait obstruction à ces poursuites en faveur des criminels de guerre israéliens qui restent en liberté.
Les événements du 7 octobre doivent être replacés dans un contexte plus large, et tous les cas de lutte contre le colonialisme et l’occupation dans notre monde contemporain doivent être replacés dans un contexte plus large. Ces expériences de lutte montrent qu’au même niveau d’oppression commis par l’occupant, il y aurait une réponse équivalente de la part du peuple sous occupation.
Le peuple palestinien et les peuples du monde entier se rendent compte de l’ampleur des mensonges et de la tromperie de ces gouvernements qui soutiennent la pratique narrative israélienne dans leurs tentatives de justifier leur parti pris aveugle et de couvrir les crimes israéliens. Ces pays connaissent les causes profondes du conflit qui sont l’occupation et la négation du droit du peuple palestinien à vivre dans la dignité sur leurs terres. Ces pays ne manifestent aucun intérêt pour la poursuite du blocus injuste sur des millions de Palestiniens à Gaza, ni pour les milliers de Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes dans des conditions où leurs droits fondamentaux sont le plus souvent bafoués.
Nous saluons les peuples libres du monde entier, de toutes religions, ethnies et origines, qui se rassemblent dans toutes les capitales et villes du monde pour exprimer leur rejet des crimes et massacres massacres israéliens, et pour montrer leur soutien aux droits du peuple palestinien et à sa juste cause.
QUATRIEMEMENT :
UN RAPPEL AU MONDE, QUI EST LE HAMAS ?
Le Mouvement de résistance islamique « Hamas » est un mouvement de libération nationale et de résistance islamique palestinien. Son objectif est de libérer la Palestine et d’affronter le projet sioniste. Son cadre de référence est l’Islam, qui détermine ses principes, ses objectifs et ses moyens. Le Hamas rejette la persécution de tout être humain ou l’atteinte à ses droits pour des raisons nationalistes, religieuses ou sectaires.
Le Hamas affirme que son conflit est avec le projet sioniste et non avec les Juifs en raison de leur religion. Le Hamas ne mène pas pas une lutte contre les Juifs parce qu’ils sont juifs mais lutte contre les sionistes qui occupent la Palestine. Pourtant, ce sont les sionistes qui identifient constamment le judaïsme et les juifs à leur propre projet colonial et à leur entité illégale.
Le peuple palestinien s’est toujours opposé à l’oppression, l’injustice et les massacres de civils, quels qu’en soient les auteurs. Et sur la base de nos valeurs religieuses et morales, nous avons clairement exprimé notre rejet de ce à quoi les Juifs ont été exposés par l’Allemagne nazie. Ici, nous rappelons que le problème juif était par essence un problème européen, tandis que l’environnement arabe et islamique a été – tout au long de l’histoire- , un havre de paix pour le peuple juif et les peuples d’autres croyances et ethnies. L’environnement arabe et islamique était un exemple de coexistence, d’interaction culturelle et de libertés religieuses. Le conflit actuel est causé par le comportement agressif du sionisme et son alliance avec les puissances coloniales occidentales. Nous rejetons l’exploitation des souffrances des juifs en Europe pour justifier l’oppression contre notre peuple en Palestine.
Le mouvement Hamas, conformément aux lois et aux normes internationales, est un mouvement de libération nationale qui a des objectifs et une mission clairs. Il tire sa légitimité à résister à l’occupation du droit palestinien à l’autodéfense, à la libération et à l’autodétermination. Le Hamas a toujours tenu à limiter son combat et sa résistance à l’occupation israélienne sur le territoire palestinien occupé, mais l’occupation israélienne n’a pas respecté cela et a commis des massacres et des meurtres contre les Palestiniens en dehors de la Palestine.
