Israël-Palestine. L’inévitable embrasement


HENRI WAJNBLUM

« Le fleuve emportant tout, on dit qu’il est violent, mais nul ne taxe de violence les rives qui l’enserrent ».
Bertolt Brecht

Trois extraits d’articles pour commencer… « Les Palestiniens se battent pour leur vie, dans le plein sens du terme. Nous, Juifs israéliens, nous battons pour notre privilège en tant que nation de maîtres, dans la pleine laideur du terme. Que nous remarquions qu’il n’y a une guerre que lorsque des Juifs sont assassinés n’enlève rien au fait que des Palestiniens se font tuer tout le temps, et que tout le temps, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour leur rendre la vie insupportable. (…)

Les jeunes Palestiniens ne vont pas se mettre à assassiner des Juifs parce qu’ils sont juifs, mais parce que nous sommes leurs occupants, leurs tortionnaires, leurs geôliers, les voleurs de leur terre et de leur eau, les démolisseurs de leurs maisons, ceux qui les ont exilés, qui leur bloquent leur horizon. (…) Dans notre langage, les Juifs sont assassinés parce qu’ils sont juifs, et les Palestiniens trouvent leur mort et leur détresse, parce ce que c’est probablement ce qu’ils cherchent. » (Amira Hass dans Ha’aretz).

« C’est contre la colonisation continue des territoires conquis en 1967 que se révoltent une fois de plus en ce moment les Palestiniens. Ils comprennent que la colonisation vise à perpétuer l’infériorité palestinienne et rendre irréversible la situation qui dénie à leur peuple ses droits fondamentaux. Ici se trouve la raison des violences actuelles et on n’y mettra fin que le jour où les Israéliens accepteront de regarder les Palestiniens comme leurs égaux et où les deux peuples accepteront de se faire face sur la ligne verte de 1949, issue des accords d’armistice israélo-arabes de Rhodes. » (Zeev Sternhell).

« La descente en enfer paraît inexorable. D’une semaine, d’un mois, d’une année à l’autre le niveau de violence et de répression va en augmentant. Les Palestiniens, leurs dirigeants, l’homme de la rue, savent que la probabilité d’accéder à l’indépendance de leur État est quasi nulle. Ils suivent et publient toutes les déclarations des responsables israéliens. Par exemple, Madame Tzipi Hotovely, la vice ministre des Affaires étrangères, proclamant : ‘Un retrait de Judée–Samarie ne fait pas partie de la liste des options que nous offrons aux Palestiniens. Le monde doit réaliser que la Judée-Samarie restera sous la souveraineté de facto d’Israël. Ceci n’est pas une monnaie d’échange et ne dépend pas de la bonne volonté des Palestiniens. C’est la terre de nos ancêtres. Nous n’avons pas l’intention de l’évacuer’ » (Charles Enderlin).

Tout est dit. On pourrait s’arrêter là. Car de quoi voulez-vous que Mahmoud Abbas et Benyamin Netanyahou, lui qui se dit prêt à rencontrer le premier à tout moment, de quoi voulez-vous qu’ils discutent encore ?

Mais de sécurité pardi ! De la sécurité des Israéliens s’entend.

Petit rappel… L’Autorité Palestinienne, née des accords d’Oslo de 1993, s’est vue confier la gestion administrative des zones A (18 % du territoire) et B (21 %), tandis qu’Israël continuait à administrer la zone C (61 %), où sont établies les colonies. La sécurité a été confiée aux forces palestiniennes dans la zone A et aux forces israéliennes dans les zones B et C. La coopération sécuritaire dépasse toutefois ce cadre.

Les accords d’Oslo I, signés au Caire en mai 1994, prévoient en effet que les forces de sécurité palestiniennes agissent contre « toute incitation au terrorisme et à la violence contre Israël ainsi que contre tout acte hostile aux colons ».

