Grèce : grève de la faim d’immigrés afghans et syriens sur le port de Mytilène


Par Okeanos

30 avril 2013 – 9:24

(dernière modification le 30/04/2013 – 9:24)

Photos par Stelios Kraounaki. Texte par Stelios Kraounaki traduit et adapté par Okeanews.

Depuis quelques temps, la situation à Lesbos est alarmante. Les syriens, les afghans, les somaliens et les immigrés de nombreux autres pays ont supplié en vain la police et la gendarmerie du port de les arrêter. Étrange ? Pas tant que ça, quand on sait que leur arrestation est nécessaire pour qu’ils puissent s’enregistrer et déclencher la procédure administrative d’expulsion, ce qui leur permet de rester légalement dans le pays pendant un mois (six mois pour les syriens suite à une très récente décision ministérielle). C’est pour eux le seul moyen légal de se rendre à Athènes et de poursuivre leur voyage, avant de trouver d’autres moyens pour atteindre la destination envisagée au départ (en dehors de la Grèce généralement, et dans les pays d’Europe du nord de préférence).

Photo par Stelios Kraounaki

Pourtant, la gendarmerie du port et la police refusent de les arrêter, sous prétexte de « ne pas savoir quoi faire d’eux ». D’après eux, les cellules de détention de la police sont totalement inadaptées pour accueillir en nombre et n’ont même pas l’infrastructure sanitaire la plus rudimentaire. Il faudrait nourrir les immigrés, les soigner et les cellules sont déjà pleines à craquer. Les policiers préfèrent donc rester indifférents à ces flopées de migrants, tous les jours plus nombreux, qui défilent devant eux. Les gendarmes du port et les policiers se les renvoient tour à tour (et la distance entre le bureau de police et la gendarmerie du port n’est pas moindre à Mytilène), aucun ne voulant faire usage de son autorité pour les arrêter. Et s’ils ne les renvoient pas à leurs collègues, ils se dédouanent du devoir de les arrêter en leur servant des excuses fallacieuses.

Photo par Stelios Kraounaki

Photo par Stelios Kraounaki

Suite à toutes ces marques de mépris et d’indifférence, le ras-le-bol des immigrés s’est radicalisé : depuis mercredi 24 avril, 12 Afghans et 4 Syriens ont commencé une grève de la faim, refusant la nourriture apportée par des bénévoles locaux, qui avaient pris l’habitude de s’occuper des immigrés bloqués au port. Il est indubitable que leurs conditions de vie sont plus que déplorables : pas la moindre trace d’installation d’hébergement, pas même de quoi s’abriter, ils dorment là où ils peuvent, dans les limites des grilles du port, sur le quai. Etant empêchés de fabriquer ne serait-ce qu’une installation rudimentaire, les immigrés tentent de faire face à l’absence d’emplacements en dormant dans des barques abandonnées ou directement sur le ciment, dans les sacs de couchages que leur a distribué Médecins Du Monde, tout ça sans la moindre aide de l’Etat grec.

Photos par Stelios Kraounaki.

Photos par Stelios Kraounaki.

Même pour les actes les plus élémentaires du quotidien, il leur faut improviser : Les toilettes, par exemple…ils sont contraints d’utiliser celles, communes et mal entretenues, de la douane. Ne parlons même pas de l’eau, qui leur faut boire à même les robinets extérieurs du port ; quant à la douche, au vu de leurs conditions de vie, ce serait du luxe !

Pourtant, à la gendarmerie du port, rien n’est prévu pour l’alimentation ou l’hébergement des immigrés et des réfugiés, bien que la loi donne la possibilité de le faire. Si on pose aux gendarmes la question pourtant simple « Qu’est-ce que vous allez faire d’eux si vous les arrêtez ? », la réponse reste évasive et personne ne pense aux centres d’Athènes, qui seraient pourtant une solution viable. A croire que les immigrés sont délibérément retenus loin de la capitale, dans des conditions honteuses…

Photos par Stelios Kraounaki.

Photos par Stelios Kraounaki.

Il faut dire que curieusement, on n’a pas pu compter sur l’Etat grec dans cette histoire, et s’il n’y avait pas eu les bénévoles et certains membres très actifs de l’église pour nourrir les immigrés, ils seraient probablement morts de faim. De même, s’il n’y avait pas l’équipe de Médecins du Monde pour donner les premiers soins, en collaboration avec les hôpitaux et les médecins bénévoles de Votsaneiou, les personnes souffrant de problèmes chroniques, les handicapés, les femmes enceintes et les bébés seraient restés sans les soins les plus élémentaires.

Hier, suite à la pression exercée par les immigrés sur l’Etat, une famille avec 2 enfants de 8 et 10 ans, une femme avec un handicap au pied, un cardiaque et un enfant de 18 mois diagnostiqué épileptique ont pu obtenir le papier leur donnant le droit de se déplacer en Grèce. Cela faisait pourtant 3 jours que tous ces gens avec des problèmes de santé sérieux appartenant à la catégorie des êtres vulnérables et bénéficiant de ce fait d’un traitement spécial censé être garanti par les traités internationaux, cela faisait pourtant trois jours que tous ces gens avaient été abandonné à leur triste sort, sur le port, sans aucun intervention de la part de l’Etat. Une fois de plus, ils n’ont pu compter que sur l’équipe de Médecin Du Monde et sur les bénévoles.

Photos par Stelios Kraounaki.

Photos par Stelios Kraounaki.

« Nous ne sommes pas venus pour manger !» s’indignent les afghans qui ont entamé une grève de la faim. « La Grèce n’est qu’un lieu de transition pour notre périple ». En refusant de s’alimenter, ils protestent contre ce blocage inexplicable de maintenant 35 jours dans le port de Mytilène.

Heureusement, et une fois plus grâce à l’initiative courageuse des bénévoles, ils ont pu passer une semaine dans le centre d’accueil pour immigrés PIKPA improvisé par les bénévoles de l’association locale « Tout le village ensemble ». Ces derniers 12 jours, ils se trouvent à la gendarmerie du port de Mytilène en attendant en vain le papier tant espéré de l’expulsion administrative, regardant avec impuissance ceux qui s’en vont, alors qu’eux-mêmes restent coincés au même endroit.

Récemment, 4 syriens se sont joints à la grève de la faim pour soutenir les afghans et protester eux aussi contre ces conditions indignes.

