À propos des sémites et des antisémites, des sionistes et des antisionistes


28 Fév 2019 

La dimension de transcendance est totalement absente, ce qui nous donne un discours lisse, à lire pour nos antisémites et antisionistes occidentaux, pour qui les juifs sont des occidentaux qui devraient rentrer à la maison, chez eux, en Europe, parce que ce monsieur lui-même se définit comme Israélien, donc sioniste, suivant la doxa.

On peut avoir en commun bien des idées défendue ici, comme le vivre ensemble avec les enfants d’Ismael, mais cette totale méconnaissance de la foi ancestrale coupe l’auteur juif et israélien de ce qu’il veut partager en profondeur, et ne fait malheureusement que conforter les anti-Israel dans leur hostilité, sans aborder le rôle et la responsabilité des palestiniens dans la dégradation des relations et du proche vivre ensemble.
Shlomit

 

Si toute expression antijuive dans le monde ne cesse de m’inquiéter, j’éprouve un certain écœurement face au déluge d’hypocrisie et de manipulations orchestré par tous ceux qui veulent désormais incriminer quiconque critique le sionisme.

Bien que résidant en Israël, « Etat du peuple juif », j’ai suivi de près les débats, en France, sur : antisémitisme et antisionisme. Si toute expression antijuive dans le monde ne cesse de m’inquiéter, j’éprouve un certain écœurement face au déluge d’hypocrisie et de manipulations orchestré par tous ceux qui veulent désormais incriminer quiconque critique le sionisme.

Commençons par les problèmes de définition. Depuis longtemps déjà, je ressens un malaise non seulement face à la récente formule en vogue : « civilisation judéo-chrétienne », mais aussi face à l’utilisation traditionnelle du vocable : « antisémitisme ». Ce terme, comme l’on sait, a été inventé dans la seconde moitié du 19ème siècle par Wilhelm Marr, nationaliste-populiste allemand qui détestait les juifs. Conformément à l’esprit de cette époque, les utilisateurs de ce terme tenaient pour présupposé de base l’existence d’une hiérarchie des races dans laquelle l’homme blanc européen se situe au sommet, tandis que la race sémite occupe un rang inférieur. L’un des fondateurs de la « science de la race » fut, comme l’on sait, le français Arthur Gobineau.

De nos jours, l’Histoire un tantinet plus sérieuse ne connaît que des langues sémites (l’araméen, l’hébreu, et l’arabe, qui se sont diffusées au Proche Orient), et ne connaît, en revanche, nulle race sémite. Sachant que les juifs d’Europe ne parlaient pas couramment l’hébreu, qui n’était utilisé que pour la prière, (de même que les chrétiens utilisaient le latin), il est difficile de les considérer comme des sémites.

Faut-il rappeler que la haine raciale moderne envers les juifs constitue, avant tout, un héritage des églises chrétiennes ? Dès le quatrième siècle, le christianisme s’est refusé à considérer le judaïsme comme une religion légitime concurrente, et à partir de là, il a créé le fameux mythe de l’exil : les juifs ont été exilés de Palestine pour avoir participé au meurtre du fils de Dieu ; c’est pourquoi, il convient de les humilier pour démontrer leur infériorité. Il faut pourtant savoir, qu’il n’y a jamais eu d’exil des juifs de Palestine, et, jusqu’à aujourd’hui, on ne trouvera pas le moindre ouvrage de recherche historique sur le sujet !

Personnellement, je me range dans l’école de pensée traditionnelle qui se refuse à voir les juifs comme un peuple-race étranger à l’Europe. Dès le 19ème siècle, Ernest Renan, après s’être libéré de son racisme, avait affirmé que :  Le juif des Gaules… n’était, le plus souvent, qu’un Gaulois professant la religion israélite. » L’historien Marc Bloch a précisé que les juifs sont : « Un groupe de croyants recrutés, jadis, dans tout le monde méditerranéen, turco-khazar et slave ». Et Raymond Aron d’ajouter : « Ceux que l’on appelle les juifs ne sont pas biologiquement, pour la plupart, des descendants des tribus sémites… ». La judéophobie s’est, cependant, toujours obstinée à voir les juifs, non pas comme une croyance importante, mais comme une nation étrangère.

