Regards croisés sur l’occupation et la colonisation des Territoires palestiniens


Michel Staszewski:

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir diffuser au maximum l’annonce suivante :

 

 

 

 

 

 

Regards croisés sur l’occupation et la colonisation des Territoires palestiniens
Conférence-débat organisée par l’Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB)
avec Suheir Owda (palestinienne)
et Oren Rimon (israélienne)
Débat animé par Baudouin Loos journaliste au Soir et spécialiste du Proche-Orient

Le samedi 23 septembre 2017 de 14 à 18h30
au Centre Communautaire Maritime*
rue Vandenboogaerde 93 à 1080 Bruxelles**

L’Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB) est engagée depuis plusieurs décennies dans la défense du droit des Palestiniens à disposer, à l’instar des Israéliens, d’un État indépendant et souverain.
Alors que la bande de Gaza, véritable prison à ciel ouvert, subit un blocus inhumain depuis le départ des colons israéliens en 2005, la Cisjordanie, Jérusalem-Est et le plateau syrien du Golan sont occupés par Israël depuis la guerre de 1967.
Cette année 2017 marque donc les cinquante ans de cette occupation. Occupation aggravée par une colonisation galopante puisque plus de 500.000 colons juifs israéliens sont aujourd’hui installés en Cisjordanie occupée, à Jérusalem-Est et sur le plateau syrien du Golan, en contravention flagrante avec le droit international.
C’est dans le cadre des manifestations diverses organisées par le monde associatif pour rappeler ces cinquante ans d’occupation et de colonisation, et appeler la Communauté internationale à tout faire pour y mettre fin, que l’UPJB organise une conférence-débat avec, comme invitées :

Oren Rimon, une jeune Israélienne qui, après beaucoup d’autres, a signé la lettre des Shministim (élèves de terminale) annonçant leur refus de servir dans l’armée en raison du fait qu’il s’agit d’une armée d’occupation et non de défense comme veut le laisser entendre son anagramme : Tsahal, « armée de défense d’Israël ».
« Dans la société israélienne, on peut vivre sa vie entière sans voir l’occupation. Des années de militarisme dans le système d’éducation, dans la culture et dans la rue, ont provoqué l’absence de tout esprit critique. Refuser de servir dans l’armée vous coupe de l’ensemble de la société. La majorité des Israéliens ont fait leur service miltaire l’armée est donc considérée comme l’armée du peuple. Nous sommes tous nés avec une arme à la main, et la plupart d’entre nous apprennent plus tard comment s’en servir.
Lorsque j’ai reçu mon premier appel de l’armée, j’a rejoint un groupe de jeunes appelés Shministim. Ensemble nous avons écrit une lettre déclarant notre refus de remplir nos obligations militaires. Certains d’entre nous ont été condamnés à plusieurs périodes de prison par un tribunel militaire.
En tant que membres de la société israélienne, refuser de servir dans une armée d’occupation et résister à cette occupation, relève de notre responsabilté citoyenne »

Notre autre invitée sera Suheir Owda, Palestinienne de Qalqilya (Cisjordanie), née sous occupation.
Elle est coordinatrice pour la santé de la Communauté à la clinique de la Palestinian Medical Relief Society (PMRS) à Qalqilya. Elle coordonne l’équipe mobile qui se déplace dans les zones marginalisées où il n’y a pas de services de santé, et donne également des cours d’éducation à la santé dans les écoles à des groupes de femmes et de jeunes. Suheir nous parlera de la vie sous occupation et de son ressenti de n’avoir jamais connu autre chose.
Un événement à ne pas manquer.
Entrée libre.

