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Attentat de Nice – Responsables et coupables – L’analyse de F. Asselineau
L’EXCELLENT SKETCH DE KÉVIN RAZY SUR « LES ATTENTATS ET DAESH »
Une « radicalisation très rapide », cela s’appelle une conversion
Les heures qui ont suivi la tragédie de Nice ont vu les dirigeants chercher leurs mots pour caractériser l’auteur de l’attentat : « terroriste » assurément, mais « islamiste » pour les uns, pas forcément pour les autres, avec la même incertitude pour « radical ». Et puis est tombée la revendication du carnage par Daech, le bien mal-nommé « Etat islamique », et le ministre de l’Intérieur a pu enfin décrire un terroriste « radicalisé très rapidement ».
Plutôt que le terme de « radicalisation », dont on voit qu’il obscurcit autant qu’il éclaire, j’ai proposé dès mars dernier dans une tribune au « Monde » d’utiliser le mot de « conversion ». Le basculement « très rapide » renvoie à l’intégration dans une secte, Daech, qui prône la religion jihadiste, avec le salut assuré pour ses seuls fidèles et les pires tourments prédits, et parfois infligés, à ceux qui sont désignés comme adversaires.
Cette secte millénariste affirme l’imminence de la Fin des Temps, du fait de la multiplication de signes prophétiques sur la terre de Syrie (en arabe bilad al-Cham). C’est sur cette terre qu’a déjà commencé l’ultime bataille, entre les localités de Dabiq et d’A’maq (Dabiq est le nom du magazine en ligne de Daech et A’maq celui de son « agence de presse » où a, entre autres, été revendiqué le carnage de Nice). Les fidèles qui périront dans ce combat apocalyptique auront le privilège de racheter les péchés de 70 de leurs proches au Jugement dernier.
Mohamed Lahouaiej Bouhlel n’avait de musulman que le prénom. Il ne respectait aucune des prescriptions canoniques de l’Islam, que ce soit la prière, le jeûne, la charité ou le pèlerinage. Sa consommation d’alcool était apparemment problématique. Le tueur de Nice ne s’est donc pas « radicalisé » dans l’Islam, il s’est converti à la secte jihadiste. Converti comme des centaines d’autres Françaises ou Français, dont Daech se charge de déconstruire l’éventuel bagage culturel et religieux pour y substituer le credo de la secte.
C’est en 1987 que Bruno Etienne, avec son livre « L’Islamisme radical », popularise une catégorie au fond fourre-tout de « radicalité » : s’agit-il d’appliquer l’Islam à la racine, dans une forme de fondamentalisme, ou bien de tirer d’une religion un programme d’action politique ? Les recherches ultérieures et l’évolution des pays arabo-musulmans ont clarifié la distinction entre l’Islam politique, d’une part, et le salafisme de type littéraliste, d’autre part.
L’invasion du Koweit par l’Iraq de Saddam Hussein en 1990 et l’appel saoudien à une intervention des Etats-Unis pour l’en chasser clive jusqu’à aujourd’hui le champ islamiste : les tenants de l’Islam politique, au premier rang desquels les Frères musulmans, fustigent alors le recours à Washington, tandis que les salafistes se rallient à leurs parrains du Golfe et en sont généreusement récompensés. Mais un troisième courant, ultra-minoritaire, condamnant les uns et les autres, prône un jihad révolutionnaire à l’encontre des régimes en place.
Ce jihadisme a donc pour priorité la prise du pouvoir dans les pays arabes. Il devient « global » en faisant de la planète entière une « terre de jihad », alors que quatorze siècles de pratique islamique avaient ancré le jihad dans un territoire précis à conquérir ou à défendre. Cette mutation s’opère en Afghanistan, avant que ce « jihad global » ne se leste d’un message apocalyptique sur les terres d’accomplissement des prophéties que sont l’Irak, et plus encore la Syrie.
On voit combien l’expression d’« islamisme radical » rend mal compte de la réalité de la secte jihadiste, qui divise le monde en cinq catégories : les « Musulmans », terme réservé aux seuls membres de la secte, les « Apostats », soit tous les Sunnites, les « Hérétiques », soit les Chiites et autres familles de l’Islam, et enfin « les Juifs et les Croisés ». C’est bien pourquoi les Musulmans, et avant tout les Sunnites, sont partout en première ligne face aux sectateurs de Daech qui leur dénient leur identité même de Musulmans.
Le choix des termes justes va de pair avec la définition des alliances stratégiques dans ce combat de longue haleine contre le monstre jihadiste.