Le lent recul du christianisme, en tant que croyance hégémonique en Europe ne s’est pas accompagné, hélas, d’un déclin de la forte tradition judéophobe. Les nouveaux « laïcs » ont transformé la haine et la peur ancestrales en idéologies « rationalistes » modernes. On peut ainsi trouver des préjugés sur les juifs et le judaïsme non seulement chez Shakespeare ou Voltaire, mais aussi chez Hegel et Marx. Le nœud gordien entre les juifs, le judaïsme et l’argent semblait aller de soi parmi les élites érudites. Le fait que la grande majorité des millions de juifs, en Europe orientale, ait souffert de la faim, et ait vécu en situation de pauvreté, n’a absolument pas eu d’effet sur Charles Dickens, Fiodor Dostoïevski, ni sur une grande fraction de la gauche européenne. Dans la France moderne, la judéophobie a connu de beaux jours non seulement chez Alphonse Toussenel, Maurice Barrès et Edouard Drumont, mais aussi chez Charles Fourier, Pierre-Joseph Proudhon, voire, pendant un temps, chez Jean Jaurès et Georges Sorel.

Avec le processus de démocratisation, la judéophobie a constitué un élément immanent parmi les préjugés des masses européennes : l’affaire Dreyfus a fait figure d’événement « emblématique », en attendant d’être surpassée, et de loin, par l’extermination des juifs durant la seconde guerre mondiale. C’est entre ces deux événements historiques qu’est né le sionisme, en tant qu’idée et mouvement.

Il faut cependant rappeler que jusqu’à la seconde guerre mondiale, la grande majorité des juifs et leurs descendants laïques étaient antisionistes. Il n’y avait pas que l’orthodoxie, forte et organisée, pour s’indigner face à l’idée de précipiter la rédemption en émigrant vers la Terre Sainte ; les courants religieux plus modernistes (réformateurs ou conservateurs), s’opposaient aussi vivement au sionisme. Le Bund,parti laïque en qui se reconnaissait la majorité des yddishophones socialistes de l’empire russe, puis de la Pologne indépendante, considérait les sionistes comme des alliés naturels des judéophobes. Les communistes d’origine juive ne perdaient pas une occasion de condamner le sionisme comme complice du colonialisme britannique.

Après l’extermination des juifs d’Europe, les rescapés qui n’avaient pas réussi à trouver à temps refuge en Amérique du Nord, ou en URSS, adoucirent leur relation hostile au sionisme, alors même que la majorité des pays occidentaux et du monde communiste en venait à reconnaître l’Etat d’Israel. Le fait que la création de cet Etat se soit effectuée, en 1948, aux dépens de la population arabe autochtone ne gêna pas outre mesure. La vague de la décolonisation en était encore à ses prémices, et ne constituait pas une donnée à prendre en compte. Israel était alors perçu comme un Etat-refuge pour les juifs errants, sans abri ni foyer.

Le fait que le sionisme ne soit pas parvenu à sauver les juifs d’Europe, et que les survivants aient souhaité émigrer en Amérique, et malgré la perception du sionisme comme étant une entreprise coloniale au plein sens du terme, n’altèrent pas une donnée significative : le diagnostic sioniste concernant le danger qui planait sur la vie des juifs dans la civilisation européenne du vingtième siècle (nullement judéo-chrétienne !), s’était avéré exact. Théodore Herzl, le penseur de l’idée sioniste, avait, mieux que les libéraux et les marxistes, compris les judéophobes de son époque.

Cela ne justifie pas, pour autant, la définition sioniste selon laquelle les juifs forment un peuple-race. Cela ne justifie pas davantage la vision des sionistes décrétant que la Terre Sainte constitue la patrie nationale sur laquelle ils auraient des droits historiques. Les sionistes ont, cependant, créé un fait accompli politique, et toute tentative de l’effacer se traduirait par de nouvelles tragédies dont seront victimes les deux peuples qui en ont résulté : les Israéliens et les Palestiniens.