Cette situation n’a en fait qu’un responsable : Le gouvernement grec, qui mène une politique de dissuasion aveugle, qui ne tient aucun compte de l’humain, allant jusqu’à se permettre de ne pas respecter les traités internationaux, prétextant son incapacité à accueillir dignement les immigrés sur son sol. Or, il existe des centres à Athènes, et l’ouverture du centre PIPKA prouve qu’il est possible de les accueillir dans des conditions décentes, avec humanité.

Photos par Stelios Kraounaki.

Photos par Stelios Kraounaki.

Il y a maintenant longtemps que ce qui devrait être de la responsabilité de l’Etat retombe sur le dos des associations. Or, au rythme où vont les choses, elles ne pourront pas éternellement faire face à la demande. Pour l’instant, nous sommes au printemps, mais qu’adviendra-t-il des arrivées massives d’immigrés et de réfugiés prévues pour l’été ?

source  : Απεργία πείνας Αφγανών και Σύριων μεταναστών στο λιμάνι της Μυτιλήνης

adaptation : Okeanew

Lire la suite : http://www.okeanews.fr/20130430-grece-greve-de-la-faim-dimmigres-afghans-et-syriens-sur-le-port-de-mytilene#ixzz2RwwcVn27
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L’enfer pour les détenus en Grèce : « personne ne pourrait rester là 9 mois, ni même 9 heures »


Par Okeanos

12 avril 2013 – 8:03

(dernière modification le 25/04/2013 – 11:05)

Depuis samedi dernier, plus de 1000 immigrés auraient commencé une grève de la faim pour protester contre les conditions de détentions en Grèce. Depuis la mise en place de l’opération « Xenios Zeus » (Zeus, l’hospitalier…) en août 2012, les commissariats et les centres de détentions sont surpeuplés. Les conditions de détentions avaient déjà été pointées du doigt par le bureau du haut commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme qui avait conclu après une visite en janvier dernier : « Dans la plupart des établissements de détention visités par le groupe de travail, les conditions sont bien en deçà des normes internationales des droits de l’homme, y compris en termes de surpopulation ». Le front antifasciste de la région du Pirée a publié une lettre qui revient sur une action des citoyens actifs du Pirée le 27 mars dernier. Suite à leur mouvement de protestation devant le commissariat de Drapetsona, le commissaire a autorisé une équipe de 5 personnes à entrer dans les cellules et discuter avec les détenus. Le constat est accablant et depuis, sur les réseaux sociaux et sur les blogs, on ne parle plus de camps de détention mais de camps de concentration.

Le texte a été traduit par Marie-Laure Coulmin-Koutsaftis et Frédéric Bendali.

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Ce ne sont pas des détenus, s’il y a un enfer, ces gens-là sont en train de le vivre.

Traduction du texte de Yorgos Karistinos daté du 28/03/2013

Après le passage à tabac, par des policiers du poste de police de Drapetsona, de migrants détenus là, comme ils nous l’ont affirmé, en rétorsion à la grève de la faim qu’ils ont commencée, et après la tentative de suicide du détenu Palestinien de 28 ans Ibrahim Faraz, nous, citoyens actifs du Pirée, avons effectué le 27/3 un rassemblement de protestation et de solidarité (à l’appel de l’Initiative Antinazis du Pirée). Quand nous sommes arrivés devant le Commissariat, le Commissaire s’est mis devant le rang des CRS (MAT en grec), qui avaient pris position, il nous a informés et il a autorisé une équipe de cinq personnes à entrer et à discuter avec les gens retenus dans les cellules.

L’image à laquelle nous avons été confrontés alors était insupportable : dans les 70 mètres carrés environs de la cellule d’enfer du poste de police, 100 personnes étaient entassées, enfermées là depuis 9 mois, depuis le début de l’opération « Xenios Dias » (« Zeus hospitalier ») (en référence au dieu protecteur des étrangers, en réalité un plan de ramassage et de rétention des migrants en situation irrégulière). Détenus sans droit de promenade, sans voir le soleil ou respirer d’air pur (rappelons qu’il s’agit d’un poste de police), dans des conditions d’hygiène lamentables, souffrant de maladies de peau et autres du fait des conditions de détention, désespérés, au bord du suicide. Personne ne pourrait rester là 9 mois, ni même 9 heures. C’est une violation flagrante des Droits de l’Homme, c’est la disparition de toute notion d’humanité et de société légale.

Nous nous sommes effondrés, lorsque nous avons vu un homme se déchirer les chairs et se couvrir de sang de haut en bas, quand il nous a vus, ne trouvant que cette solution pour sortir de cet enfer où il est détenu et où il subit des tortures depuis 9 mois. Au détenu qui s’était ainsi blessé, il a été annoncé qu’il serait libéré, ainsi qu’au Palestinien qui avait tenté de se suicider.

Le message est clair : vous ne sortirez d’ici que si vous vous suicidez, et si vous êtes chanceux peut-être qu’à l’hôpital ils réussiront à vous sauver…

En tant que citoyens actifs du Pirée nous demandons :

– Que le Conseil Municipal, les corps de métier, les syndicats et toutes les institutions de la région élargie du Pirée prennent officiellement position et qu’ils fassent pression pour que cesse cette situation inhumaine.

– Les travailleurs dans les structures compétentes de l’état (policiers, administratifs, psychologues etc.) en mesure d’exercer leurs facultés de jugement et leur humanité doivent mesurer leurs responsabilités. Ils ont le devoir de réagir.

– Que soient fermées les cellules de la police où sont détenues les victimes de l’opération « Xenios Dias » (« Zeus hospitalier »). Elles sont une insulte à notre humanité et font honte au Pirée.

Nous nous battons contre la barbarie, le fascisme et le cannibalisme social.

Nous exigeons que cesse l’opération inhumaine « Xenios Dias » (« Zeus hospitalier ») menée par la police et l’état grecs.

Nous réclamons l’évidence. Le respect des Droits de l’Homme. Une vie décente pour nous toutes et tous.

(Γιώργος Καρυστινός)

Front antifasciste de la région du Pirée

Le texte en grec est disponible à cette adresse

Lire la suite : http://www.okeanews.fr/20130412-lenfer-pour-les-detenus-en-grece-personne-ne-pourrait-rester-la-9-mois-ni-meme-9-heures#ixzz2RwvWrNhg
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Syrie. Lettre de Bachar al-Assad à son père


Cher Papa,

Je sais que tu te faisais beaucoup de souci pour moi avant de mourir. Je crois que tu avais tort. Tout s’est en effet très bien passé au moment de la succession. J’ai eu ensuite quelques petits problèmes avec le Liban (il m’a fallu liquider Hariri), mais il a suffi de faire le gros dos pour que, petit à petit, tout rentre dans l’ordre. La Syrie a prospéré au cours des dix premières années de mon règne. Je dois dire que le cousin Rami m’a beaucoup aidé. Tout allait bien et tout aurait pu durer ainsi éternellement – même s’il me fallait périodiquement emprisonner des contestataires -, sans l’agitation que Ben Ali et Moubarak ont laissé se développer dans leurs pays. Tu imagines ? : Ils ont été renversés. Pire encore, Kadhafi a été écharpé par son peuple.

