Interview
Archives du 24 mai 2012
Israël s’inquiète des risques d’un boycott international de certains de ses produits

Pascal Lacorie, à Jérusalem
Certains pays, comme le Danemark ou l’Afrique du Sud, ont décidé d’étiqueter les produits israéliens en provenance des colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Si l’impact est marginal, le gouvernement et le patronat craignent que cette démarche débouche sur un boycott plus important.
Israël redoute d’être la cible d’un boycottage international. En quelques jours, l’Afrique du sud et le Danemark ont annoncé leur intention d’imposer des étiquettes spéciales sur les produits provenant des colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-est considérés par la communauté internationale comme des territoires occupés depuis la guerre de juin 1967. L’objectif est clair : établir pour les consommateurs une claire distinction dans les magasins entre les exportations des colonies et celles d’entreprises installées en territoire israélien. La réaction ne s’est pas faite attendre. « Un tel estampillage a des relents de racisme. On commence par cibler les produits des implantations, mais en fait c’est tout ce qui vient d’Israël qui est visé », déplore Ygal Palmor, porte-parole des Affaires Etrangères.
Pression des groupes pro-palestiniens ?
Shalom Simhon, le ministre du Commerce et de l’Industrie, ainsi que l’Association des Industriels, la plus importante organisation patronale, sont également montés au créneau. « La part des implantations dans nos exportations est négligeable, un boycottage sud-africain et danois pourrait toutefois déclencher une réaction en chaîne et toucher d’autres pays », prévient Shalom Simhon. L’inquiétude est d’autant plus vive que Co-Op, la cinquième chaîne de distribution alimentaire britannique, a récemment décidé de boycotter les distributeurs de produits se fournissant dans les colonies israéliennes. Selon les responsables israéliens, ces initiatives ont été prises sous la pression de groupes pro-palestiniens.
Effets marginaux pour l’instant
Sur le plan strictement statistiques, les effets d’un tel boycottage restent pour le moment marginaux. Les ventes aux pays de l’Union Européenne des entreprises installées en Cisjordanie, qui emploient 15.000 ouvriers palestiniens, ou à Jérusalem-est ne portent que sur quelques dizaines de millions de dollars, alors que les exportations totales se sont élevées à 15,2 milliards de dollars l’an dernier. Jusqu’à présent, les produits des colonies sous forme surtout de fruits, de légumes et de cosmétiques provenant de la Mer Morte, entrent sur le marché européen avec la seule mention « Made in Israël ».
Aux termes d’un accord conclu il y a 8 ans, seul le code postal de l’entreprise exportatrice est mentionné sur le paquetage sans préciser à quelle localité ce code correspond. Résultat : le client ne sait pas d’où provient son achat. En revanche, ce discret étiquetage permet aux douanes européennes, qui disposent d’une liste des codes postaux israéliens, de faire le tri afin de savoir si tel ou tel produit a été fabriqué dans une colonie de Cisjordanie où vivent plus de 300.000 Israéliens parmi 1,7 millions de Palestiniens ou dans un quartier israélien de Jérusalem-est.
Exemption des droits de douane
Les produits en provenance du territoire israélien bénéficient de tarifs préférentiels qui les exemptent pratiquement de droits de douane aux termes d’un accord d’association conclu entre l’Etat hébreu et l’Union européenne. Les exportations des colonies sont, en revanche, taxées au maximum. Détail important : les chefs d’entreprises des colonies qui s’estiment ainsi « discriminés » sont indemnisés par un fonds spécial public, qui leur rembourse le surplus de droits de douane qu’ils ont dû acquitter.
Pierre Piccinin raconte l’horreur des prisons syriennes
Christophe Lamfalussy
Mis en ligne le 24/05/2012
Libéré dans la matinée par Damas, le Belge Pierre Piccinin est arrivé hier après-midi à l’aéroport de Bruxelles, horrifié par ce qu’il a vu dans deux prisons des services de sécurité syriens à Homs et à Damas, où il a été détenu pendant six jours, avant son expulsion mercredi. Les services syriens croyaient qu’il appartenait aux services secrets français, qu’il était en repérage dans le pays. Il n’a été libéré qu’après l’intervention décisive de la diplomatie belge.
