Syrie : massacre à Treimsa


vendredi 13 juillet 2012, par La Rédaction

Plus de 150 personnes selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), et plus de 200 selon un chef rebelle syrien, ont été tuées jeudi dans l’attaque avec des chars et des hélicoptères par les forces gouvernementales syriennes de la localité de Treimsa, dans le centre de la Syrie. « Des troupes gouvernementales ont bombardé (Treimsa) en utilisant des chars et des hélicoptères », a déclaré par téléphone le président de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane. L’OSDH a estimé que le nombre des morts était supérieur à 150, soit un total de plus de 200 tués dans le pays pour la journée de jeudi.

« Considérant la petite taille de la ville, c’est peut-être le plus grand massacre commis depuis le début de la révolution », a commenté Rami Abdel Rahmane. Un chef rebelle, Abou Mohamad de son nom de guerre, commandant d’un groupe de combattants rebelles basé non loin de là, plus au nord, a assuré dans la nuit de jeudi à vendredi que l’attaque avait fait « plus de 200 morts ». Selon un militant vivant dans la province, le bilan est particulièrement lourd car les forces gouvernementales ont pilonné une mosquée où de nombreux habitants avaient cherché refuge. Treimsa « est vide maintenant. Tout le monde est mort ou a fui », a affirmé ce militant, disant s’appeler Abou Ghazi, dans un message électronique.

« Une trentaine de véhicules de l’armée ont totalement encerclé le village. Il n’y avait aucune possibilité de sortir. Quiconque essayait de fuir à travers les champs était abattu », a raconté un autre militant, disant se prénommer Ibrahim. « Après le bombardement, l’armée est entrée (dans Treimsa) avec des armes légères et les (miliciens pro-régime) Shabiha suivaient avec des couteaux », a-t-il ajouté. Selon l’agence officielle syrienne Sana, des affrontements ont opposé l’armée à un « groupe terroriste » dans la localité. Sans donner de bilan, Sana a affirmé qu’il y avait eu « de lourdes pertes dans les rangs des terroristes » et que trois soldats avaient été tués.

De son côté, le régime a confirmé jeudi la première défection de l’un de ses ambassadeurs, mais a reçu de nouveau le soutien de la Russie, qui a rejeté un projet de résolution déposé à l’ONU par les Occidentaux. Par ailleurs, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a annoncé que le général Mounaf Tlass, qui avait fait défection la semaine dernière, était entré en contact avec l’opposition syrienne. Mercredi soir, l’ambassadeur syrien en Irak Nawaf Farès a annoncé sa défection dans un message vidéo diffusé par la chaîne de télévision du Qatar, Al Jazeera. Il a également appelé l’armée à « rejoindre immédiatement les rangs de la révolution ».

Jeudi, le ministère syrien des Affaires étrangères a affirmé dans un communiqué que Nawaf Farès était « démis de ses fonctions », jugeant que ses déclarations aux médias la veille étaient « en contradiction avec son devoir qui consiste à défendre les positions et la cause de son pays ». « Il doit pour cela être poursuivi par la justice et traduit devant le conseil disciplinaire », a ajouté le ministère. Commentant cette défection, le porte-parole de la présidence américaine, Jay Carney, a estimé de son côté qu’il y avait tous les jours « de plus en plus d’indices du fait qu’Assad est en train de perdre son emprise ».

Selon Bagdad, Nawaf Farès se trouve au Qatar, un émirat connu pour son hostilité au régime de Bachar el-Assad, qui réprime dans le sang depuis près de 16 mois un mouvement de contestation. Sa défection porte un nouveau coup au régime syrien, quelques jours après celle de Mounaf Tlass, un général proche du président Assad. Nawaf Farès, un sunnite, a commencé comme policier avant de travailler avec les redoutables services de renseignements puis de devenir l’un des chefs du parti Baas, gouverneur et enfin diplomate. Ce parcours suscite la méfiance des militants. « Je sais que cet homme est un criminel », a ainsi affirmé le président de l’OSDH.

« C’est assez similaire à l’histoire de Mounaf Tlass (…), les services de renseignements occidentaux cherchent à sélectionner des personnalités qui pourront être utilisées pour la période transitoire », a-t-il estimé. À Paris, Laurent Fabius a dit savoir qu’il existe « une proximité entre l’opposition et (le) général » Tlass et que « des contacts ont été pris en ce sens », sans confirmer que Mounaf Tlass se trouve actuellement à Paris. Sur le plan diplomatique, la Russie, soutien indéfectible du régime de Damas, a qualifié d’ »inacceptable » le projet de résolution sur la Syrie déposé mercredi à l’ONU par les Occidentaux, menaçant d’y mettre son veto s’il était soumis au vote du Conseil de sécurité jeudi.

« Dans son ensemble, leur projet n’est pas équilibré », seul le gouvernement syrien se voyant imposer des « obligations », a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Guennadi Gatilov. De l’autre côté, les États-Unis ont menacé de ne pas prolonger le mandat de la Mission des observateurs de l’ONU en Syrie (Misnus) si le Conseil n’utilisait pas les sanctions comme moyen de pression sur Bachar al-Assad, selon des diplomates. Dans leur texte, Européens et Américains donnent dix jours au régime de Damas pour retirer ses troupes et armes lourdes des villes rebelles, sous peine de sanctions économiques.

L’organisation Reporters sans frontières (RSF) a pour sa part condamné l’assassinat de deux journalistes-citoyens. Suhaib Dib, un lycéen, a été victime le 4 juillet d’un assassinat ciblé par les forces de l’ordre à Al Meliha (banlieue de Damas), et Omar al-Ghantawi a été tué le 21 juin par un sniper à Homs (centre), selon l’ONG. RSF a en outre appelé à la libération de tous les journalistes emprisonnés en Syrie. L’ONG Human Rights Watch soupçonne pour sa part Damas d’utiliser des bombes à sous-munitions de fabrication soviétique dans la région de Hama.

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Les Frères musulmans accusent Kofi Annan

Les Frères musulmans de Syrie ont accusé vendredi l’émissaire international Kofi Annan, ainsi que l’Iran et la Russie, deux alliés du régime de Bachar el-Assad, d’être responsables, par leur inaction, du massacre commis la veille dans le centre du pays. « Nous ne considérons pas le monstre Bachar comme seul responsable de l’effroyable crime (…) mais (aussi) Kofi Annan, les Russes et les Iraniens et tous les pays du monde qui prétendent être responsables de la protection de la paix et de la stabilité dans le monde puis qui gardent le silence », affirme la confrérie dans un communiqué.

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Le CNS veut une résolution contraignante de l’ONU

Le CNS a pressé le Conseil de sécurité de l’ONU d’adopter une résolution contraignante à l’encontre du régime de Bachar el-Assad après le massacre, selon une ONG, d’au moins 150 personnes dans une localité du centre de la Syrie. De leur côté, les Frères musulmans de Syrie ont accusé l’émissaire international Kofi Annan, mais aussi l’Iran et la Russie, deux alliées du régime de Bachar el-Assad, d’être « responsables », par leur inaction, de cette tuerie perpétrée à Treimsa, dans la province de Hama (centre).

« Arrêter cette folie meurtrière qui menace l’entité de la Syrie, la paix et la sécurité dans la région et dans le monde nécessite une résolution urgente et tranchante du Conseil de sécurité sous le chapitre VII, qui protège le peuple syrien », indique le Conseil national syrien (CNS). Le chapitre VII de la Charte des Nations unies prévoit des mesures coercitives en cas de menace contre la paix, allant de sanctions économiques à l’usage de la force militaire. »Nous faisons porter aux pays membres du Conseil de sécurité la responsabilité totale de la protection des Syriens sans défense et l’arrêt de ces crimes honteux », poursuit le CNS, qualifiant la tuerie du « plus infâme des génocides commis par le régime syrien ».

(13 juillet 2012 – Avec les agences de presse)

Israël : Le ministre de l’Intérieur Elie Yishaï veut emprisonner tous les immigrés illégaux africains


jeudi 24 mai 2012, par La Rédaction

Le ministre israélien de l’Intérieur Elie Yishaï a affirmé jeudi qu’il fallait « mettre derrière les barreaux » tous les immigrés illégaux africains au lendemain d’une violente manifestation xénophobe à Tel-Aviv.
« Il faut mettre ces illégaux derrière les barreaux dans des centres de détention et de rétention, puis les renvoyer chez eux, car ils viennent prendre le travail des Israéliens et il faut protéger la caractère juif de l’Etat d’Israël », a affirmé M. Yishaï à la radio militaire.
Mercredi soir, un millier de manifestants israéliens ont défilé dans le sud de Tel-Aviv aux cris notamment de : « les Soudanais au Soudan » et en vilipendant « les belles âmes gauchistes » qui défendent ces étrangers.
Le porte-parole de la police Micky Rosenfeld a précisé jeudi que 17 personnes soupçonnées d’avoir attaqué des magasins et des voitures à bord desquelles se trouvaient des immigrés avaient été arrêtées et étaient toujours détenues jeudi matin.
« Aucun immigré n’a été blessé », a ajouté le porte-parole tout en soulignant que des renforts de police sont restés « dans le secteur afin de maintenir le calme ».
Selon M. Yishaï, si le gouvernement n’agit pas, « ils seront bientôt un demi-million voire un million, on ne pas accepter de perdre ainsi notre pays ».
Selon les chiffres officiels, quelque 60.000 immigrés illégaux se sont infiltrés en Israël en provenance surtout du Soudan, du Sud-Soudan et de l’Erytrée via le Sinaï égyptien.
Pour tenter d’endiguer cet afflux, le gouvernement a accéléré la construction d’une clôture de 250 km le long de la frontière égyptienne. L’ouvrage devrait être achevé à la fin de l’année.
M. Yishaï a toutefois estimé que cette clôture ne suffira pas. « Même si elle fait 12 m de haut, il y aura des échelles de 13 m. Il faut les empêcher de travailler ». Mardi, le ministre de l’Intérieur avait affirmé à la Knesset (Parlement) : « si le gouvernement m’en donne les moyens, il n’y aura plus un seul immigré illégal d’ici un an ».
Les journaux ont fait jeudi leurs gros titres sur les incidents de Tel-Aviv. « Colère, violence et xénophobie à Tel-Aviv », titre en une le quotidien Maariv. Un des commentateurs de la radio militaire a pour sa part parlé de « pogrome ».
Le quotidien Yédiot Aharonot titre pour sa part sur un projet de déploiement « d’une unité de gardes-frontière dans le sud de Tel-Aviv pour faire face à la criminalité croissante parmi les immigrés africains et empêcher des agressions anti-immigrés de la part des habitants ».
A la suite de récents délits de droit commun impliquant des immigrés illégaux, un vif débat s’est engagé en Israël sur la présence d’une communauté africaine.
« Le phénomène de l’infiltration illégale à partir de l’Afrique est extrêmement grave et menace les fondements de la société israélienne, la sécurité nationale et l’identité nationale », avait estimé dimanche le Premier ministre Benjamin Netanyahu.

