10 PRÉJUGÉS SUR LES MIGRANTS ET COMMENT Y RÉPONDRE


PETIT LEXIQUE

UN MIGRANT est une personne qui quitte son pays pour aller vivre sur un autre territoire pour de multiples raisons, et ce de façon temporaire ou permanente. Certains migrants se déplacent de leur propre gré, d’autres y sont forcés notamment en raison d’une guerre ou de persécutions.

UN DEMANDEUR D’ASILE est une personne qui a quitté son pays en quête d’une protection internationale, mais qui n’a pas encore obtenu le statut de réfugié. Il ne peut pas être renvoyé de force dans son pays pendant la procédure d’examen de sa demande d’asile. De plus, une personne ne peut être renvoyée de force dans son pays si sa vie ou sa liberté y est menacée
(principe de non-refoulement).

UN RÉFUGIÉ est une personne qui a fui son pays parce qu’elle craint avec raison d’y être persécutée en cas de retour, du fait de son identité (son origine ethnique, sa nationalité, son appartenance à un certain groupe social), de ses convictions religieuses ou de ses opinions politiques et dont le
gouvernement ne peut ou ne veut assurer la protection. À la différence d’un demandeur d’asile, le statut de réfugié lui a été reconnu.(HCR)

[2]

 1.«  Il y a une explosion des arrivées de migrants en Europe ! »

FAUX

Malgré ce que peuvent laisser croire les images montrant des arrivées massives de migrants, la réalité est tout autre et les chiffres parlent d’eux-mêmes.
La majorité des migrants se trouvent dans les pays du Sud. Ceux qui fuient des conflits se trouvent en grande partie dans les pays limitrophes, lesquels ont des ressources souvent très limitées. Pour ne citer qu’un exemple, 4 millions de réfugiés syriens se trouvent dans des pays voisins (et 7,6 sont des déplacés internes). Le Liban accueille près de 1,2 million de réfugiés venant de Syrie, ce qui représente environ une personne sur cinq dans le pays.
L’Union européenne (UE) propose quant à elle de réinstaller à peine 22.504 réfugiés en deux ans. C’est une goutte d’eau dans la mer ! Les Nations unies ont estimé que 1,2 million de réfugiés (à travers le monde) devaient être réinstallés de toute urgence, soit 300.000 personnes chaque année durant les cinq prochaines années.
Par ailleurs, le nombre de demandes d’asile de personnes déjà arrivées en Italie, en Grèce et en Hongrie à examiner est maintenant de 160.000 (septembre 2015). La Belgique devra, elle, en accueillir un peu moins de 6.000, soit à peine un peu plus du dixième du Stade Roi Baudouin. [3]

Témoignage
Majid Hussein, Nigérian, 22 ans
« Les Européens pensent que nous sommes ici pour leur prendre quelque chose, mais ce n’est pas vrai. Beaucoup d’entre nous sont des étudiants, des médecins ; nous avons tout perdu et jamais nous ne retrouverons ce que nous avions. Les migrants en Italie sont livrés à eux-mêmes, sans pouvoir se laver, sans manger sauf s’ils parviennent à entrer en contact avec des associations. Si vraiment l’Europe prône les valeurs inscrites dans la Déclaration des droits de l’homme, alors cela devrait concerner tout le monde de façon équitable. Moi, j’ai eu de la chance, j’ai obtenu des papiers, je travaille, je parle italien ; je m’intègre au fur et à mesure et je mélange finalement les cultures. C’est ce que nous devons partager, nos cultures. »

 2.« Ils viennent pour toucher nos allocations et pour prendre notre travail !  »

FAUX

Aucune aide n’est accordée du simple fait d’être un étranger. Les personnes en séjour irrégulier (donc sans papiers) n’ont droit qu’à l’aide médicale urgente à l’exception du cas d’un mineur en état de besoin. Seul le statut de réfugié (ou autre protection) donne droit au revenu d’intégration sociale. Pendant la période d’analyse de la demande d’asile, le demandeur d’asile n’a droit qu’à une aide matérielle, à savoir l’hébergement, la nourriture et l’accompagnement. Et à moins que cette période n’excède les six mois, il n’a pas d’accès légal au marché du travail.
Notons par ailleurs que les migrants occupent très souvent des emplois peu qualifiés et pénibles laissés vacants par les Belges. Même avec un diplôme, il leur est difficile d’accéder à un métier qui correspond à leurs spécialités et ils sont encore trop souvent victimes de discrimination ou d’exploitation.
Lorsqu’ils sont au travail, ils représentent une réelle plus-value pour notre économie. Non seulement ils injectent de l’argent dans notre économie en payant des impôts, mais ils pallient aussi au vieillissement de notre population. [4]

