Le retour du peloton d’exécution?


AFP Publié le mardi 04 février 2014 à 08h55 – Mis à jour le mardi 04 février 2014 à 08h56

Aux USA, la pénurie de barbituriques pour infliger la peine de morts incite certains États à songer à une résurrection des « bonnes vieilles méthodes » d’exécution.

Chaise électrique, peloton d’exécution ou chambre à gaz: certains Etats américains, frappés par une pénurie de barbituriques pour infliger le châtiment suprême, envisagent de ressusciter de vieilles méthodes d’exécution, souvent abandonnées pour leur brutalité.

Les abolitionnistes n’en croient pas leurs oreilles. Mais de la Virginie (est) au Wyoming (ouest), en passant par le Missouri (centre), une poignée d’élus proposent de renouer avec des pratiques anciennes pour sortir de l’impasse qui frappe la méthode d’injection mortelle généralisée à partir de 1982 aux Etats-Unis.

Depuis que les fabricants européens refusent de les approvisionner, les 32 Etats américains qui pratiquent la peine de mort s’agitent de tous côtés pour trouver d’autres fournisseurs. Et s’épuisent pour répondre aux plaintes de plus en plus nombreuses, qui fustigent la provenance des nouveaux produits et les souffrances qu’ils pourraient infliger.

« Chaque fois qu’une méthode d’exécution est remise en question ressurgit l’inquiétude que cela va mettre un terme aux exécutions et à la peine de mort dans ce pays », explique à l’AFP Deborah Denno, professeur de droit à la Fordham University.

En Virginie, la Chambre des représentants a approuvé le 22 janvier un projet de loi autorisant l’exécution à la chaise électrique, si les barbituriques pour injection létale viennent à manquer. Le texte, parrainé par le républicain Jackson Miller, doit encore être approuvé au Sénat local pour entrer en vigueur.

En Virginie, où la chaise électrique a été utilisée pour la dernière fois en janvier 2013, comme dans sept autres Etats, les condamnés à mort peuvent aujourd’hui choisir l’électrocution comme alternative à l’injection intraveineuse. Mais elle ne peut leur être imposée.

Dans le Missouri, écrasé par les recours en raison de l’origine controversée de leur anesthésiant, fabriqué par un préparateur en pharmacie non homologué, le ministre de la Justice Chris Koster envisage un retour à la chambre à gaz.

Il proteste contre « l’obstacle artificiel » érigé par toutes ces plaintes pour « empêcher l’Etat de faire appliquer la peine capitale » et promet qu' »à moins que les tribunaux changent le cours des choses, le pouvoir législatif sera bientôt contraint de financer d’autres méthodes d’exécution pour rendre justice ».

La chambre à gaz, légale dans cet Etat, l’Arizona et le Wyoming si le détenu en fait le choix, a été utilisée pour la dernière fois en Arizona en 1999.

Le condamné est installé et sanglé sur une chaise placée au milieu d?un caisson étanche et vitré, avant que le gaz toxique cyanure d’hydrogène soit introduit, provoquant une mort « extrêmement violente » selon une journaliste locale.

« Je propose le peloton d’exécution »

Un autre républicain du Missouri, Rick Brattin, propose de revenir au peloton d’exécution, utilisé pour la dernière fois en 2010 dans l’Utah.

Tout comme un sénateur du Wyoming, Bruce Burns, dont la proposition sera examinée à partir du 10 février par le Sénat d’un Etat qui n’a qu’un seul condamné dans son couloir de la mort.

« Je considère la chambre à gaz cruelle et inhabituelle, donc je propose le peloton d’exécution car, en comparaison avec les autres méthodes d’exécution, c’est franchement la moins chère pour l’Etat », a déclaré le sénateur républicain.

« Les hommes politiques de nombreux Etats commencent à perdre toute crédibilité. Combien de fois vont-ils faire volte-face? », s’interroge encore Deborah Denno, experte des méthodes d’exécution. « Si nous sommes passés à l’injection létale c’est que l’électrocution ne marchait pas, que la chambre à gaz ne marchait pas », souligne-t-elle, rappelant que la pendaison, encore possible dans trois Etats si le condamné la choisit, a été abandonnée en 1996.