C’est donc à l’Autorité Palestinienne qu’il incombe d’assurer la sécurité d’Israël et des colons et elle s’acquitte « parfaitement » de cette tâche en réprimant violemment toutes les manifestations hostiles à l’occupation et à la colonisation, ce qui fait dire à beaucoup de Palestiniens que « leurs » forces de sécurité sont devenues le sous-traitant d’Israël pour réprimer toute manifestation hostile. Qui pourrait leur donner tort ?

Poursuivons…

Depuis quelques semaines, les médias sont remplis de commentaires et d’images sur les victimes israéliennes d’attaques au couteau ou à la voiture bélier. Très peu par contre sur les victimes palestiniennes et les manifestations de masse tant dans les Territoires palestiniens occupés que dans les villes arabes d’Israël. Nous avons toujours condamné les attentats aveugles, qu’ils soient commis par des Palestiniens ou par des Israéliens. Notre position n’a pas changé. Mais il est insupportable d’entendre les commentaires ne parlant que des attentats commis par des Palestiniens sans jamais, ou presque, se poser la question du pourquoi.
Vous avez sans doute aussi noté que les agresseurs palestiniens sont la plupart du temps abattus sur place. Avez-vous déjà entendu dire que ne serait-ce qu’un seul des colons, agresseurs ou assassins de Palestiniens, ait été abattu sur place par l’armée israélienne ?

Et le pire reste à craindre… Le maire de Jérusalem, Nir Barkat, a conseillé aux Jérusalémites, détenteurs d’un permis de port d’arme, de sortir armés. Depuis, les armureries de Jérusalem, mais aussi de Tel-Aviv, sont quasi en rupture de stock. Que se passera-t-il le jour, pas improbable du tout, où un civil israélien abattra un Palestinien qui lui aura semblé suspect d’intentions malveillantes ? On n’ose y penser.

Or, aux yeux d’une grande partie de la population israélienne, tout Palestinien est un « terroriste » potentiel.

Certains députés n’ont pas tardé à « montrer l’exemple »… C’est ainsi que les députés du Likud Anat Berko et Yoav Kisch, Eyal Ben Reuven de l’Union sioniste (que nos médias persistent à placer au centre gauche), Bezalel Smotrich et Naftali Bennett de HaBayit HaYehudi (Le Foyer juif) portent des armes lors des sessions de la Knesset ! -On peut raisonnablement penser qu’ils seront suivis par d’autres.

Les Israéliens ont peur, titrent la majorité de nos médias. On pourrait dire cyniquement que c’est un juste retour des choses. Et pourquoi d’ailleurs ne pas le dire ? Les Palestiniens, eux, ont peur depuis quelques décennies, et tout particulièrement depuis la signature des accords d’Oslo qui ont instauré les zones A, B et C, et des centaines de check-points qui rendent leur vie absolument insupportable, sans compter la colonisation effrénée et l’impunité totale dont jouissent les colons.

Car, ainsi que le souligne la Fédération internationale des Droits de l’Homme (FIDH), « depuis février 2014, le gouvernement israélien recourt de manière de plus en plus systématique à la démolition de maisons comme forme de punition collective, une procédure interdite par la quatrième convention de Genève. Ces derniers mois, les colons israéliens, en présence de l’armée et parfois sous sa protection, ont intensifié leurs attaques contres les civils et les propriétés des palestiniens.

Entre le 28 septembre et le 4 octobre 2015, l’ONG Al Haq, membre de la FIDH, a documenté 29 incidents de violence perpétrés par des colons en Cisjordanie. Ces violences incluent des tirs à balles réelles, des attaques physiques, des actes de vandalisme contre des propriétés et des cultures, et l’obstruction faite au déplacement de la population palestinienne ».

Et dans ces circonstances dramatiques, John Kerry, le secrétaire d’État américain, ne trouve rien d’autre à dire que de condamner « la recrudescence d’attaques terroristes contre des civils israéliens » !

Comment s’étonner dès lors que 57 % des Palestiniens ne croient plus à la solution à deux États, et qu’ils le clament haut et fort ces dernières semaines ?
Il est plus impératif que jamais que le monde extérieur manifeste clairement sa solidarité avec la cause d’une paix qui rendrait justice aux Palestiniens et qui sortirait les Israéliens de l’impasse suicidaire dans laquelle ils se sont enfermés.