 3.« L’immigration ruine les finances publiques ! »

FAUX

Au contraire, d’après un rapport de l’OCDE, l’immigration « rapporterait » en moyenne près de 3.500 euros de rentrées fiscales par individu par an. En cotisant, en consommant et en payant des impôts, les migrants contribuent donc à l’activité économique et aux finances publiques qui, à défaut, subiraient des pertes [5].
Par ailleurs, en 2014, la part du budget réservé à l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil) s’élevait seulement à 0,15 % des dépenses totales de l’administration belge. L’accueil d’un demandeur d’asile coûte entre 37,7 et 40 euros [6] . Une grande partie de ces frais est réinvestie dans notre économie grâce à la création de plusieurs centaines d’emplois créés pour assurer l’accueil de ces personnes.
N’oublions pas que les tentatives de bloquer nos frontières coûtent cher à nos pays, notamment l’édification des murs avec du matériel de surveillance de pointe. Entre 2007 et 2013, l’UE a alloué près de 4 milliards d’euros aux politiques migratoires (y compris le renvoi de ressortissants de pays tiers et le contrôle des frontières). À peine 17 % (soit 700 millions d’€) ont été consacrés aux procédures d’asile. [7]

 4. « On va être envahi par des criminels et des terroristes ! »

FAUX

La mise en place d’une opération de recherche et de sauvetage permettra d’enregistrer les arrivées et de procéder à une identification des personnes au moment opportun. Cependant, les personnes qui montent à bord de ces embarcations de fortune sont des hommes, des femmes et des enfants qui fuient pour sauver leur vie ou trouver une vie meilleure pour eux et leurs familles. Ce ne sont pas des terroristes. Ces derniers voyagent comme tout le monde, notamment par avion, si nécessaire avec de faux papiers. Mais ils sont aussi recrutés sur le territoire européen.
Trop souvent un amalgame est fait entre musulmans et intégristes, généralisant ainsi une peur du musulman. Or les intégristes ne représentant qu’une infime minorité des musulmans.

 5.«  L’Europe est une passoire ! »

FAUX

Bien au contraire, l’Europe est une véritable forteresse. Aux frontières de l’Europe, des murs s’érigent un peu partout, notamment entre la Turquie et la Grèce, ou encore autour des enclaves espagnoles au Maroc, et plus récemment entre la Serbie et la Hongrie. Barbelés, barrières de dissuasion, radars, diffuseurs de gaz lacrymogènes, détecteurs de mouvements : des systèmes de surveillance sophistiqués et des dispositifs militaires sont mis au service de la protection des frontières. Paradoxalement, ce sont ces moyens de surveillance qui entraînent les migrants à entrer clandestinement, mais on ne peut pas dire que l’Europe soit une passoire.
Par ailleurs, entrer et s’établir en Europe est un véritable parcours du combattant. Tout migrant doit en effet obtenir un visa ; or l’attente est souvent très longue et les conditions d’obtention des papiers ont été durcies aussi bien pour les migrants que pour les réfugiés. Les procédures de demande d’asile sont devenues tellement restrictives qu’elles ne permettent pas toujours aux individus exposés aux conflits d’obtenir le statut de réfugié.

 6. « L’Europe doit renforcer ses frontières pour éviter l’immigration et les morts ! »

FAUX

L’édification de murs et de clôtures ne diminuera pas les arrivées de migrants, mais causera davantage de morts en mer. Les personnes qui fuient des conflits ou des guerres tenteront toujours de sauver leur vie, s’il le faut en empruntant des voies périlleuses. Même lorsqu’un terme a été mis à l’opération italienne de recherche et de sauvetage Mare Nostrum, les migrants et réfugiés ont continué d’arriver en plus grand nombre.
Le renforcement de ces mesures est à l’origine de nombreuses souffrances et de pertes humaines. Compte tenu des clôtures qui ferment les routes les plus sûres, du durcissement de la surveillance et du déploiement des forces de sécurité, les migrants sont contraints de suivre des voies encore plus dangereuses, parfois avec des conséquences tragiques. Des femmes, des hommes et des enfants se noient en mer ou étouffent dans des camions. C’est donc justement la politique de l’UE qui est à l’origine des morts en mer. Bien que l’UE ait renforcé son opération de sauvetage, le manque de voies sûres et légales continuera de forcer les migrants et les réfugiés à emprunter des chemins dangereux pour sauver leur vie…

 7. « Les migrants et réfugiés entreprennent des voyages dangereux par choix et ou par inconscience ! »

FAUX

Les migrants et les réfugiés sont contraints de fuir leur pays d’origine pour sauver leur vie. Par manque de voies sûres et légales pour rejoindre l’Europe, ils sont contraints d’emprunter des chemins dangereux pour assurer leur survie et celle de leur famille.
Selon les statistiques, une majorité de ceux qui arrivent par la mer fuit la guerre, un conflit, des persécutions, la torture ou des menaces de mort. En 2013, 63 % de personnes arrivées de manière irrégulière par voie maritime en Europe venaient de Syrie, d’Érythrée, d’Afghanistan et de Somalie, des pays ravagés par des conflits et des violations massives des droits humains. En 2014, les Syriens et Érythréens représentaient plus de la moitié des quelque 170.000 personnes qui sont arrivées en
Italie par la mer. Le même constat a été dressé pour les premiers mois de 2015.