Jean-Pierre Filiu est professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po (Paris). Il a aussi été professeur invité dans les universités de Columbia (New York) et de Georgetown (Washington). Ses travaux sur le monde arabo-musulman ont été diffusés dans une douzaine de langues.
La police de Dallas a utilisé un robot pour tuer un homme
Norédine Benazdia – Übergizmo – dimanche 10 juillet 2016
L’utilisation d’un robot pour tuer un homme qui aurait mortellement tiré sur 5 policiers de Dallas soulève de nombreuses interrogations. Il est vrai que c’est la première fois que la police américaine utilise des robots de cette manière.
Vendredi matin, à l’aube, le tireur présumé, Micah Xavier Johnson, était retranché dans un parking. Après une heure d’échange de coups de feu, la police a décidé d’utiliser un robot pour déposer une bombe qui a tué le forcené.
Pour le chef de la police de Dallas, il n’y avait pas d’autres choix : »Toutes les autres options auraient exposé les policiers à un grand danger.«
Le robot utilisé était un Northrop Grumman Remotec Andros. C’est un robot utilisé pour le déminage de bombes par la police et l’armée un peu partout dans le monde. Il roule et pèse et 220kg. Il intègre de nombreux capteurs et dispose d’un bras robotique avec une pince.
Ce robot est aussi fréquemment utilisé lorsque des personnes armées retiennent des otages. En général, ils s’en servent pour repérer où se trouve la personne hostile , ou pour apporter des pizzas bourrées de somnifère à la personne armée. Il n’avait jamais été utilisé pour tuer.
Le plus étonnant serait alors l’histoire de la « bombe » utilisée par la police. Que fait donc la police avec une bombe ? Ce n’est pas une bombe comme on pourrait l’imaginer. Il s’agit plutôt d’un assemblage de petites charges explosives utilisées par les équipes d’interventions américaines (SWAT) pour ouvrir les portes ou faire un trou dans un mur. Parfois, les équipes de déminage ont aussi de petites charges explosives pour faire exploser un sac suspect.
Forcément, cette première utilisation d’un robot tueur soulève quelques questions éthiques. Mais il faut avant tout retenir 3 choses :
1/ Tout d’abord, il ne s’agissait pas d’un robot autonome. Le robot était télécommandé et l’explosif déclenché à distance.
2/ Ce robot n’a jamais été conçu pour être armé. Il existe en revanche des robots qui sont en cours de développement. Ceux-ci seront armés de joyeusetés comme des mitraillettes ou des lance-missiles. (Si ça vous intéresse allez-voir les prototypes US MAARS et Chinese Sharp Claw).
3/ En réalité, le débat aujourd’hui est de savoir s’il est possible d’empêcher les robots autonomes d’entrer sur les champs de bataille dans un futur proche. Surtout à une époque où les militaires du monde entier commencent déjà à établir des plans et des méthodes. Dans ce débat, on se demande si ces robots ne pourraient pas s’en prendre aux civils et ne pourraient pas non plus être les auteurs d’une boucherie sans précédent.
Il est certain que l’utilisation de la robotique par les militaires, la police ou les civils va se développer dans le futur. Plus de 80 pays ont des robots dans leur armée, et des sociétés comme Google, Tesla, Uber ou Ford rêvent d’un futur avec des voitures sans chauffeur. Dans certains pays, la police utilise déjà des drones de surveillance, qu’ils soient petits pour suivre des individus ou plus grands pour surveiller des quartiers entiers.
Il faut donc distinguer les systèmes autonomes des systèmes armés. Les hélicoptères de la police ne sont pas armés par exemple, il y a donc peu de chance qu’il y ait des drones avec des armes au-dessus de nos têtes. Et la tendance aux outils autonomes ne signifie pas forcément que ces outils devront être armés.
Avant Dallas, la discussion concernant l’utilisation de robots par la police tournait autour des armes « non létales ». Dans les congrès et salons sont présentés des robots équipés de tasers ou de gaz lacrymogène. En Chine, le robot Anbot est un robot conçu pour être autonome et il est pourtant équipé d’un électrochoc similaire à un aiguillon à bétail. Ce robot fait beaucoup parler de lui pour des raisons évidentes.
Le débat est toujours de savoir si les armes non létales sont utilisées plus abusivement. Il suffit de penser au débat quand le taser est arrivé : les taser sauvent (prétendument) des vies, cependant ils peuvent être utilisés plus souvent et pas toujours à bon escient.
Des « banlieues » violentes ou des banlieues violentées?