Le professeur de l’école européenne de Bruxelles à Uccle a notamment vu des gens battus à mort et torturés à l’électricité par les services secrets syriens. A Homs, dit-il, « il y avait là une série de personnes qui étaient étendues dans le couloir. Au début, ils fermaient la porte mais après ils n’ont plus fait attention du tout à moi. Je me suis dit que m’ayant laissé voir tout cela, jamais ils n’allaient me laisser partir. Je pensais que c’était terminé pour moi. »
Pierre Piccinin poursuit. « Ce centre de Homs, c’est à la chaîne. Ils emmènent les corps, cela revient tout le temps. [ ] Les gens, on les attache dans le couloir, puis c’est l’électricité, on les bat à mort. Les gens étaient morts dans le couloir. C’est la torture à la chaîne. » Sa voix tremble.
Le ressortissant belge est entré le 15 mai en Syrie en provenance du Liban par un poste-frontière secondaire où il dit avoir obtenu un visa. De là, il s’est rendu à Damas où il a loué une voiture. Il a ensuite pris la route pour Homs, puis vers la localité de Talbisseh, une ville sous contrôle de la rébellion. « J’ai rencontré l’armée de libération qui est beaucoup mieux organisée que je ne le pensais », nous dit-il. « Avec des PC, des postes de commandement, des officiers rasés de près, des drapeaux à trois étoiles. » Le 17 mai, il est allé à Tall Kalakh, une localité de la région frontalière avec le Liban. C’est là qu’il a été arrêté.
« J’ai voulu entrer dans la ville légalement », poursuit-il. « J’ai demandé au check-point si je pouvais entrer. On m’a fait poireauter deux heures. Mais à un moment, des voitures des services de sécurité sont arrivées. On m’a dit que je pouvais aller en ville seulement dans leur voiture. Dès que j’ai été dans la voiture, ils m’ont menotté et ils m’ont emmené dans un bâtiment à Tall Kalakh. »
Il voit les détenus revenir morts de leurs interrogatoires Commence alors une lente descente aux enfers. D’abord, tous ses effets personnels sont saisis, y compris son téléphone. Ensuite, une attente de deux heures dans une baraque avec un toit en tôle, sous une forte chaleur. Puis le transfert à Homs, où il est jeté en prison et voit les détenus revenir morts de leurs interrogatoires. Les policiers l’interrogent sur ce qu’ils ont découvert dans sa clé USB : des photos des rebelles de Talbisseh. Sur le bureau, dit-il, « il y avait des aiguilles, des morceaux d’ongle, du sang. » Un premier interrogatoire poli, en anglais, mais la nuit, il est passé à tabac.
Le 18 mai, toujours selon son témoignage, il est transféré à Damas, au siège de la Sécurité, dans le quartier de Qazzaz, là où un attentat à la voiture piégée a fait 55 morts le 10 mai dernier. « Les cellules étaient pleines, les gens hurlaient toute la nuit », dit-il. « Vous ne pouvez rien dire. Cela se passe sous vos yeux. Passé à tabac, il ne faut plus en rajouter. » Le 19 mai, il est transféré dans la prison de Bab al-Musalla et c’est grâce à la solidarité « formidable » des autres détenus, « qui ont rassemblé un peu d’argent et payé un garde » qu’il a pu avoir accès à un GSM.
Il a appelé un ami qui a alerté les autorités belges. Un diplomate belge, Arnt Kennis, est venu d’Amman (Jordanie) pour négocier sa libération. Le 22 mai au soir, il a été transféré dans une cellule de l’aéroport de Damas.
Pierre Piccinin en était à son troisième voyage en Syrie. Professeur d’histoire, passionné par le printemps arabe, il a effectué plusieurs voyages dans la région, notamment en Egypte et en Libye, un peu à l’image de ces intellectuels qui cherchent le grand frisson en s’immergeant dans les secousses de l’actualité.
Personnalité contestée par ses prises de position, notamment contre Israël, jugé peu crédible par plusieurs spécialistes universitaires de la Syrie, il avait dans un premier temps appelé à un minimum de compréhension à l’égard du régime de Damas après un voyage en Syrie en juillet 2011. Un deuxième voyage, au nouvel an, sur invitation du gouvernement syrien, lui fait découvrir les rebelles de Homs.
Ce troisième voyage l’a définitivement vacciné contre le régime de Damas. Pour lui, le régime de Barchar el Assad s’accroche désespérément au pouvoir et veut écraser la rébellion. Les observateurs de l’Onu sont impuissants. « Dans la situation actuelle, rien ne changera en Syrie, avec son régime de terreur, si on n’intervient pas », dit-il aujourd’hui.