(24 mai 2012 – Avec les agences de presse)

Asira al-Qibliya : Les vidéos qui accablent l’armée israélienne d’occupation


mardi 22 mai 2012, par La Rédaction

Accès aux 2 vidéos :
www.Assawra.Info/video1.htm
www.Assawra.Info/video2.htm

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C’est une scène qui fait couler beaucoup d’encre. Une vidéo publiée par l’ONG israélienne des droits de l’homme B’Tselem montre des colons israéliens de Cisjordanie en train de tirer sur des manifestants palestiniens, sans que les forces de sécurité israéliennes présentes n’interviennent pour les en empêcher. D’après B’Tselem, l’incident s’est produit samedi après-midi, lorsqu’un important groupe de colons ultraradicaux de la colonie de Yitzhar s’est approché du village palestinien d’Asira al-Qibliya.

Masqués et armés, certains colons extrémistes deviennent violents. D’après l’ONG, ils se mettent à lancer des pierres en direction de maisons palestiniennes, tout en faisant feu. Parmi eux, B’Tselem remarque un colon masqué, armé d’un fusil « Tavor ». Cette arme, équipant uniquement les soldats d’infanterie, suggère que son porteur serait un soldat en permission. Très vite, les jeunes Palestiniens du village arrivent sur les lieux et jettent des pierres en retour. La scène s’embrase. Alertés par l’incident, les soldats et les officiers de la police israélienne des frontières font leur apparition. Mais ils ne s’interposent pas, malgré leur fonction, qui est d’assurer le contrôle exclusif des territoires palestiniens en zone C. Plusieurs tirs à balles réelles sont entendus, sans que l’on sache exactement d’où ils proviennent, indique l’organisation.

La première vidéo montre un groupe de trois colons accompagnés d’un soldat, ciblés par des jets de pierres. Derrière eux surgit la fumée d’un brasier. D’après B’Tselem, deux des colons sont armés d’un fusil M4, tandis qu’un troisième possède un pistolet. Les trois hommes tiennent les Palestiniens en joue, avant de faire feu. L’un des villageois, Fathi Asayira, âgé de 24 ans, s’effondre. Touché au visage, il est évacué par une groupe de jeunes. Hospitalisé à Napouse, il demeure dans un état stable.

La seconde vidéo, prise d’un autre angle, illustre encore mieux la passivité des soldats israéliens, qui sont au nombre de trois. « La vidéo lève de graves soupçons sur le fait que les soldats présents n’ont pas agi pour empêcher les colons de jeter des pierres et tirer à balles réelles sur les Palestiniens », affirme B’Tselem. « Non seulement, les soldats n’ont pas essayé de renvoyer les colons, mais ils se sont en fait tenus à leurs côtés alors qu’ils tiraient et jetaient des pierres. » Une opinion que partage l’Autorité palestinienne.

« La gravité de la séquence ne tient pas seulement dans les provocations des colons et les tirs à balles réelles à l’égard des résidents non armés, mais aussi dans l’irresponsabilité des soldats israéliens qui se trouvaient là à regarder les événements », a déclaré un communiqué du bureau du Premier ministre, Mahmoud Abbas, qui a réclamé une action de la communauté internationale pour mettre fin aux « attaques et provocations » des colons.

De son côté, l’armée israélienne, qui a annoncé l’ouverture d’une enquête sur l’incident, a expliqué que les forces de sécurité étaient arrivées sur place dans le but de séparer les deux camps qui se lançaient des pierres. « Il y a eu des tirs au cours de l’incident et la question est sous investigation », ajoute l’armée israélienne, selon le Guardian. « Mais au premier abord, la vidéo qui a été publiée ne paraît pas relater l’incident dans sa totalité. » Pour Avraham Binyamin, le porte-parole des colons, une de ses équipes de sécurité est arrivée sous une pluie de pierres alors qu’elle tentait d’éteindre un incendie allumé par les Palestiniens. « Il est clair que l’utilisation d’armes par les forces armées israéliennes ou l’équipe de sécurité a été effectuée dans un contexte de danger de mort », précise le porte-parole.

Les attaques de colons israéliens extrémistes se sont multipliées ces derniers mois, les jeunes ultras mettant en application leur théorie du « prix à payer » aux Palestiniens. À chaque décision gouvernementale israélienne considérée comme défavorable, ils exercent des actes de représailles contre des mosquées ou des champs d’oliviers appartenant à des Palestiniens. D’après le Guardian, le ministère israélien de l’Éducation a fermé en novembre une yeshiva (école religieuse) après que les agents du Shin Beth (services secrets intérieurs) ont eu la preuve que ses étudiants se rendaient coupables d’actes de violence contre les villageois palestiniens.

Toutefois, les condamnations juridiques restent rares. Sur 642 plaintes déposées par des Palestiniens contre des colons depuis 2005, 91 % ont été classées sans suite, faute de preuves ou en raison de l’impossibilité d’identifier les délinquants.

(22 mai 2012 – Par Armin Arefi)

Égypte : Mohamed Morsi, ou la revanche des Frères


mercredi 25 janvier 2012, par La Rédaction

Le jour où Mohamed Morsi, jeune étudiant en génie civil, a décidé d’adhérer au mouvement des Frères musulmans, il était loin d’imaginer qu’il deviendrait en 2011 le président du plus puissant parti politique d’Égypte. Cette perspective était d’autant plus lointaine que la confrérie était à l’époque un « mouvement interdit, mais toléré ». Ce qui la mettait à la merci du régime et de sa police politique.
Pieux musulman, le futur homme politique est attiré par la doctrine de la confrérie autant que par ses activités sociales. Sa vie professionnelle ne l’empêche pas de militer au sein des Ikhwane (Frères), où il occupe divers postes, dont celui de responsable des affaires avec le Soudan, puis de directeur de la section des Affaires étrangères, avant de devenir membre du Conseil de guidance, la plus haute autorité du mouvement.
En 2005, les Frères musulmans font une entrée spectaculaire à l’Assemblée du peuple (parlement égyptien), où ils occupent 20 % des sièges. Un résultat qu’ils n’attendaient pas. Leurs membres avaient fait campagne sous l’étiquette de « candidats indépendants ». Une fois élus, ils retrouvent leur identité, qui n’était d’ailleurs un secret pour personne, et deviennent la principale force d’opposition parlementaire.
Aux législatives de novembre 2010, Mohamed Morsi, qui dirige la campagne électorale, espère dépasser le score de 20 %. Mais l’État égyptien ne l’entend pas de cette oreille, d’autant que le futur parlement doit soutenir la candidature de Gamal Moubarak, le fils du raïs, à la présidence de la République en septembre 2011. Bien avant le vote, les arrestations de Frères prennent l’allure d’une chasse aux sorcières. « Depuis l’annonce de notre participation aux législatives, plus de 1 200 Frères ont été arrêtés ou interpellés. Cinq cents sont encore détenus », tonne Mohamed Morsi. Dès cette époque, son nom commence à être familier aux journalistes. Il le sera bien davantage lors des résultats du premier tour de scrutin. Un seul Frère a été élu, et 22 sont en ballottage. Ce sont peut-être les législatives les plus truquées de l’histoire d’Égypte.
La confrérie décide de boycotter le second tour. Ils n’en auront pas besoin.
Le 25 janvier 2011 commence la révolution. Place Tahrir, 15 000 personnes environ ont répondu à l’appel du Mouvement du 6 avril. Ce groupe de jeunes activistes, qui milite contre le régime sur Facebook, décide de réunir un million de personnes le 28 janvier pour réclamer le départ de Hosni Moubarak. Les Frères musulmans prennent le train en marche. Ils viennent par centaines de milliers sur la place Tahrir. Et ne la quitteront plus.
Le 6 février, le général Omar Souleimane, nommé vice-président de la République, invite les principaux partis politiques pour trouver une « solution pacifique ». Les Frères musulmans sont de la partie. Dès lors, la confrérie n’est plus un mouvement interdit, mais un « parti politique puissant ». Mohamed Morsi est l’un des interlocuteurs de Souleimane. Dix jours après la démission de Moubarak, la confrérie annonce son intention de fonder un parti politique.
Ce sera le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), un nom débarrassé de toute connotation confessionnelle. À sa tête, Mohamed Morsi. Sa première déclaration se veut apaisante : « Le PLJ sera un parti civil aux fondements musulmans. Les partis théocratiques appartiennent au Moyen Âge et sont désormais interdits. » Son objectif : rassurer les coptes, ces chrétiens d’Égypte qui ont parfois le sentiment d’être victimes de discrimination. Du reste, par la suite, il souligne souvent que l’adhésion au PLJ est ouverte à tous les Égyptiens, qu’il compte déjà une centaine de coptes, que son deuxième vice-président, Rafic Habib, est copte…
Aux législatives de novembre 2011, le PLJ se taille, comme on s’y attendait, la part du lion. Mais le score des salafistes (24 % des voix) étonne, et inquiète les coptes, traités d’ »infidèles » par certains cheikhs de ce mouvement. Invité par la chaîne Dream TV, qui compte des millions de téléspectateurs, Mohamed Morsi répond d’une voix forte : « Les coptes font partie du tissu égyptien, ils ont autant de droits que j’en ai… Par le Dieu tout-puissant, nous avons le devoir de respecter la foi des autres. »
Le 11 janvier 2012, Morsi reçoit William Burns, sous-secrétaire d’État américain. C’est la première fois qu’une personnalité américaine de ce rang rencontre les dirigeants de la confrérie. Il affirme que son parti s’engage en faveur des droits de l’homme, de la tolérance religieuse, et qu’il respectera les obligations internationales de l’Égypte. Il dit aussi « croire en l’importance des relations égypto-américaines », mais estime qu’elles « doivent être équilibrées ».
Autant d’assurances qui donnent à penser que l’Égypte nouvelle a pris le train de la modération et de l’ouverture.