« Il y a eu trop d’exécutions ratées, un retour en arrière serait considéré comme une régression », estime de son côté Richard Dieter, directeur du Centre d’information sur la peine capitale (DPIC). « Si nous revenions à ces méthodes, nous aurions des histoires horribles et cela accélèrerait certainement la fin de la peine capitale », dit-il à l’AFP, sans croire sérieusement à une généralisation de cette solution de repli.

Ron McAndrew, ancien bourreau de Floride, reste hanté, 17 ans plus tard, par une électrocution.

« Il y a eu un panache de fumée qui est apparu sous son casque, suivi d’une longue flamme, une flamme qui venait juste devant mon visage (…) et puis énormément de fumée et encore plus de feu qui provenaient de la tête », raconte-t-il à l’AFP.

« Pendant les onze minutes qui ont suivi, la pièce s’est remplie de fumée, nous brûlions le sommet de sa tête. C’est la pire fumée que j’aie jamais sentie ».

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Boycotter Israël, une idée qui gagne du terrain


Boycotter Israël. Serait-ce le moyen pacifique ultime pour convaincre les Israéliens et leurs autorités d’accepter la légalité internationale et d’évacuer les territoires palestiniens occupés? Les partisans les plus zélés des droits des Palestiniens en sont persuadés depuis longtemps. Ce qui est nouveau, c’est que l’idée progresse ces derniers temps dans le monde au point que d’aucuns en Israël, dont des ministres, s’en inquiètent très sérieusement.
De nombreuses voix au sein de la société civile palestinienne, lasses de voir les colonies juives dans les territoires occupés s’étendre sans réactions tangibles du monde extérieur, promeuvent ce type de pressions. Le 9 juillet 2005, une grosse centaine d’ONG, associations, syndicats et partis palestiniens avaient signé un appel au boycott, au désinvestissement et aux sanctions (BDS) contre Israël, sur le modèle de ce qu’a subi l’Afrique du Sud raciste naguère. Le texte appelait aussi à l’égalité pour les citoyens arabo-palestiniens d’Israël et demandait le droit au retour des réfugiés palestiniens.
Dans le monde, les progrès des partisans du BDS ont d’abord été lents mais ensuite réguliers. Assez en tout cas pour décider la Knesset d’adopter le 11 juillet 2011 une loi qui autorise les poursuites judiciaires contre ceux qui prônent le boycott économique, culturel ou académique d’Israël. La légalité du boycott vu d’ailleurs dans le monde recouvre en revanche des réalités fluctuantes (1).
Des initiatives se sont en tout cas multipliées ces derniers mois, aux Etats-Unis et en Europe. Ainsi, dans un geste spectaculaire, plusieurs importants fonds européens, néerlandais et norvégien ont tout récemment retiré leur participation dans des banques israéliennes qui financent la colonisation. En tout, une dizaine de compagnies publiques et privées ont récemment rompu leurs liens avec des firmes israéliennes impliquées dans les colonies, selon un encadré publié la semaine dernière dans le grand quotidien israélien Yediot Aharonot.
La prise de position de l’ASA, aux States, a également frappé les esprits. Il s’agit d’un influent syndicat du monde universitaire américain qui a décidé en décembre 2013 de boycotter les institutions universitaires israéliennes – mais pas les individus qui y travaillent -, provoquant un choc dans la communauté américaine des universités, même si cette décision reste très minoritaire. Le président du Congrès juif mondial, Ronald S. Lauder, a vivement réagi à cette nouvelle, estimant qu’elle démontrait «l’antisémitisme orwellien» de ses auteurs.
Le ralliement du fameux physicien britannique Stephen Hawking, en mai 2013, au boycott universitaire d’Israël, avait déjà jeté la stupeur dans ce pays: le professeur de mathématique de l’université de Cambridge avait adressé une lettre au président israélien, Shimon Peres, pour expliquer sa décision de ne pas assister de la conférence qu’il organisait en juin en Israël…

