Archives du 28 avril 2013
Des hommes harcelés par des femmes
C’est mal, mais j’ai vraiment ri
Syrie : Chroniques du délitement
9 / Le régime syrien en quête de chair à canon, en Syrie et à l’extérieur
Quoi qu’en dise Bachar Al Assad, les choses peu à peu se gâtent pour lui. Pour reculer l’échéance et prévenir la débandade, il veille à dissimuler les failles et les faiblesses de son régime. Ce sont elles qui font l’objet de ces chroniques. Elles sont destinées à soutenir ceux qui souffrent et perdent patience et à montrer que leur victoire est inéluctable. Le chef de l’Etat continuera à manoeuvrer, à mentir et à tuer, puisque c’est ce qu’il sait faire. Mais il ne pourra rétablir avec l’ensemble des Syriens les relations qu’il n’aurait jamais perdues s’il avait accepté d’entendre les cris des jeunes, des femmes et des hommes qui sont sortis dans les rues, en mars 2011, pour réclamer le respect, la justice et la liberté auxquels ils avaient droit, mais dont ils avaient été privés par son père et lui-même durant près de 50 ans.
Précédemment mis en ligne :
– Syrie. Chroniques du délitement du régime
– 1 / La famille Al Assad entame son auto-nettoyage
– 2 / Règlement de comptes à Qardaha, antre de la famille Al Assad
– 3 / L’armée syrienne, colosse aux pieds d’argile
– 4 / Dans la famille Al Assad, après la fille, la mère…
– 5 / Damas réplique à une agression israélienne… en bombardant un car en Syrie
– 6 / Bachar Al Assad en appelle au jihad
– 7 / Une religieuse pour convaincre Israël de ne pas lâcher le régime en Syrie
– 8 / Des Alaouites appellent leur communauté à rejoindre la Révolution
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Dans un article daté du 24 avril 2013, le site internet Damas Post détaillait les dernières mesures prises par le Premier ministre syrien Wa’el Al Halqi pour encourager les jeunes et les fonctionnaires à accomplir leur service militaire, voire à devancer l’appel sous les drapeaux.
Wa’el Al Halqi
Selon les informations exclusives obtenues par le site, dont l’allégeance au système est confirmé par le soutien d’annonceurs privés et institutionnels tels que Syriatel, la Syrian Computer Society ou le ministère de l’Electricité, le chef du gouvernement a décidé que :
– les fonctionnaires rejoignant l’armée continueront d’être payés par leur administration,
– les diplômés des instituts d’enseignement moyen exemptés des obligations militaires, les fils uniques par exemple, pourront être nommés dans la fonction publique au terme de leur service,
– les détenteurs du diplôme de fin d’études secondaires conserveront le droit de s’inscrire dans les universités syriennes conformément au barème en vigueur au moment de leur examen,
– les universitaires seront assimilés à des officiers,
– les jeunes gens bénéficiant du programme d’emploi des jeunes retrouveront leur travail,
– la durée du service militaire sera prise en compte dans les années dues à l’Etat par certains universitaires,
– les fonctionnaires et les agents de l’Etat rejoignant pendant un an les forces armées conserveront l’ensemble de leurs avantages matériels et 50 % de leur salaire de base.
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Cette série de mesures est instructive. Elle s’inscrit dans la suite des efforts déployés depuis de longs mois par les responsables syriens pour convaincre leurs jeunes compatriotes d’apporter leur contribution à ce qu’ils présentent comme la « lutte contre le terrorisme », en rejoignant les forces armées. Ces nouvelles dispositions n’auraient pas été nécessaires si les précédents appels, assortis d’incitations financières, avaient été entendus. Elles confirment donc la répulsion de nombreux jeunes Syriens, y compris au sein de la communauté alaouite, à prendre le risque de tuer d’autres Syriens ou de se faire tuer par eux, non pas pour sauver la patrie en danger comme le soutient le pouvoir, mais pour permettre la survie de Bachar Al Assad à la tête de l’Etat.