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« Tunis Connection » lève le voile sur les réseaux franco-tunisiens


jeudi 19 janvier 2012, par La Rédaction

C’est le livre événement en Tunisie. Sorti le 5 janvier, Tunis Connection : enquête sur les réseaux franco-tunisiens sous Ben Ali (1) était, dix jours plus tard, en rupture de stock dans deux librairies du centre de Tunis. Compromissions, corruption, affairisme ou encore réseaux politiques, les auteurs, Lénaïg Bredoux et Mathieu Magnaudeix, journalistes à Mediapart, ont mené une enquête d’envergure qui lève le voile sur les complicités de la France avec le régime de Ben Ali.
Depuis le soulèvement populaire qui a conduit à la fuite de l’ancien président, il y a un an, les langues se sont déliées. Plus d’une centaine d’entretiens ont été conduits pendant plus de six mois, pour révéler un système « où tout se mêle et s’entremêle ». Un système où diplomates, entreprises, mais aussi médias ont caressé dans le sens du poil le régime de Ben Ali, au nom, notamment, de la lutte contre le terrorisme.
Rencontrés à Tunis à l’occasion de leur visite du 11 au 15 janvier, Lénaïg Bredoux et Mathieu Magnaudeix reviennent sur ces « connections ».

À la lecture de votre livre, on se rend compte que la France était beaucoup plus impliquée qu’on ne pouvait le croire dans le système Ben Ali. Hommes politiques, diplomatie, entreprises, médias… Comment est-ce possible ?

Lénaïg Bredoux : Effectivement, on a découvert dans cette enquête qu’il y avait des ramifications dans tous les domaines : chez les intellectuels, au niveau de la presse avec le système d’invitation de certains journalistes, mais aussi dans le domaine économique, politique ou encore au sein de la diplomatie avec la décadence de l’ambassade de France à Tunis. Tout se mêle et s’entremêle lors de la visite de Nicolas Sarkozy, en 2008. Il était venu proposer de gros contrats, mais il a aussi prononcé cette phrase – que Henri Guaino reconnaît pour la première fois qu’elle était une erreur – : « Les libertés progressent. »

Mathieu Magnaudeix : Sur le plan économique, les entreprises ont joué le jeu. Par exemple, Havas. En octobre 2010, Jacques Séguéla [vice-président de Havas, NDLR] assurait avoir trouvé un partenaire formidable en la personne de Slim Zarrouk [un gendre de Ben Ali, NDLR]. Ce qu’avoue Séguéla maintenant, c’est qu’en gros il ne le connaît pas et qu’on lui a mis dans les pattes. Autre exemple : Orange. Pour s’implanter, l’opérateur a réalisé un montage financier qui n’était pas illégal, mais, disons, baroque. On acceptait de survaloriser une des parties prenantes. Là, ce n’est pas n’importe quelle partie prenante : il s’agit d’un autre gendre, Marouane Mabrouk. Aujourd’hui, ces deux entreprises sont toujours en Tunisie et Havas a racheté la partie qui appartenait à Slim Zarrouk. En l’occurrence, le départ de Ben Ali leur a vraiment permis de s’installer, mais en même temps, il est difficile de les déloger parce qu’il y a beaucoup d’emplois à la clé.

Quel a été le rôle des médias ?

L. B. : Ils sont le reflet de ces relations. Mais il y avait une vraie stratégie de la Tunisie à leur égard. Les autorités tunisiennes avaient compris qu’il fallait se mettre la presse dans la poche. Un jour, Hervé de Charette [député de Maine-et-Loire, NDLR] nous a raconté que Ben Ali, lors de sa visite officielle à Paris, était obsédé par le traitement journalistique en France. D’où la création de l’ATCE [Agence tunisienne de la communication extérieure, NDLR], d’où ce système mis en place avec Image 7 [un cabinet de relations publiques créé par Anne Méaux, NDLR]. Ben Ali savait très bien qu’une partie de sa survie se jouait sur son image à l’étranger. Et, d’un côté, les journalistes avaient toutes les peines du monde à venir travailler en Tunisie. Il y en a qui l’ont fait et qui l’ont très bien fait, assez courageusement d’ailleurs. Et d’autres pour qui c’était plus ambigu. Il y a une journaliste d’un titre du groupe Lagardère qui, un jour, a proposé un sujet sur la Tunisie, et on lui a dit : « Mais tu sais où tu travailles ? »

On nous a raconté aussi que certains articles ont été censurés parce que ce n’était pas la ligne éditoriale. Sans compter tous les reportages sur mesure sur les droits des femmes, sur le miracle économique, préparés par Image 7. On ne sortait pas des sentiers battus. Cela a participé à cette image de carte postale. Et puis il y a eu des prises de position éditoriale très claires, comme lorsqu’un hebdomadaire a écrit « plutôt Ben Ali que les barbus ». C’est un choix qui se défend, mais à cela, il fallait ajouter aussi ce petit milieu où ce sont toujours les mêmes qui intervenaient sur la Tunisie, comme Éric Raoult, Pierre Lellouche ou encore Bertrand Delanoë.

Dans le chapitre 8, vous confirmez que les autorités tunisiennes opéraient sur le sol français. Vous avez eu accès aux archives de Botzaris, que révèlent-elles ?

M. M. : Les archives de Botzaris révèlent l’intention d’un maillage important. Les autorités tunisiennes espionnaient sur le sol français les islamistes, mais aussi les militants et les membres de l’opposition, comme lorsque Hamma Hammami est venu en 2003. Ensuite, elles établissaient des rapports.

L. B. : À n’importe quel rassemblement de l’opposition tunisienne à Paris, il y avait des flics du consulat. Et les ministres français le savaient pertinemment et laissaient faire tant qu’il n’y avait pas de perturbations. Tout ce que la France voulait éviter, c’était une affaire Ben Barka bis [opposant du régime marocain disparu en 1965, NDLR]. Il y avait une coopération policière entre les deux pays. La déclaration de Michèle Alliot-Marie n’est pas tombée du ciel. Pourquoi a-t-elle proposé, le 11 janvier, le savoir-faire français en matière de maintien de l’ordre ? Parce qu’il y a toujours eu une coopération policière entre les deux pays, sous la droite comme sous la gauche. Jean-Pierre Chevènement, quand il était ministre de l’Intérieur, parlait, lui aussi, de lutte contre l’islamisme grâce une coopération policière. Des listes de présumés terroristes étaient établies par les autorités tunisiennes et transmises à la France. Et elle les acceptait sans rechigner.

Vous terminez votre livre en parlant d’une « nouvelle indépendance », que voulez-vous dire ? Quels types de relations peuvent être désormais construites ?

M. M. : On a du mal à voir ce qui peut se mettre en place. « On n’a pas fait assez », a avoué Henri Guaino. Pour le moment, on est dans l’accompagnement verbal de la révolution. C’est le moins que l’on puisse faire. Maintenant, des gestes restent à faire, surtout qu’il y a des signaux contradictoires entre les propos d’Alain Juppé et ceux de Claude Guéant. Sur l’affaire des migrants de Lampedusa, on a réduit le montant de l’aide au retour [de 2 000 à 300 euros, NDLR] pour éviter de créer un appel d’air. Cela été mal perçu en Tunisie, surtout que ce petit pays a accueilli des milliers de réfugiés libyens.

L. B. : La France est restée un partenaire privilégié de la Tunisie, mais les rapports n’étaient pas égalitaires. La Tunisie est un pays en développement et qui dépend beaucoup des relations internationales. Avec le passé postcolonial, la France a développé l’image de carte postale un peu cliché. On a rencontré des gens qui nous disaient « la Tunisie et la France, c’est une histoire d’amour qui se finit mal ». Il faudrait peut-être développer des relations moins affectives, moins chargées de complaisance et plus égalitaires. Les Tunisiens connaissent bien la France, mais la France ne connaît pas la Tunisie.

(1) « Tunis Connection : enquête sur les réseaux franco-tunisiens sous Ben Ali », éditions Seuil, 250 p, 17,50 euros

(19 janvier 2012 – Propos recueillis par Julie Schneider)

Syrie : Bachar el-Assad a un nouveau ministre de la Défense


lundi 8 août 2011, par La Rédaction

Le président syrien Bachar el-Assad a nommé lundi un nouveau ministre de la Défense, le général Daoud Rajha, a annoncé la télévision publique syrienne. « Le président Assad a promulgué un décret nommant le général Daoud Rajha au poste de ministre de la Défense », a ajouté la télévision. Le général Rajha, âgé de 64 ans, était chef d’état-major de l’armée. Il remplace le général Ali Habib, ministre de la Défense depuis 2009. « Cette nomination entre dans le cadre de changements au plus haut niveau de l’État décidés après les rencontres qu’a tenues le président Assad avec des délégations représentant des habitants » des villes secouées par la contestation, a expliqué la télévision.
L’ancien ministre de la Défense Ali Habib « est malade depuis un certain temps et son état de santé s’est aggravé récemment », a souligné la télévision. Le régime du président Assad est secoué par une révolte populaire sans précédent depuis près de cinq mois. Mais le pouvoir n’a jamais reconnu l’ampleur de la contestation et continue d’accuser des « groupes armés » de semer le chaos pour justifier l’envoi de l’armée dans les différentes villes syriennes pour écraser la révolte.
Le recours à la force a coûté la vie à plus de 2 000 personnes, en majorité des civils, depuis le 15 mars, selon des ONG des droits de l’homme.