Nous soulignons que la résistance à l’occupation par tous les moyens, y compris la résistance armée est un droit légitimé par toutes les normes, les religions divines, les lois internationales, y compris les Conventions de Genève et son premier protocole additionnel. les Conventions de Genève et leur premier protocole additionnel, ainsi que les résolutions de l’ONU qui s’y rapportent. Par exemple, La résolution 3236 de l’Assemblée générale des Nations Unies, adoptée par la 29ème session de l’Assemblée générale, le 22 novembre 1974, qui affirmait les droits inaliénables du peuple palestinien en Palestine, y compris le droit à l’autodétermination et le droit de retourner dans « leurs foyers et leurs biens d’où ils ont été expulsés, déplacés et déracinés ».
Le peuple palestinien et sa résistance mènent une bataille héroïque pour défendre leur terre et leurs droits nationaux contre l’occupation coloniale la plus longue et la plus brutale. Le peuple palestinien est confronté à une agression israélienne sans précédent qui a commis des massacres odieux contre des civils palestiniens, dont la plupart étaient des enfants et des femmes. Au cours de l’agression contre Gaza, l’occupation israélienne a privé notre peuple de nourriture, d’eau, de médicaments, d’eau potable et de carburant, et les a tout simplement privés de tout moyen de subsistance. Pendant ce temps, les avions de guerre israéliens ont sauvagement frappé toutes les infrastructures et tous les bâtiments publics de Gaza, y compris les écoles, les universités, les mosquées, les églises et les hôpitaux, dans un signe clair de nettoyage ethnique visant à expulser la population de Gaza. Pourtant, les partisans de l’occupation israélienne n’ont rien fait d’autre que de maintenir le génocide en cours contre notre peuple.
L’utilisation par l’occupation israélienne du prétexte de la « légitime défense » pour justifier son oppression contre le peuple palestinien est un processus de mensonge, de tromperie et de détournement des faits. L’entité israélienne n’a pas le droit de défendre ses crimes et son occupation, mais le peuple palestinien a le droit d’obliger l’occupant à mettre fin à l’occupation. En 2004, la Cour Internationale de Justice (CIJ) a rendu un avis consultatif dans l’affaire des « conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans les territoires occupés ». La force d’occupation brutale ne peut se prévaloir d’un droit de légitime défense pour construire un tel mur sur le territoire palestinien. En outre, selon le droit international, Gaza est toujours une terre occupée, les justifications de l’agression contre Gaza sont donc sans fondement et manquent de capacité juridique, de même que l’idée d’autodéfense n’est pas fondée en droit.
CINQUIEMEMENT :
DE QUOI A-T-ON BESOIN ?
L’occupation est une occupation, quelle que soit la manière dont elle se décrit ou se nomme, et elle demeure un outil pour briser la volonté des peuples et continuer à les opprimer.
De l’autre côté, les expériences des peuples et des nations à travers l’histoire sur la manière de rompre avec l’occupation et le colonialisme confirment que la résistance est l’approche stratégique et la seule voie vers la libération comme la fin de l’occupation. Une nation a-t-elle été libérée de l’occupation sans lutte, résistance ou sacrifice ?
Les impératifs humanitaires, éthiques et juridiques nécessitent que tous les pays du monde soutiennent la résistance du peuple palestinien et non de se liguer contre elle. Ces pays sont censés faire face aux crimes et à l’agression de l’occupation, et soutenir la lutte du peuple palestinien pour libérer ses terres et exercer son droit à l’autodétermination, à l’instar de tous les peuples du monde. Sur cette base, nous appelons à ce qui suit :
L’arrêt immédiat de l’agression israélienne sur Gaza, des crimes et du nettoyage ethnique commis contre l’ensemble de la population de Gaza, d’ouvrir les points de passage et d’autoriser l’entrée de l’aide humanitaire à Gaza, y compris pour les outils de reconstruction.
Tenir l’occupation israélienne légalement responsable pour les souffrances humaines qu’elle a causées au peuple palestinien, et l’inculper pour les crimes commis contre les civils, les infrastructures, les hôpitaux, les établissements scolaires, les mosquées et les églises.