Les artistes, aussi…

La campagne BDS réunit aussi un certain nombre de personnalités du monde artistique, qui relaient le mot d’ordre de boycott dans leur domaine. Ainsi en est-il, par exemple du célèbre metteur en scène Ken Loach. Répondant aux questions du site lemuradesoreilles.org/ le 24 octobre dernier, le Britannique regrettait que l’Occident soutienne «un pays qui prétend être une démocratie, nous le soutenons à tous les niveaux, et pourtant, il est impliqué dans des crimes contre l’humanité. (…) Un boycott, c’est une tactique. Celle-ci est efficace contre Israël parce qu’Israël se présente comme un pilier culturel. Le boycott culturel le gêne donc beaucoup. Nous devrions n’être impliqués dans aucun projet soutenu par le gouvernement israélien. Les individus ne sont évidemment pas concernés, ce sont les actions de l’État israélien qu’il nous faut cibler».
Jean-Claude Lefort, ex-député communiste français et président d’honneur de l’Association France Palestine Solidarité, insiste lui sur le droit des Palestiniens à établir un Etat. «Depuis plus de 40 ans, nous dit-il, pour ne pas remonter plus loin, le droit édicté par l’ONU est bafoué, refusé, défié cyniquement par les dirigeants israéliens qui ne s’en cachent pas: ils refusent l’existence d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale. Dans pareil cas, la communauté internationale devrait en tirer les conclusions et agir. (…) Le boycott c’est créer un mouvement citoyen pacifique visant à faire bouger les lignes jusqu’à rendre intenable l’inaction des autorités qualifiées. C’est contraindre les dirigeants israéliens à respecter le droit. Qu’ils le fassent et cette campagne s’arrêtera aussitôt.»

Bruxelles clarifie sa position

Même l’Union européenne s’y est mise. Non pas en adoptant les consignes du BDS, loin de là, mais au moins en clarifiant ses positions par rapport aux colonies juives. Le 19 juillet 2013, Bruxelles a ainsi promulgué au grand dam du gouvernement israélien ses «lignes directrices» qui excluent, à partir de 2014, la coopération de l’UE avec Israël les institutions et entreprises israéliennes ayant des activités dans les territoires palestiniens (Cisjordanie, Jérusalem-Est, bande de Gaza) et syrien (Golan) occupés depuis 1967.
Comme beaucoup de voix critiques d’Israël, l’UE entend concentrer son effort sur les colonies, illégales aux yeux du droit international. Un avis qui satisfait un pacifiste israélien vétéran comme Uri Avnery, qui nous donnait son avis chez lui à Tel-Aviv en novembre: «Nous voulons isoler les colons par rapport au public israélien, c’est une précondition avant de les déloger d’où ils sont. Mais si on boycotte tout Israël, le grand public israélien va au contraire se ranger dans le camp des colons, c’est donc contre-productif».
Une opinion partagée par… Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, telle qu’il l’a exprimée le 10 décembre et qui lui a valu une volée de bois vert en Palestine. Omar Barghouti, l’un des principaux porte-voix du mouvement BDS lâchait ainsi en réponse: «Il n’y a pas de parti politique palestinien, syndicat, réseau d’ONG ou organisation de masse qui ne soutienne le BDS. Aussi, un responsable palestinien dépourvu de mandat démocratique et de tout soutien public réel ne peut prétendre parler au nom du peuple palestinien quand il s’agit de décider de nos stratégies ou de notre résistance au régime d’occupation, de colonisation et d’apartheid israéliens».

«L’économie israélienne en pâtira»