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Les forces syriennes tuent sept civils

Sept civils ont été tués lundi par les tirs des forces de sécurité syriennes, dont quatre à Deir ez-Zor, ville de l’est de la Syrie prise d’assaut par l’armée, a indiqué l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). « Une femme et ses deux enfants tentaient de fuir le quartier de Houaiqa à la recherche d’une zone plus calme quand ils ont été visés par une patrouille de la sécurité », a-t-il précisé en soulignant que son mari avait été blessé. Une femme âgée a été tuée par les forces de sécurité dans une autre zone de la ville. À l’aube, les forces de sécurité ont procédé à des perquisitions à Deir ez-Zor après un pilonnage de la ville aux mitrailleuses lourdes, selon des militants.
« L’armée a commencé tôt le matin à pilonner aux mitrailleuses lourdes le quartier al-Joura. Les forces de sécurité ont procédé ensuite à des perquisitions, terrorisant les habitants », a affirmé un militant sur place.
Plusieurs personnes ont été arrêtées et des motos ont été brûlées, selon lui. L’armée a envoyé dimanche ses chars à l’assaut de Deir ez-Zor, située à 430 km au nord-est de Damas, tuant 42 civils, selon les militants. En outre, « trois personnes ont été tuées à Deraa (sud) par les forces de sécurité qui ont tiré sur la foule qui participait aux obsèques d’un Syrien tué la veille dans la ville », selon l’OSDH. Selon le chef de l’OSDH Rami Abdel Rahmane, « l’un des trois tués à Deraa est le militant politique Maen Aloudat, frère de l’opposant Haitham Manna qui vit en France ».

« Il a été visé à la tête, c’est un assassinat », a-t-il ajouté. Dans le gouvernorat d’Idleb (nord-ouest), proche de la Turquie, des chars et des transports de troupes blindés ont pénétré dans la localité de Maaret al-Noumane, selon des témoins. Les forces de sécurité qui accompagnaient les blindés ont procédé ensuite à une vaste campagne d’arrestations, ont-ils dit. Selon l’ONG, « une vingtaine de chars ont été déployés lundi à l’entrée de la ville de Saraqeb » dans la région d’Idleb.
La localité de Houlé, à 20 km de Homs (centre), est « pilonnée par les chars depuis une demi-heure et les habitants commencent à fuir », a indiqué en début d’après-midi un témoin, Abou Maïmouna al-Hilawi. Les autorités y « ont coupé l’eau, l’électricité et les communications depuis le matin. Ils font des perquisitions, humilient les hommes devant leurs familles, arrêtent les jeunes de plus de 15 ans », selon ce témoin.
Dimanche matin, quelque 25 chars et transports de troupes avaient pénétré à Houlé et procédé à des opérations militaires qui ont fait dix morts, avait indiqué le chef de la Ligue arabe des droits de l’homme, Abdel Karim Rihaoui.
Près de Damas, les localités de Zamalka et Irbine sont encerclées par des agents de sécurité qui empêchent les voitures de passer. « Les communications sont coupées depuis ce matin à Zamalka », selon des habitants. Par ailleurs, des divisions de l’armée syrienne ont commencé à se retirer de la ville rebelle de Hama, a affirmé l’agence officielle Sana. « Les divisions de l’armée qui avaient pour mission de ramener le calme à Hama ont commencé à sortir de la ville. L’armée a pourchassé les groupes terroristes armés qui ont commis des actes de sabotage, divisé la ville et a arrêté un certain nombre d’entre eux », selon l’agence.

(Lundi, 08 août 2011 – Avec les agences de presse)

A Jean-Claude Lefort et ses Camarades de la Flottille de la liberté


mercredi 20 juillet 2011, par ماري ناصيف-الدبس

Lettre du PCL
A Jean-Claude Lefort et ses Camarades,

Chers Camarades et Ami(e)s,

Nous, direction et militants du Parti Communiste libanais, voudrions vous exprimer notre fierté d´avoir en vous des amis de nos peuples, mais aussi de vous dire toute notre solidarité.

Il est vrai, cher Jean-Claude, que ce n´est pas la première fois que votre solidarité se manifeste avec nous contre les batteurs des tambours de guerre, les agresseurs israéliens qui tuent nos enfants parce que l´ONU, les Etats-Unis et l´Union leur accordent l´impunité. Nous t´avons vu déjà à l´oeuvre en 2006 au Liban, quand tout notre pays était mis à feu et à sang : tu avais, alors, avec des dizaines d’autres amis français et européens, mis un peu de baume sur nos blessures.

Merci pour etre toujours là. Nous sommes fiers d´appartenir à la meme école que vous.

(Beyrouth, le 20 juillet 2011)

Pour le Parti Communiste libanais,
Marie Nassif-Debs,
Secrétaire générale adjointe
Responsable des relations internationales

Moubarak : « Je reste »


jeudi 10 février 2011, par La Rédaction

Au dix-septième jour d’une contestation sans précédent, la rue égyptienne n’a finalement pas encore eu raison du raïs. S’il a annoncé qu’il déléguait ses pouvoirs au vice-président Omar Souleiman, Hosni Moubarak garde officiellement la fonction de président. Lors d’une intervention télévisée très attendue, il s’est dit convaincu que l’honnêteté des intentions et des revendications des manifestants, pendant que des dizaines de milliers d’égyptiens place Tahrir brandissaient des chaussures pour dénoncer ses propos. Hosni Moubarak a proposé d’amender 5 articles de la constitution et assuré que l’Egypte se dirigeait jour après jour vers un transfert pacifique du pouvoir.
Hosni Moubarak, 82 ans, dirige l’Égypte depuis près de trente ans. Devenu vice-président en 1975 sous le régime d’Anouar El-Sadate, il lui succède en 1981. Allié des États-Unis, il joue le rôle de principal médiateur dans le processus de paix arabo-israélien.

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La place Tahrir survoltée après l’annonce du départ possible de Moubarak
Les manifestants de la place Tahrir au Caire étaient survoltés jeudi, après des rumeurs faisant état d’une démission imminente du président Hosni Moubarak. Les manifestants scandaient « L’armée et le peuple sont unis » ou encore « À bas Moubarak ». Alors que l’armée égyptienne a annoncé dans un communiqué examiner les « mesures » nécessaires « pour préserver la nation » et « pour appuyer les demandes légitimes du peuple », aucun mouvement de troupe n’était enregistré aux abords de la place. Les soldats se trouvant aux entrées de Tahrir n’ont pas bougé, de même que les chars déployés sur plusieurs accès de la place.
La foule continuait à affluer vers cette place devenue le symbole des manifestations réclamant, depuis plus de deux semaines, le départ de Hosni Moubarak. Sur le pont surplombant le Nil, de nombreuses voitures convergeaient vers la place, avec à leur bord des manifestants agitant des drapeaux et klaxonnant.
La CIA a jugé jeudi « fort probable » que le président Moubarak, dont des manifestants réclament depuis 16 jours le départ, quitte le pouvoir dans la soirée, a affirmé son directeur Leon Panetta lors d’une audition au Congrès. L’agence a également avancé que le vice-président Omar Souleimane allait vraisemblablement remplacer Hosni Moubarak si ce dernier démissionnait. « Compte tenu de la responsabilité des forces armées et leur engagement à protéger le peuple et préserver ses intérêts et sa sécurité, et pour veiller à la sécurité de la nation (…) et pour soutenir les demandes légitimes du peuple, le Conseil suprême des forces armées s’est réuni aujourd’hui », a indiqué un peu plus tôt cette instance dans un communiqué.

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« On y est presque, on y est presque »
Les rumeurs d’une démission imminente d’Hosni Moubarak se sont multipliées jeudi en Egypte. Le chef de l’Etat devait s’exprimer à la télévision dans la soirée mais l’armée a déjà annoncé qu’il satisferait toutes les demandes des manifestants qui exigent son départ depuis plus de deux semaines sur la place Tahrir au Caire.
Le ministre égyptien de l’Information a toutefois démenti que le président ait l’intention de démissionner, ce qui pourrait signifier qu’il compte s’arrêter à mi-chemin, par exemple en transférant tous ses pouvoirs exécutifs mais en conservant son titre.
« Tout reste entre les mains du président Hosni Moubarak et aucune décision n’a encore été prise », a déclaré jeudi soir le Premier ministre égyptien Ahmed Shafiq, selon la télévision d’Etat.
Le raïs s’est entretenu en fin d’après-midi au palais avec le vice-président nouvellement nommé Omar Souleimane pour gérer la crise, tandis que des milliers d’Egyptiens continuaient d’affluer place Tahrir en espérant que le président au pouvoir depuis près de 30 ans annoncerait sa démission. « On y est presque, on y est presque », entendait-on notamment dans la foule de plusieurs dizaines de milliers de personnes, même si certains craignaient un coup d’Etat militaire.
A Washington, le directeur de la CIA Leon Panetta a déclaré au Congrès qu’il existait d’après ses informations une « probabilité élevée » pour que Hosni Moubarak démissionne dans la journée. Le porte-parole de la Maison Blanche n’a pas confirmé cette analyse mais a dit que Barack Obama suivait attentivement la situation. « Je ne sais pas ce qui va sortir de ce qui se passe » en Egypte, a ajouté Robert Gibbs.
La contestation emmenée par des jeunes et lancée sur Internet le 25 janvier, dans le sillage du renversement du président tunisien Zine El Abidine Ben Ali par la rue à la mi-janvier, a connu une accélération avec une manifestation monstre d’au moins 250.000 personnes sur la place Tahrir mardi et l’éclatement de nombreuses grèves à travers le pays. Les revendications portent sur tous les aspects de la vie égyptienne : chômage, corruption, fossé entre riches et pauvres, salaires, conditions de travail…
Jeudi, après 17 jours de troubles, l’armée a apparemment pris le contrôle de la situation. Le Conseil suprême des forces armées a déclaré qu’il « soutenait les exigences légitimes du peuple ». Un porte-parole a lu à la télévision nationale un communiqué précisant que le Conseil était réuni en session permanente pour étudier « les mesures à prendre (…) pour protéger le pays, ses acquis et les ambitions de son grand peuple ». L’intitulé de « Communiqué Numéro Un » suggère aussi un coup d’Etat militaire.
La télévision a diffusé des images du ministre de la Défense, le général Hussein Tantaoui, présidant le Conseil suprême à une table autour de laquelle étaient assis deux douzaines d’officiers au visage grave.
L’absence d’Hosni Moubarak, chef des armées, et de son vice-président Omar Souleimane, ancien général et chef du renseignement, pourrait signifier que les deux hommes, et pas seulement le président, sont écartés du pouvoir.
« Toutes vos exigences seront satisfaites aujourd’hui », a également lancé le général Hassan al-Roueini, commandant militaire de la région du Caire, aux milliers de manifestants de la place Tahrir.
La foule enthousiaste l’a porté sur ses épaules et promené aux cris de « l’armée et le peuple, une seule main ». Certains faisaient le « V » de la victoire en lançant des « le peuple veut la fin du régime » ponctués d’ »Allah est grand ». Mais des manifestants ont aussi crié « civil n’est pas militaire » pour rappeler qu’ils ne voulaient plus d’un régime militaire.
Le chef du Parti national démocratique (PND) d’Hosni Moubarak, Hossam Badraoui, a également déclaré à l’Associated Press s’attendre à ce que le chef de l’Etat « satisfasse les exigences des manifestants » dans son intervention prévue dans la soirée.
Depuis mercredi, des manifestants encerclent le Parlement et, jeudi, pour la première fois, des centaines d’avocats en robe ont franchi le cordon de police pour marcher sur l’un des palais présidentiels -où ne se trouvait pas le chef de l’Etat.