Il y a plus d’un an, le 26 mars 2012, le même site Damas Post avait publié une instruction de la compagnie nationale de transport aérien. Elle enjoignait aux agences de la Syrian Air et aux bureaux de tourisme et de voyage de faire savoir à leurs clients, âgés de 18 à 42 ans et désireux de se rendre dans un pays étranger, qu’ils devaient obligatoirement solliciter une autorisation préalable de sortie du territoire auprès du Service de l’Emigration et des Passeports. Le site précisait, à l’intention de ceux qui en auraient douté, que le sésame devait émaner du Bureau de la Conscription du ministère de la Défense. Il ajoutait que, en application de cette mesure, les autorités aéroportuaires venaient de s’opposer à l’embarquement de près de la moitié des passagers d’un vol pour Alger au départ d’Alep. D’autres Syriens avaient été refoulés vers la Syrie, au poste frontière de Jdaydeh, alors qu’ils se rendaient au Liban.
Le Service de l’Emigration et des Passeports avait nié, le lendemain, l’existence d’une telle directive. Il avait réclamé la publication par Damas Post d’un rectificatif. Mais la reconnaissance par ce même service qu’un certain nombre de voyageurs avaient été contraints de rebrousser chemin et de rentrer chez eux suffisait à démontrer que des consignes de refoulement, et peut-être d’incorporation immédiate des récalcitrants, avaient bien été données. En faisant machine arrière, les services compétents ne se préoccupaient pas de respecter l’alinéa 3 de l’article 38 de la nouvelle Constitution, adoptée par référendum moins d’un mois plus tôt (le 26 février 2012), qui stipule que « tout citoyen a le droit de se déplacer sur le territoire national et de le quitter, sauf s’il en est empêché par une décision de justice, à la demande du Procureur général ou en application des lois concernant la santé et la sécurité publique ». Ils montraient simplement qu’ils avaient pris conscience du caractère contreproductif de la mesure. Ils avaient donc cherché à rassurer les réfractaires et ceux qui venaient d’être rappelés sous les drapeaux. Il serait plus facile de s’emparer d’eux lorsqu’ils tenteraient de quitter leur pays que d’aller les cueillir un par un à leur domicile.
Cet épisode démontrait que le commandement général de l’armée syrienne n’attendait pas grand-chose de sa décision de reporter du 22 mars au 9 avril le délai de grâce accordée aux conscrits pour rejoindre leur lieu d’affectation. Il n’imaginait pas vraiment les persuader en assortissant ce report de l’engagement que « les réfractaires concernés ne seraient soumis à aucune sanction ou pénalité de retard financière pour leur retard à obtempérer ».
Il y a quelques mois, les moukhabarat ont eu une autre idée. Au cours du mois de novembre 2012, ils ont demandé au ministère des Affaires étrangères et des Emigrés de rappeler à l’ensemble des missions diplomatiques qu’elles devaient appliquer avec minutie une directive antérieure de la direction de la conscription du ministère de la Défense. Elle recommandait de « faciliter la visite en Syrie des émigrés n’ayant pas encore effectué leur service militaire ». Le texte de cette circulaire montrait que les autorités syriennes avaient deux soucis en tête : attirer ces derniers dans leur pays d’origine… pour les envoyer rejoindre les rangs de l’armée ; ou profiter de l’occasion pour récupérer des sous.
Elle précisait en effet que :
– les facilités de visite concernent exclusivement les Syriens n’ayant pas encore accompli leur service militaire
– les services consulaires doivent s’abstenir d’adresser d’autres dossiers que ceux-là,
– les émigrés auxquels une autorisation de visite a déjà été accordée sans qu’ils en aient profité doivent détailler les raisons pour lesquels ils ont renoncé à se rendre en Syrie,
– les émigrés âgés de plus de 42 ans n’ayant pas satisfait à leurs obligations militaires peuvent être autorisés à se rendre en visite dans leur pays une seule et unique fois, s’ils ont l’intention de régler leur situation et d’acquitter le « badal » (taxe d’exemption), conformément à l’article 97 du décret 30/2007…
La dernière série de mesures indique par ailleurs que le recours au Haut Conseil de l’Ifta présidé par le cheykh Ahmed Badreddin Hassoun, prié de produire l’avis juridique incitant les Syriens, les arabes et les musulmans, à refuser de lutter contre l’armée du régime et à lui apporter leur concours, n’a pas obtenu les effets escomptés. Si, de toute évidence, la fatwa n’a pas été entendue par ceux auxquels elle s’adressait en premier, elle a en revanche offert au Hizbollah la couverture religieuse – le jihad – dont le parti chiite libanais s’était jusqu’alors dispensé pour multiplier le nombre de ses combattants en Syrie. Ils sont désormais entre 5 000 et 7 000, principalement engagés dans la région qui s’étend du sud de Homs aux environs de Damas. Ils prétendent n’avoir d’autre objectif que d’assurer la protection des quelques villages et lieux saints chiites de la région. Mais camouflée derrière ce prétexte – un mensonge selon l’ancien secrétaire général du Parti de Dieu Soubhi Al Toufayli – leur mission est surtout de contribuer à garantir à Bachar Al Assad et aux piliers alaouites de son régime un accès sécurisé à la côte syrienne, dans laquelle ils pourraient être tentés ou contraints, chassés de la capitale, de chercher refuge.