En Israël même, la perspective d’un boycott croissant commence à faire réfléchir. Le Premier ministre Binyamin Netanyahou va bientôt convoquer une réunion ministérielle qui y sera consacrée. Tzipi Livni, la ministre de la Justice qui est aussi en charge des négociations avec les Palestiniens, ne l’a pas attendu pour prévenir le 31 décembre: «Le boycott progresse de façon exponentielle. Ceux qui refusent de le voir vont finir par le ressentir».
Et elle n’est pas la seule responsable à tenir ce discours: en date de ce 31 janvier, cité sur le site de la Chambre de commerce France-Israël Israelvalley.com, le ministre israélien des Finances Yaïr Lapid ne prend pas non plus de gants: «Si les négociations avec les Palestiniens échouent, dit-il, et que le boycott européen intervient, même partiellement, l’économie israélienne en pâtira et tout Israélien sera directement affecté, d’un point de vue économique. S’il n’y a pas de règlement politique entre l’Autorité palestinienne et Israël, alors l’économie israélienne connaîtra une phase de récession importante, préjudiciable à tout Israélien».
L’Américain John Kerry lui-même a saisi cette balle au bond pour faire pression sur l’Etat hébreu quand il a fait une allusion à cette perspective ce week-end en Allemagne: «Les risques pour Israël sont très grands, a-t-il déclaré à propos d’une faillite possible des pourparlers de paix israélo-palestiniennes dont il est l’initiateur. Les gens parlent de boycott. Cela s’intensifiera en cas d’échec. Nous avons tous intérêt à la solution de ce conflit. »
BAUDOUIN LOOS

(1) Nous avons interrogé François Dubuisson, chargé de cours de droit international à l’ULB, sur la légalité d’un boycott d’Israël.
«Les appels au boycott des produits originaires d’Israël lancés par des associations militantes s’inscrivent dans l’exercice de la liberté d’expression et sont dès lors légales, indépendamment de l’avis que l’on peut avoir sur leur opportunité. Il existe une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme accordant aux ONG une protection renforcée de leur liberté d’expression, compte tenu de leur rôle essentiel dans le débat public, et les autorisant même à recourir à une certaine dose d’exagération. En Belgique, il n’y a jamais eu de poursuites à l’égard des campagnes de boycott menées par diverses associations. En Europe, seule la France fait exception puisque plusieurs militants y ont été condamnés pour « incitation à la discrimination ». Mais les juges sont divisés, plusieurs décisions ayant acquitté les personnes poursuivies, considérant que l’appel citoyen au boycott est couvert par la liberté d’expression.»

NB Une version plus courte de cet article est parue dans Le Soir du samedi 1er février 2014 sous le titre «De plus en plus d’Européens et d’Américains conscientisés», en complément d’un reportage de Serge Dumont en Israël et dans les territoires occupés.

Syrie : sept mois d’enfer dans le camp de Yarmouk à Damas


lundi 3 février 2014, par La Rédaction

Poussant ses enfants hors du camp palestinien de Yarmouk à Damas, Khouloud Chehab, 32 ans, montre ses mains flétries et crevassées pour expliquer l’enfer qu’elle a vécu depuis les sept mois de siège imposés par l’armée syrienne privant la population de vivres.
« Regardez-les et vous pourrez imaginer ce qui se passe à l’intérieur. C’est catastrophique. Les gens meurent littéralement de faim », dit-elle à une journaliste de l’AFP.
Vêtue d’une robe grise et coiffée d’un foulard blanc et vert, cette petite femme, aux yeux noirs et à la peau claire, semble à bout de force. En sortant, elle a perdu dans la cohue son mari et un autre de ses enfants.
« Nous faisions bouillir des herbes et des feuilles de cactus ramassées dans les vergers près de notre maison », assure Khouloud qui va s’installer chez sa soeur, non loin du camp.
Elle a traversé un champ de ruines, contrôlé en très grande partie par les rebelles syriens alliés à des groupes palestiniens. Ils se battent dans les maisons démolies de cet ancien quartier résidentiel et commercial, contre des combattants palestiniens loyaux au régime de Bachar al-Assad.
L’armée syrienne a imposé depuis sept mois un siège hermétique à ce camp de 2 km2 situé dans le sud de Damas et selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) 87 personnes y sont mortes de faim et par manque de soin.
« Pour moi, voir la route ouverte est la meilleure chose qui me soit arrivée depuis longtemps. Je suis ravie de sortir et j’espère que les autres pourront suivre », dit-elle en arrivant sur la place Batiha, au nord de Yarmouk, sous contrôle de l’armée syrienne.