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L’armée prend l’initiative au Caire
Le Conseil supérieur des forces armées égyptiennes s’est réuni au Caire et a décidé de siéger en permanence pour « répondre aux demandes » des manifestants qui réclament depuis le 25 janvier le départ du président Hosni Moubarak.
Place Tahrir, épicentre de la contestation dans le centre du Caire, un officier supérieur, Hassan al Roweny, a déclaré aux manifestants que tout ce qu’ils souhaitaient allait « se réaliser. » Il a été acclamé aux cris de « Le régime est tombé ! », a rapporté un journaliste de Reuters sur place.
Le Premier ministre égyptien Ahmed Chafik a déclaré pour sa part à la BBC que le président Moubarak pourrait démissionner.
Mais à la télévision égyptienne, il a tenu a préciser que le raïs était toujours en poste et conservait tous ses pouvoirs, ajoutant que le dialogue national se poursuivait. La situation sera rapidement clarifiée, a ajouté le chef du gouvernement.
D’après NBC, Moubarak démissionnerait dans la soirée.
La chaîne de télévision américaine CNN rapporte pour sa part que le raïs va renoncer à ses fonctions de chef des forces armées.
Il ne figure d’ailleurs pas au sein du Conseil supérieur, qui est présidé par le ministre de la Défense Mohamed Hussein Tantaoui. Le vice-président Omar Souleimane ne fait pas non plus partie du Conseil, précise la télévision publique égyptienne.

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La CIA juge « fort probable » que Moubarak démissionne jeudi soir
La CIA a jugé jeudi « fort probable » que le président égyptien Hosni Moubarak, dont des manifestants réclament depuis 16 jours le départ, quitte le pouvoir dans la soirée, a affirmé son directeur Leon Panetta lors d’une audition au Congrès.
Au Caire, l’ambiance était survoltée jeudi parmi les manifestants de la place Tahrir, après l’annonce que l’armée voulait appuyer les « demandes légitimes du peuple », et aucun mouvement de troupes n’était enregistré aux abords, ont constaté des journalistes de l’AFP.

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Moubarak, un départ imminent ?
Le président Hosni Moubarak s’apprêterait à céder aux revendications du peuple égyptien qui, depuis seize jours, exige son départ. Plusieurs hauts responsables égyptiens ainsi que la CIA ont déclaré, jeudi après-midi, qu’il était « probable » que le président démissionne dans la soirée.
Le Premier ministre égyptien Ahmed Chafik a ainsi déclaré à la BBC que le président Hosni Moubarak pourrait démissionner. La situation sera rapidement clarifiée, a ajouté le chef du gouvernement. Peu avant, c’est le secrétaire général du parti au pouvoir, Hossam Badrawi, qui avait affirmé à la BBC que Moubarak pourrait « répondre aux revendications du peuple » d’ici vendredi. « Je m’attends à ce que le président réponde aux revendications du peuple parce que ce qui lui importe à la fin, c’est la stabilité du pays, le poste ne lui importe pas actuellement », a-t-il déclaré. Interrogé sur une éventuelle apparition du président Moubarak vendredi pour annoncer une décision à ce sujet, le secrétaire général du parti a indiqué : « Cela pourrait être avant cela. »
Un responsable du gouvernement a déclaré, pour sa part, que la décision sur le départ ou le maintien du président Hosni Moubarak était attendue dans les prochaines heures. Prié de dire si le raïs allait démissionner, le responsable égyptien a répondu : « Très probablement. » Enfin, le directeur de la CIA, Leon Panetta, a déclaré devant le congrès juger « fort probable » que Hosni Moubarak démissionne jeudi soir.
L’armée égyptienne a annoncé jeudi dans un communiqué examiner les « mesures » nécessaires « pour préserver la nation » et « pour appuyer les demandes légitimes du peuple ».
Le Conseil suprême des forces armées a déclaré dans un communiqué qu’il s’était réuni « pour examiner les mesures à prendre pour préserver la nation ». Compte tenu de la responsabilité des forces armées et leur engagement à protéger le peuple et préserver ses intérêts et sa sécurité, et pour veiller à la sécurité de la nation et des citoyens et aux acquis du grand peuple égyptien, et pour soutenir les demandes légitimes du peuple, le Conseil suprême des forces armées s’est réuni aujourd’hui, jeudi 10 février », poursuit le communiqué. Le Conseil a ajouté qu’il s’était réuni « pour examiner les développements de la situation jusqu’à ce jour » et qu’il avait décidé de « continuer à rester réuni », a affirmé un militaire lisant un communiqué à la télévision.
Place Tahrir, au Caire, où les manifestants s’étaient rassemblés par milliers pour une 17e journée de contestation, l’annonce a été accueillie dans une ambiance survoltée.

(Jeudi, 10 février 2011 – Avec les agences de presse)

Pétition
Non au terrorisme de l’Etat d’Israël

Rubriques

Abou El-Ela : « Si nous ne mourons pas ici, nous mourrons en prison. Je préfère mourir ici »


jeudi 10 février 2011, par La Rédaction

Les manifestants toujours fortement mobilisés place Tahrir
Les manifestants exigeant le départ du président égyptien Hosni Moubarak restaient fortement mobilisés jeudi place Tahrir au Caire, malgré la menace du pouvoir de faire intervenir l’armée en cas de « chaos ».
Dès le petit matin, les protestataires scandaient « Le peuple veut faire tomber le régime », leitmotiv de la contestation sans précédent contre M. Moubarak, au pouvoir depuis près de 30 ans.
« Alaa (fils aîné du président), dis à papa qu’un quart de siècle, ça suffit ! », criaient-ils aussi. Beaucoup portaient des photos de « martyrs » tombés lors des violences qui ont fait environ 300 morts selon l’ONU et Human Rights Watch depuis le début du mouvement.
De nouvelles tentes ont été installées sur cette place située au centre du Caire, devenue le symbole du soulèvement déclenché le 25 janvier et occupée jour et nuit depuis le 28 janvier par les manifestants, a constaté un photographe de l’AFP.
Des tanks de l’armée étaient toujours en position près du Musée égyptien, qui jouxte la place.
Des centaines de manifestants avaient encerclé mercredi le Parlement et le siège du gouvernement au Caire, situés face à face. Des protestataires ont passé la nuit sur les deux bords de la chaussée menant au Parlement, sous des tentes en plastique.
Jeudi, les deux entrées de la route menant au Parlement étaient bloquées.
« Non à (Omar) Souleimane (le vice-président) !, « Non aux agents américains », « Non aux espions israéliens », « A bas Moubarak », scandaient-ils.
« Si nous ne mourons pas ici, nous mourrons en prison. Je préfère mourir ici », affirme à l’AFP Attiya Abou El-Ela, un diplômé de 24 ans au chômage. Mardi, durcissant le ton à l’égard des manifestants, le ministre des Affaires étrangères Ahmed Aboul Gheit a prévenu que l’armée interviendrait « en cas de chaos pour reprendre les choses en main ».

