Je n’ai jamais compris comment l’on pouvait se réjouir de la mort de quelqu’un. Je me trouvais au Royaume-Uni lors du décès de Margaret Thatcher et j’ai donc été témoin des réjouissances. Ces manifestations de joie à mesure que la nouvelle de la mort de la Dame de Fer se répandait dans le pays m’ont d’abord choqué car de fait certains organisaient des fêtes pour célébrer son décès. En parcourant les différents parties du Royaume, surtout au pays de Galles et en Irlande, je me suis dit que lorsque Ariel Sharon mourra nous assisterons à des explosions de joie similaires.
Sharon est dans le coma depuis janvier 2006, plusieurs hémorragies cérébrales l’ayant laissé dans un état végétatif. Mais à présent, on nous dit que ses reins lâchent et en Israël on craint sa mort imminente.
Je peux imaginer les longs éloges que nous devrons endurer à son enterrement : « un héros », « un grand dirigeant », « un génie militaire »; on dira tout ceci et bien davantage. La presse récapitulera tous ses exploits militaires, toutes les batailles qu’il a gagnées, tous les ennemis, aussi bien militaires que politiques, sur lesquels il l’a emporté. Sa fermeté de dirigeant israélien sera trompetée et on nous dira qu’il laissera le souvenir d’avoir tout donné à son pays.
Dans mon livre, le Fils du Général, parcours d’un Israélien en Palestine, j’ai mentionné Sharon à plusieurs reprises en sa qualité de militaire cruel, brillant et sans scrupules ainsi que de ministre de la défense et enfin de premier ministre.
Il est toutefois important de rétablir la vérité au sujet de cet homme avant que le flot nauséabond de condoléances, hypocrites et mensongères, ne déferle après sa mort.
Ariel Sharon était ambitieux. Il était brutal, avide, inflexible et malhonnête. Il avait un appétit insatiable du pouvoir, de la gloire et de la fortune. Ce caractère de tueur de sang-froid , sans pitié il l’a manifesté dès le début de sa carrière lorsqu’il commandait l’unité 101 de l’armée israélienne dans les années 50. L’unité 101 était une brigade de commandos notoire ayant l’autorisation spéciale de tuer et de terroriser les Palestiniens. Elle a opéré principalement à Gaza, mais également dans d’autres parties du pays et au-delà. L’unité 101 était si brutale et elle a causé tellement de morts innocentes que même d’après les normes israéliennes on a estimé qu’elle était allée trop loin, et elle a finalement été dissoute.
Sharon eut des promotions et prit la tête d’autres unités dans l’armée israélienne se faisant un nom en tant que commandant prometteur ; tout le monde comptait qu’il serait un jour à la tête de l’armée israélienne ou chef d’état-major. Mais ce poste il ne l’eut jamais; il fit beaucoup mieux. Sharon se lança dans la politique et fut proposé comme ministre de la défense lorsque Menahem Begin était premier ministre. En cette capacité, il dirigea l’invasion catastrophique du Liban en 1982.
L’invasion causa la mort d’innombrables Libanais et de Palestiniens, et de nombreux blessés et de personnes déplacées. Sharon a également commandité les massacres qui ont eu lieu en septembre de la même année dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila près de Beyrouth, et ici encore, même d’après les normes israéliennes, Sharon était allée trop loin et il fut renvoyé.
Sharon a été blâmé pour son rôle dans le massacre de Sabra et Chatila et n’a pas pu accéder au poste de ministre de la défense, mais il a poursuivi sa carrière politique et sa sphère d’influence s’est étendue. En tant que ministre du logement et du développement, il a contribué plus que tout autre aux politiques racistes et anti palestiniennes et à la corruption dans son ministère. On prétend que sous son mandat, le budget du ministère était sans limite, et dépassait celui de la défense. Il pesa de tout son poids sur la colonisation et le déplacement de Palestiniens de ce qui avait été la Cisjordanie.
La chose la plus absurde qui ait jamais été dite au sujet de Sharon est qu’il était un homme de paix. Il avait « quitté » Gaza et « rendu » Gaza aux Palestiniens. Il avait agi pour la paix et en retour tout ce que reçut Israël ce furent les roquettes tirées depuis Gaza. Le désengagement israélien de Gaza était une mesure cynique et unilatérale. Sharon a pu ainsi faire sortir les colons israéliens de Gaza, enfermer Gaza dans une prison et marquer quelques points auprès de l’administration étasunienne. Ce fut une initiative cruelle qui lui permit de suffoquer plus avant le peuple de Gaza qu’il avait décidé de détruire depuis le début de sa violente carrière. Mais les fiers Palestiniens ne se sont pas rendus et ils sont le rappel constant du sang qu’il a sur les mains.
On pourrait poursuivre le récit des crimes de Sharon ad infinitum. Maintenant qu’il est sur son lit de mort, et qu’il est près de pousser son dernier soupir, nous devons tous nous souvenir de ses victimes, des innombrables morts, des blessés et des personnes déplacées et rappeler au monde que cet homme n’était pas un héros mais un criminel.
Alors que j’écris ces lignes Ariel est toujours en vie, si on peut appeler cela en vie et à beaucoup d’égards l’état dans lequel il se trouve pourrait être l’enfer qu’il mérite si abondamment
traduction : anniebannie