Sur le même sujet:
Le chemin de Damas de Pierre Piccinin
anniebannie : il lui a fallu ça pour voir clair et il a eu la chance d’en réchapper vivant; bienvenue à la cause
-
Pierre Piccinin a partagé un lien sur facebook.
il y a 14 heures
Bien rentré à Bruxelles. Un peu cabossé, mais ça va.Je remercie tous ceux qui, sur Face Book ou par mail, m’ont apporté leur soutien dans ces moments compliqués et dont je découvre à présent les messages d’amitié, après six jours difficiles passés dans quatre prisons syriennes différentes.
Je pense aussi à mes camarades de cellules, qui, eux, sont toujours là-bas.
Ce qui s’est réellement passé…
Car je lis bien des inepties à mon propos, depuis que je suis rentré, en fin d’après-midi : cet article du journal Le Soir, notamment, est d’une bêtise et d’une méchanceté crasse, non seulement parce qu’il est rempli d’erreurs et de non-sens –la photo, pour commencer, a été prise au Liban, en compagnie des miliciens sunnites anti-Assad-, mais aussi parce que l’on sait très bien de qui vient toute cette boue malsaine –et je précise que, contrairement à d’autres médias qui s’étaient déplacés pour m’accueillir à l’aéroport cette après-midi, Le Soir a publié ce tissus de n’importe quoi sans même m’avoir contacté pour rien vérifier ; je me demande en outre combien de journalistes du Soir ont eu les couilles d’aller sur le terrain, deux fois en Libye, au Yémen, trois fois en Syrie, etc., comme je l’ai fait, moi ; en fait, je connais la réponse : aucun (http://www.lesoir.be/actualite/monde/2012-05-23/pierre-piccinin-libere-et-de-retour-en-belgique-917559.php)…
Je rentre épuisé et blessé, et je dois lire cette merde.
Les faits :
Alors que j’essayais d’établir la cartographie de la rébellion en Syrie (je m’étais déjà rendu dans la région de Zabadani, à Homs, à Tal-Biset, où j’avais rencontré le commandement militaire rebelle, à Rastan et à Hama), j’ai été arrêté le 17 mai par les services de renseignement syrien, devant la ville rebelle de Tal-Kalakh, à la frontière du Nord-Liban, où j’allais également essayer d’entrer dans Qouseir, avant de me rendre à Idlib.
Après quelques heures de cachot, j’ai été transféré au centre des services de renseignement de Homs ; j’y ai été « interrogé sévèrement » : les services secrets syriens étaient persuadés que j’espionnais pour le compte du gouvernement français et que j’assistais la logistique et la coordination de l’Armée syrienne libre.J’ai ensuite été transféré au centre des services de renseignement de Palestine Branch, à Damas (qui avait été l’objet d’un attentat à la bombe quelques jours plutôt). J’ai à nouveau été interrogé, mais plus civilement, cette fois.
Lorsque les autorités syriennes ont compris que je ne présentais aucun danger pour elles, j’ai été jeté dans un sous-sol, en vue d’être expulsé.
Avec certaines complicités, j’ai pu faire passer un message à l’extérieur ; le Ministère des Affaires étrangères belge a été averti et a immédiatement mis tout en œuvre pour me localiser et me sortir du pays ; et je le remercie pour son extraordinaire efficacité.
Je viens de rentrer chez moi, à Bruxelles.
Les six jours d’Enfer que j’ai vécus, la nuit durant laquelle j’ai été questionné, à Homs, et, surtout, durant laquelle j’ai vu mes compagnons d’infortune se faire torturer, de manière autrement plus violente que je ne l’ai été moi-même, ont été des moments de souffrances physiques et psychologiques intenses. Néanmoins, je remercie Dieu de m’avoir amené dans ce lieu de douleurs, pour que, maintenant, je puisse témoigner, au nom de tous ceux que j’ai laissés derrière moi.
Jusqu’à présent, concernant la Syrie, j’ai toujours défendu les principes du droit westphalien et ceux de la souveraineté nationale et de la non-ingérence. Mais, face à toute l’horreur que j’ai découverte et pour chacun de ces hommes que j’ai vus mutilés atrocement par des barbares au service d’une dictature dont je n’imaginais pas les audaces et le degré de férocité, je me rallie à leur appel pour une intervention militaire en Syrie, qui puisse renverser l’abomination du régime baathiste, et ce même si le pays doit sombrer dans la guerre civile : si ce passage difficile est nécessaire, il doit être emprunté, pour qu’il soit mis un terme à quarante-deux ans de terreur organisée dans des proportions dont je n’avais pas idée.