Bien entendu, le mouvement de protestation a fini par arriver chez nous. Je me suis souvenu de la manière inflexible avec laquelle tu avais traité les Frères et j’ai suivi ton modèle. J’ai transformé toutes les villes de Syrie – ou peu s’en faut – en autant de Hama. Le problème, que tu n’avais pas rencontré en 1982, est qu’il m’a été impossible de boucler le pays. Avec les moyens de communication qui ont cours aujourd’hui, les images de la répression se sont répandues dans le monde entier.

Au début, cela m’a beaucoup inquiété. Toutes ces démocraties qui, périodiquement, venaient me parler de droits de l’homme risquaient de vouloir intervenir, comme elles l’ont fait en Libye. Mais – le croiras-tu ? – elles n’ont pas bronché. Bien entendu, elles m’ont traité de tous les noms : « boucher », « assassin », tous les qualificatifs désobligeants y sont passés. J’ai eu droit aussi à des remarques ridicules sur la perte de toute légitimité. Curieux, comme ces dirigeants sont incapables de concevoir que nous ne pensons pas comme eux. Mais ils se sont contentés de discourir.

Il est vrai que les Russes m’ont beaucoup aidé. Tu avais vraiment raison de conclure une alliance avec eux. Ces gens-là ont la même façon de voir les choses que nous. Et ils se moquent de toutes ces remarques grotesques sur la vérité et le mensonge, le bien et le mal. Ils savent que la seule chose qui compte est de rester au pouvoir. Avec les Chinois, qui m’ont toujours paru moins convaincus qu’eux, mais qui les ont suivis, ils ont tout bloqué au Conseil de sécurité. Les Occidentaux n’ont pas osé passer outre et recommencer ce qu’ils avaient fait pendant la guerre de Bosnie. Ils ont même publiquement assuré que jamais ils n’interviendraient en Syrie. Je n’en attendais pas tant, mais, bien sûr, j’en ai profité pour réprimer à tout-va.

Les Iraniens m’ont, eux aussi, beaucoup aidé. Tes anciens collaborateurs m’avaient critiqué de m’être rapproché de l’Iran lorsque tout allait encore bien pour nous. Ils voient maintenant que j’avais raison. Je sais bien que les Perses ne me soutiennent pas pour mes beaux yeux bleus, mais pour garder leur emprise sur la région. Qu’importe, tant qu’ils me fournissent (comme les Russes) des armes et même des hommes. Le Hezbollah est je dois dire un précieux allié : tu as eu une riche idée en encourageant sa création.

Tout n’est pas réglé, loin s’en faut, mais je tiens toujours Damas et les rebelles ne disposent pas d’autant de matériel que l’armée du régime. Rien n’est perdu. Fidèle à ton enseignement, je crois qu’il me suffit d’attendre que l’ennemi s’épuise. Au pire, nous nous replierons sur notre montagne et, d’une manière ou d’une autre, nous continuerons à nous battre et à empêcher la Syrie et ce peuple, si ingrat, de se relever.

Ce qui m’a le plus frappé dans toute cette affaire, ce sont les contradictions, la pusillanimité et la lâcheté des peuples occidentaux. Au fond, ils ne savent pas ce qu’ils veulent. Ils dénoncent ma politique, réclament mon départ, veulent me faire juger à la CPI tout en continuant à m’envoyer des émissaires. Rends-toi compte : ils ont ressorti Kofi Annan et maintenant Lakhdar Brahimi pour jouer ce rôle !

Je suis parvenu à les manipuler d’une manière digne de toi. C’est tellement facile de les embrouiller en faisant croire que certaines de nos opérations ont été menées par des rebelles que ce n’en est même plus drôle. Ils en sont à donner des leçons de morale aux généraux rebelles plutôt que des armes. Car, vois-tu, ils ne supportent pas l’idée que l’armée rebelle puisse tuer qui que ce soit, y compris les chabbiha. En revanche, si, comme la semaine dernière, je fais égorger 400 civils, dont pas mal d’enfants, ils ne réagissent même pas.

J’ai aussi repris ta technique du repoussoir jihadiste. Cela marche à tous les coups. Je n’ai eu qu’à libérer quelques-uns des terroristes maison et à demander aux « services » d’inoculer ce poison dans les rangs des rebelles. Quelques attentats bien organisés ont jeté le discrédit sur l’opposition armée. Le succès a dépassé toutes mes espérances ! Alors que nos ennemis commençaient à susciter un début de sympathie en Occident, il n’est plus question dans leurs médias que de la menace « islamiste » ! Il est vrai que les brigades jihadistes font vendre les journaux ou regarder les nouvelles à la télévision, bien plus que mes massacres.

Un dernier exemple de la faiblesse de caractère des Occidentaux. Obama (l’actuel président américain) et ses homologues britanniques et français m’avaient menacé il y a quelques mois si j’utilisais des armes chimiques. Curieux qu’ils ne se soient pas rendu compte que cela signifiait a contrario que je pouvais tuer autant de Syriens que je voulais par d’autres moyens (je suis récemment passé aux SCUDS : cela marche très bien), sans qu’ils ne s’en mêlent. J’ai voulu voir jusqu’où je pouvais aller – d’autant que les Iraniens étaient intéressés eux aussi par ce test. J’ai donc fait tirer quelques missiles armés de produits chimiques à dose réduite. La première fois, l’Américain, l’Anglais et le Français ont décrété qu’il n’y avait pas de preuves. J’ai donc recommencé à plusieurs reprises. Cela devenait difficile à Obama de prétendre que je n’avais pas franchi ce qu’il avait qualifié de « ligne rouge ». Ne voulant décidément rien faire contre moi, il a ajouté une seconde condition : il faudrait que les armes chimiques soient employées à grande échelle pour « changer le jeu ». Le « jeu » ! Je peux donc continuer à m’amuser tranquillement à détruire la Syrie à petit feu. Quand on pense que la droite américaine soupçonne cet Obama d’être musulman !