’Je voulais absolument sortir’
Dimanche, l’Agence des Nations-Unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA) a distribué des rations alimentaires pour la quatrième journée consécutive. Selon son porte-parole, Chris Gunness, depuis le 18 janvier, 3.420 rations alimentaires ont été délivrées aux quelque 18.000 Palestiniens qui s’y trouvent encore, contre 150.000 avant le début du soulèvement en mars 2011.
Dans le même temps, les autorités syriennes ont laissé sortir 450 personnes, explique à l’AFP le responsable de l’OLP, Anouar Abdel Hadi Selon lui, cette initiative découle d’un accord conclu fin décembre par le « comité de réconciliation » local.
« Jusqu’à présent 450 sont sortis mais nous espérons qu’au total 2.000 pourront partir ».
Il y a peu d’hommes parmi eux, il s’agit surtout de femmes, d’enfants, de personnes âgées, désignés par un médecin se trouvant à l’intérieur en raison de leur situation humanitaire.
« Je ne sais pas où je vais aller mais je voulais absolument sortir même si je dois dormir dans la rue », assure Oum Alaa, la quarantaine, avec ses cinq enfants.
Sa priorité est d’aller à l’hôpital pédiatrique de Mazzé, un quartier de Damas, pour soigner un de ses fils atteint d’une atrophie musculaire causée par la malnutrition.
Samedi alors que les civils sortaient, il y a eu des tirs et les forces du régime se sont déployées dans les ruelles afin, selon eux, d’ »empêcher une infiltration des rebelles ».
Des ambulances du Croissant rouge palestinien (CRP) ont pu pénétrer dans le camp pour évacuer des blessés ou les personnes ne pouvant pas marcher.
Sur la place Batikha, 15 bénévoles du Croissant rouge palestinien ont distribué à ceux qui sont sortis des kaak (biscuits aux graines de sésame) et de l’eau tout en prenant leur noms.
Les plus fragiles sont transférés à l’hôpital Jaffa à Mazzé. Il s’agit notamment d’enfants déshydratés à cause des diarrhées, de femmes enceintes et de personnes souffrant de diabète ou d’hypertension, explique Dr Artef Ibrahim du CRP.
A l’extérieur du camp, des proches les attendent.
Parmi eux, Afaf Shehabi cherche sa fille Aala al-Aidi et son petit-fils âgé de deux ans.
Aala et son fils finissent par arriver. Elle est veuve maitenant, son mari a été tué par la chute d’un obus.

(03-02-2014 – Avec les agences de presse)

Rencontre entre le Crif et la Cgt


dimanche 2 février 2014, par La Rédaction

Le Président du CRIF, Roger Cukierman, a reçu le 28 janvier 2014, le secrétaire général de la CGT, Thierry Lepaon.
Il s’en est suivi un compte-rendu par le CRIF que M.Thierry Lepaon a critiqué en adressant un courrier au CRIF que nous publions.
A cette occasion, M. Jean-Pierre Page ancien responsable du département international de la CGT et membre de la Commission exécutive Confédérale de la CGT nous a adressé sa réaction à cette rencontre que nous publions.

Le secrétaire général de la CGT était accompagné d’Éric Lafont, secrétaire confédéral. Pour sa part, le Président du CRIF était entouré de Francis Kalifat, vice-Président, Jean-Pierre Allali, membre du Bureau exécutif et Président de la commission des Relations avec les ONG, les syndicats et le monde associatif et de son conseiller, Paul Rechter.

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Courrier de M. Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT au président du CRIF