Il faut en même temps se souvenir et le rappeler : si tous les sionistes ne réclament pas la poursuite de la domination sur les territoires conquis en 1967, et si nombre d’entre-eux ne se sentent pas à l’aise avec le régime d’apartheid qu’Israel y exerce depuis 52 ans, tout un chacun qui se définit comme sioniste s’obstine à voir en Israel, au moins dans ses frontières de 1967, l’Etat des juifs du monde entier, et non pas une République pour tous les israéliens, dont un quart ne sont pas considérés comme juifs, parmi lesquels 21% sont arabes.

Si une démocratie est fondamentalement un Etat aspirant au bien-être de tous ses citoyens, de tous ses contribuables, de tous les enfants qui y naissent, Israel, par-delà le pluralisme politique existant, est, en réalité, une véritable ethnocratie, à l’instar de ce qu’étaient la Pologne, la Hongrie, et d’autres Etats d’Europe de l’Est, avant la seconde guerre mondiale.

La tentative du président français Emmanuel Macron et de son parti visant aujourd’hui à criminaliser l’antisionisme comme une forme de l’antisémitisme s’apparente à une manœuvre cynique et manipulatoire. Si l’antisionisme devenait une infraction pénale, je recommanderais à Emmanuel Macron de faire condamner, à titre rétroactif, le bundiste Marek Edelman, qui fut l’un des dirigeants du ghetto de Varsovie et totalement antisioniste. Il pourrait aussi convier au procès les communistes antisionistes qui, plutôt que d’émigrer en Palestine, ont choisi de lutter, les armes à la main, contre le nazisme, ce qui leur a valu de figurer sur « l’affiche rouge ».

S’il entend faire preuve de cohérence dans la condamnation rétroactive de toutes les critiques du sionisme, Emmanuel Macron devra y joindre ma professeure Madeleine Rebérioux, qui présida la Ligue des Droits de l’Homme, mon autre professeur et ami : Pierre Vidal-Naquet, et aussi, bien évidemment : Éric Hobsbawm, Edouard Saïd, et bien d’autre éminentes figures, aujourd’hui décédées, mais dont les écrits font encore autorité.

Si Emmanuel Macron souhaite s’en tenir à une loi réprimant les antisionistes encore en vie, la dite-future loi devra aussi s’appliquer aux juifs orthodoxes de Paris et de New-York qui récusent le sionisme, à Naomi Klein, Judith Butler, Noam Chomsky, et à bien d’autres humanistes universalistes, en France et en Europe, qui s’auto-identifient comme juifs tout en s’affirmant antisionistes.

On trouvera, bien évidemment, nombre d’idiots à la fois antisionistes et judéophobes, de même qu’il ne manque pas de pro-sionistes imbéciles, judéophobes aussi, pour souhaiter que les juifs quittent la France et émigrent vers l’Etat d’Israel. Faudra-t-il les inclure également dans cette grande envolée judiciaire ? Prenez garde, Monsieur le Président, à ne pas vous laisser entraîner dans ce cycle infernal, au moment précis où la popularité décline !

Pour conclure, je ne pense pas qu’il y ait une montée significative de l’antijudaïsme en France. Celui-ci a toujours existé, et je crains, hélas, qu’il n’ait encore de beaux jours devant lui. Je n’ai, toutefois, aucun doute sur le fait que l’un des facteurs qui l’empêche de régresser, notamment dans certains quartiers où vivent des gens issus de l’immigration, est précisément la politique pratiquée par Israel à l’encontre des Palestiniens : ceux qui vivent, comme citoyens de deuxième catégorie, à l’intérieur de « l’Etat juif », et ceux qui, depuis 52 ans, subissent une occupation militaire et une colonisation brutales.

Faisant partie de ceux qui protestent contre cette situation tragique, je soutiens de toutes mes forces la reconnaissance du droit à l’autodétermination des Palestiniens, et je suis partisan de la « désionisation » de l’Etat d’Israel. Devrai-je, dans ce cas, redouter que ma prochaine visite en France, ne m’envoie devant un tribunal ?