Le soutien de la résistance palestinienne face à l’occupation israélienne par tous les moyens possibles en tant que droit légitimé par les lois et les normes internationales.
Nous appelons les peuples libres du monde entier, en particulier les nations qui ont été colonisées et qui se rendent compte de la souffrance du peuple palestinien, à prendre des positions sérieuses et effectives contre les politiques de double standard adoptées par les puissances qui soutiennent l’occupation israélienne. Nous appelons ces nations à lancer un mouvement mondial de solidarité avec le peuple palestinien et à mettre l’accent sur les valeurs de justice et d’égalité et sur le droit des peuples à vivre dans la liberté et la dignité.
Les superpuissances, en particulier les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, entre autres, doivent cesser d’offrir à l’entité sioniste une couverture qui lui permette de se soustraire à ses responsabilités et doivent cesser de traiter avec elle comme avec un pays au-dessus des lois. Ce comportement injuste de la part de ces pays a permis à l’occupation israélienne, pendant 75 ans, de commettre les pires crimes. jamais commis contre le peuple, la terre et les valeurs sacrées des Palestiniens. Nous demandons instamment aux pays du monde entier, aujourd’hui et plus que jamais, d’assumer leurs responsabilités à l’égard du droit international et des résolutions pertinentes de l’ONU qui appellent à mettre fin à l’occupation.
Nous rejetons catégoriquement tout projet international ou israélien visant à décider de l’avenir de la bande de Gaza qui ne servent qu’à prolonger l’occupation. Nous soulignons que le peuple palestinien a la capacité de décider de son avenir et d’organiser ses affaires internes, et qu’aucune partie au monde n’a le droit d’imposer une quelconque forme de tutelle au peuple palestinien ou de décider en son nom.
Nous demandons instamment de s’opposer aux tentatives israéliennes de provoquer une nouvelle vague d’expulsion – ou une nouvelle Nakba – pour le peuple palestinien, en particulier dans les territoires occupés en 1948 et en Cisjordanie. Nous insistons sur le fait qu’il n’y aura pas d’expulsion vers le Sinaï, la Jordanie ou tout autre endroit, et que s’il y a une relocalisation des Palestiniens, ce sera vers leurs maisons et les zones dont ils ont été expulsés en 1948 ; comme l’indique le rapport de la Commission européenne sur la situation des droits de l’homme ; comme l’affirment de nombreuses résolutions de l’ONU.
Nous appelons à maintenir la pression populaire dans le monde entier jusqu’à la fin de l’occupation. Nous appelons à s’opposer aux tentatives de normalisation avec l’entité israélienne et à un boycott global de l’occupation israélienne et de ceux qui la soutiennent.
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» Quand le pillage [et la dépossession] devient un mode de vie pour un groupe d’hommes dans une société, ils se créent au fil du temps un système juridique qui l’autorise et une morale qui le glorifie. » – Frédéric Bastiat
Ilan Pappe, historien israélien, écrit dans « Les Palestiniens oubliés » que « le sionisme est né de deux impulsions : la première était de trouver un refuge sûr pour les Juifs ; la seconde était de réinventer le judaïsme en tant que mouvement national, inspiré par les mouvements nationaux de 1848 en Europe ; mais l’impulsion nationale et humaniste a été subsumée par une impulsion colonialiste avec le besoin d’un espace juif pur ; et en 1948, le seul moyen d’y parvenir était le nettoyage ethnique d’un million de Palestiniens. En conséquence, 500 villages palestiniens ont été dépeuplés par la force et une « dépossession permanente de la population indigène de Palestine » a eu lieu.
La commission Peel de 1937 a admis que la déclaration Balfour de 1917 avait donné aux Britanniques un mandat qui ne pouvait pas être mis en œuvre. Le mandat a créé un antagonisme entre les Arabes et les Juifs. La commission Peel recommande un partage, mais les deux groupes s’y opposent. Le Congrès sioniste mondial de 1937, par exemple, exigeait une plus grande part des terres dans le cadre d’un partage. En 1947, les Britanniques ont réalisé qu’après les pertes subies pendant la Seconde Guerre mondiale et les coûts liés au maintien d’une force militaire importante en Palestine, ils ne pouvaient plus maintenir leur mandat de l’ONU.