* Avec le soutien de l’Echevinat de la Jeunesse et de la Cohésion sociale de Molenbeek et de la
** métro Ribaucourt / Bus 89,14,13

Jean-Pierre Filiu: Les Arabes, leur destin et le nôtre. Histoire d’une libération


JEAN-PIERRE FILIU
Historien et arabisant, spécialiste de l’Islam contemporain, professeur à Sciences Po Paris
Autour de son livre « Les Arabes, leur destin et le nôtre. Histoire d’une libération ». Editions La Découverte.
Depuis des décennies, l’actualité offre l’image d’un monde arabe sombrant dans la violence et le fanatisme. Comme si une malédiction frappait ces peuples, de l’interminable conflit israélo-palestinien aux guerres d’Irak et de Syrie, en passant par l’essor du jihadisme international. Jean-Pierre Filiu nous offre une autre histoire des Arabes. Une histoire intimement liée à la nôtre. Une histoire faite d’expéditions militaires et de colonisations brutales, de promesses trahies et de manœuvres diplomatiques, une histoire de soutien à des dictatures féroces ou à des régimes obscurantistes, mais tous riches en pétrole. Cette « histoire commune » qui a fait le malheur des Arabes ne doit pas faire oublier une autre histoire largement méconnue: une histoire d’émancipation intellectuelle, celle des « Lumières arabes » du XIXe siècle, mais aussi une histoire d’ébullition démocratique et de révoltes sociales, souvent écrasées dans le sang. Autant de tentatives pour se libérer du joug occidental et de l’oppression des despotes, afin d’écrire sa propre histoire. Sous la plume de Jean-Pierre Filiu, les convulsions du présent se prêtent alors à une autre lecture, remplie d’espoir: dans la tragédie, un nouveau monde arabe est en train de naître sous nos yeux.
Introduction: Henri Wajnblum

mardi 2 février à 20:15

UPJB, Rue de la Victoire 61, 1060 Bruxelles

PAF: 6 €, 4€ pour les membres, tarif réduit: 2€

Israël-Palestine. L’inévitable embrasement


HENRI WAJNBLUM

« Le fleuve emportant tout, on dit qu’il est violent, mais nul ne taxe de violence les rives qui l’enserrent ».
Bertolt Brecht

Trois extraits d’articles pour commencer… « Les Palestiniens se battent pour leur vie, dans le plein sens du terme. Nous, Juifs israéliens, nous battons pour notre privilège en tant que nation de maîtres, dans la pleine laideur du terme. Que nous remarquions qu’il n’y a une guerre que lorsque des Juifs sont assassinés n’enlève rien au fait que des Palestiniens se font tuer tout le temps, et que tout le temps, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour leur rendre la vie insupportable. (…)

Les jeunes Palestiniens ne vont pas se mettre à assassiner des Juifs parce qu’ils sont juifs, mais parce que nous sommes leurs occupants, leurs tortionnaires, leurs geôliers, les voleurs de leur terre et de leur eau, les démolisseurs de leurs maisons, ceux qui les ont exilés, qui leur bloquent leur horizon. (…) Dans notre langage, les Juifs sont assassinés parce qu’ils sont juifs, et les Palestiniens trouvent leur mort et leur détresse, parce ce que c’est probablement ce qu’ils cherchent. » (Amira Hass dans Ha’aretz).

« C’est contre la colonisation continue des territoires conquis en 1967 que se révoltent une fois de plus en ce moment les Palestiniens. Ils comprennent que la colonisation vise à perpétuer l’infériorité palestinienne et rendre irréversible la situation qui dénie à leur peuple ses droits fondamentaux. Ici se trouve la raison des violences actuelles et on n’y mettra fin que le jour où les Israéliens accepteront de regarder les Palestiniens comme leurs égaux et où les deux peuples accepteront de se faire face sur la ligne verte de 1949, issue des accords d’armistice israélo-arabes de Rhodes. » (Zeev Sternhell).

« La descente en enfer paraît inexorable. D’une semaine, d’un mois, d’une année à l’autre le niveau de violence et de répression va en augmentant. Les Palestiniens, leurs dirigeants, l’homme de la rue, savent que la probabilité d’accéder à l’indépendance de leur État est quasi nulle. Ils suivent et publient toutes les déclarations des responsables israéliens. Par exemple, Madame Tzipi Hotovely, la vice ministre des Affaires étrangères, proclamant : ‘Un retrait de Judée–Samarie ne fait pas partie de la liste des options que nous offrons aux Palestiniens. Le monde doit réaliser que la Judée-Samarie restera sous la souveraineté de facto d’Israël. Ceci n’est pas une monnaie d’échange et ne dépend pas de la bonne volonté des Palestiniens. C’est la terre de nos ancêtres. Nous n’avons pas l’intention de l’évacuer’ » (Charles Enderlin).