 8. « Le renforcement des opérations de secours et de sauvetage va inciter d’avantage de personnes à entreprendre la traversée et créer un appel d’air »

FAUX

Rien ne permet d’étayer cette hypothèse. En fait, le nombre de réfugiés et de migrants prenant la
route de la mer s’est accru depuis que l’Italie a mis fin à l’opération de sauvetage Mare Nostrum, en
octobre 2014, et donc lorsque les risques étaient plus élevés. Plus de 41 470 personnes étaient déjà arrivées en Italie par la mer entre janvier et mai 2015. La plupart des personnes cherchent tout simplement à fuir à tout prix une situation extrêmement difficile, même au péril de leur vie. Beaucoup n’ont pas d’autre choix que de prendre la mer pour essayer de trouver la sécurité.

 9. « La destruction des navires est une bonne chose ! »

FAUX

On ne voit pas très bien comment les gouvernements pourront détruire les navires avant qu’ils ne soient utilisés par les passeurs sans mettre en danger les réfugiés et les migrants. Des dizaines de milliers de migrants et de réfugiés pourraient ainsi se retrouver pris au piège dans une zone de conflit violent. Ces actions risquent aussi de mobiliser des navires et des avions de l’UE qui seraient autrement utilisés pour sauver des personnes en mer. Et tout cela pourrait pousser les populations
migrantes à utiliser des moyens plus dangereux encore pour tenter de pénétrer dans la forteresse Europe.
Des situations similaires (boat-people en Asie à la fin de la guerre du Viêt Nam) ont montré que les passeurs répondaient à la destruction de bateaux par la construction d’esquifs encore plus dangereux…

 10. « De toute façon, je ne peux rien faire ! »

FAUX

Vous pouvez signer nos pétitions sur notre site www.amnesty.be et les relayer largement via
vos réseaux sociaux. Ensemble, nous pouvons prouver que les Européens ne sauraient en aucun cas tolérer que la Méditerranée devienne un cimetière. Nous avons déjà obtenu le renforcement du budget et des dispositifs d’intervention de Frontex ainsi que l’extension de sa zone d’intervention, ce sont des mesures encourageantes, mais ce n’est pas suffisant.
Nous continuerons à faire pression sur les dirigeants européens pour qu’ils mettent un terme à cette
situation dans laquelle des gens souffrent et meurent devant leur porte – en mer ou sur la terre ferme.

 Commandez-le !

Attention, les envois ne se font que vers la Belgique. Mais vous pouvez toujours le télécharger.

 

Documents joints

 

Notes

[1] Les chiffres cités dans cet argumentaire sont tirés de nos différents rapports publiés depuis 20102 ici : SOS europe – nos rapports

[2] Sources : http://www.unhcr.fr/55e45d87c.html

[3] Sources : Nos rapports sur SOS Europe : www.amnesty.be/soseurope et le HCR : http://www.unhcr.org/pages/4aae621d3b0.html(« Personnes déplacées internes »), http://www.unhcr.fr/55e0a7afc.html (« Plus de 300 000 traversées clandestines en Méditerranée pour 2015, dont 200 000 arrivants en Grèce »), http://www.unhcr.org/55f2dafc6.html (« UNHCR urges full and swift implementation of European Commission proposals on refugee crisis »), http://unhcr.org/556725e69.html (« Rapport Le monde en guerre »)

[4] Sources : CIRE et Fédasil

[5] Voir aussi l’étude de Xavier Chojnicki

[6] CIRE

[7] Voir nos rapports sur www.amnesty.be/soseurope

Pour Ali Aarrass


Amnesty International organise une manifestation contre la torture le 25 juin, à la veille de la Journée internationale pour les victimes de la torture.

Amnesty International se mobilise pour dénoncer la torture et la détention arbitraire de Ali Aarrass. Il est belgo-marocain et c’est l’Espagne qui l’a extradé au Maroc en 2010. Il a été condamné au Maroc, sur base des aveux obtenus sous la torture, à 12 ans de prison pour des faits de terrorisme qu’il a toujours niés.

Date : Le mercredi 25 juin de 10h30 à 11h45.