Les coûts de la dépossession sont divers, les indigènes étant traumatisés lorsqu’ils perdent leurs terres ancestrales, tandis qu’à d’autres moments, il y a un coût moral qui laisse des niveaux de colère, de rage et d’angoisse chez ceux qui sont intimidés et déplacés ; mais il laisse également un résidu de culpabilité chez l’occupant afin de justifier l’appropriation des terres indigènes.
Bien que plusieurs siècles les séparent, ce qui se passe en Palestine ressemble à ce qui s’est passé en Irlande au 17ème siècle. Oliver Cromwell, le leader puritain, a envahi l’Irlande, apparemment en représailles contre la Coalition catholique d’Irlande en 1649. En guise de mesure punitive, il a massacré les habitants de Wexford et de Drogheda. Sa politique de la terre brûlée consistait notamment à brûler les récoltes et à incendier les fermes.
Selon l’historien du XIXe siècle William Lecky, les lettres de Cromwell contiennent des commentaires sur le massacre de Drogheda, au cours duquel il a personnellement ordonné que tous les habitants soient tués. Par exemple, lors de l’office du dimanche à l’église Saint-Pierre, 1 000 fidèles ont été « passés au fil de l’épée ». Cromwell lui-même a écrit : « tous leurs frères ont été frappés à la tête, à l’exception de deux d’entre eux qui ont été faits prisonniers et tués ». Il poursuit : « Une grande chose a été faite, non par la puissance ou le pouvoir, mais par l’Esprit de Dieu… il est bon que Dieu seul ait toute la gloire » (Lecky, « A History of Ireland »). Dans une autre ville (Tredagh), un historien d’Oxford, Anthony Wood, qui accompagnait Cromwell, a raconté que 3 000 personnes avaient été tuées, y compris des femmes et des enfants cachés dans des « voûtes sous l’église » ; [tous] ont été « passés au fil de l’épée ». Lecky souligne que ces actes cruels, qui furent nombreux, « ont laissé derrière eux des souvenirs qui sont les obstacles les plus fatals à la réconciliation des nations ». En Irlande, Lecky note que les actes de Cromwell continuent « d’ensorceler l’esprit irlandais… en entretenant la haine de l’Angleterre… »
Bien que les effets de la guerre de Cromwell se soient poursuivis après 1652, Sir William Petty a calculé qu’au cours des 11 années suivantes, « sur une population irlandaise de 1 460 000 habitants, le nombre de personnes décédées « du fait de la guerre, de la peste et de la famine » a été estimé à 616 000 (dont 504 000 Irlandais) ».
Cromwell et sa « New Model Army » ont laissé un pays traumatisé, forçant des dizaines de milliers de personnes à se déplacer vers des régions économiquement défavorisées de l’ouest de l’Irlande ou à être transportées vers les Antilles. La phrase « Allez en enfer ou à Connaught » lui a été attribuée, illustrant son manque total d’empathie pour les vaincus. Le contraste avec les médias anglais de l’époque est bien différent : en octobre 1652, un journal londonien, The Faithful Scout, rapporte que « la nouvelle tant attendue du calme irlandais nous est enfin parvenue avec un heureux coup de vent ». Dans la section « Enforcing Transplantation-1654-1659 », l’auteur note que : « Au printemps 1655, le gouvernement irlandais était enfin prêt à tenter d’appliquer pleinement sa politique de transplantation.
L’Acte de colonisation de 1652 a officialisé le changement de propriété foncière, les catholiques étant exclus du Parlement irlandais, interdits de vivre dans les villes et de se marier avec des protestants. En outre, « quelque cinquante mille Irlandais, y compris des prisonniers de guerre, ont été vendus comme serviteurs sous contrat dans le cadre du régime anglais du Commonwealth ». La pratique du catholicisme a été interdite et des primes ont été offertes pour la capture de prêtres, qui ont été exécutés lorsqu’ils ont été trouvés.