Tout est dit. On pourrait s’arrêter là. Car de quoi voulez-vous que Mahmoud Abbas et Benyamin Netanyahou, lui qui se dit prêt à rencontrer le premier à tout moment, de quoi voulez-vous qu’ils discutent encore ?

Mais de sécurité pardi ! De la sécurité des Israéliens s’entend.

Petit rappel… L’Autorité Palestinienne, née des accords d’Oslo de 1993, s’est vue confier la gestion administrative des zones A (18 % du territoire) et B (21 %), tandis qu’Israël continuait à administrer la zone C (61 %), où sont établies les colonies. La sécurité a été confiée aux forces palestiniennes dans la zone A et aux forces israéliennes dans les zones B et C. La coopération sécuritaire dépasse toutefois ce cadre.

Les accords d’Oslo I, signés au Caire en mai 1994, prévoient en effet que les forces de sécurité palestiniennes agissent contre « toute incitation au terrorisme et à la violence contre Israël ainsi que contre tout acte hostile aux colons ».

C’est donc à l’Autorité Palestinienne qu’il incombe d’assurer la sécurité d’Israël et des colons et elle s’acquitte « parfaitement » de cette tâche en réprimant violemment toutes les manifestations hostiles à l’occupation et à la colonisation, ce qui fait dire à beaucoup de Palestiniens que « leurs » forces de sécurité sont devenues le sous-traitant d’Israël pour réprimer toute manifestation hostile. Qui pourrait leur donner tort ?

Poursuivons…

Depuis quelques semaines, les médias sont remplis de commentaires et d’images sur les victimes israéliennes d’attaques au couteau ou à la voiture bélier. Très peu par contre sur les victimes palestiniennes et les manifestations de masse tant dans les Territoires palestiniens occupés que dans les villes arabes d’Israël. Nous avons toujours condamné les attentats aveugles, qu’ils soient commis par des Palestiniens ou par des Israéliens. Notre position n’a pas changé. Mais il est insupportable d’entendre les commentaires ne parlant que des attentats commis par des Palestiniens sans jamais, ou presque, se poser la question du pourquoi.
Vous avez sans doute aussi noté que les agresseurs palestiniens sont la plupart du temps abattus sur place. Avez-vous déjà entendu dire que ne serait-ce qu’un seul des colons, agresseurs ou assassins de Palestiniens, ait été abattu sur place par l’armée israélienne ?

Et le pire reste à craindre… Le maire de Jérusalem, Nir Barkat, a conseillé aux Jérusalémites, détenteurs d’un permis de port d’arme, de sortir armés. Depuis, les armureries de Jérusalem, mais aussi de Tel-Aviv, sont quasi en rupture de stock. Que se passera-t-il le jour, pas improbable du tout, où un civil israélien abattra un Palestinien qui lui aura semblé suspect d’intentions malveillantes ? On n’ose y penser.

Or, aux yeux d’une grande partie de la population israélienne, tout Palestinien est un « terroriste » potentiel.

Certains députés n’ont pas tardé à « montrer l’exemple »… C’est ainsi que les députés du Likud Anat Berko et Yoav Kisch, Eyal Ben Reuven de l’Union sioniste (que nos médias persistent à placer au centre gauche), Bezalel Smotrich et Naftali Bennett de HaBayit HaYehudi (Le Foyer juif) portent des armes lors des sessions de la Knesset ! -On peut raisonnablement penser qu’ils seront suivis par d’autres.