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L’appel au boycott d’Israël de deux universitaires juifs américains


Et à l’annoncer publiquement ! C’est une lettre fracassante qui a été publiée vendredi dans le Washington Post par deux professeurs « juifs et sionistes », des universités de Harvard et de Chicago, appelant au boycott d’Israël.

  • LETTRE DE DEUX UNIVERSITAIRES JUIFS AMÉRICAINS DANS LE WASHINGTON POST

« Nous sommes des sionistes de longue date, et c’est pourquoi nous avons choisi de boycotter Israël » ont publié Steven Levitsky et Glen Weyl dans l’édition du Washington Post du 23 Octobre.

« Notre soutien à Israël se fondait sur deux convictions : un Etat était nécessaire pour protéger notre peuple de futures catastrophes, et d’autre part qu’un Etat juif serait démocratique et adopterait les valeurs universelles des droits de l’homme, qui s’imposent après l’Holocauste.

Et nous pensions que l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza, tout comme le déni de droits fondamentaux aux Palestiniens vivant là, n’étaient que provisoires, le temps d’assurer la survie du nouvel Etat.

Mais nous sommes confrontés à une réalité : l’occupation est devenue permanente. Près d’un demi-siècle après la guerre des six jours, Israël s’est installé dans un régime d’apartheid.

La Cisjordanie est considérée comme faisant partie d’Israël et la « ligne verte » a été effacée de la plupart des cartes, et c’est ce que le président israélien Reuven Rivlin appelle « le sionisme moderne ».

Ceci pose un dilemme éthique à nous juifs américains. Pouvons nous soutenir un Etat qui refuse de manière permanente ses droits fondamentaux à un autre peuple ? Et même dans une perspective sioniste nous estimons qu’Israël s’est engagé sur un chemin qui met en danger l’existence même d’Israel.

Comme dans le cas de la Rhodésie et de l’Afrique du sud de l’apartheid, cette oppression permanente des Palestiniens par Israël va inéluctablement l’isoler des démocraties occidentales , mais également de l’opinion publique américaine qui —auparavant jugée inconditionnelle— commence à se détacher d’Israël.

Et même sur le plan intérieur, l’occupation exacerbe des pressions démographiques qui risquent de fracturer totalement la société israélienne, notamment avec le gonflement du nombre de colons et des juifs ultra-orthodoxes fanatiquement chauvins.

En fin de compte, l’occupation menace la sécurité qu’elle prétendait assurer. Cette sécurité avait pourtant progressé depuis les traités de paix avec l’Egypte et la Jordanie, puis avec l’affaiblissement de l’Irak et de la Syrie, et avec l’incomparable supériorité désormais acquise sur le plan militaire par Israël, qui n’a plus à faire face à la moindre menace existentielle de la part de ses voisins arabes.
.
Et comme l’ont déclaré 6 anciens dirigeants de la sécurité intérieure du Shin Bet en 2012, c’est l’occupation elle-même qui est un danger pour Israël.

Face à cette situation et ne croyant plus à la capacité des Israéliens de remettre en cause cette occupation et de survivre en tant qu’ Etat démocratique, nous estimons que des pressions extérieures sont indispensables.

Même si c’est douloureux pour des personnes comme nous , nous pensons que le retrait de l’aide américaine tout comme son soutien diplomatique à Israël, ainsi que les mesures de boycott et de désinvestissement, sont seuls capables de changer la donne.

C’est pourquoi nous refusons désormais de voyager en Israël, nous boycottons les produits en provenance d’Israël, nous appelons nos universités américaines à désinvestir et nos élus à à retirer leur aide à Israël. (…)

Ceci jusqu’à ce que Israël s’engage sérieusement dans un processus de paix établissant un Etat palestinien souverain ou bien accordant les mêmes droits démocratiques aux Palestiniens à l’intérieur d’un seul Etat.

Steven Levitsky est professeur d’administration publique à l’université de Harvard. Glen Weyl est professeur adjoint d’économie et de droit à l’université de Chicago.