William Petty, économiste et philosophe qui a servi avec Cromwell, estime que 54 000 Irlandais ont quitté le pays pour servir dans des armées étrangères.
Cromwell retourne en Angleterre après sa conquête de l’Irlande, qui est saluée comme une grande victoire. Peu après, il envahit l’Écosse et réussit à contraindre cette nation à une union parlementaire avec l’Angleterre. Bien que Cromwell ait vécu huit ans de plus, il est mort de la malaria et de calculs rénaux. Bien qu’il ait été enterré en grande pompe dans l’abbaye de Westminster, il a été désincarcéré après la restauration de Charles II et pendu à Tyburn. Bien que la plupart des puritains continuent à le tenir en haute estime, les royalistes le vilipendent pour son exécution du roi.
Cromwell : Siège de Drogheda. D’après une gravure de Barlow, 1649, publiée en 1750.
Par une coïncidence intéressante, à l’époque des déprédations de Cromwell, l’influent prédicateur Increase Mather est venu de la colonie de la baie du Massachusetts pour obtenir un diplôme supérieur en théologie au Trinity College de Dublin. Il reçut le soutien de Cromwell par le biais d’un bienfait à Magherafelt. Craignant des répercussions après le retour de Charles II sur le trône, il retourna dans la colonie de la Baie et devint en 1681 président du Harvard College.
Dix ans avant le voyage de Mather en Irlande, un événement tristement célèbre s’est produit : jusqu’à 700 Pequots ont été massacrés et des centaines d’autres ont été vendus comme esclaves dans les Antilles. Cet événement est considéré comme le premier génocide à avoir eu lieu en Nouvelle-Angleterre. La justification puritaine du meurtre d’hommes, de femmes et d’enfants a été ironiquement exprimée par le dirigeant puritain John Underhill, qui a déclaré que « l’Écriture déclare parfois que les femmes et les enfants doivent périr avec leurs parents… Nous avons été suffisamment éclairés par la Parole de Dieu pour nos procédures ».
Même après toutes les années qui se sont écoulées depuis sa mort, l’esprit destructeur de Cromwell suscite toujours la colère. Son héritage, dû à sa folie meurtrière d’un an et à son expropriation de centaines de milliers d’hectares de terres irlandaises indigènes, est le fait qu’il a créé une série de précédents qui ont contraint la majorité des Irlandais à la servitude et ont placé la propriété de la terre entre les mains des Anglais.
Les puritains de Nouvelle-Angleterre ont suivi des précédents similaires en matière d’expropriation des terres indigènes. Ils ont été aidés par la maladie et la famine parmi les quelque cinq cents tribus autochtones qui, comme les Pequots, étaient marginalisées si elles n’acceptaient pas des traités qui, malheureusement, étaient rarement respectés. L’attitude de l’époque consistait à déshumaniser pour justifier la dépossession.
En Israël, il existe un équivalent de Cromwell, Benjamin Netanyahu, dont les méthodes génocidaires s’inscriraient parfaitement dans la lignée de Cromwell en Irlande ou du traitement des Pequots par les puritains. Netanyahou et les membres extrémistes de la Knesset ont activement encouragé la destruction de Gaza, la patrie de deux millions de Palestiniens. Il est encouragé par les politiques américaines qui continuent à approvisionner son armée avec une multitude de bombes de 2000 livres. Netanyahou a un besoin impérieux de projeter des attributs démoniaques sur le Hamas, la force de défense de Gaza, qu’il compare aux Amalécites, un ennemi de l’ancien Israël. Dans ce cas, les Israélites ont reçu « l’ordre de détruire les Amalécites en tuant les hommes, les femmes, les enfants et ceux qui les allaitent », en référence aux Palestiniens de Gaza.