Lieu : Devant l’ambassade du Maroc, Boulevard Saint-Michel, 29 – 1040 Bruxelles.

Concerne: Amnesty International demande aux autorités marocaines d’agir en faveur de leur ressortissant afin d’obtenir sa libération, suite aux recommandations du Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU.

Amnesty demande également au gouvernement belge de faire pression sur les autorités marocaines pour qu’elles agissent en faveur d’Ali Aarrass et la Belgique doit lui offrir l’assistance consulaire puisqu’il a la double nationalité. Le gouvernement belge lui refuse obstinément toute assistance consulaire, sous prétexte qu’il est binational.

La Ligue des Droits de l’Homme participera à notre action.

Nous espérons que vous pourrez nous rejoindre.

Dans l’immédiat, nous vous invitons à  signer les pétitions sur notre site web. http://www.isavelives.be/fr/stoptorture <http://www.isavelives.be/fr/stoptorture>

Les arrestations et les menaces de mort réduisent au silence les militants syriens


Muhammad Al Hamwi et son père sont détenus au secret.

Muhammad Al Hamwi et son père sont détenus au secret.

© DR

27 septembre 2011

Lorsque des membres des forces de sécurité syriennes sont venus chercher Muhammad Al Hamwi le 23 septembre, ils ont proféré des menaces destinées à instiller la peur dans le cœur de n’importe quel parent syrien.

Le soldat en charge de l’arrestation a dit aux parents de Muhammad Al Hamwi : « Je piétinerai la gorge de votre fils avec mon pied. Quand je vous le rendrai, il sera dans le même état que Ghayath Mattar. »

La famille Al Hamwi ne savait que trop bien ce qu’il voulait dire. Ghayath Mattar, un ami de leur fils, a été arrêté le 6 septembre après avoir contribué à organiser des manifestations pacifiques à Daraya, dans la banlieue de Damas. Son corps sans vie a été remis à ses parents quatre jours plus tard. Il présentait des marques de torture.

Amnesty International a recueilli des informations sur plus de 100 personnes qui seraient mortes en détention depuis le mois d’avril.

Muhammad Al Hamwi aurait été emmené dans la nuit du 23 septembre, avec son père et deux autres habitants de leur immeuble.

Son frère Haytham a raconté à Amnesty International que Muhammad a été pris pour cible parce qu’il avait filmé des manifestations en faveur de réformes et téléchargé ces vidéos sur Internet. En revanche, il ignore totalement pourquoi son père a été arrêté.

Amnesty International a fait part de ses craintes concernant la sécurité d’au moins neuf militants de Daraya qui ont été placés en détention ces derniers mois.

Haytham Al Hamwi, militant qui a passé deux ans et demi derrière les barreaux en tant que prisonnier d’opinion avant de quitter la Syrie pour le Royaume-Uni, estime que ce chiffre est bien en deçà de la réalité. Selon lui, environ 600 personnes ont été arrêtées dans son ancien quartier et il affirme que parmi ses anciens amis, il y en a plus en prison qu’en liberté.

« Chaque famille compte désormais l’un de ses membres en prison, explique-t-il. »

Mais Haytham préfère les placer dans la catégorie des « disparus » plutôt que dans celle des prisonniers. Personne ne sait où ces personnes ont été conduites ni quelles sont les charges qui pèsent contre elles. Cependant, d’après des défenseurs des droits humains, des rumeurs laissent entendre qu’elles se trouveraient aux mains des services de renseignements de l’armée de l’air, principal organe de sécurité syrien actuellement en opération à Daraya.

Haytham est convaincu que les arrestations toujours plus nombreuses font partie d’une nouvelle stratégie des autorités syriennes visant à étouffer six mois de manifestations en faveur de réformes.

« Même si les homicides se poursuivent, ils ont trouvé qu’il était plus efficace d’arrêter les gens que de les tuer. Lorsque le sang est versé, cela met généralement le feu aux poudres… Tandis que les arrestations font grimper la peur. »

Et s’il s’agit bien d’une stratégie, selon Haytham, elle fonctionne. Il raconte que les manifestations à Daraya sont désormais réduites à des rassemblements de 20 ou 30 militants, qui filment rapidement leur manifestation avant de se disperser.

« Aujourd’hui, Daraya est plutôt silencieuse, car la majorité des militants sont derrière les barreaux. Les forces de sécurité sont partout, dans les rues, dans les immeubles, partout ! »

Haytham ne considère pas son frère Muhammad comme un militant politique. Il espère que la menace de mort proférée à l’encontre de Muhammad n’était qu’une parole en l’air. Mais après la mort de Ghayath Mattar, comment en être sûr ? Les familles des « disparus » ne peuvent qu’attendre et espérer.