Comme tu le vois, cher Papa, j’ai tout bien en main. J’ai bien retenu toutes les leçons que tu m’as enseignées et je les appliquerai jusqu’au bout, dussè-je pour cela détruire complètement le pays.

Ton fils dévoué,

Bachar

(Avec l’assistance d’Isabelle Hausser)

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http://petitseigneur.com/lettre-de-bachar-al-assad-a-son-pere/

Samer Issawi, Gardez-nous de nos amis…


Henri Wajnblum : Voici un article que j’ai publié dans le numéro de mai de Points critiques, la revue mensuelle de l’Union des Progressistes Juifs de Belgique (UPJB). Même si entretemps Samer Issawi a mis fin à sa grève de la faim, il me semble qu’il n’y a rien à y changer sur le fond

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Vous n’en avez peut-être jamais entendu parler. Il est vrai que nos responsables politiques et nos médias ont de ces pudeurs…

Il s’appelle Samer Issawi, 33 ans. Il est palestinien, militant du Front démocratique pour la Libération de la Palestine (FDLP, mouvement marxiste-léniniste) et résident de Jérusalem-Est. En 2002, il a été condamné à 26 ans de prison par un tribunal israélien après avoir été reconnu « coupable de tentative de meurtre, de possession d’armes, d’entraînement militaire et d’appartenance ‡ un groupe terroriste ». En 2011, il faisait partie des 1.027 prisonniers palestiniens graciés et libérés dans le cadre de l’accord d’échange avec le soldat israélien Gilad Shalit. Mais sa libération fut de courte durée… Il fut en effet réincarcéré le 7 juillet de l’année dernière pour « violation des conditions de sa libération », en l’occurrence pour avoir dépassé les limites de la zone de résidence qui lui avait été assignée.

Un mois plus tard, en août, il entamait une grève de la faim et il en est aujourd’hui à près de 250 jours, s’il n’est pas mort entre le moment où ces lignes sont rédigées (le 17 avril, journée des prisonniers palestiniens), et celui où vous les lirez.

En effet, à la mi-avril le ministre palestinien des Prisonniers – le fait que l’État de Palestine doive avoir un ministre des Prisonniers en dit bien plus que de longs discours – le ministre palestinien des Prisonniers donc, Issa Qaraqaë, faisait savoir que des responsables israéliens l’avaient informé que Samer Issawi était dans un état critique et pouvait mourir à tout moment

L’Autorité palestinienne a proposé qu’il soit libéré à Ramallah pour un temps, mais les Israéliens ont refusé. Elle a ensuite proposé qu’il soit envoyé en Europe pour quelques mois afin de recevoir un traitement médical approprié, avant de revenir… Nouveau refus.

 

Samer Issawi s’explique

La condition posée par Israël pour que Samer Issawi soit libéré est qu’il soit exilé à Gaza ou dans un pays de l’Union européenne. Mais cette condition, c’est lui qui la rejette, catégoriquement. Et il s’en est expliqué dans un message posté sur sa page facebook par son avocat Jawad Boulos :

« En ce qui concerne l’offre, faite par l’occupant israélien, de me déporter à Gaza, j’affirme que Gaza fait indéniablement partie de mon pays et son peuple est mon peuple. Cependant, je rendrai visite à Gaza quand j’en aurai envie et quand je le déciderai, car elle fait partie de mon pays, la Palestine, dans lequel j’ai le droit d’aller où bon me semble, du nord au sud. Je refuse catégoriquement d’être déporté à Gaza, car cette pratique ne fait que raviver l’amer souvenir des expulsions que notre peuple palestinien a subies en 1948 et 1967. (…) Je n’accepterai d’être libéré qu’à Jérusalem car je sais que l’occupant israélien tente de vider Jérusalem de ses habitants pour que les Arabes deviennent une minorité.
La question de la déportation n’est plus une décision personnelle. Il s’agit au contraire d’un principe national. Si chaque détenu accepte, sous la pression, d’être déporté loin de Jérusalem, la ville finira par être totalement dépeuplée.
Je préfère mourir sur mon lit d’hôpital que d’être déporté loin de Jérusalem. Jérusalem est mon âme et ma vie. M’arracher à elle serait arracher mon âme à mon corps. (…)  »

J’ouvre une parenthèse… Je reviens moi-même d’un court séjour à Jérusalem et Bethlehem, à l’invitation d’une délégation de la Maison de la Famille de St-Gilles. Je vous en parlerai plus en détails dans le prochain numéro, car aujourd’hui, l’urgence c’est Samer Issawi. Je tiens simplement à dire combien il a raison concernant Jérusalem. D’un voyage à l’autre j’ai en effet pu constater l’expansion galopante de la colonisation dans la vieille ville de Jérusalem-Est, ainsi qu’à Silwan et à Sheikh Jarrah, deux quartiers palestiniens de Jérusalem-Est.

Fin de la parenthèse et retour à Samer Issawi qui, le 10 avril, s’adressait ainsi à la société civile israélienne, via le quotidien Ha’Aretz :

« (…) J’ai choisi de vous écrire : à vous, intellectuels, universitaires, écrivains, avocats, journalistes et militants de la société civile israélienne. Je vous invite à me rendre visite à l’hôpital et à me voir : un squelette menotté et attaché à son lit. Trois gardiens de prison épuisés, qui mangent et boivent derrière mon lit, m’entourent. Les gardiens suivent ma souffrance et ma perte de poids. De temps à autre, ils regardent leur montre et se demandent : Comment ce corps survit-il encore ? Israéliens, je cherche parmi vous quelqu’un d’éclairé qui a franchi le stade du jeu des ombres et des miroirs. Je veux qu’il me regarde au moment où je perdrai conscience. (…) Je le verrai et il me verra. Je verrai à quel point il est tendu à propos du futur et il me verra, moi, un fantôme accroché à son flanc et qui ne le quitte pas. (…)

Je suis Samer Issawi, ce jeune Araboush, pour reprendre le langage de votre armée. Cet habitant de Jérusalem que vous avez enfermé sans autre raison que d’avoir quitté Jérusalem pour se rendre dans sa périphérie. (…) Je n’ai entendu aucun d’entre vous intervenir ou tenter de faire taire la voix qui impose la mort, alors que vous vous êtes tous mués en fossoyeurs, en porteurs d’uniformes militaires : le juge, l’écrivain, l’intellectuel, le journaliste, le commerçant, l’universitaire, le poète. Et je ne puis croire qu’une société tout entière soit devenue la gardienne de ma mort et de ma vie et qu’elle défende les colons qui persécutent mes rêves et mes arbres.