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Le vieil homme, les oliviers


vendredi 23 octobre 2015 par Olivia Elias
Olivia Elias, poète de Palestine, 22-10- 2015

I

Toutes ces années de colère rentrée
Toutes ces années de sanglots ravalés
Toutes ces années de crépuscule
Où la mort danse avec les chacals
Dans les cimetières
Toutes ces années de rapine
Et de bals de bulldozers
Au sommet des collines
Toutes ces années où ils ont dressé
L’arbre du pillage au milieu du village
Toutes ces années de chasse à l’indigène
Toutes ces années d’espoir
Et de dignité assassinés

Et la terre retenait ses larmes
Et le vieil homme endurait
Un jour
D’une coupe trop pleine
Son cœur s’est soulevé
Seul
Il s’est avancé vers la forêt
De fusils

Honte sur vous
A-t-il dit aux fantassins
Harnachés de mort
Honte sur vous
Qui tirez sur des enfants
N’armez pas
N’armez pas
Vos fusils !

Son-corps-bras-grands ouverts-
Barrage-contre-les-tirs
Il a dit aux soldats
Armés de feu et d’acier
Reculez !
Partez !

II

C’était comme s’il parlait
Avec son être tout entier
Sang-flux-salive-muscles-cartilage
-tendons-pulsations-des-ventricules
C’était comme si tous les Justes
De la Terre s’étaient levés
Et parlaient
Face à Hérode
Face à César
Face aux tyrans

C’était comme si les fleuves
Les sources les champs de blé
Les fleurs des champs
Les hirondelles -La Palestine toute entière –
S’étaient levés
Et parlaient

Les oliviers eux aussi se mirent
En marche dans un halo
de feuillage argenté
Sur leur passage hommes et femmes
embrassaient leurs racines millénaires

Une clameur envahit le ciel
Reculez !
Partez !

NDLR

Ce poème de notre amie Olivia est inspirée d’un fait récent réel attesté par cette vidéo :

[youtube https://youtu.be/TVDwtgtT1Nk?]

source

Netanyahu ridiculisé… Après son énième mensonge…


Les réactions n’ont pas manqué, après le énième mensonge et cette dernière énormité proférés par l’olibrius Netanyahu…
Ceux qui sont notamment à plaindre, ce sont les professeurs d’histoire israéliens…. Et les écoliers et étudiants…

L’Allemagne insiste sur sa responsabilité dans la Shoah après des propos de Netanyahu

Berlin a réaffirmé mercredi la responsabilité « inhérente » de l’Allemagne dans la Shoah après les propos du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu affirmant que c’est le mufti de Jérusalem de l’époque qui avait donné l’idée à Hitler d’exterminer les juifs d’Europe.
« Je peux dire au nom du gouvernement que, nous Allemands, connaissons très exactement l’Histoire de l’avènement de la folie raciste meurtrière des nationaux-socialistes qui a conduit à la rupture civilisationnelle de la Shoah », a souligné lors d’une conférence de presse Steffen Seibert, porte-parole de la chancelière Angela Merkel.
« Je ne vois aucune raison de changer de quelque manière que ce soit notre vision de l’Histoire. Nous savons que la responsabilité allemande pour ce crime contre l’humanité est inhérente », a-t-il ajouté tout en refusant de commenter directement les propos de M. Netanyahu. Ce dernier doit rencontrer à 17H00 GMT Mme Merkel à Berlin.

(21-10-2015 – Avec les agences de presse)

21 octobre 2015
Netanyahou, négationniste, serait traîné devant les tribunaux en France

Le premier ministre israélien vient d’être pris en flagrant délit de propagande mensongère dans son propre pays, en affirmant qu’ »Hitler ne voulait pas exterminer les Juifs ».

C’est le quotidien Haaretz qui vient de publier les mensonges du jour de Netanyahou, concernant le génocide des Juifs.