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Le pouvoir brandit la menace de l’armée, la révolte s’étend
Le pouvoir contesté du président Hosni Moubarak a averti mercredi que l’armée interviendrait en cas de « chaos » en Egypte, où les manifestations massives ont gagné de grandes villes et des violences sanglantes ont touché le sud reculé.
Maintenant la pression, la Maison Blanche a estimé que la poursuite de la mobilisation populaire montrait que les réformes politiques n’étaient encore pas suffisantes, alors que le département d’Etat a encouragé l’armée égyptienne à continuer à faire preuve de modération.
Au 16e jour de la révolte, sur la place Tahrir au Caire, symbole du mouvement de contestation qui ne s’essoufle pas, des dizaines de milliers de manifestants ont encore réclamé le départ de M. Moubarak, qui a gouverné l’Egypte d’une main de fer pendant près de 30 ans.
Les protestations ont touché une ville à 400 km au sud du Caire, El Kharga, où cinq personnes, blessées la veille dans des heurts entre manifestants et policiers qui ont fait usage de balles réelles, ont succombé mercredi, selon des sources médicales. Il y a aussi eu une centaine de blessés.
A la contestation politique se sont ajoutés plusieurs mouvements sociaux portant sur les salaires ou les conditions de travail, dans les arsenaux de Port-Saïd (nord-est), dans plusieurs sociétés privées travaillant sur le canal de Suez (est) ou encore à l’aéroport du Caire.
Durcissant le ton à l’égard des manifestants qui ont rejeté toutes les mesures d’apaisement du régime, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, a prévenu que l’armée interviendrait « en cas de chaos pour reprendre les choses en main ».
« Si cela arrive (…), les forces armées se verront obligées de défendre la Constitution et la sécurité nationale de l’Egypte. Nous serons dans une situation très dangereuse », a-t-il dit, selon l’agence officielle Mena qui reprenait une interview accordée par le ministre à la chaîne Al-Arabiya.
M. Aboul Gheit a aussi accusé les Etats-Unis, un allié de l’Egypte, de chercher à « imposer » leur volonté à l’Egypte par leur exigence de réformes immédiates, dans un entretien à la chaîne américaine PBS.
Déjà mardi, le vice-président Omar Souleimane avait averti qu’une fin immédiate du régime « signifierait le chaos ».
Les propos de M. Souleimane ont été dénoncés par l’opposition, dont les Frères musulmans, bête noire du régime. « Il s’agit d’une menace inacceptable aux yeux du peuple égyptien », a affirmé un responsable de la confrérie. Les manifestations « continueront quelles que soient les menaces ».
L’armée, épine dorsale du régime, a été appelée le 28 janvier en renfort de la police, en particulier pour faire respecter le couvre-feu instauré au Caire, à Alexandrie (nord) et Suez (est) de 20H00 (18H00 GMT) à 6H00 (4H00 GMT). Présente autour de la place Tahrir, elle n’est pas intervenue pour faire partir les milliers de manifestants anti-Moubarak qui s’y sont installés jour et nuit.
Les manifestants refusent d’ailleurs de lâcher prise, exigeant toujours le départ immédiat de M. Moubarak, 82 ans, qui a promis de s’effacer à la fin de son mandat en septembre et formé une commission pour amender des articles contestés de la Constitution, liés à la présidentielle.
« Je n’ai pas peur, j’ai déjà vu la mort », a assuré Ahmad Talal, un étudiant de 25 ans, parmi une foule dense agitant des drapeaux égyptiens place Tahrir. « Je ne crains pas les paroles ou les menaces de Souleimane, parce que nous sommes là pour gagner notre liberté et celle de notre pays ».
Non loin de là, des centaines de manifestants ont encerclé le Parlement et le siège du gouvernement au Caire, situés l’un en face de l’autre. Les deux bâtiments étaient protégés par des blindés et le Conseil des ministres a dû se tenir dans un autre lieu.
Les manifestants anti-gouvernementaux ont été galvanisés par la foule monstre rassemblée la veille place Tahrir, où, selon des photographes de l’AFP, le nombre des protestataires a été le plus important depuis le début de la contestation.
La révolte a aussi touché la ville d’Assiout, au sud du Caire, où des manifestants anti-Moubarak ont bloqué une voie de chemin de fer et coupé une autoroute reliant le nord et le sud du pays à l’aide de pneus brûlés.
Des manifestants ont également saccagé un bâtiment officiel dans la ville de Port Saïd (nord-est), à l’entrée méditerranéenne du canal de Suez.
Parallèlement, la vie a continué de reprendre son cours au Caire, où la plupart des commerces avaient rouvert.
Mais le nouveau ministre égyptien de la Culture, Gaber Asfour, a annoncé sa démission, en invoquant des « raisons médicales ».
Depuis le 3 février, les manifestations se déroulent le plus souvent dans le calme et l’armée n’est intervenue contre les protestataires. Des heurts entre policiers et manifestants les premiers jours, puis entre pro et anti Moubarak le 2 février, ont cependant fait près de 300 morts, selon l’ONU et Human Rights Watch, ainsi que des milliers de blessés.

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Le gouvernement égyptien rejette les conseils américains
Le gouvernement égyptien a dénoncé mercredi ce qu’il a qualifié de tentatives américaines « d’imposer » la volonté des Etats-Unis à un allié fidèle et a fait valoir que des réformes rapides seraient trop risquées.
Tandis qu’au Caire des manifestants hostiles au président Hosni Moubarak renforçaient un nouveau campement autour du bâtiment abritant le Parlement, la Maison blanche a réaffirmé que les ministres égyptiens doivent faire davantage pour répondre aux revendications des manifestants qui réclament le départ immédiat de Moubarak et des réformes radicales.
Interrogé par la chaîne publique américaine PBS, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit s’est déclaré « stupéfait » par les propos du vice-président américain Joe Biden, qui a réclamé mardi la levée immédiate de l’état d’urgence, depuis longtemps utilisé par Moubarak pour réprimer l’opposition.
Depuis le début des manifestations en Egypte, en partie inspirées par le soulèvement qui a renversé en Tunisie l’ancien président Ben Ali, l’administration américaine a hésité entre le soutien à un allié dans le conflit qui oppose Washington à l’islamisme radical et l’appui aux revendications en faveur de la démocratie.
Elle s’est abstenue de soutenir les appels à un départ immédiat de Moubarak qui a annoncé la semaine dernière qu’il se retirerait en septembre, à l’issue de l’élection présidentielle.
Mais des responsables américains se sont dans le même temps impatientés face à la lenteur des réformes, soutenant les manifestants en demandant un changement immédiat et concret.
Robert Gibbs, porte-parole de la Maison blanche, a déclaré que les rangs des manifestants continuaient de grossir en Egypte et que le gouvernement de Moubarak devait prendre des mesures « réelles et concrètes » pour leur donner satisfaction.
« Ce que vous voyez dans les rues du Caire n’est vraiment pas surprenant lorsque vous voyez l’absence de mesures prises par leur gouvernement pour répondre à leurs préoccupations », a dit Gibbs.
Au lendemain du plus important rassemblement enregistré jusqu’ici dans la capitale, la place Tahrir, point de ralliement de l’opposition, était toujours pleine de monde.
« Nous mettons la pression sur eux progressivement et, au bout du compte, ils tomberont », prédit Karam Mohamed, originaire de la province de Beheira, dans le delta du Nil, assurant que la vague de protestation, qui a fait 300 morts et des milliers de blessés, s’amplifie.
Dans la capitale, les organisateurs de la mobilisation ont fait part de leur projet de marcher vendredi sur l’immeuble de la radio et télévision d’Etat, porte-voix du régime. « Je pense qu’il y aura foule devant le bâtiment. Le président Moubarak tombera bientôt, dans trois ou quatre jours, je pense », a prédit Mohamed Sadik, un ingénieur cairote. Des centaines d’autres manifestants ont consolidé un nouveau campement devant le Parlement. Sur la grille principale du bâtiment, ils ont accroché une pancarte proclament : « Fermé jusqu’à la chute du régime ».
Le bureau du nouveau Premier ministre, Ahmed Chafik, se trouve à proximité. Il a rencontré mercredi des hommes d’affaires et leur a dit qu’il continuait de rechercher des investissements étrangers pour stimuler l’économie.
« Mais notre priorité immédiate est maintenant de surmonter cette crise avec le moins de dégâts possible », a dit son porte-parole, Magdy Rady.
Selon des analystes du Crédit Agricole, la crise coûte 310 millions de dollars par jour à l’Egypte.
Le Canal de Suez, ressource vitale pour le pays, a fait état d’une baisse de revenus de 1,6% en janvier par rapport à décembre. Mais les revenus restent en hausse par rapport à janvier 2010 et les autorités affirment que les opérations ne sont pas affectées par les troubles.
Quatre personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées par balles mardi et mercredi lors d’affrontements entre les forces de sécurité et environ 3.000 manifestants dans le gouvernorat de la Nouvelle Vallée, à 500 km au sud du Caire.
Il semble s’agir des heurts les plus graves avec les forces de sécurité depuis le 28 janvier, date à laquelle la police a pratiquement disparu des rues après une sanglante répression de manifestations.
La semaine dernière, l’attaque de manifestants par des partisans de Moubarak en civil avait aussi causé une effusion de sang au Caire.
L’Etat islamique d’Irak (ISI, branche irakienne d’Al Qaïda) a reproché au gouvernement égyptien de ne pas appliquer une stricte loi islamique et a affirmé qu’il vaut mieux pour les musulmans mourir en combattant leur gouvernement que de vivre sous ce régime.
Réagissant à des propos du vice-président égyptien Omar Souleimane, qui a dit mardi que des activistes liés à Al Qaïda s’étaient évadés de prison par milliers depuis le 28 janvier, ISI a invité les musulmans égyptiens à libérer tous les prisonniers.
On dispose de peu de précisions sur les liens entre l’ISI et les activistes égyptiens et sur l’étendue de son influence, mais certains analystes disent que le groupe pourrait être à l’origine du meurtrier attentat du mois dernier contre une église copte égyptienne.
Les Frères musulmans, mouvement islamiste égyptien, ont renoncé il y a plusieurs décennies à la violence comme moyen d’obtenir un changement politique et ils ont prévenu que tout effort pour tenter de contrer leur influence risquait d’entraîner une radicalisation de leurs idées.

(Jeudi, 10 février 2011 – Avec les agences de presse)

L’Arabie saoudite interdit à Ben Ali « toute activité » en lien avec la Tunisie


mercredi 19 janvier 2011, par La Rédaction

Le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud Al-Fayçal a affirmé mercredi que le président tunisien déchu Zine el-Abidine Ben Ali, réfugié dans le royaume, y était « interdit de toute activité » contre son pays. Il s’agit de la première déclaration officielle sur la venue de M. Ben Ali en Arabie saoudite. Son accueil « ne peut conduire à une quelconque activité (de la part de l’ancien président) en Tunisie depuis le territoire saoudien », a affirmé le prince Saoud dans un entretien avec la télévision d’État saoudienne. La présence de M. Ben Ali dans le royaume s’accompagne « de conditions et de restrictions. Aucune action ne sera autorisée (contre la Tunisie) », a ajouté le chef de la diplomatie saoudienne, dont les propos sont rapportés par l’agence officielle SPA.
Chassé du pouvoir sous la pression de la rue après 23 ans à la tête de l’État, le président déchu était arrivé dans la nuit de vendredi à samedi à Jeddah (ouest), sur la mer Rouge, où il a trouvé refuge en compagnie de membres de sa famille. « Son accueil répond à une tradition arabe : accorder la protection à celui qui la demande », a déclaré le prince Saoud. « Le royaume a agi selon une politique suivie depuis longtemps. Je ne crois pas que cela nuise au peuple tunisien et à sa volonté, comme cela ne représente pas une ingérence dans les affaires internes » de la Tunisie, a-t-il encore dit. Il a assuré que l’Arabie saoudite se tenait « aux côtés du peuple tunisien » auquel il a souhaité « la stabilité, le développement, la prospérité et la liberté auxquels il aspire ».
Le cabinet royal saoudien avait annoncé dans un communiqué laconique dans la nuit de vendredi à samedi avoir « accueilli le président Zine el-Abidine Ben Ali et sa famille dans le royaume (…) en considération pour les circonstances exceptionnelles que traverse le peuple tunisien ». Les autorités saoudiennes avaient maintenu un black-out total sur le séjour dans le royaume du président tunisien déchu depuis son arrivée. M. Ben Ali, 74 ans, a été définitivement écarté samedi du pouvoir en Tunisie, où le Conseil constitutionnel a déclaré la vacance du pouvoir et nommé le président du Parlement, Fouad Mebezaâ, au poste de président par intérim. Dans les premières informations dans les médias saoudiens sur la présence de M. Ben Ali, le site internet Sabq.org a affirmé mercredi que le dirigeant libyen Mouammar « Kadhafi a proposé à Ben Ali de l’accueillir en Libye, mais (le président déchu) a préféré être loin du Maghreb ».
Citant « un proche de Ben Ali » dont il ne précise pas l’identité, le site affirme que le président déchu a demandé l’asile à plusieurs monarchies du Golfe « mais seule l’Arabie saoudite a accepté » de l’accueillir. Toujours selon le site, M. Ben Ali « se porte bien » et « n’a aucunement l’intention de revenir en Tunisie ». L’Arabie saoudite a déjà accueilli des dirigeants en exil, notamment l’ancien dictateur ougandais Idi Amin Dada et l’ancien Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif.