Traduit de l’hébreu par Michel Bilis
Source: Mediapart
Investigation.net

Lettre ouverte à un ex-ami


L’historien israélien Shlomo Sand répond à la tribune de Pierre-André Taguieff publiée dans Le Monde, à propos de l’antisémitisme en France.  « De mon point de vue, la principale caractéristique de la judéophobie parmi les groupes marginaux de banlieues est l’identification dangereusement erronée entre : sionisme, Israël et juifs. Or, c’est précisément ce que font, sans relâche et sans distinction, les dirigeants d’Israël, le CRIF…. et toi. »

 

Je viens de lire ton article publié dans Le Monde, en date du 23 septembre: Pierre-André Taguieff, « L’intelligentsia française sous-estime l’antisémitisme », et, une fois de plus, je suis stupéfait ! Lorsque nous nous sommes connus, dans les années 80 au siècle dernier, j’avais la plus grande estime pour tes travaux investiguant les fondements du racisme théorique, dans la France de la deuxième partie du 19 ème siècle.

 

J’avais beaucoup apprécié tes apports dans l’analyse et la déconstruction de la judéophobie qui a, effectivement, joué un rôle de tout premier ordre, dans la constitution d’une partie des identités de l’Hexagone, et ce jusque vers le milieu du 20ème siècle. Toutefois, depuis quelques années, à la lecture de tes publications, j’ai de plus en plus de mal à comprendre la logique qui t’anime : affirmer que la judéophobie demeure hégémonique en Occident, considérer l’islamophobie comme un phénomène plutôt marginal, dont les intellectuels exagèrent l’importance, et se faire, en en même temps, le défenseur inconditionnel du sionisme et d’Israël me laisse très perplexe !

 

En vérité, tu as notablement baissé dans mon estime lorsque tu as soutenu, avec enthousiasme, la guerre de George Bush contre l’Irak, et lorsque tu as exprimé une sympathie manifeste pour  « La rage et l’orgueil  », le livre islamophobe d’Oriana Fallaci (dans lequel, il est écrit, notamment, que les musulmans « se multiplient comme des rats »). Tes prises de positions passées me paraissent, cependant, moins préoccupantes que celles que tu développes, ces temps-ci, alors que se profile, dans la société française, un dangereux terrain miné, lourd de menaces pour « l’autre ».

 

Tu sais bien que la haine envers celui qui est un peu différent, et que l’imaginaire apeuré face à celui qui affiche une singularité, ne se limitent pas aux émotions stupides de gens incultes, situés au bas de l’échelle sociale. Tu sais bien que cela n’épargne pas les classes sociales bien éduquées. Durant la période tragique pour les juifs et leurs descendants (1850-1950), le langage judéophobe ne se donnait pas uniquement libre cours dans les faubourgs populaires, mais il s’exprimait aussi dans la haute littérature, dans la philosophie raffinée, et dans la grande presse. La haine et la peur des juifs faisaient partie intégrale des codes culturels, dans toutes les couches de la société européenne. Cet état de fait s’est, fort heureusement, modifié dans les années qui ont suivi la fin de la seconde guerre mondiale. Et si, bien sûr, il subsiste encore des préjugés à l’encontre des descendants imaginaires des meurtriers de Jésus Christ, il n’en demeure pas moins que, dans le monde occidental : de Los Angeles à Berlin, de Naples à Stockholm, de Buenos-Aires à Toronto, quelqu’un d’ouvertement judéophobe ne peut plus être journaliste ou présentateur à la télévision, ni occuper une place dirigeante dans la grande presse, ou encore détenir une chaire de professeur à l’université. En bref, la judéophobie a perdu toute légitimité dans l’espace public. L’antisémitisme de Barrès, de Huysmans ou de Céline n’est plus admis dans les cénacles littéraires, ni dans les maisons d’éditions respectables du Paris d’aujourd’hui. Le prix à payer pour la disparition de cette « belle haine », ( pour user d’un qualificatif de l’antisémitisme en vogue , il y a un siècle), fut, comme l’on sait, très élevé. De nos jours, la « belle haine » est effectivement tournée vers d’autres gens, et nous ne savons pas encore quel en sera le prix.