Les Israéliens ont peur, titrent la majorité de nos médias. On pourrait dire cyniquement que c’est un juste retour des choses. Et pourquoi d’ailleurs ne pas le dire ? Les Palestiniens, eux, ont peur depuis quelques décennies, et tout particulièrement depuis la signature des accords d’Oslo qui ont instauré les zones A, B et C, et des centaines de check-points qui rendent leur vie absolument insupportable, sans compter la colonisation effrénée et l’impunité totale dont jouissent les colons.

Car, ainsi que le souligne la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH), « depuis février 2014, le gouvernement israélien recourt de manière de plus en plus systématique à la démolition de maisons comme forme de punition collective, une procédure interdite par la quatrième convention de Genève. Ces derniers mois, les colons israéliens, en présence de l’armée et parfois sous sa protection, ont intensifié leurs attaques contres les civils et les propriétés des palestiniens.

Entre le 28 septembre et le 4 octobre 2015, l’ONG Al Haq, membre de la FIDH, a documenté 29 incidents de violence perpétrés par des colons en Cisjordanie. Ces violences incluent des tirs à balles réelles, des attaques physiques, des actes de vandalisme contre des propriétés et des cultures, et l’obstruction faite au déplacement de la population palestinienne ».

Et dans ces circonstances dramatiques, John Kerry, le secrétaire d’État américain, ne trouve rien d’autre à dire que de condamner « la recrudescence d’attaques terroristes contre des civils israéliens » !

Comment s’étonner dès lors que 57 % des Palestiniens ne croient plus à la solution à deux États, et qu’ils le clament haut et fort ces dernières semaines ?
Il est plus impératif que jamais que le monde extérieur manifeste clairement sa solidarité avec la cause d’une paix qui rendrait justice aux Palestiniens et qui sortirait les Israéliens de l’impasse suicidaire dans laquelle ils se sont enfermés.

source

Conférence-débat : Deux ans et demi de révolution syrienne


avec Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences-Po (Paris)

Vendredi 25 octobre à 20h15  à l’UPJB, 61 rue de la Victoire à Saint-Gilles

La tragédie qui se déroule en Syrie depuis deux ans et demi fait l’objet d’analyses, de commentaires et de jugements extrêmement variés et contradictoires. C’est ainsi, par exemple, que certains considèrent qu’il s’agit d’une guerre civile opposant diverses communautés religieuses et que d’autres estiment que les « troubles » s’expliquent essentiellement par des ingérences étrangères. Parmi ces derniers, un certain nombre minimise fortement les crimes du régime en place à Damas.

Jean-Pierre Filiu, historien et arabisant, spécialiste de l’islam contemporain, connaît particulièrement bien la Syrie et son histoire. Il y a séjourné de nombreuses fois depuis 1980. Ancien diplomate, il a été adjoint de l’ambassadeur de France à Damas de 1996 à 1999. Son dernier séjour en Syrie date du mois de juillet de cette année, dans la partie d’Alep sous le contrôle des opposants au régime de Bachar el Assad.

Pour lui, ce qui se passe en Syrie est bien une révolution qui participe de la vague démocratique qui traverse le monde arabe depuis décembre 2010 et la réconciliation du régime d’Assad avec son peuple est impossible. Mais, pour l’emporter sur le régime, les forces révolutionnaires doivent non seulement affronter la barbarie du régime, mais aussi dénouer le lacis des ingérences étrangères, puisque Assad est passé maître dans la manipulation des crises internationales à son profit.

Il estime que la chute du « système Assad » aura des retombées plus considérables que les révolutions tunisienne et égyptienne sur l’ensemble de la région.

Jean-Pierre Filiu est professeur des universités à Sciences-Po (Paris), après avoir enseigné à Columbia (New York) et Georgetown (Washington). Il a publié en 2013 Le Nouveau Moyen-Orient, les peuples à l’heure de la révolution syrienne (Fayard), ainsi que le roman graphique Le Printemps des Arabes, dessiné par Cyrille Pomès (Futuropolis). Ses travaux sur le monde arabo-musulman ont été diffusés dans une douzaine de langues.