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Les violences ont fait plus de 100 morts

Plus de cent personnes ont été tuées dans des violences en Tunisie au cours des cinq dernières semaines, selon des informations compilées par l’ONU sur place, a indiqué, mercredi, la Haut commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, Navy Pillay.
« Mon bureau a reçu des informations concernant plus de cent décès au cours des cinq dernières semaines, résultant de tirs ainsi que de suicides de protestation et des émeutes dans les prisons durant le week-end », a expliqué Mme Pillay lors d’un point de presse. Selon les chiffres officiels tunisiens, ce dernier mois d’émeutes populaires qui a balayé le régime autocratique du président Zine el-Abidine Ben Ali a fait 78 tués et 94 blessés.

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La fortune de Ben Ali sous étroite surveillance

L’ex-président Ben Ali, réfugié en Arabie saoudite, voit ses agissements et ses biens de plus en plus contrôlés, tant en Tunisie que par la communauté internationale.

La Tunisie ouvre une enquête judiciaire
Mercredi 19 janvier, une enquête judiciaire pour « acquisition illégale de biens mobiliers et immobiliers », « placements financiers illicites à l’étranger » et « exportation illégale de devises »a été ouverte contre le président déchu et sa famille.
Elle vise nommément l’ancien chef d’Etat, sa femme, Leila Trabelsi, « les frères et gendres de Leila Trabelsi, les fils et les filles de ses frères », selon l’agence officielle TAP citant une « source autorisée ». Le clan Ben Ali-Trabelsi est accusé d’avoir mis en coupe réglée le pays depuis 23 ans.

La Suisse bloque d’éventuels fonds
Après que la France a annoncé qu’elle avait saisi Tracfin pour surveiller tout mouvement de fond suspects, la Suisse a aussi décidé, mercredi, de bloquer, avec effet immédiat, d’éventuels fonds illégaux appartenant au président tunisien déchu et à son entourage.
Le gouvernement helvétique a également décidé « de bloquer les biens de ces personnes en Suisse », a précisé la présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey, expliquant : « Par ces mesures, nous désirons éviter tout risque de détournements de ces fonds avant que leur origine soit clairement déterminée. »
« On sait que les membres de l’entourage de M. Ben Ali, qui détenaient des positions dominantes dans l’économie et la finance, ont fait un certain nombre de voyages en Suisse ces derniers mois », a argumenté Mme Calmy-Rey qui occupe également le poste de ministre des affaires étrangères. « Or, de tels voyages peuvent être utilisés pour des transactions financières et des dépôts d’avoirs dans des établissements bancaires suisses. »

L’Arabie saoudite restreint les actions de Ben Ali
De son côté, le ministre des affaires étrangères saoudien, Saoud Al-Fayçal, a affirmé mercredi que le président tunisien déchu, réfugié dans le royaume depuis sa fuite vendredi sous la pression de la rue, y était « interdit de toute activité » contre son pays. La présence de M. Ben Ali dans le royaume s’accompagne « de conditions et de restrictions. Aucune action ne sera autorisée [contre la Tunisie] », a-t-il affirmé dans un entretien avec la télévision d’Etat saoudienne.
« Le royaume a agi selon une politique suivie depuis longtemps. Je ne crois pas que cela nuise au peuple tunisien et à sa volonté, comme cela ne représente pas une ingérence dans les affaires internes » de la Tunisie, a ajouté. Il a assuré que l’Arabie saoudite se tenait « aux côtés du peuple tunisien » auquel il a souhaité « la stabilité, le développement, la prospérité et la liberté auxquels il aspire ». Selon un bilan de l’ONU, plus de 100 personnes ont été tuées pendant les émeutes au cours des cinq dernières semaines.

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Ouverture d’une enquête judiciaire contre le président Ben Ali et son entourage

Une enquête judiciaire a été ouverte par la justice tunisienne à l’endroit du président déchu Zine el Abidine ben Ali et son entourage pour acquisition illégale de biens mobiliers et immobiliers et placement financiers illicites à l’étranger, a rapporté mercredi l’agence officielle tunisienne TAP.
L’enquête porte également sur la possession de comptes bancaires à l’étranger ainsi que l’exportation illégale de devises.
Elle concerne, outre Zine el Abidine ben Ali, son épouse Leila Trabelsi, les gendres du président déchu Belhassen Trabelsi et Mohamed Sakhr Materi, ainsi que les autres frères et gendres de l’ex-première dame de Tunisie, les enfants de ses frères et soeurs, et tous ceux dont l’enquête prouvera leur implication dans ces délits.

Le parti islamique Ennahda sort de la clandestinité

Il y a des habitudes difficiles à perdre, comme celle qui consiste à jeter des coups d’oeil par-dessus son épaule pour voir si l’on est suivi. Un bonnet bleu enfoncé sur le crâne, Ajmi Lourimi, chef du mouvement étudiant islamiste à la faculté des sciences humaines et sociales de Tunis à la fin des années 1980, n’échappe pas à la règle. Entre le 6 avril 1991, jour de son arrestation, et le 27 mai 2007, date de sa libération, il a passé seize années et demie en prison. Mais aujourd’hui, mardi 18 janvier, il peut s’afficher comme il l’entend. Son parti, Ennahda, sort de la clandestinité.
La chute de l’ancien président Zine El-Abidine Ben Ali marque la fin d’une répression féroce contre ses militants. Le régime s’est constamment présenté au monde occidental comme un rempart contre « la menace islamiste ».
Alors, comme d’autres, Ajmi Lourimi, 48 ans, le regard clair au-dessus d’une courte barbe, a été pris de court par une fin de règne aussi soudaine qu’inespérée. « Je n’étais pas sûr, s’excuse-t-il presque. Nous savions tous que le problème social était une bombe à retardement, mais nous ignorions quand elle allait éclater. »
Il faut tout reconstruire dans l’urgence. Un gouvernement provisoire est en train de se former, à charge, pour ce dernier, de gérer les affaires jusqu’aux élections présidentielle et législatives, dans six mois. Or, le chef d’Ennahda (Renaissance), Rached Ghannouchi, 70 ans, vit en exil à Londres depuis plus de vingt ans et le parti n’a plus ni journal ni même de local après sa fermeture en 1991. Impossible même de savoir ce qu’il représente en nombre de sympathisants.
Lundi 17 janvier, Hamadi Jebari, son nouveau secrétaire général et porte-parole, a discrètement rencontré le premier ministre Mohammed Ghannouchi (un homonyme sans lien de parenté avec Rached), hier encore membre du bureau politique du parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), qui pourchassait les islamistes. Les deux hommes ont discuté d’une loi d’amnistie qui permettrait à des dizaines de cadres d’Ennahda et à son chef, condamné à mort par Habib Bourguiba, « le père de l’indépendance », puis gracié par l’ancien président Ben Ali, de rentrer en Tunisie.
« Nous ne voulons pas d’un retour à la Khomeyni », s’empresse de préciser Ajmi Lourimi, en référence à l’arrivée triomphale de l’ayatollah en 1979, à Téhéran, après la chute du chah d’Iran. Les conditions de sécurité sont loin d’être remplies à Tunis où se trouvent encore de nombreuses forces de police fidèles à M. Ben Ali. « Il peut y avoir une contre-révolution », s’alarme le cadre dirigeant du parti islamiste.
Surtout, Ennahda ne peut pas se permettre de donner le sentiment de détourner un mouvement auquel il a peu contribué, mais qu’il a analysé avec soin. « Ce n’était pas une révolte de personnes affamées », souligne Hama Ben Slama, enseignante de littérature arabe et syndicaliste. Plutôt « une Intifada, un soulèvement, la révolution de la dignité », selon la définition qu’en donne son mari, Ajmi Lourimi. « Le régime de Ben Ali a été un exemple de régime policier. Aujourd’hui, s’amuse-t-il, la révolution tunisienne est un exemple pour tout le monde. »
La présence remarquée en début de cortège, mardi, à Tunis, de Sadok Chourou, l’un des dirigeants du parti, ne change rien à ce constat : les islamistes, bien que présents dans les manifestations, ont raté le mouvement qui a conduit à la fuite de M. Ben Ali. Etroitement surveillées par le pouvoir, les mosquées n’étaient pas des foyers de tension. « Toutes, sans exception, étaient pro-Ben Ali », tranche Ajmi Lourimi. « On y lisait des discours pas différents de ceux du RCD, ironise-t-il. Quand on sortait, on ne se précipitait pas pour aller aux manifs. »
Affaiblie, Ennahda compte bien reprendre pied dans la société, mais elle le fait à sa manière, prudente. « Nous sommes un mouvement centriste, modéré et pacifique, insiste Ajmi Lourimi, encore étudiant en troisième cycle de philosophie. Nous ne représentons pas une menace, mais nous serons une opposition. » Les militants ont été encouragés par la direction d’Ennahda à participer le plus possible aux comités de vigilance qui réunissent, chaque soir, des jeunes et des voisins, pour défendre leur quartier contre les milices de l’ancien président. ( Isabelle Mandraud – Le Monde )