Celui-ci, à l’occasion du 37ème congrès sioniste mondial a inventé une nouvelle version de l’histoire : le diable, ce n’est plus Hitler, qui ne souhaitait que le départ des juifs, a-t-il déclaré, mais Mohammed Amin al-Husseini, le mufti de Jérusalem de l’époque, qui lui aurait dicté de les exterminer (sic)…/…

http://www.europalestine.com/spip.php?article11107

21 octobre 2015
« Pourquoi Netanyahou innocente Hitler », par Nicolas Shahshahani

« Dans le climat actuel d’incitation au génocide du peuple palestinien, où la population juive est encouragée à faire des pogroms, Benjamin Netanyahou a en effet repris, et non par inadvertance, un vieux thème, parmi les plus hallucinants, de la propagande sioniste », analyse Nicolas Shahshahani, vice-président de CAPJPO-EuroPalestine

« La presse et un grand nombre de politiciens israéliens s’en prennent mercredi à Netanyahou, pour des déclarations du Premier ministre israélien rendant en substance les Arabes, et non les nazis, responsables de l’extermination des juifs d’Europe.

Il a ainsi affirmé publiquement que l’idée de la « Solution Finale », autrement dit l’anéantissement au niveau européen et si possible mondial, des populations juives, n’était pas une idée d’Adolf Hitler, mais celle d’un dirigeant religieux nationaliste palestinien, Hadj Amine al Husseini.

« Lorsque Husseini rencontre Hitler en novembre 1941, ce dernier n’a pas l’intention de tuer les juifs, il veut seulement les expulser hors d’Europe. Mais Husseini lui dit qu’alors, ces gens viendront en Palestine. Hitler demande à Husseini à ce qu’il doit faire. Et Husseini répond : ‘Brûlez-les’ », a en effet martelé Netanyahou, aux applaudissements de ses supporters du Likoud.

La déclaration, aberrante puisqu’en novembre 1941 des centaines de milliers de juifs d’Europe avaient déjà péri dans le cadre d’exécutions de masse (par exemple, rien que dans la ville de Kiev, en Ukraine, près de 30.000 hommes, femmes et enfants juifs avaient été fusillés en l’espace de deux jours au mois de septembre 1941), a suscité des commentaires indignés un peu partout en Israël.

Commentaires indignés, mais pas nécessairement sincères, malheureusement.

Car la figure de ce personnage odieux que fut Hadj Amine al Husseini, dont on dira quelques mots ci-dessous, a depuis la création d’Israël servi de prétexte à la propagande officielle pour accabler les Palestiniens –et plus généralement les Arabes- de tous les maux, … y compris la Shoah…/…

http://www.europalestine.com/spip.php?article11108

DIMANCHE 25 OCTOBRE : PAIX JUSTE AU PROCHE-ORIENT


Pour mieux comprendre la situation actuelle, la révolte justifiée des Palestiniens, la répression impitoyable de l’armée, de la police et des colons israéliens, participez à cette conférence où seront présents des membres de notre groupe juste rentrés depuis 2 jours d’une mission de solidarité en Cisjordanie.
Marco

Le film pour mieux comprendre le conflit israélo-palestinien

dimm

PAIX JUSTE AU PROCHE-ORIENT

ITTRE

Dimanche 25 octobre 2015 à 16h
à l’Étable d’hôtes, 4b rue de Tubize à Virginal-Samme
Conférence-débat
La représentation du conflit israélo-palestinien à l’écran
avec François Dubuisson
François Dubuisson est professeur de droit international à l’ULB, il a publié de nombreux articles concernant les aspects juridiques du conflit israélo-palestinien. Il est également passionné de cinéma, ce qui l’a amené récemment, dans le cadre d’un colloque « Droit international & cinéma », à étudier la manière dont le conflit israélo-palestinien est représenté à l’écran.

La jeunesse palestinienne à couteaux tirés avec Israël


Michel Warschawski

Publié le 15 octobre 2015

Comment en est-on arrivé à ce que des dizaines de Palestiniennes et dePalestiniens se mettent à attaquer des Israéliens juifs à l’arme blanche ? Ceux que Benyamin Nétanyahou appelle « terroristes » sont pour la plupart nés après les accords d’Oslo, ont grandi avec l’échec désormais avéré du « processus de paix », dans la frustration, la peur et l’humiliation permanentes, sans perspective d’avenir. Las des idéologies, de la diplomatie et des slogans inopérants, ils sont passés à la reconquête d’une dignité bafouée. Quel qu’en soit le prix.