 

Cela ne veut pas dire qu’une hostilité à l’encontre des juifs n’existe pas aux confins de la société, parmi des marginaux issus de l’immigration venant du monde musulman. Dans des cités-ghettos, certains jeunes, qui n’ont pas ingurgité la judéophobie chrétienne multiséculaire, sont, malheureusement, à l’écoute de quelques imams délirants ou de gens comme Alain Soral ou Dieudonné. Comment combattre cet inquiétant phénomène marginal ? Faut-il, comme tu ne cesses de le faire, justifier la politique menée par Israël ? Faut-il, comme tu t’y emploies également, nier que l’islamophobie a, effectivement, remplacé la judéophobie, et jouit d’une légitimité croissante dans tous les secteurs culturels français ?

 

T’es-tu demandé quels livres ont été des « best sellers », ces derniers temps : des pamphlets ou des romans contre les juifs, comme à la fin du 19ème siècle, ou bien des écrits qui ciblent les immigrés musulmans, (et cela ne se limite pas à Houellebecq, Finkielkraut et Zemmour ) ? Quels partis politiques ont le vent en poupe : ceux qui s’en prennent aux anciens « sémites » d’hier, ou ceux qui affichent leur rejet des nouveaux « sémites » d’aujourd’hui, et au passage, ne tarissent pas d’éloges sur la façon dont Israël traite les arabes (Marine Le Pen n’est pas la seule concernée!).

 

Et cela m’amène au dernier point, qui m’a le plus indisposé, dans ton article. De mon point de vue, la principale caractéristique de la judéophobie parmi les groupes marginaux de banlieues est l’identification dangereusement erronée entre : sionisme, Israël et juifs. Or, c’est précisément ce que font, sans relâche et sans distinction, les dirigeants d’Israël, le CRIF…. et toi. Les voyous de quartier ne sont pas devenus judéophobes uniquement sous l’effet de prêches venimeux prononcés par des démagogues. Il y a à cela bien d’autres causes : et notamment, l’identification constante des institutions juives officielles avec la politique israélienne. Pas une seule fois, le CRIF n’a émis la moindre protestation face à l’oppression subie par la population palestinienne. Et qu’on ne vienne pas nous parler de « diabolisation d’Israël » ; Israël se diabolise lui-même chaque jour !

 

Comment un Etat considéré comme une démocratie occidentale peut-il, depuis bientôt cinquante ans, dominer un autre peuple, et lui dénier tout droit politique, civique, syndical , et autres ? Comment dans une ville–capitale démocratique, où des intellectuels français ont fondé un institut Emmanuel Levinas, de philosophie et d’éthique juives, un tiers de la population, qui y a été annexée de force en 1967, se trouve t’elle encore privée de tout droit politique, et exclue de toute participation à la souveraineté ?

 

Et par delà tout ceci : que signifie être sioniste, aujourd’hui ? Simple est la réponse : soutenir Israël comme Etat des juifs. Comment un Etat à prétention démocratique, peut-il se définir, non pas comme la République légitime de tous ses citoyens israéliens, mais comme un Etat juif, alors même qu’un quart de ses citoyens ne sont pas juifs ? Es-tu capable de comprendre que l’Etat « juif », qui t’est si cher, appartient plus, en principe à ceux qui en France se disent juifs, qu’aux étudiants palestino-israéliens à qui j’enseigne l’Histoire à l’université de Tel-Aviv ?

 

Est-ce la raison pour laquelle tu te considères comme sioniste et fervent sympathisant d’Israël ? Si l’on suivait ton raisonnement sur cette question, la France ne devrait-elle pas cesser de se définir comme la République de tous ses citoyens, pour devenir « l’Etat gallo-catholique » ? Non ! Bien évidemment non, après Vichy et le génocide nazi. Peut-être serait-il plus facile de définir une Etat français ressemblant à Israël, en recourant à un terme qui fait aujourd’hui florès parmi l’intelligentsia parisienne : « République judéo-chrétienne » ?

 

(Traduit de l’hébreu par Michel Bilis)

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