François BurgatPolitiste, spécialiste des courants islamistes au CNRS
À Bruxelles cette fois, après Paris, Londres, Madrid et tant d’autres capitales, pas seulement européennes, de nouvelles victimes nous interpellent : « Qu’avez-vous fait pour nous protéger ? » Leurs appels légitimes me ramènent vingt et un ans en arrière, au lendemain des attentats parisiens du métro Saint-Michel, le 25 juillet 1995. Sous le titre « La recette du poseur de bombes », j’avais alors écrit dans les colonnes deLibération :
« Il faut traquer impitoyablement les poseurs de bombes. Police et justice l’ont fait avec détermination, et on a pu penser un temps, mais à tort, que le réseau responsable de ces crimes avait été démantelé. Pour éviter que l’apparition d’autres réseaux ne rende sans cesse caducs les succès de nos policiers, il est devenu urgent de nous atteler maintenant au démantèlement d’une autre filière, plus redoutable encore: non pas celle qui fabrique les bombes mais celle qui fabrique les poseurs de ces horribles engins de mort. »
Et je concluais sur une phrase dont l’actualité me semble s’être aujourd’hui renforcée : « À Paris ou à Alger [et aujourd’hui à Bruxelles ou ailleurs] cette enquête-là ne conduit pas que dans les banlieues ».
La meilleure et la plus urgente façon d’exprimer notre compassion pour les victimes reste aujourd’hui la même. Il s’agit d’arrêter et de sanctionner les poseurs de bombes. Ceux qui vont mener à bien une fois de plus cette mission méritent à cet égard notre respect et nos encouragements les plus vifs. Mais l’importance et la centralité de leur tâche ne doit pas nous faire ignorer la seconde urgence, plus pressante encore. Or, malgré les années, celle-ci, dans l’agenda de nos décideurs, tarde à se hisser au rang de priorité. Si nous ne voulons pas que les efforts de ceux qui entendent nous protéger restent vains, il nous faut arrêter la puissante « machine à fabriquer les poseurs de bombes ». Priver les criminels de leur nationalité ? Et pourquoi pas leur infliger une peine bien plus lourde encore en les privant de toute descendance ! Mais comment faire ?
Réformer l’autre ou nous réformer?
Trop de discours, depuis trop longtemps, nous égarent. Chez une écrasante majorité de nos conseilleurs, un prisme unique s’impose : de Sciences-Po à l’Académie française, du Parlement jusqu’à Matignon, conseils et consignes font un usage exclusif des marqueurs (jihad, imam, salafiste, charia, etc) de la seule culture et de la seule religion… de l’Autre ! Lorsque dans une conjoncture où nos tripes ont une dangereuse propension à prendre le contrôle de nos cerveaux, le ministère français de la Recherche a l’heureuse idée de mobiliser ses fonctionnaires, il ne crée lui même de postes de chercheurs que dans la seule discipline de l’islamologie ! Et son erreur, aussi flagrante que partagée, passe complètement inaperçue. Considérer que la connaissance de l’Islam est la clef qui peut nous permettre d’appréhender, pour le surmonter, le dysfonctionnement du monde procède pourtant d’un biais exceptionnellement pervers : celui qui nous interdit de penser, et de regarder en face, la part de responsabilité du plus grand nombre d’entre nous, c’est à dire des non-musulmans.
Dans le tissu politique de chacune de nos nations européennes, comme dans celles du Proche-Orient, les non-musulmans évoluent pourtant à ce jour très largement du bon côté du rapport de domination. Le jour où nous nous déciderons à accepter de considérer les explosions d’hostilité qui nous frappent pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire le révélateur de notre incapacité à établir une relation mutuellement satisfaisante avec le monde (musulman) de l’Autre, il nous faudra donc accepter l’idée que ― par la force des choses ― dans ce profond dysfonctionnement, nous sommes profondément impliqués ! Et il faudra alors aller jusqu’au bout de notre raisonnement et nous convaincre que, si les victimes de Bruxelles exigent que nous réformions le monde qui les a laissés mourir, c’est en partie au moins nous mêmes qu’il faut accepter de réformer.
D’une barbarie l’autre
Pour arrêter la « machine à fabriquer les poseurs de bombes » il faut accepter de voir que c’est ailleurs qu’à Molenbeck ou à Rakka, à Mossoul ou à Saint Denis que ses rouages tournent à plein régime. Et que plutôt que leurs fabriques, nos banlieues, proches et lointaines, sont plus surement les réceptacles de nos « bombes » en tous genres. Les « fabriques de poseurs de bombes » ne se trouvent pas dans les banlieues. Elles sont tout d’abord dans ces sphères gouvernementales qui prennent des décisions plus souvent électoralistes que raisonnables, tant intérieures qu’étrangères. Elles sont chez chacun d’entre nous quand nous laissons s’agrandir les accrocs du vivre ensemble. Elles sont partout aussi où, lachées par nos Rafale et autres Mirage, nos propres bombes ont fait plus d’un million de morts en moins de deux décennies.