Monsieur le Président,

Je suis très étonné de découvrir un compte-rendu à la fois partiel et erroné de la rencontre que nous avons eue avec vous-même et des représentants de votre association. Rappelons que cette rencontre faisait suite à une invitation de votre part afin d’évoquer les questions d’actualité et notamment la question de la montée de l’extrême droite et notre inquiétude commune face aux relents d’antisémitisme, d’islamophobie et plus globalement de racisme dans notre pays.
Sur la méthode d’abord, lorsqu’une rencontre de ce type est prévue avec des dirigeants de la CGT et notamment le Secrétaire général, il est d’usage de nous faire part au préalable de l’intention de rendre compte publiquement de l’échange et d’en faire vérifier le contenu par les participants. Ce manque de rigueur de la part d’une organisation comme le CRIF est de nature à entacher une relation de confiance entre nos organisations.
Cette démarche aurait permis de corriger une grave inexactitude dans les propos que vous me prêtez concernant la position de la CGT vis-à-vis de la campagne BDS (Boycott Désinvestissement Sanction). En l’occurrence, je n’ai fait que confirmer que la CGT ne s’inscrivait pas dans la campagne BDS. En revanche, la CGT n’a jamais condamné ni ce mouvement ni ses acteurs dont certains sont d’ailleurs des adhérents de la CGT.
Le titre de l’article « La CGT condamne le BDS » posté sur votre site sous la rubrique « Le CRIF en action » me paraît relever d’une intention qui n’est pas respectueuse à l’égard de la CGT et de ses prises de positions.
Je vous demande donc de le supprimer. Afin qu’il ne subsiste aucune ambiguïté sur ce sujet, je me permets de vous rappeler brièvement la position de la CGT et les actions qu’elle mène, aussi bien en faveur de la paix entre les peuples israéliens et palestiniens que de la liberté d’expression des militants du BDS en France.
Ces actions s’inscrivent dans la solidarité de la CGT à l’égard des travailleurs de tous les pays et en faveur de la paix dans le monde. Elles partent du constat de la situation dramatique de la Palestine qui s’enracine dans l’occupation illégale des territoires conquis par Israël et le renchérissement de sa politique de colonisation. La CGT a toujours œuvré aux côtés de celles et de ceux qui se mobilisent pour la paix, en Israël comme en Palestine. Elle entretient des contacts syndicaux avec les travailleurs de cette région et c’est en lien avec ces organisations syndicales qu’elle recherche les moyens les plus efficaces et participe aux campagnes en faveur d’une paix juste et durable au Proche-Orient.
C’est le sens de la délégation conduite par Bernard THIBAULT en février 2013 en Palestine, à Gaza et en Israël. Forts de cette approche, nous considérons que le boycott global d’Israël ne favorise pas cette stratégie de paix et la coexistence de deux Etats, l’Etat Palestinien et l’Etat d’Israël. Par contre, la CGT s’inscrit totalement dans la campagne d’interdiction des produits fabriqués dans les colonies et dans l’obligation de transparence sur l’origine des produits israéliens destinés à l’exportation afin que l’Etat d’Israël soit contraint de respecter le droit international.
Enfin, je vous rappelle que la CGT, par la voix de Bernard THIBAULT, alors Secrétaire général, est signataire de l’appel initié par Stéphane HESSEL pour la relaxe des militants poursuivis pour leur participation à des actions de boycott. Ce soutien a été renouvelé le 17 décembre dernier, par une délégation de la CGT, de la LDH, de l’AFPS et de parlementaires auprès de la Ministre Christiane TAUBIRA demandant le retrait des circulaires Alliot-Marie et Mercier. Je tiens à vous préciser que je rendrai ce courrier public et vous prie d’agréer, Monsieur le Président, mes salutations distinguées.

Thierry Lepaon
Secrétaire général de la CGT

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Réaction de M. Jean-Pierre Page, ancien responsable du département international de la CGT et membre de la Commission exécutive Confédérale de la CGT