Israéliens, je mourrai satisfait, je n’aurai pas été chassé de ma terre et de mon pays natal. » (…)

Interpellés ainsi directement, un groupe d’intellectuels, parmi lesquels les deux grands écrivains Amos Oz et A.B. Yehoshua, ont immédiatement réagi… Pour exiger des autorités qu’elles dévoilent enfin de quels crimes Samer Issawi était accusé ? Pour exiger sa libération immédiate compte tenu de son état, et surtout de l’absence de preuves d’une quelconque activité terroriste dans son chef ?

Pensez-vous !… Ils ont tout simplement déversé un tombereau de larmes de crocodiles sur Samer Issawi et l’ont Exhorté à mettre un terme à sa grève de la faim  afin d’alléger… leurs tourments !… «Nous sommes horrifiés par la dégradation de votre état de santé. Votre acte suicidaire ne fera qu’ajouter un autre élément de tragédie et de désespoir au conflit entre les deux nations. Donnez-vous de l’espoir afin de renforcer l’espoir parmi nous ». Et d’ajouter qu’il y avait « de nouveaux signes encourageants pour espérer que les négociations entre les parties arrivent enfin à une heureuse conclusion » ! Mais où sont-ils donc allé chercher ça ? Les voies de ces intellectuels de gauche, militants de la paix, tels qu’« on » les présente, sont décidément impénétrables. À Leurs yeux, c’est donc Samer Issawi qui détient les clefs de la réussite des négociations de paix, ou de leur échec ! Et il prendrait une lourde responsabilité en ne mettant pas un terme à sa grève ! Comme manière de se défausser et comme faux jetons, il sera désormais difficile de faire plus fort.

Mais c’en était encore trop pour l’Agence d’information Guysen qui titrait : « Un groupe d’intellectuels israéliens, parmi lesquels l’Écrivain Amos Oz, ont adressé une lettre d’encouragement (sic) au terroriste palestinien Samer Issawi » !

Heureusement que tous les Israéliens n’ont pas la couardise de ces intellectuels de gauche

Durant ces quelques dernières semaines, plusieurs femmes israéliennes membres de l’organisation Machsom Watch (vigiles aux check-points) ont en effet rendu visite à Samer Issawi à l’hôpital Kaplan de Rehovot. On ne les a pas autorisées à entrer dans sa chambre, mais elles ont néanmoins réussi à en ouvrir la porte pour lui tendre des fleurs et lui transmettre des messages de solidarité, jusqu’au moment où les gardes les ont éloignées.

Par ailleurs, une grève de la faim de huit jours, devant le ministère de la Défense, a été entamée le 18 avril par un groupe de militants israéliens en solidarité avec Samer Issawi et pour exiger sa libération.

Notons qu’il n’a nulle part été question d’une quelconque participation des pleureuses Amos Oz et A.B. Jehoshua à cette action de solidarité et de protestation…

 

Gardez-nous de nos amis

Syrie : Chroniques du délitement


 9 / Le régime syrien en quête de chair à canon, en Syrie et à l’extérieur

Quoi qu’en dise Bachar Al Assad, les choses peu à peu se gâtent pour lui. Pour reculer l’échéance et prévenir la débandade, il veille à dissimuler les failles et les faiblesses de son régime. Ce sont elles qui font l’objet de ces chroniques. Elles sont destinées à soutenir ceux qui souffrent et perdent patience et à montrer que leur victoire est inéluctable. Le chef de l’Etat continuera à manoeuvrer, à mentir et à tuer, puisque c’est ce qu’il sait faire. Mais il ne pourra rétablir avec l’ensemble des Syriens les relations qu’il n’aurait jamais perdues s’il avait accepté d’entendre les cris des jeunes, des femmes et des hommes qui sont sortis dans les rues, en mars 2011, pour réclamer le respect, la justice et la liberté auxquels ils avaient droit, mais dont ils avaient été privés par son père et lui-même durant près de 50 ans.

Précédemment mis en ligne :
Syrie. Chroniques du délitement du régime
1 / La famille Al Assad entame son auto-nettoyage
2 / Règlement de comptes à Qardaha, antre de la famille Al Assad
3 / L’armée syrienne, colosse aux pieds d’argile
4 / Dans la famille Al Assad, après la fille, la mère…
5 / Damas réplique à une agression israélienne… en bombardant un car en Syrie
6 / Bachar Al Assad en appelle au jihad
7 / Une religieuse pour convaincre Israël de ne pas lâcher le régime en Syrie
8 / Des Alaouites appellent leur communauté à rejoindre la Révolution

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Dans un article daté du 24 avril 2013, le site internet Damas Post détaillait les dernières mesures prises par le Premier ministre syrien Wa’el Al Halqi pour encourager les jeunes et les fonctionnaires à accomplir leur service militaire, voire à devancer l’appel sous les drapeaux.

Wa’el Al Halqi

Selon les informations exclusives obtenues par le site, dont l’allégeance au système est confirmé par le soutien d’annonceurs privés et institutionnels tels que Syriatel, la Syrian Computer Society ou le ministère de l’Electricité, le chef du gouvernement a décidé que :

les fonctionnaires rejoignant l’armée continueront d’être payés par leur administration,
– les diplômés des instituts d’enseignement moyen exemptés des obligations militaires, les fils uniques par exemple, pourront être nommés dans la fonction publique au terme de leur service,
– les détenteurs du diplôme de fin d’études secondaires conserveront le droit de s’inscrire dans les universités syriennes conformément au barème en vigueur au moment de leur examen,
– les universitaires seront assimilés à des officiers,
– les jeunes gens bénéficiant du programme d’emploi des jeunes retrouveront leur travail,
– la durée du service militaire sera prise en compte dans les années dues à l’Etat par certains universitaires,
– les fonctionnaires et les agents de l’Etat rejoignant pendant un an les forces armées conserveront l’ensemble de leurs avantages matériels et 50 % de leur salaire de base.

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Cette série de mesures est instructive. Elle s’inscrit dans la suite des efforts déployés depuis de longs mois par les responsables syriens pour convaincre leurs jeunes compatriotes d’apporter leur contribution à ce qu’ils présentent comme la « lutte contre le terrorisme », en rejoignant les forces armées. Ces nouvelles dispositions n’auraient pas été nécessaires si les précédents appels, assortis d’incitations financières, avaient été entendus. Elles confirment donc la répulsion de nombreux jeunes Syriens, y compris au sein de la communauté alaouite, à prendre le risque de tuer d’autres Syriens ou de se faire tuer par eux, non pas pour sauver la patrie en danger comme le soutient le pouvoir, mais pour permettre la survie de Bachar Al Assad à la tête de l’Etat.