Peut-être verrons-nous Netanyahou être confronté à des circonstances similaires à celles de Cromwell, en étant toléré pendant une situation d’urgence nationale, mais rejeté une fois l’ordre rétabli. Laissera-t-il un héritage de colère et d’animosité lorsque l’énormité de ses crimes sera révélée au grand jour ? Il se peut que, comme dans le cas de Cromwell, le public jette sa mémoire dans l’oubli et que ses « partisans de complaisance » se résignent à rester sur les banquettes arrière de la Knesset.
Le président Biden a entretenu des relations étroites avec l’Irlande par l’intermédiaire de ses parents, et en particulier de sa mère. Mais il semble qu’il ne comprenne pas très bien l’histoire de l’Irlande et qu’il ne soit pas capable de voir que ses expériences les plus traumatisantes sont reproduites par une brutalité de type cromwellien à Gaza. S’il s’était un peu renseigné sur l’invasion de l’Irlande au milieu du XVIIe siècle, il aurait pu se rendre compte que cette histoire horrible se répète à l’échelle mondiale avec la complicité de l’Amérique… Peut-être découvrira-t-il, très probablement trop tard, qu’il a participé à une grande tragédie contre une population qui ne dispose d’aucun moyen de défense durable contre les bombes qui pleuvent sur les villes et villages de Gaza.
Barrage militaire israélien au cœur de la ville palestinienne d’Hébron – Photo : Archives
Robert Fisk – J’ai demandé à la seule journaliste israélienne basée en Palestine de me montrer quelque chose de choquant – et voilà ce que j’ai vu.
Montrez-moi quelque chose qui va me choquer, ai-je demandé à Amira Hass. La seule journaliste israélienne qui vit en Cisjordanie – ou en Palestine, si vous croyez encore en ce mot si peu orthodoxe – m’a donc emmené sur une route à l’extérieur de Ramallah qui dans mon souvenir était une autoroute qui menait à Jérusalem. Mais maintenant, sur la colline, elle se transforme en une route à l’abandon, à moitié goudronnée, bordée de magasins fermés par des volets rouillés et des ordures. La même odeur putride d’égouts à l’air libre plane sur la route. L’eau puante stagne, verte et flasque, en flaques au pied du mur.
Ou Mur avec une majuscule. Ou, pour les journalistes prudents, « Mur de sécurité ». Ou, pour les âmes délicates, « Barrière de sécurité ». Ou pour les plumes désinvoltes, simplement « Barrière ». Ou, si ses implications politiques vous font peur, « Clôture ». Une clôture, comme ces clôtures de bois qu’on voit dans les champs. Ou – si vous voulez vraiment faire peur aux journalistes de la télévision et mettre en colère les Israéliens – le « Mur de la Ségrégation » ou même le « Mur de l’Apartheid ». Eh bien oui, nous allons parler des « bantoustans » palestiniens coupés par le Mur et les routes réservées aux Israéliens, et du vaste empire des colonies juives sur les terres arabes.
On peut faire confiance à Amira pour ouvrir le feu. Elle crache avec colère les mots « bantoustan palestinien » encore et encore en me faisant faire, en voiture, le tour des enclaves palestiniennes de Cisjordanie pour arriver, au bout d’une heure ou deux, au Mur : il nous domine de ses 8 mètres, austère, monstrueux de détermination, il serpente entre les immeubles, se glisse dans les oueds et revient sur lui-même de sorte qu’il y a parfois deux murs, un double mur mais le même mur, comme si cette créature imitait les méandres d’une route sinueuse des Alpes. On secoue la tête, incrédule, pendant un moment et tout à coup, bizarrement, il n’y a plus de Mur, rien qu’une rue commerçante ou une colline aride, couverte de broussailles et de rochers. Puis on voit grossir une énorme colonie de peuplement d’Israël, avec de beaux arbres verts, des maisons aux toits rouges et de belles routes et, oui, encore des murs et des clôtures de barbelés et d’autres murs plus grands. Et puis le monstre en personne. Le Mur.