Chers camarades,

J’apprend avec stupéfaction que la direction de la CGT a rencontré officiellement le CRIF. A ma connaissance cela doit être la première fois sauf si B. Thibault le faisait sans en informer syndicats CGT et militants ! Evidemment tout est possible !
On peut consulter le site du CRIF et y lire entre un homage appuyé au criminel Ariel Sharon et un appel à agresser l’Iran, le compte rendu de cette reunion ! “Thierry Lepaon qui partage le point de vue des dirigeants du CRIF pour lesquels il faut tout faire pour éviter que le conflit israélo-arabe ne soit importé en France”, ajoute “ le secrétaire general de la CGT a démenti tout soutien de la CGT au BDS ( Boycott-Désinvestissement-Sanction) et affirmé que si des militants de la CGT ont pu ici ou là, afficher un tel soutien, ils n’avaient aucun mandat pour le faire” ! Eloquent !!!
Le CRIF c’est la pointe avancée la plus réactionnaire du sionisme en France, un lobby qui du fait de son importance est particulièrement sollicité et de façon condescendante par toute la classe politique française sans exception. Celle-ci considère le CRIF comme un passage obligé. Le CRIF est affilié à la très sioniste World Jewish Organisation et est lié à l’AIPAC aux Etats Unis dont l’influence considérable sur la politique de Washinton n’est plus a démontré, comme le soulige le livre remarquable « le lobby pro israélien et la politique étrangère américaine » ouvrage de reference de deux universitaires américains , juifs par ailleurs:John Mearsheimer et Stephen Walt , l’un Professeur à l’Université de Chicago, l’autre Professeur à la très prestigieuse Université d’Harvard ! Le CRIF joue le même rôle que l’AIPAC même si ses moyens ne sont pas les mêmes. Le CRIF et la CGT soulignant leur identité de vue est tout simplement consternant pour celle-ci, de surcroît au moment ou des militants de la CGT risquent d’être condamner par la justice ! Enfin le CRIF s’invitant dans un débat interne de la CGT, ne semble poser aucun probleme à Thierry Le Paon ! Qu’en pensent les organisations et militants de la CGT ?
Cette réunion officielle de Le Paon avec le CRIF marque donc un tournant et une rupture . Par conséquent la manière dont la direction de la CGT se positionne négativement par rapport au mouvement BDS est si il le fallait une nouvelle confirmationi et non pas un accident, c’est une orientation comme je vous l’avais souligné dans des courriers précédents. Une orientation jamais débattue au sein de la CGT.
Le CRIF ce n’est pas la défense des intérêts de la communauté juive de France , c’est avant tout la défense du sionisme et d’Israël qui se déclare comme un état sioniste avec son racisme anti arabe, , son système d’apartheid vis à vis des Palestiniens, sa brutalité et les guerres contre ses voisins. Un pays qui dans la plus totale impunité se refuse et cela contre la quasi totalité de l’opinion internationale de respecter et appliquer les résolutions de l’ONU, la concernant.
Cette rencontre est de mon point de vue très grave, elle est contraire aux orientations de toujours de la CGT et de son indépendance de jugement au plan international, à sa solidarité avec les peuples de cette region du monde. Il faut le dire ! Il faut que les organisations et les militants de la CGT sachent et qu’entre le soutien aux actions BDS de militants de la CGT qui de plus font face à la répression ses dirigeants préfèrent choisir explicitement le soutien au CRIF qui dans ce cas particulier exige l’application de la circulaire Alliot-Marie !
Pour le mouvement BDS persister dans un positionnement défensif et timoré vis à vis de la direction confédérale de la CGT et de son soutien au CRIF serait incompréhensible. Comme signataire de l’Appel du Mouvement BDS je souhaite que l’on tienne compte de cette opinion !

Bien fraternellement,
Jean-Pierre Page
Ancien responsable du département international de la CGT et membre de la Commission exécutive Confédérale de la CGT.

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Thierry Le Paon se moque du monde !
(Par Jean-Pierre Page)