Il y a plus d’un an, le 26 mars 2012, le même site Damas Post avait publié une instruction de la compagnie nationale de transport aérien. Elle enjoignait aux agences de la Syrian Air et aux bureaux de tourisme et de voyage de faire savoir à leurs clients, âgés de 18 à 42 ans et désireux de se rendre dans un pays étranger, qu’ils devaient obligatoirement solliciter une autorisation préalable de sortie du territoire auprès du Service de l’Emigration et des Passeports. Le site précisait, à l’intention de ceux qui en auraient douté, que le sésame devait émaner du Bureau de la Conscription du ministère de la Défense. Il ajoutait que, en application de cette mesure, les autorités aéroportuaires venaient de s’opposer à l’embarquement de près de la moitié des passagers d’un vol pour Alger au départ d’Alep. D’autres Syriens avaient été refoulés vers la Syrie, au poste frontière de Jdaydeh, alors qu’ils se rendaient au Liban.

Le Service de l’Emigration et des Passeports avait nié, le lendemain, l’existence d’une telle directive. Il avait réclamé la publication par Damas Post d’un rectificatif. Mais la reconnaissance par ce même service qu’un certain nombre de voyageurs avaient été contraints de rebrousser chemin et de rentrer chez eux suffisait à démontrer que des consignes de refoulement, et peut-être d’incorporation immédiate des récalcitrants, avaient bien été données. En faisant machine arrière, les services compétents ne se préoccupaient pas de respecter l’alinéa 3 de l’article 38 de la nouvelle Constitution, adoptée par référendum moins d’un mois plus tôt (le 26 février 2012), qui stipule que « tout citoyen a le droit de se déplacer sur le territoire national et de le quitter, sauf s’il en est empêché par une décision de justice, à la demande du Procureur général ou en application des lois concernant la santé et la sécurité publique ». Ils montraient simplement qu’ils avaient pris conscience du caractère contreproductif de la mesure. Ils avaient donc cherché à rassurer les réfractaires et ceux qui venaient d’être rappelés sous les drapeaux. Il serait plus facile de s’emparer d’eux lorsqu’ils tenteraient de quitter leur pays que d’aller les cueillir un par un à leur domicile.

Cet épisode démontrait que le commandement général de l’armée syrienne n’attendait pas grand-chose de sa décision de reporter du 22 mars au 9 avril le délai de grâce accordée aux conscrits pour rejoindre leur lieu d’affectation. Il n’imaginait pas vraiment les persuader en assortissant ce report de l’engagement que « les réfractaires concernés ne seraient soumis à aucune sanction ou pénalité de retard financière pour leur retard à obtempérer ».

Il y a quelques mois, les moukhabarat ont eu une autre idée. Au cours du mois de novembre 2012, ils ont demandé au ministère des Affaires étrangères et des Emigrés de rappeler à l’ensemble des missions diplomatiques qu’elles devaient appliquer avec minutie une directive antérieure de la direction de la conscription du ministère de la Défense. Elle recommandait de « faciliter la visite en Syrie des émigrés n’ayant pas encore effectué leur service militaire ». Le texte de cette circulaire montrait que les autorités syriennes avaient deux soucis en tête : attirer ces derniers dans leur pays d’origine… pour les envoyer rejoindre les rangs de l’armée ; ou profiter de l’occasion pour récupérer des sous.

Elle précisait en effet que :

les facilités de visite concernent exclusivement les Syriens n’ayant pas encore accompli leur service militaire
– les services consulaires doivent s’abstenir d’adresser d’autres dossiers que ceux-là,
– les émigrés auxquels une autorisation de visite a déjà été accordée sans qu’ils en aient profité doivent détailler les raisons pour lesquels ils ont renoncé à se rendre en Syrie,
– les émigrés âgés de plus de 42 ans n’ayant pas satisfait à leurs obligations militaires peuvent être autorisés à se rendre en visite dans leur pays une seule et unique fois, s’ils ont l’intention de régler leur situation et d’acquitter le « badal » (taxe d’exemption), conformément à l’article 97 du décret 30/2007…

La dernière série de mesures indique par ailleurs que le recours au Haut Conseil de l’Ifta présidé par le cheykh Ahmed Badreddin Hassoun, prié de produire l’avis juridique incitant les Syriens, les arabes et les musulmans, à refuser de lutter contre l’armée du régime et à lui apporter leur concours, n’a pas obtenu les effets escomptés. Si, de toute évidence, la fatwa n’a pas été entendue par ceux auxquels elle s’adressait en premier, elle a en revanche offert au Hizbollah la couverture religieuse – le jihad – dont le parti chiite libanais s’était jusqu’alors dispensé pour multiplier le nombre de ses combattants en Syrie. Ils sont désormais entre 5 000 et 7 000, principalement engagés dans la région qui s’étend du sud de Homs aux environs de Damas. Ils prétendent n’avoir d’autre objectif que d’assurer la protection des quelques villages et lieux saints chiites de la région. Mais camouflée derrière ce prétexte – un mensonge selon l’ancien secrétaire général du Parti de Dieu Soubhi Al Toufayli – leur mission est surtout de contribuer à garantir à Bachar Al Assad et aux piliers alaouites de son régime un accès sécurisé à la côte syrienne, dans laquelle ils pourraient être tentés ou contraints, chassés de la capitale, de chercher refuge.