Les Iraniens n’avaient pas non plus attendu cette fatwa pour apporter au régime en place le soutien en hommes, les conseillers en répression et les militaires de toutes spécialités, pilotes de Mig compris, sans lesquels le chef de l’Etat syrien ne serait peut-être déjà plus là. Ils n’avaient pas non plus eu besoin de cet avis pour recruter de jeunes Irakiens, qu’ils avaient attirés sur leur territoire sous le couvert de visites aux lieux saints vénérés par les chiites. Après les avoir formés dans des camps, en compagnie de jeunes Syriens et de jeunes Libanais, chiites ou alaouites, ils les avaient incorporés à la brigade Abou al-Fadl al-Abbas et transférés par avion en Syrie, pour faire le coup de feu au côté des forces régulières. L’affaire a été dévoilée par l’arrivée en Irak, en provenance de Syrie, de cadavres de ces combattants, dont le dernier tampon apposé sur les passeports indiquait qu’ils étaient entrés en Iran…
Les Russes n’avaient pas davantage eu besoin de cette avis juridique pour accroître leur aide au régime de celui qui, en se cramponnant au pouvoir, leur permet d’effectuer leur grand retour sur la scène internationale au-delà des limites de l’ex-Communauté des Etats Indépendants. La découverte d’une étrange brigade de jihadistes tchéchènes particulièrement fanatiques et féroces, opérant dans le nord de la Syrie sous la direction d’un chiite irakien répondant au nom d’Abou Omar al-Koweïti, suggère aux révolutionnaires syriens qu’ils ne se contentent pas de porter Bachar Al Assad à bout de bras, de lui assurer une promotion médiatique et de le faire bénéficier de l’expérience de la répression acquise par eux dans leur environnement régional. Ces hommes seraient soupçonnés d’être manipulés par les moukhabarat russes et de se livrer aux exactions qui leur sont reprochées – parmi lesquelles l’enlèvement, le 22 avril, de deux évêques d’Alep… – pour contribuer à décrédibiliser l’ensemble de la révolution et attiser les violences interconfessionnelles dans lesquelles le régime en place continue de voir l’une de ses possibles planches de salut.
Faute de pouvoir trouver la réponse adéquate à la désaffection des jeunes Syriens pour l’armée de leur pays, y compris en recourant pour les stimuler à la diffusion sur la chaine de télévision officielle de chants appartenant au répertoire… d’al-Qaïda, le régime continue de chercher ailleurs la chair à canon dont il a besoin. On en trouve une confirmation dans la dernière intervention de l’un de ses plus ardents thuriféraires. Intervenant le 23 avril dernier sur la radio Cham FM, l’analyste politique Chérif Chahadeh a en effet affirmé que « la Syrie accueillera avec plaisir tous ceux qui souhaiteront rejoindre l’armée syrienne en provenance d’Iran, du Liban, d’Irak et d’Algérie »…
Syrie : quand la guerre vide le pays
REPORTAGE – Des milliers des réfugiés s’entassent dans le camp de Zaatari, devenu la cinquième ville de Jordanie, alors que les combats se poursuivent dans leur pays.
Comme ils n’en pouvaient plus d’avoir peur de mourir comme ces cousins ou voisins tués sous leurs yeux, ils ont fini par partir. Mercredi matin à 6 heures, ils sont montés à bord de voitures, quittant leur village près de Deraa, berceau de la révolution syrienne, tout au sud du pays où la veille encore, une soixantaine de personnes ont été tuées. Quatorze membres de la même famille Al- Nassar* : la mère, Oum Mohamed ; son fils aîné, Abu Karim, un coiffeur ; sa fille aînée, Maysoun, 20 ans ; un cousin et dix enfants dont la plus jeune a 6 mois.