« #freepalestine » Rabya Mohammed Fraij, Deviantart, 2014

«  Est-ce une troisième intifada  ?  » se demandent commentateurs et politiciens en Israël. Une question dont la pertinence me semble douteuse et à laquelle il est de toute façon beaucoup trop tôt pour répondre. Il est plus intéressant de comprendre comment nous en sommes arrivés à ce que des dizaines dePalestiniennes et de Palestiniens, des jeunes pour la plupart, en sont venus à attaquer le premier Israélien venu avec un couteau, un cutter ou un tournevis hâtivement ramassés sur la table de la maison familiale. Car il s’agit bel et bien d’initiatives individuelles et spontanées, derrière lesquelles ne se trouvent aucune consigne en provenance d’une quelconque organisation.

Benyamin Nétanyahou ment comme un arracheur de dents quand il affirme que c’est Mahmoud Abbas qui inspire ces jeunes, et il sait mieux que personne les efforts de ce dernier et de sa police pour tenter d’enrayer le processus en cours. Mais «  Monsieur Sécurité  » a besoin d’un bouc émissaire pour cacher son échec flagrant, lui qui avait centré toute sa campagne électorale sur son «  expertise  » démontrée dans le maintien du calme dans les territoires occupés. Un message qui avait été reçu cinq sur cinq par l’électorat.

Les médias, dans leur majorité, reprennent le discours récurrent deNétanyahou sur le terrorisme, et depuis quelques jours on ne cesse d’utiliser les mots chers au premier ministre : «  actes terroristes  », «  un terroriste âgé de 13 ans  » [sic], «  nous utiliserons tous les moyens pour arrêter le terrorisme  ». L’opinion publique israélienne suit, sans broncher.

Qui sont ces «  terroristes  » et qu’est-ce qui a provoqué cette longue série d’attaques au couteau sur des Israéliens, en civil ou en uniforme  ? Ce sont des jeunes, voire des très jeunes, nés après les accords d’Oslo et qui agissent individuellement (ou à deux au maximum), hors du cadre des organisations nationales, Hamas compris. Et pourquoi maintenant  ? On assiste, semble-t-il, à la conjoncture de deux éléments qui ne sont pas liés l’un à l’autre, mais résultent tous deux de la politique de Benyamin Nétanyahou.

D’abord, l’échec reconnu par tous de ce qu’on a trop longtemps appelé «  le processus de paix  ». Les Palestiniens, y compris la jeunesse, ont laissé pendant des années Mahmoud Abbas gérer la stratégie de libération à travers la diplomatie, c’est-à-dire en utilisant la communauté internationale comme levier qui parviendrait à obliger l’État d’Israël à mettre fin à l’occupation coloniale. Même le Hamas avait fait le choix de ne pas entraver les tentatives du président de l’Autorité palestinienne, tout en insistant sur le fait que ledit processus négocié était voué à l’échec, et que ses compromis ne seraient récompensés par aucune contrepartie. Mais après près de dix ans pendant lesquels Abbas a fait les antichambres de toutes les chancelleries et accepté d’avaler d’innombrables couleuvres, on en est toujours à la case zéro. Pire,Israël a su profiter du temps qui passe pour élargir substantiellement la colonisation de la Cisjordanie et parachever la séparation de Jérusalem-Est de son arrière-pays palestinien.

Au bout de dix ans, le crédit d’Abou Mazen s’est complètement épuisé, en particulier auprès de la jeunesse, qui ne voit aucune avancée — si ce n’est celle des colonies. L’épuisement du crédit du président palestinien s’est accéléré avec la série de provocations du gouvernement Nétanyahou après sa réélection, en particulier les parades de députés et de ministres sur l’esplanade des Mosquées, le Haram el-Sharif. On ne peut en effet sous-estimer l’impact sur les jeunesPalestiniens des images où l’on voit des groupes de juifs prier (ou faire semblant de prier) sur ce lieu saint pour un milliard et demi de musulmans. Pire, aux provocations de politiciens en quête de popularité s’ajoute l’intervention violente de la police sur l’esplanade contre des jeunes musulmans venus protéger leur mosquée, et la profanation d’Al-Aqsa par des policiers qui souillent les tapis de prière avec leurs gros souliers.