Car, en aucun cas, le système Assad fils ne s’est amendé et ne diffère de celui du père, contrairement à ce que des analyses superficielles laissaient espérer.
Certain diront que mon revirement sur ce point précis du dossier syrien procède certainement en partie du traumatisme que j’ai vécu ; mais il est, au-delà de cela, le fait d’une réflexion objective fondée sur la réalité du terrain que j’ai appréhendée cette fois-ci plus qu’auparavant.
Fuck this bloody bastard regime !
Israël : Le ministre de l’Intérieur Elie Yishaï veut emprisonner tous les immigrés illégaux africains
jeudi 24 mai 2012, par La Rédaction
Le ministre israélien de l’Intérieur Elie Yishaï a affirmé jeudi qu’il fallait « mettre derrière les barreaux » tous les immigrés illégaux africains au lendemain d’une violente manifestation xénophobe à Tel-Aviv.
« Il faut mettre ces illégaux derrière les barreaux dans des centres de détention et de rétention, puis les renvoyer chez eux, car ils viennent prendre le travail des Israéliens et il faut protéger la caractère juif de l’Etat d’Israël », a affirmé M. Yishaï à la radio militaire.
Mercredi soir, un millier de manifestants israéliens ont défilé dans le sud de Tel-Aviv aux cris notamment de : « les Soudanais au Soudan » et en vilipendant « les belles âmes gauchistes » qui défendent ces étrangers.
Le porte-parole de la police Micky Rosenfeld a précisé jeudi que 17 personnes soupçonnées d’avoir attaqué des magasins et des voitures à bord desquelles se trouvaient des immigrés avaient été arrêtées et étaient toujours détenues jeudi matin.
« Aucun immigré n’a été blessé », a ajouté le porte-parole tout en soulignant que des renforts de police sont restés « dans le secteur afin de maintenir le calme ».
Selon M. Yishaï, si le gouvernement n’agit pas, « ils seront bientôt un demi-million voire un million, on ne pas accepter de perdre ainsi notre pays ».
Selon les chiffres officiels, quelque 60.000 immigrés illégaux se sont infiltrés en Israël en provenance surtout du Soudan, du Sud-Soudan et de l’Erytrée via le Sinaï égyptien.
Pour tenter d’endiguer cet afflux, le gouvernement a accéléré la construction d’une clôture de 250 km le long de la frontière égyptienne. L’ouvrage devrait être achevé à la fin de l’année.
M. Yishaï a toutefois estimé que cette clôture ne suffira pas. « Même si elle fait 12 m de haut, il y aura des échelles de 13 m. Il faut les empêcher de travailler ». Mardi, le ministre de l’Intérieur avait affirmé à la Knesset (Parlement) : « si le gouvernement m’en donne les moyens, il n’y aura plus un seul immigré illégal d’ici un an ».
Les journaux ont fait jeudi leurs gros titres sur les incidents de Tel-Aviv. « Colère, violence et xénophobie à Tel-Aviv », titre en une le quotidien Maariv. Un des commentateurs de la radio militaire a pour sa part parlé de « pogrome ».
Le quotidien Yédiot Aharonot titre pour sa part sur un projet de déploiement « d’une unité de gardes-frontière dans le sud de Tel-Aviv pour faire face à la criminalité croissante parmi les immigrés africains et empêcher des agressions anti-immigrés de la part des habitants ».
A la suite de récents délits de droit commun impliquant des immigrés illégaux, un vif débat s’est engagé en Israël sur la présence d’une communauté africaine.
« Le phénomène de l’infiltration illégale à partir de l’Afrique est extrêmement grave et menace les fondements de la société israélienne, la sécurité nationale et l’identité nationale », avait estimé dimanche le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
(24 mai 2012 – Avec les agences de presse)
Syrie : quand la peur change de camp
mardi 22 mai 2012
Révolution en Syrie: état des lieux et débat sur la lutte armée
Cet article présente l’état des lieux en Syrie aujourd’hui. Il est suivi par une traduction d’un excellent texte de l’intellectuel syrien Yassin Al-Hajj Saleh sur la militarisation de la révolution, les causes et les conséquences. Nadia Aissaoui et Ziad Majed pour Mediapart.fr
Texte traduit par Nadia Aissaoui et Ziad Majed