Alternant les trajets en voiture et les longues marches à pied, ils ont mis près de deux jours pour parcourir la soixantaine de kilomètres qui les séparaient de la Jordanie. Pris en charge par l’armée jordanienne, ils débarquent exténués d’un des nombreux bus qui ont pénétré à l’intérieur du camp de Zaatari jeudi soir. Chaque jour, 1.500 Syriens passent la frontière jordanienne. La population du camp est désormais de 140.000 réfugiés. Dix fois plus que l’an passé. La taille d’une ville comme Tours ou Brest mais réduite à un terrain militaire de 5 km de long sur 4 de large, perdu dans le désert jordanien.
Des villages entiers qui se regroupent
Il est 20 heures, il fait nuit et un peu froid. Sous la grande tente où tous les réfugiés sont conduits, les enfants, innombrables, hurlent. Épuisés, bousculés, terrifiés par la cohue et le vacarme. Certains ne retrouvent pas leurs parents, d’autres pleurent après avoir été vaccinés contre la rougeole. De très vieilles personnes se recroquevillent sur elles-mêmes sur des chaises en plastique. Les adultes et les adolescents se bousculent pour attraper les couvertures et les rations alimentaires distribuées par les employés du camp, placé sous l’autorité des Nations unies et de la Jordanie. Regroupés, les Al-Nassar regardent d’autres réfugiés récupérer leurs bagages. Eux n’ont rien pu emporter : « Rien qu’un change par personne », se désole Abu Talaat, 38 ans, père de sept enfants.
Comme tous les nouveaux arrivants, ils devraient passer leur première nuit à même le sol sous un hangar sans porte, mais un voisin, dans le camp depuis cinq jours, les a vus arriver et les invite à dormir sous sa tente et celles d’autres voisins. Maysoun, l’une des filles de la famille, va bientôt réaliser que « les trois quarts des habitants de notre village sont ici. » Les Al-Nassar quittent le hangar et découvrent l’immensité ahurissante du camp de Zaatari, ses dizaines de milliers de tentes alignées les unes contre les autres, ses milliers de bungalows en tôle ondulée. Pour rejoindre les tentes de leurs voisins, près desquelles ils planteront les leurs vendredi matin, il faut marcher dans la caillasse, éviter les flaques d’eau, tirer par le bras les petits qui n’ont plus la force de marcher… Fendre la foule, croiser des milliers d’enfants qui composent la moitié de la population du camp, marcher encore à la seule lueur de la pleine lune pour enfin pouvoir s’allonger.
Interdiction de sortir
La nuit qui suit, les enfants et Abu Talaat dorment comme des loirs. « La première nuit depuis une éternité sans avoir à se demander s’il faudra partir en courant avec les enfants pour éviter les tirs » se réjouit ce dernier. Oum Mohamed et ses plus grandes filles ont pleuré toute la nuit. Personne ne souhaite quitter son pays. « Que va devenir mon mari resté là-bas pour gagner de l’argent? Combien de temps allons-nous rester ici? » À quoi ressemblera leur vie dans le camp? À celle des 140.000 autres réfugiés : interdiction de sortir ; obligation de se laver en vidant sur soi des seaux d’eau et de supporter la neige l’hiver et la chaleur accablante en été avec 45 °C à l’ombre. Oum Mohamed, qui reçoit un appel d’un ami resté en Syrie, l’encourage pourtant à venir : « Tu verras, on crève de chaud ici mais on n’a plus peur la nuit. »
Assis sous la tente sur de maigres matelas, les membres de la famille racontent les horreurs de la Syrie : la mort récente d’un cousin de 14 ans, « une famille entière décimée et dont les corps n’ont jamais été retrouvés », les cauchemars des enfants, le grand frère pourchassé par l’armée de Bachar El-Assad, le bruit terrifiant des avions de chasse… Tous se doutent que la vie à Zaatari continuera d’être éprouvante mais au moins la peur de mourir a-t-elle déjà disparu. Abeer, 11 ans, apprend qu’il y existe une école, flambant neuve et qui pourtant manque d’élèves, les réfugiés ignorant son existence ou rechignant à y inscrire leurs enfants. S’ils tombent malades, ils seront reçus dans les hôpitaux militaires, marocain ou français, situés à l’entrée du camp. Enceinte, Maysoun pourra accoucher en sécurité assistée d’une gynécologue française. Plus de 150 bébés naîtraient chaque mois à Zaatari.