Benyamin Nétanyahou a ainsi osé remettre en question le statu quo négocié en 1967 par Moshe Dayan et le roi Hussein de Jordanie sur la gestion de l’esplanade, y compris les horaires et les lieux spécifiques ou les non musulmans peuvent pénétrer sur l’esplanade. Le chef du gouvernement israélien aurait mieux fait d’écouter les mises en garde du roi Abdallah de Jordanie sur les risques d’explosion que provoquerait un changement du statu quo à Al-Aqsa.Mais le petit politicien et la peur de ce que diraient ses concurrents s’il interdisait la présence de juifs sur le site du Temple d’Israël ont vaincu l’homme politique et la crainte d’une explosion régionale généralisée.

Al-Aqsa est un symbole sacré pour tous les Palestiniens, athées et chrétiens compris. Avec les provocations sur l’Esplanade des Mosquées, l’arrogance israélienne a heurté la dignité de tous les jeunes Palestiniens. La série d’attaques de passants israéliens au couteau ou au tournevis est la réponse d’une nouvelle génération palestinienne à l’arrogance israélienne et aux provocations de la droite au pouvoir, sur un arrière-fond d’échec reconnu de la stratégie négociée de Mahmoud Abbas et de l’Autorité palestinienne. Le fait qu’en donnant l’ordre de tirer sur les «  terroristes  » pour les «  neutraliser  »Nétanyahou ait transformé ces attaques à l’arme blanche en attentats-suicides ne semble pas avoir eu d’effet dissuasif. Bien au contraire, chaque attaque en stimule d’autres.

J’ai rencontré il y a deux jours un groupe de jeunes Palestiniens de Bethléem, et Safa, une étudiante chrétienne si l’on en croit le crucifix qu’elle portait, me disait son admiration pour ses compatriotes qui attaquent des Israéliens au couteau. «  Jusqu’à présent, c’est nous qui avions peur, mais maintenant c’est au tour des Israéliens : regarde comme il n’y a personne dans leur tramway, et même les rues de Tel Aviv sont complètement vides le soir.  » Et d’ajouter :«  Si j’avais plus de courage, je ferais la même chose…  »

L’Autorité palestinienne et Mahmoud Abbas ne signifient pas grand chose pour Safa et ses amis, et si le nom de Yasser Arafat les émeut encore, ils ne savent pas ce qu’est l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Bien dans l’esprit de leur temps, pour ces jeunes, les sigles, les slogans et les idéologies ont laissé la place au ressenti. Dans ce ressenti, il y a une place d’honneur pour une reconquête de la dignité perdue.

Par ses déclarations bellicistes et arrogantes, Benyamin Nétanyahou ne renforce pas seulement la détermination que l’on sent de plus en plus au sein de cette jeunesse palestinienne que l’on disait dépolitisée et démobilisée; il fait deMahmoud Abbas un politicien non relevant et rend quasiment impossible toute tentative de sa part de désamorcer la bombe qui risque non seulement de démultiplier les victimes — israéliennes et palestiniennes — mais aussi de provoquer la désintégration de l’Autorité palestinienne. C’est bel et bien la politique du pire. Mais n’est-ce pas exactement ce que recherche le chef du gouvernement israélien  ?


 

Publié le 15 octobre 2015 sur Orient XXI

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Michel Warschawski est un journaliste et militant de gauche israélien, il est cofondateur et président de l’Alternative Information Center (AIC). Dernier ouvrage paru (avec Dominique Vidal) : Un autre Israël est possible, les éditions de l’Atelier, 2012.

http://www.pourlapalestine.be/la-jeunesse-palestinienne-a-couteaux-tires-avec-israel/