Les Iraniens n’avaient pas non plus attendu cette fatwa pour apporter au régime en place le soutien en hommes, les conseillers en répression et les militaires de toutes spécialités, pilotes de Mig compris, sans lesquels le chef de l’Etat syrien ne serait peut-être déjà plus là. Ils n’avaient pas non plus eu besoin de cet avis pour recruter de jeunes Irakiens, qu’ils avaient attirés sur leur territoire sous le couvert de visites aux lieux saints vénérés par les chiites. Après les avoir formés dans des camps, en compagnie de jeunes Syriens et de jeunes Libanais, chiites ou alaouites, ils les avaient incorporés à la brigade Abou al-Fadl al-Abbas et transférés par avion en Syrie, pour faire le coup de feu au côté des forces régulières. L’affaire a été dévoilée par l’arrivée en Irak, en provenance de Syrie, de cadavres de ces combattants, dont le dernier tampon apposé sur les passeports indiquait qu’ils étaient entrés en Iran…

Les Russes n’avaient pas davantage eu besoin de cette avis juridique pour accroître leur aide au régime de celui qui, en se cramponnant au pouvoir, leur permet d’effectuer leur grand retour sur la scène internationale au-delà des limites de l’ex-Communauté des Etats Indépendants. La découverte d’une étrange brigade de jihadistes tchéchènes particulièrement fanatiques et féroces, opérant dans le nord de la Syrie sous la direction d’un chiite irakien répondant au nom d’Abou Omar al-Koweïti, suggère aux révolutionnaires syriens qu’ils ne se contentent pas de porter Bachar Al Assad à bout de bras, de lui assurer une promotion médiatique et de le faire bénéficier de l’expérience de la répression acquise par eux dans leur environnement régional. Ces hommes seraient soupçonnés d’être manipulés par les moukhabarat russes et de se livrer aux exactions qui leur sont reprochées – parmi lesquelles l’enlèvement, le 22 avril, de deux évêques d’Alep… – pour contribuer à décrédibiliser l’ensemble de la révolution et attiser les violences interconfessionnelles dans lesquelles le régime en place continue de voir l’une de ses possibles planches de salut.

Faute de pouvoir trouver la réponse adéquate à la désaffection des jeunes Syriens pour l’armée de leur pays, y compris en recourant pour les stimuler à la diffusion sur la chaine de télévision officielle de chants appartenant au répertoire… d’al-Qaïda, le régime continue de chercher ailleurs la chair à canon dont il a besoin. On en trouve une confirmation dans la dernière intervention de l’un de ses plus ardents thuriféraires. Intervenant le 23 avril dernier sur la radio Cham FM, l’analyste politique Chérif Chahadeh a en effet affirmé  que « la Syrie accueillera avec plaisir tous ceux qui souhaiteront rejoindre l’armée syrienne en provenance d’Iran, du Liban, d’Irak et d’Algérie »…

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Syrie : quand la guerre vide le pays


REPORTAGE – Des milliers des réfugiés s’entassent dans le camp de Zaatari, devenu la cinquième ville de Jordanie, alors que les combats se poursuivent dans leur pays. 

Comme ils n’en pouvaient plus d’avoir peur de mourir comme ces cousins ou voisins tués sous leurs yeux, ils ont fini par partir. Mercredi matin à 6 heures, ils sont montés à bord de voitures, quittant leur village près de Deraa, berceau de la révolution syrienne, tout au sud du pays où la veille encore, une soixantaine de personnes ont été tuées. Quatorze membres de la même famille Al- Nassar* : la mère, Oum Mohamed ; son fils aîné, Abu Karim, un coiffeur ; sa fille aînée, Maysoun, 20 ans ; un cousin et dix enfants dont la plus jeune a 6 mois.

Alternant les trajets en voiture et les longues marches à pied, ils ont mis près de deux jours pour parcourir la soixantaine de kilomètres qui les séparaient de la Jordanie. Pris en charge par l’armée jordanienne, ils débarquent exténués d’un des nombreux bus qui ont pénétré à l’intérieur du camp de Zaatari jeudi soir. Chaque jour, 1.500 Syriens passent la frontière jordanienne. La population du camp est désormais de 140.000 réfugiés. Dix fois plus que l’an passé. La taille d’une ville comme Tours ou Brest mais réduite à un terrain militaire de 5 km de long sur 4 de large, perdu dans le désert jordanien.

Des villages entiers qui se regroupent

Il est 20 heures, il fait nuit et un peu froid. Sous la grande tente où tous les réfugiés sont conduits, les enfants, innombrables, hurlent. Épuisés, bousculés, terrifiés par la cohue et le vacarme. Certains ne retrouvent pas leurs parents, d’autres pleurent après avoir été vaccinés contre la rougeole. De très vieilles personnes se recroquevillent sur elles-mêmes sur des chaises en plastique. Les adultes et les adolescents se bousculent pour attraper les couvertures et les rations alimentaires distribuées par les employés du camp, placé sous l’autorité des Nations unies et de la Jordanie. Regroupés, les Al-Nassar regardent d’autres réfugiés récupérer leurs bagages. Eux n’ont rien pu emporter : « Rien qu’un change par personne », se désole Abu Talaat, 38 ans, père de sept enfants.

Comme tous les nouveaux arrivants, ils devraient passer leur première nuit à même le sol sous un hangar sans porte, mais un voisin, dans le camp depuis cinq jours, les a vus arriver et les invite à dormir sous sa tente et celles d’autres voisins. Maysoun, l’une des filles de la famille, va bientôt réaliser que « les trois quarts des habitants de notre village sont ici. » Les Al-Nassar quittent le hangar et découvrent l’immensité ahurissante du camp de Zaatari, ses dizaines de milliers de tentes alignées les unes contre les autres, ses milliers de bungalows en tôle ondulée. Pour rejoindre les tentes de leurs voisins, près desquelles ils planteront les leurs vendredi matin, il faut marcher dans la caillasse, éviter les flaques d’eau, tirer par le bras les petits qui n’ont plus la force de marcher… Fendre la foule, croiser des milliers d’enfants qui composent la moitié de la population du camp, marcher encore à la seule lueur de la pleine lune pour enfin pouvoir s’allonger.

Interdiction de sortir

La nuit qui suit, les enfants et Abu Talaat dorment comme des loirs. « La première nuit depuis une éternité sans avoir à se demander s’il faudra partir en courant avec les enfants pour éviter les tirs » se réjouit ce dernier. Oum Mohamed et ses plus grandes filles ont pleuré toute la nuit. Personne ne souhaite quitter son pays. « Que va devenir mon mari resté là-bas pour gagner de l’argent? Combien de temps allons-nous rester ici? » À quoi ressemblera leur vie dans le camp? À celle des 140.000 autres réfugiés : interdiction de sortir ; obligation de se laver en vidant sur soi des seaux d’eau et de supporter la neige l’hiver et la chaleur accablante en été avec 45 °C à l’ombre. Oum Mohamed, qui reçoit un appel d’un ami resté en Syrie, l’encourage pourtant à venir : « Tu verras, on crève de chaud ici mais on n’a plus peur la nuit. »

Assis sous la tente sur de maigres matelas, les membres de la famille racontent les horreurs de la Syrie : la mort récente d’un cousin de 14 ans, « une famille entière décimée et dont les corps n’ont jamais été retrouvés », les cauchemars des enfants, le grand frère pourchassé par l’armée de Bachar El-Assad, le bruit terrifiant des avions de chasse… Tous se doutent que la vie à Zaatari continuera d’être éprouvante mais au moins la peur de mourir a-t-elle déjà disparu. Abeer, 11 ans, apprend qu’il y existe une école, flambant neuve et qui pourtant manque d’élèves, les réfugiés ignorant son existence ou rechignant à y inscrire leurs enfants. S’ils tombent malades, ils seront reçus dans les hôpitaux militaires, marocain ou français, situés à l’entrée du camp. Enceinte, Maysoun pourra accoucher en sécurité assistée d’une gynécologue française. Plus de 150 bébés naîtraient chaque mois à Zaatari.