Deux cent cinquante Syriens repartent chaque jour
Mais dès le premier jour, les Al-Nassar comprennent l’extrême dureté de la vie ici. Le long de l’artère centrale baptisée les « Champs-Élysées », des vendeurs de chaussures, de cigarettes, d’assiettes, de couches-culottes, de vêtements, d’alimentation écoulent leurs articles cinq fois plus chers qu’en Syrie. Si elles ne sont pas surveillées par un réfugié qu’il faut payer pour cela, les toilettes empestent à en vomir. L’eau, facile d’accès et délicieuse en Syrie, est ici un bien rare et très calcaire qui donne la diarrhée aux petits enfants. « Ils veulent nous empoisonner avec leur eau dégueulasse! », croit savoir Sehim Al- Zubi, un autre réfugié. Un autre accourt : « On m’a volé toutes mes affaires dans ma tente! » Les violences sont aussi fréquentes : la police jordanienne a arrêté récemment huit Syriens accusés d’avoir provoqué des troubles ayant fait dix blessés.
Parfois, les tentes prennent feu ou bien des enfants se brûlent gravement avec une théière ou un réchaud du fait de la promiscuité. Épuisés par ces conditions de vie, 250 Syriens repartent du camp chaque soir pour repasser la frontière. « Nous sommes plus en sécurité sous une tente en plein désert que dans notre maison là-bas », se réjouit pourtant Abu Talaat, aux yeux de qui rentrer en Syrie relève de la pure folie.
*À leur demande, toutes les identités des personnes citées ont été modifiées.
12-12 Syrie: donner, la seule action indiscutable
Jurek Kuczkiewicz
Samedi 27 Avril 2013, 7h02 | mis à jour à 11:43
Les chiffres, parfois, peuvent parler. La guerre civile en Syrie a tué à ce jour 70.000 personnes, l’équivalent de la population de la ville de Tournai.
Il y a 1,4 million de Syriens, autant que les populations de Bruxelles et du Brabant wallon réunis, à avoir fui leur maison et leur pays, s’entassant pour la plupart dans des camps de fortune en Turquie, en Jordanie et au Liban. Le nombre d’enfants affectés par la guerre monte à quelque deux millions…
La guerre civile en Syrie est une boucherie, il n’y a pas d’autre terme, qui débite avec une régularité de métronome son produit quotidien meurtrier. Pendant ce temps, le reste du monde regarde sans voir, voit sans agir, ou débat sans conclure. Le drame des drames qui durent, c’est qu’ils s’installent sournoisement comme un bruit de fond permanent: 80 morts hier, 250 aujourd’hui, 70 demain, la routine…
On ne peut pourtant pas dire que le sujet «Syrie» ne figure pas souvent en tête des sujets d’actualité. Mais il apparaît au travers d’événements ou de questions qui sont à chaque fois débattus comme s’ils étaient entièrement déconnectés les uns des autres. Lorsqu’on débat des positions respectives des membres du Conseil de Sécurité, on ne pense pas aux morts qui tombent. Lorsque des jeunes Belges partent combattre aux côtés des insurgés, on s’offusque de leur radicalisation, et on s’affaire à mettre en place des procédures pour les empêcher de partir. Mais on n’établit aucun lien avec la non-assistance des États démocratiques à une population assassinée.
La tétanie du monde face à la guerre civile syrienne peut s’expliquer: par la complexité des enjeux, par les risques de déstabilisation – ils sont incommensurables – et finalement par cent «bonnes» raisons de ne pas agir pour briser la machine à tuer.
On ne peut s’étonner que les citoyens aient du mal à concevoir pourquoi ils devraient faire des dons aux organisations qui viennent en aide aux victimes syriennes, alors que leurs gouvernements n’ont aucun discours politique clair et engagé sur la guerre qui s’y déroule.
Il y a toutefois un argument très simple. Si les résultats des actions politiques, diplomatiques ou militaires sont difficiles à évaluer, les effets de l’aide humanitaire sont clairs et indiscutables: elle permet de soulager, soigner, nourrir ou loger des enfants, des femmes et des hommes brisés par une guerre qu’ils n’ont pas voulue. Sur ce point, aucun doute ne fait le poids face à quelques euros versés au compte 12-12 Syrie. Cela n’empêchera pas les morts. Mais cela aidera les survivants.
et voilà ce qu’on trouve sur fb chez un certain Rudi Roth