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WikiLeaks : La « Tunisie n’est pas une dictature… »

La « Tunisie n’est pas une dictature… » La phrase figure en sous-titre d’un télégramme diplomatique de l’ambassade des Etats-Unis, daté du 14 août 2007, obtenu par WikiLeaks et révélé par Le Monde. Les mots sont ceux de Serge Degallaix, ambassadeur de France en Tunisie de juillet 2005 à septembre 2009.
Le 10 et le 11 juillet, Nicolas Sarkozy, élu président de la République en mai, est à Tunis. Il rencontre le président Zine El-Abidine Ben Ali et parle de la Tunisie « en cheminement vers la démocratie ». Un mois plus tard, l’ambassadeur des Etats-Unis, Robert F. Godec, invite son collègue français à déjeuner pour commenter cette visite. Le télégramme diplomatique est un compte rendu de leur rencontre.
Le séjour de M. Sarkozy a été « excellent », confirme M. Degallaix avant d’ajouter qu’ »un changement de la politique française en Tunisie est peu probable, mais que des ajustements sont possibles à cause de l’énergie du président et de son pragmatisme ».
Puis les deux hommes abordent l’annonce de la grâce présidentielle accordée à un avocat, Mohammed Abbou, condamné à trois ans et demi de prison pour « publication d’écrits de nature à troubler l’ordre public (…) et diffusion de fausses nouvelles ». Me Abbou avait eu le tort de publier un article sur Internet dans lequel il comparait la pratique de la torture en Tunisie aux sévices imposés par les Américains en Irak.
La France est satisfaite de la grâce dont bénéficie l’avocat même si, « insiste » M. Degallaix, « Abbou n’est pas un ami de l’Ouest ». Pour porter ce jugement, l’ambassadeur français se base sur des écrits dans lesquels l’avocat tunisien se serait réjoui de voir des djihadistes partir pour l’Irak. « Abbou (qui a des contacts avec les Américains) a nié avoir jamais tenu de tels propos », nuance le compte rendu de l’entretien.
Lorsqu’il évoque le régime politique, le diplomate français est indulgent. « La Tunisie n’est pas une dictature et ses leaders sont vraiment à l’écoute du peuple. (Le gouvernement) fait des progrès sur les droits de l’homme et la liberté, même s’ils sont lents. » »Il pourrait mieux faire », convient M. Degallaix.
L’ambassadeur français est conscient que la Tunisie est touchée par la corruption mais « moins que dans d’autres pays ». « Il ne croit pas que Ben Ali soit conscient de l’ampleur du problème « , dit le mémorandum.
Contacté par Le Monde, M. Degallaix a précisé que son jugement sur la nature du régime faisait référence à la liberté de mouvement à l’intérieur du pays et à celle dont bénéficiaient les Tunisiens pour s’habiller. (Jean-Pierre Tuquoi – Le monde)

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Le gouvernement reporte sa première réunion

Le gouvernement d’union nationale tunisien devait se réunir pour la première fois, mercredi 19 janvier, alors qu’il traverse déjà une crise grave : quatre ministres d’opposition demandant un rupture complète avec le régime de Ben Ali ont quitté le gouvernement pour dénoncer la présence dans ses rangs de membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), parti du président déchu. Las, Nejib Chebbi, le ministre du développement rural, a finalement précisé que la réunion aurait lieu jeudi.
« Le point le plus important qui sera abordé », selon une autre source gouvernementale interrogée par l’AFP, sera « le projet d’amnistie générale ». Sera également évoquée l’application du principe de la séparation de l’Etat avec le RCD.
Le premier ministre, Mohammed Ghannouchi, a été reconduit pour former le gouvernement de transition, dont les ministères régaliens de la défense, des affaires étrangères, de l’intérieur et des finances n’ont pas changé de main.
Le RCD a indiqué, mardi, avoir radié de ses rangs Ben Ali et six de ses collaborateurs. Le président tunisien par intérim, Foued Mebazaa, et le premier ministre ont également renoncé à leurs fonctions au sein du RCD quelques heures plus tard.
L’Union générale tunisienne du travail (UGTT) a annoncé la démission de ses trois représentants. L’opposant Mustafa Ben Jaafar, du Forum démocratique pour le travail et les libertés, nommé à la santé, a suivi le mouvement peu après. Ben Jaafar a laissé entendre que cela pourrait le conduire à réintégrer le gouvernement, mais l’UGTT a fait savoir que cela ne changerait pas sa décision.
Mardi, la police a de nouveau fait usage de gaz lacrymogène dans le centre de Tunis pour disperser une manifestation de centaines de partisans de l’opposition et de syndicalistes qualifiant de « mascarade » le nouveau gouvernement. Plusieurs centaines de personnes ont également manifesté à Monastir.
A Sousse et Tataouine, des manifestants ont escaladé la façade des sièges du RCD pour ôter et détruire les drapeaux et symboles du parti. Les protestataires étaient cependant moins nombreux que les jours précédents.

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Les obstacles à une contagion de la contestation au Maghreb

Depuis la fuite du président Zine El-Abidine Ben Ali, chassé de son pays par la rue, les utilisateurs marocains de Facebook ont remplacé leur profil par un drapeau tunisien. « Car ce qui s’est passé en Tunisie, c’est de l’actualité marocaine », explique l’un d’entre eux.
Les Marocains ne sont pas les seuls à se sentir concernés. En Algérie également, au sein de la communauté des « facebookers », le drapeau tunisien est omniprésent, comme un signe de ralliement de la jeunesse. Avec, depuis les premiers pas de la démocratie, un mot d’ordre sur les réseaux sociaux : « Il faut aller passer ses vacances en Tunisie. » Non pas pour récupérer la recette d’une révolution victorieuse mais, plus prosaïquement, pour aider au redémarrage d’un pilier de l’économie tunisienne.
L’emballement des sites sociaux contraste avec la frilosité des médias officiels. En Algérie, la fuite du chef de l’Etat tunisien a été rendue publique par la télévision nationale de façon détournée, par l’annonce de la nomination – qui n’allait durer que quelques heures – du premier ministre, Mohammed Ghannouchi au poste de chef de l’Etat. Encore la nouvelle n’a-t-elle pas fait la « une » du journal télévisé. Et elle a été traitée avec une brièveté qui a laissé pantois les Algériens. Ils se sont reportés sur la chaîne qatarie Al-Jazira.
« Nos responsables ont volontairement raté un événement historique », accuse un journaliste.
Comportement identique de l’autre côté de la frontière, au Maroc. Alors qu’une chaîne, Medi 1 TV, se targue d’être la « chaîne de l’information » du Maghreb, sa couverture de la « révolution du jasmin » a été minimaliste alors que rien ne lui avait échappé de la révolte des jeunes en Algérie en décembre. Tirant le bilan de vingt-trois années de « bénalisme », Medi 1 TV a retenu de Ben Ali qu’il a « incarné la stabilité, l’émancipation de la femme ou encore une politique sociale basée sur la solidarité. Mais, précise la chaîne sur son site Internet, ces avancées s’accompagnent d’un ton ferme vis-à-vis de l’opposition ou encore d’une marge étroite pour les libertés ».
Ce mode de traitement de l’éruption de la démocratie dans le monde arabe donne la mesure de la crainte d’une contagion. Les dirigeants des pays arabes le savent : les ferments qui expliquent le changement soudain de régime à Tunis se retrouvent alentour.
Tous les ingrédients y sont, à commencer par la jeunesse de la population. En Tunisie, où elle a constitué le fer de lance de la révolte, les moins de 18 ans représentent 30 % de la population. En Algérie comme au Maroc, la proportion est encore plus élevée : un habitant sur trois est âgé de 18 ans ou moins (34 %). Le chômage des jeunes, en particulier des jeunes diplômés, est une autre plaie commune aux pays de la région. En Tunisie, près du tiers des jeunes est sans travail. Au Maroc, le chiffre est de 18 %. En Algérie, trois personnes sans emploi sur quatre ont moins de 30 ans.
La croissance économique est partout insuffisante ; et l’enseignement inadapté pour pouvoir absorber les nouvelles générations qui arrivent sur le marché du travail : 120 000 personnes chaque année pour la seule Algérie.
Résultat, au Maroc, depuis dix ans, des dizaines de diplômés chômeurs campent en permanence devant les grilles du Parlement, à Rabat. Fin 2007, quatorze d’entre eux avaient tenté de s’immoler par le feu. Ce n’était pas les premiers. D’autres ont suivi depuis. Idem en Algérie où un jeune, marié et père d’un enfant, est décédé après avoir mis le feu à ses vêtements, le 15 janvier, par désespoir, faute d’obtenir un logement et un emploi.
Les trois pays du Maghreb partagent aussi un autre trait : un système politique verrouillé. Les Tunisiens vivaient sous un régime policier ne laissant aucun espace de liberté à la société civile. Les Marocains doivent composer avec une monarchie absolue. Et les Algériens avec un système opaque dominé depuis des décennies par les militaires. « La démocratie est présentée par nos gouvernants comme un objectif lointain, qui demandera beaucoup de temps pour être atteint », analyse un intellectuel algérien.
Pourquoi le changement politique est-il venu de la « petite » Tunisie ? Des jacqueries sur fond de malaise social agitent périodiquement le royaume chérifien. En Algérie, les affrontements entre jeunes et forces de l’ordre sont monnaie courante. Ils embrasent une ville pour un oui ou pour un non : une attribution de logements, une hausse de prix… Si ces révoltes ne se propagent pas, c’est pour des raisons différentes. Les dirigeants algériens savent acheter la paix sociale avec l’argent du pétrole. Lorsque des troubles éclatent, l’Etat est là qui apaise les colères. Au Maroc, le Palais royal a l’intelligence de laisser subsister des corps intermédiaires – associations, partis religieux… – à même de canaliser les revendications. Autant de recettes qui ont permis jusqu’à présent de contrôler les contestations.
Mais la « révolution du jasmin » est là qui montre que l’émergence d’une démocratie au Maghreb peut être beaucoup plus rapide que ne le souhaitent les dirigeants actuels. (Jean-Pierre Tuquoi – Le Monde)

(Mercredi, 19 janvier 2011 – Avec les agences de presse)