Modérateur du débat : Michel Staszewski

Yehuda Shaul : le livre noir de l’occupation israélienne, des soldats racontent


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  • Lundi 14 octobre de 20h15 à 22h30

Yehuda Shaul, le fondateur et co-directeur de l’ONG israélienne « Breaking the Silence » sera à l’UPJB pour présenter «  Le livre noir de l’occupation israélienne : Les soldats racontent  » (22 €, Paris- Editions Autrement, www.autrement.com).

Le livre  : Une publication qui lève le voile sur les pratiques de l’armée israélienne dans les Territoires occupés (…). Il rassemble « 145 témoignages des soldats israéliens « bruts et sans complaisance ». Les témoignages, recueillis par des vétérans de l’armée réunis au sein de l’organisation Breaking the Silence, ont été ensuite croisés et vérifiés méticuleusement. Ils révèlent le quotidien des soldats israéliens dans les Territoires occupés. Mais au-delà, ils renseignent sur le mode opératoire des forces israéliennes, voire sur la logique sous-jacente des opérations militaires du pays. Une logique qui a de lourdes conséquences pour les civils palestiniens et les jeunes soldats.

Yehuda Shaul, 30 ans, est né et a grandi à Jérusalem, dans une famille ultra-orthodoxe. Après avoir obtenu son diplôme de fin d’études secondaires dans le lycée talmudique d’une colonie juive de Cisjordanie, Yehuda Shaul a rejoint l’Armée de Défense d’Israël comme sergent et commandant dans le 50è bataillon de la Brigade Nahal entre 2001 et 2004. Il a participé à diverses opérations militaires en Cisjordanie pendant la deuxième Intifada, y compris l’Opération Rempart à Ramallah. Il a également servi pendant 14 mois à Hébron, la plus grande ville palestinienne du sud de la Cisjordanie.

En 2004, Yehuda Shaul a fondé l’association « Breaking the Silence » avec un groupe de vétérans. Il est aujourd’hui son co-directeur et responsable des relations internationales.

Breaking the Silence est une organisation fondée en 2004 par d’anciens soldats ayant servi dans l’armée israélienne depuis la seconde Intifada. Elle a pour objectif de révéler à l’opinion publique israélienne et internationale la réalité du quotidien dans les Territoires occupés et le lourd tribut payé par les populations palestiniennes mais aussi par les soldats qui ont chaque jour pour mission de les « contrôler ».

Breaking the Silence a mené depuis une dizaine d’année un gigantesque travail d’enquête et de recueil de témoignages. Elle organise également des conférences et des visites guidées en Cisjordanie afin de mettre en lumière les méthodes d’Israël dans les Territoires. Considérée comme l’unique porte-parole des voix des soldats, l’organisation est aujourd’hui renommée en Israël, auprès de l’opinion et dans les médias.

PAF : 6€, membres 4€, chômeurs et étudiants 2 €

P.-S.

La conférence se tiendra en anglais avec traduction française

source

Samer Issawi, Gardez-nous de nos amis…


Henri Wajnblum : Voici un article que j’ai publié dans le numéro de mai de Points critiques, la revue mensuelle de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB). Même si entretemps Samer Issawi a mis fin à sa grève de la faim, il me semble qu’il n’y a rien à y changer sur le fond

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Vous n’en avez peut-être jamais entendu parler. Il est vrai que nos responsables politiques et nos médias ont de ces pudeurs…

Il s’appelle Samer Issawi, 33 ans. Il est palestinien, militant du Front démocratique pour la Libération de la Palestine (FDLP, mouvement marxiste-léniniste) et résident de Jérusalem-Est. En 2002, il a été condamné à 26 ans de prison par un tribunal israélien après avoir été reconnu « coupable de tentative de meurtre, de possession d’armes, d’entraînement militaire et d’appartenance ‡ un groupe terroriste ». En 2011, il faisait partie des 1.027 prisonniers palestiniens graciés et libérés dans le cadre de l’accord d’échange avec le soldat israélien Gilad Shalit. Mais sa libération fut de courte durée… Il fut en effet réincarcéré le 7 juillet de l’année dernière pour « violation des conditions de sa libération », en l’occurrence pour avoir dépassé les limites de la zone de résidence qui lui avait été assignée.