Confronté à une avalanche de protestations d’organisations et de militants de la CGT Thierry Le Paon dans un courrier adressé au Président du CRIF cherche bien maladroitement à se justifier. Après le compte rendu de la rencontre qui en a été fait par le CRIF, il cherche à noyer le poisson !
1 – Si s’agissant de la campagne BDS il est un fait que la CGT ne condamne pas, faut il rappeler qu’elle ne la soutient pas. La CGT est aussi en désaccord avec la directive Alliot Marie, mais que fait elle devant les risques de condamnation et singulièrement de militants de la CGT en application de cette disposition : rien ! Pour une raison simple, elle désapprouve le boycott d’Israël ce que souligne Le Paon dans sa lettre, mais approuve celui vis à vis des colonies. Mais qui incite à la colonisation, la justifie et l’encourage si ce n’est la politique du gouvernement Israélien ! Faut il rappeler à ce sujet les multiples condamnations y compris des USA sur la poursuite de la colonisation comme obstacle principal à la négociation entre Palestiniens et Israël ! De plus comment distinguer les produits des colonies, suggérer un tri comme le fait Thierry Le Paon. C’est se moquer du monde !
2 – Curieusement Le Paon demande la modification du titre de l’article rendant compte de la rencontre avec le CRIF mais pas de l’article qui suit et pour cause, celui-ci est très explicite ! De plus Thierry Le Paon n’exige pas comme c’est la pratique de faire publier sa lettre à Roger Cukierman président du CRF. Changer le titre ça change quoi ? Rien !
3 – Car au fond ce qu’il faut retenir c’est bien que cette rencontre a eu lieu et cela c’est sans précèdent ! Imagine t on une rencontre avec des organisations sur la même ligne ethniciste comme les identitaires les  » issus de l’immigration », les ultranationalistes ukrainiens, tibétains, hutus etc ou dans le registre religieux les salafistes, les chrétiens intégristes, etc.
Evidemment non ! Alors pourquoi avec le CRIF ? Est ce parce que la CGT aurait fait le choix de rejoindre la cohorte des conformistes qui semblent croire qu’il faut être bien avec le CRIF car il serait influent ! ? En rompant avec les principes d’indépendance du syndicalisme c’est avec un esprit de soumission que Le Paon pensait se pavaner après cette rencontre tout en s’asseyant sur les principes fondateurs du syndicalisme internationaliste !
4 – Enfin Thierry Le Paon évoque les relations traditionnelles de la CGT avec les syndicats de la région en faisant référence à une délégation de la CGT conduit par B. Thibault ! En fait ces relations se résument à des rapports avec la Histadrout Israélienne dont on ne saurait dire qu’elle milite pour la paix ce serait même plutôt l’inverse ! Il faut savoir que son précèdent secrétaire général Amir Peretz se retrouva Ministre de la Défense et contribua à l’agression contre le Sud Liban qui se termina face à la résistance libanaise par un échec cuisant ! Le travailliste et ancien syndicaliste Amir Peretz est toujours Ministre mais cette fois il l’est dans le gouvernement Netanyahu. La Histadrout que plusieurs organisations syndicales affiliés à la CSI ex CISL ont exigé qu’elle soit suspendue de ses rangs a cause de son soutien à la politique criminelle du Gouvernement Israélien ! Qu’en pense la CGT ?
5 – La CGT contrairement à ce qui est affirmé dans le courrier de Le Paon entretient également des relations avec le syndicalisme palestinien mais seulement avec un courant de celui-ci et non comme c’était le cas dans le passé avec l’ensemble des composantes du syndicalisme Palestinien. Voila la réalité de l’étendue des relations de la CGT ! Ce qui est intéressant c’est que Le Paon fait lourdement référence à la délégation de B.Thibault en omettant celle de Louis Viannet quelques années plus tot ! Est ce parce qu’ avant de se rendre a Gaza pour y rencontrer Yasser Arafat considéré comme un terroriste, puis dans les territoires occupés et enfin en Israel, la delegation avait rencontré à Beyrouth l’ensemble du Mouvement syndical Libanais dont la FENASOL avec laquelle la CGT entretenait une relation historique, mais également le Hezbollah et sa branche syndicale. Alors pourquoi cette omission ? Est ce parce que le CRIF considère le Hezbollah comme une organisation terroriste ? Poser la question c’est y répondre ! Pourquoi enfin ne pas parler de toutes nos relations anciennes, celles entre autre avec les syndicats Syriens ? On se garde bien de l’évoquer car évidemment cela ferait un peu désordre dans le paysage du syndicalisme policé, institutionnalisé et bien ordonné de la CES et de la CSI.
6 – Ce que furent les relations de la CGT dans cette région, le crédit, le respect et l’autorité dont elle disposait aurait du lui permettre aujourd’hui de véritables initiatives et des actions unitaires en faveur de la paix. Nous en sommes loin et cette rencontre avec le CRIF ne va évidemment pas dans cette direction. Mais finalement était ce là l’intention de la direction de la CGT et de Thierry Le Paon ?
A l’évidence : NON !

Jean-Pierre Page
Ancient responsable du département international de la CGT et de la Commission exécutive confédérale.

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