Deux cent cinquante Syriens repartent chaque jour

Mais dès le premier jour, les Al-Nassar comprennent l’extrême dureté de la vie ici. Le long de l’artère centrale baptisée les « Champs-Élysées », des vendeurs de chaussures, de cigarettes, d’assiettes, de couches-culottes, de vêtements, d’alimentation écoulent leurs articles cinq fois plus chers qu’en Syrie. Si elles ne sont pas surveillées par un réfugié qu’il faut payer pour cela, les toilettes empestent à en vomir. L’eau, facile d’accès et délicieuse en Syrie, est ici un bien rare et très calcaire qui donne la diarrhée aux petits enfants. « Ils veulent nous empoisonner avec leur eau dégueulasse! », croit savoir Sehim Al- Zubi, un autre réfugié. Un autre accourt : « On m’a volé toutes mes affaires dans ma tente! » Les violences sont aussi fréquentes : la police jordanienne a arrêté récemment huit Syriens accusés d’avoir provoqué des troubles ayant fait dix blessés.

Parfois, les tentes prennent feu ou bien des enfants se brûlent gravement avec une théière ou un réchaud du fait de la promiscuité. Épuisés par ces conditions de vie, 250 Syriens repartent du camp chaque soir pour repasser la frontière. « Nous sommes plus en sécurité sous une tente en plein désert que dans notre maison là-bas », se réjouit pourtant Abu Talaat, aux yeux de qui rentrer en Syrie relève de la pure folie.

 *À leur demande, toutes les identités des personnes citées ont été modifiées.

Alexandre Duyck, envoyé spécial au Camp de Zaatari (Jordanie) – Source Le Journal du Dimanche

dimanche 28 avril 2013

Réfugiés camp Zaatari Jordanie Paru dans leJDD Abu Karim, sa femme et leur fils de 4 ans, dans le camp de Zaatari. Ils ont aussi une fille d’un an, et la jeune maman est à nouveau enceinte. (Victor Breiner pour le JDD)

12-12 Syrie: donner, la seule action indiscutable


kroll

Jurek Kuczkiewicz
Samedi 27 Avril 2013, 7h02 | mis à jour à 11:43

Les chiffres, parfois, peuvent parler. La guerre civile en Syrie a tué à ce jour 70.000 personnes, l’équivalent de la population de la ville de Tournai.

Il y a 1,4 million de Syriens, autant que les populations de Bruxelles et du Brabant wallon réunis, à avoir fui leur maison et leur pays, s’entassant pour la plupart dans des camps de fortune en Turquie, en Jordanie et au Liban. Le nombre d’enfants affectés par la guerre monte à quelque deux millions…

La guerre civile en Syrie est une boucherie, il n’y a pas d’autre terme, qui débite avec une régularité de métronome son produit quotidien meurtrier. Pendant ce temps, le reste du monde regarde sans voir, voit sans agir, ou débat sans conclure. Le drame des drames qui durent, c’est qu’ils s’installent sournoisement comme un bruit de fond permanent: 80 morts hier, 250 aujourd’hui, 70 demain, la routine…

On ne peut pourtant pas dire que le sujet «Syrie» ne figure pas souvent en tête des sujets d’actualité. Mais il apparaît au travers d’événements ou de questions qui sont à chaque fois débattus comme s’ils étaient entièrement déconnectés les uns des autres. Lorsqu’on débat des positions respectives des membres du Conseil de Sécurité, on ne pense pas aux morts qui tombent. Lorsque des jeunes Belges partent combattre aux côtés des insurgés, on s’offusque de leur radicalisation, et on s’affaire à mettre en place des procédures pour les empêcher de partir. Mais on n’établit aucun lien avec la non-assistance des États démocratiques à une population assassinée.

La tétanie du monde face à la guerre civile syrienne peut s’expliquer: par la complexité des enjeux, par les risques de déstabilisation – ils sont incommensurables – et finalement par cent «bonnes» raisons de ne pas agir pour briser la machine à tuer.

On ne peut s’étonner que les citoyens aient du mal à concevoir pourquoi ils devraient faire des dons aux organisations qui viennent en aide aux victimes syriennes, alors que leurs gouvernements n’ont aucun discours politique clair et engagé sur la guerre qui s’y déroule.

Il y a toutefois un argument très simple. Si les résultats des actions politiques, diplomatiques ou militaires sont difficiles à évaluer, les effets de l’aide humanitaire sont clairs et indiscutables: elle permet de soulager, soigner, nourrir ou loger des enfants, des femmes et des hommes brisés par une guerre qu’ils n’ont pas voulue. Sur ce point, aucun doute ne fait le poids face à quelques euros versés au compte 12-12 Syrie. Cela n’empêchera pas les morts. Mais cela aidera les survivants.

source

et voilà ce qu’on trouve sur fb chez un certain Rudi Roth

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Friedrich Nietzsche: un voyage philosophique


Publiée le 21 févr. 2013

Un film d’Alain Jaubert (2001)

« Comment la pensée la plus féconde qu’il soit a pu engendrer autant de malentendus?
Comment lire aujourd’hui celui qui déclarait qu’il ne serait lisible qu’en l’an 2000? »
Le film d’Alain Jaubert évoque – en douze chapitres thématiques – la vie et l’œuvre du philosophe allemand, Friedrich Nietzsche.
Tout en éclairant les principaux concepts de sa pensée philosophique, il retrace l’évolution de l’auteur et analyse la récupération de son œuvre par les systèmes totalitaires du XXème siècle.
Des entretiens avec les philosophes Rüdiger Safranski, Jean-Pierre Faye, Vincent Descombes, avec la philologue Barbara Cassin et les écrivains et éditeurs, Georges Liébert et Roberto Calasso, livrent les principales composantes de cette œuvre immense et alternent avec la lecture de textes et un commentaire sur des documents d’archives.