Un mois plus tard, en août, il entamait une grève de la faim et il en est aujourd’hui à près de 250 jours, s’il n’est pas mort entre le moment où ces lignes sont rédigées (le 17 avril, journée des prisonniers palestiniens), et celui où vous les lirez.

En effet, à la mi-avril le ministre palestinien des Prisonniers – le fait que l’État de Palestine doive avoir un ministre des Prisonniers en dit bien plus que de longs discours – le ministre palestinien des Prisonniers donc, Issa Qaraqaë, faisait savoir que des responsables israéliens l’avaient informé que Samer Issawi était dans un état critique et pouvait mourir à tout moment

L’Autorité palestinienne a proposé qu’il soit libéré à Ramallah pour un temps, mais les Israéliens ont refusé. Elle a ensuite proposé qu’il soit envoyé en Europe pour quelques mois afin de recevoir un traitement médical approprié, avant de revenir… Nouveau refus.

 

Samer Issawi s’explique

La condition posée par Israël pour que Samer Issawi soit libéré est qu’il soit exilé à Gaza ou dans un pays de l’Union européenne. Mais cette condition, c’est lui qui la rejette, catégoriquement. Et il s’en est expliqué dans un message posté sur sa page facebook par son avocat Jawad Boulos :

« En ce qui concerne l’offre, faite par l’occupant israélien, de me déporter à Gaza, j’affirme que Gaza fait indéniablement partie de mon pays et son peuple est mon peuple. Cependant, je rendrai visite à Gaza quand j’en aurai envie et quand je le déciderai, car elle fait partie de mon pays, la Palestine, dans lequel j’ai le droit d’aller où bon me semble, du nord au sud. Je refuse catégoriquement d’être déporté à Gaza, car cette pratique ne fait que raviver l’amer souvenir des expulsions que notre peuple palestinien a subies en 1948 et 1967. (…) Je n’accepterai d’être libéré qu’à Jérusalem car je sais que l’occupant israélien tente de vider Jérusalem de ses habitants pour que les Arabes deviennent une minorité.
La question de la déportation n’est plus une décision personnelle. Il s’agit au contraire d’un principe national. Si chaque détenu accepte, sous la pression, d’être déporté loin de Jérusalem, la ville finira par être totalement dépeuplée.
Je préfère mourir sur mon lit d’hôpital que d’être déporté loin de Jérusalem. Jérusalem est mon âme et ma vie. M’arracher à elle serait arracher mon âme à mon corps. (…)  »

J’ouvre une parenthèse… Je reviens moi-même d’un court séjour à Jérusalem et Bethlehem, à l’invitation d’une délégation de la Maison de la Famille de St-Gilles. Je vous en parlerai plus en détails dans le prochain numéro, car aujourd’hui, l’urgence c’est Samer Issawi. Je tiens simplement à dire combien il a raison concernant Jérusalem. D’un voyage à l’autre j’ai en effet pu constater l’expansion galopante de la colonisation dans la vieille ville de Jérusalem-Est, ainsi qu’à Silwan et à Sheikh Jarrah, deux quartiers palestiniens de Jérusalem-Est.

Fin de la parenthèse et retour à Samer Issawi qui, le 10 avril, s’adressait ainsi à la société civile israélienne, via le quotidien Ha’Aretz :

« (…) J’ai choisi de vous écrire : à vous, intellectuels, universitaires, écrivains, avocats, journalistes et militants de la société civile israélienne. Je vous invite à me rendre visite à l’hôpital et à me voir : un squelette menotté et attaché à son lit. Trois gardiens de prison épuisés, qui mangent et boivent derrière mon lit, m’entourent. Les gardiens suivent ma souffrance et ma perte de poids. De temps à autre, ils regardent leur montre et se demandent : Comment ce corps survit-il encore ? Israéliens, je cherche parmi vous quelqu’un d’éclairé qui a franchi le stade du jeu des ombres et des miroirs. Je veux qu’il me regarde au moment où je perdrai conscience. (…) Je le verrai et il me verra. Je verrai à quel point il est tendu à propos du futur et il me verra, moi, un fantôme accroché à son flanc et qui ne le quitte pas. (…)