Ce n’est pas en laissant nos tripes surenchérir dans la dénonciation de la barbarie de l’autre, mais bien en exigeant de nos cerveaux qu’ils nous laissent entrevoir un peu de la nôtre que nous sortirons de l’impasse mortifère où nous sommes aujourd’hui enfermés.
“Sécurité” : le 2e poème de Laurence Vielle
En Belgique, le budget alloué à la sécurité sociale diminue, tandis que celui dédié à la sûreté de l’état « pour la sécurité des citoyens » explose. Ces deux mouvements inverses pour un même mot, fragilisent nos besoins essentiels (cfr. l’article de Pascale Vielle, chercheuse en droit social). En ce 21 mars, Journée mondiale de la Poésie et au lendemain de celle dédiée au Bonheur, notre Poétesse nationale Laurence Vielle souhaite faire résonner le mot « sécurité » avec ce nouveau poème :
sécurité
tranquillité
d’esprit
donnez-moi un peu de
tranquillité d’esprit
messieurs dames sans état d’âme
moi j’ai besoin
d’un toit
de quoi manger pour mes enfants
des soins et peut-être un
jardin à cultiver
nommez dans mon pays
un ministre au bonheur
pour ma sécu/sérénité
et coeur ouvert à l’autre
et voyager aussi
guetter biches et nuages
des chemins pour marcher
relier sans boucan
des bancs jolis pour se parler
des arbres à nos côtés
pour nous pousser à demeurer
apprenez-moi musique
apprenez-moi poèmes
avivez nos désirs
de beauté
vous dites chaque jour
« il faut oser encore
faire des économies
le coût de la sécu
il ne fait que grimper
arrêtons cette hausse »
et la sociale sécurité
qui partage bien-être
pour tous, forts et fragiles
qui porte paix à l’âme
s’étrique encore un peu
tandis que meurt de froid
un homme dans ma cité
l’autre sécurité
vous nous la brandissez
tanks tanks sur nos pavés
« citoyennes citoyens
pour votre bien nous débloquons
millions millions d’euros
sécu sécucu sécurrr
sécuritétététététété tétététététététété
c’est pour votre sécucurrritétététététététété »
père mère toute la famille
devant télé a peur
reste chez soi
à cette sécurité-là
messieurs dames qui pour nous gouvernez
je n’y crois pas
Etat d’urgence: « Vous avez de sales voisins… »
Assis dans son salon, Karim n’en revient toujours pas. Lui qui a rêvé d’être policier, a monté une association de prévention de la délinquance en partenariat avec le commissariat du coin, peut citer une dizaine de brigadiers de ses relations, se retrouve assigné à résidence. « Au regard de la menace terroriste sur le territoire national » et « compte tenu de son comportement ». En clair, la préfecture voit en lui un islamiste radical à surveiller. Des soupçons nés de propos rapportés par des voisins.
Son cauchemar a commencé le dimanche 15 novembre, vers minuit. L’après-midi, ce quadragénaire solide avait été placer quelques bougies place de la République pour rendre hommage aux victimes des attentats. « Le 11e arrondissement, c’est un quartier qu’on fréquente avec ma femme et elle a des collègues qui ont perdu des amis », raconte Karim (le prénom a été changé). En revenant, il croise près de chez lui trois gendarmes qui recherchent une adresse. Il leur indique la direction. Dans cette petite commune du Val-d’Oise, à proximité de Cergy, les rues se ressemblent toutes avec leurs pavillons et leurs jardins à portique.
Après le dîner, il regarde la télévision quand il entend des coups à sa porte et un cri« Gendarmerie, ouvrez ! » : « Une vingtaine d’hommes casqués, armés de fusils-mitrailleurs sont entrés, m’ont menotté et dit dans leur appareil “On a attrapé la cible”. Ils sont ensuite montés dans les chambres, faisant sortir ma femme et mes trois filles de leur lit pour fouiller partout », se remémore-t-il. Les agents trouvent des munitions et un chargeur et embarquent le père à la gendarmerie de Persan-Beaumont. Karim est inscrit dans un club de tir depuis dix ans : au lendemain des attentats contre Charlie hebdo, il fait l’objet d’une mesure de dessaisissement et est invité à rapporter ses armes, « comme tous les musulmans amateurs de tir », précise-t-il. Ce qu’il a fait, oubliant des munitions.