Je suis Samer Issawi, ce jeune Araboush, pour reprendre le langage de votre armée. Cet habitant de Jérusalem que vous avez enfermé sans autre raison que d’avoir quitté Jérusalem pour se rendre dans sa périphérie. (…) Je n’ai entendu aucun d’entre vous intervenir ou tenter de faire taire la voix qui impose la mort, alors que vous vous êtes tous mués en fossoyeurs, en porteurs d’uniformes militaires : le juge, l’écrivain, l’intellectuel, le journaliste, le commerçant, l’universitaire, le poète. Et je ne puis croire qu’une société tout entière soit devenue la gardienne de ma mort et de ma vie et qu’elle défende les colons qui persécutent mes rêves et mes arbres.

Israéliens, je mourrai satisfait, je n’aurai pas été chassé de ma terre et de mon pays natal. » (…)

Interpellés ainsi directement, un groupe d’intellectuels, parmi lesquels les deux grands écrivains Amos Oz et A.B. Yehoshua, ont immédiatement réagi… Pour exiger des autorités qu’elles dévoilent enfin de quels crimes Samer Issawi était accusé ? Pour exiger sa libération immédiate compte tenu de son état, et surtout de l’absence de preuves d’une quelconque activité terroriste dans son chef ?

Pensez-vous !… Ils ont tout simplement déversé un tombereau de larmes de crocodiles sur Samer Issawi et l’ont Exhorté à mettre un terme à sa grève de la faim  afin d’alléger… leurs tourments !… «Nous sommes horrifiés par la dégradation de votre état de santé. Votre acte suicidaire ne fera qu’ajouter un autre élément de tragédie et de désespoir au conflit entre les deux nations. Donnez-vous de l’espoir afin de renforcer l’espoir parmi nous ». Et d’ajouter qu’il y avait « de nouveaux signes encourageants pour espérer que les négociations entre les parties arrivent enfin à une heureuse conclusion » ! Mais où sont-ils donc allé chercher ça ? Les voies de ces intellectuels de gauche, militants de la paix, tels qu’« on » les présente, sont décidément impénétrables. À Leurs yeux, c’est donc Samer Issawi qui détient les clefs de la réussite des négociations de paix, ou de leur échec ! Et il prendrait une lourde responsabilité en ne mettant pas un terme à sa grève ! Comme manière de se défausser et comme faux jetons, il sera désormais difficile de faire plus fort.

Mais c’en était encore trop pour l’Agence d’information Guysen qui titrait : « Un groupe d’intellectuels israéliens, parmi lesquels l’Écrivain Amos Oz, ont adressé une lettre d’encouragement (sic) au terroriste palestinien Samer Issawi » !

Heureusement que tous les Israéliens n’ont pas la couardise de ces intellectuels de gauche

Durant ces quelques dernières semaines, plusieurs femmes israéliennes membres de l’organisation Machsom Watch (vigiles aux check-points) ont en effet rendu visite à Samer Issawi à l’hôpital Kaplan de Rehovot. On ne les a pas autorisées à entrer dans sa chambre, mais elles ont néanmoins réussi à en ouvrir la porte pour lui tendre des fleurs et lui transmettre des messages de solidarité, jusqu’au moment où les gardes les ont éloignées.

Par ailleurs, une grève de la faim de huit jours, devant le ministère de la Défense, a été entamée le 18 avril par un groupe de militants israéliens en solidarité avec Samer Issawi et pour exiger sa libération.

Notons qu’il n’a nulle part été question d’une quelconque participation des pleureuses Amos Oz et A.B. Jehoshua à cette action de solidarité et de protestation…

 

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