« L’intéressé de confession musulmane attire régulièrement l’attention »
Persuadé qu’il s’agit d’une erreur, au sortir de sa garde à vue, il se rend au commissariat de la ville voisine. C’est là qu’il apprend qu’il est assigné à résidence. La notification précise que « l’intéressé de confession musulmane attire régulièrement l’attention de son voisinage par son discours prosélyte et radical ; qu’il a été entendu comparant les djihadistes à des résistants et qualifiant ses filles de “soldats” qu’il affirme entraîner au tir ». Au club de tir où il est licencié, il aurait là aussi inquiété certains autres utilisateurs par « ses propos radicaux et son comportement général ». La note ne le dit pas mais on devine qu’il y a eu dénonciation. « Vous avez de sales voisins… », lui aurait glissé un gendarme lors d’une de ses visites.
Karim n’a pourtant rien d’un extrémiste. Dans sa maison, aucun signe religieux apparent. Si sa femme Charlotte, convertie, porte un voile très discret – elle travaille dans une maison de haute couture -, le quadragénaire, à la barbe classique, ne pratique guère : juste les jours de ramadan, glisse-t-il. Ses trois filles sont vêtues comme toutes les petites filles ou adolescentes de leur âge. Son parcours ne soulève pas plus d’interrogations : ancien contractuel du ministère des affaires étrangères puis à la répression des fraudes, il a toujours rêvé d’entrer dans la police. Un grave accident de la route à l’âge de 24 ans – il est renversé par un chauffard et sera immobilisé durant dix-huit mois – lui enlèvera tout espoir. Depuis, il souffre de troubles de la mémoire et de diabète, et se déplace lentement. Il est déclaré invalide en 2003 et touche une allocation d’adulte handicapé.
« Le bruit court que si j’ai un 4×4 c’est que je suis trafiquant de drogue »
C’est à cette époque qu’il s’inscrit dans un club de tir. Et obtient sans problème son autorisation de détention d’arme. En 2013, après enquête, elle lui sera renouvelée. Il aime ça et s’achète du beau matériel: « J’en avais pour 4 000 ou 5 000 euros. » Au club, il emmène parfois sa grande qui veut apprendre. Il crée au même moment une association de prévention de la délinquance qui mène des opérations de sensibilisation auprès des jeunes de son quartier. Des actions qui lui valent des relations suivies avec plusieurs membres des forces de l’ordre. Ses rapports avec ses voisins sont moins sympathiques. Dans le lotissement, à deux pas de la voie ferrée, on s’épie beaucoup. Le 4×4 noir fumé et le scooter noir de Karim font jaser.« Un jour, un voisin m’a dit “On n’aime pas les Arabes ici” », assure Karim.
Depuis quelques mois, le climat s’est encore tendu. Le Front national n’a cessé de progresser, scrutin après scrutin dans cette zone périurbaine. « Le bruit court que si j’ai un 4×4 c’est que je suis trafiquant de drogue. Un voisin m’a dit un matin qu’il avait rêvé de moi, que j’étais Mohamed Merah et qu’il me dénonçait. Je n’ai rien à voir avec ces pourritures de terroristes ! Ce sont juste des voisins jaloux. Le 4×4, il est à ma femme… », s’indigne-t-il.
« Karim a servi à plusieurs reprises de trait d’union entre jeunes et services de police »
Sur la table du salon, le père de famille aligne fébrilement ses témoignages de moralité. Pas moins de six fonctionnaires de police, parmi ses connaissances, lui ont rédigé une attestation démentant tout propos radical. Karim a « un profond respect et une grande admiration pour notre profession. Il ne fréquente pas assidûment les mosquées et je l’ai entendu à plusieurs reprises condamner les actions terroristes », écrit l’un. Un policier à la retraite, qui a travaillé avec lui, assure que le père de famille, « digne et qui élève ses enfants dans le respect et le vivre ensemble », « a servi à plusieurs reprises de trait d’union entre jeunes et services de police ». Une parente dont les enfants fréquentent la même école que ses deux petites, renchérit :« Jamais en huit ans, [Karim] n’a émis de propos radicaux ni discours sur ses opinions religieuses ou culturelles. »
Le 8 décembre, la préfecture a envoyé à Karim un nouveau courrier à propos de ses armes confisquées : s’il désire les récupérer, il doit produire un certificat médical, afin de juger de « l’opportunité de [lui] restituer armes et munitions ou de procéder à leur saisie définitive ». Karim en a la voix qui tremble : « C’est n’importe quoi ! En attendant, mes filles ne dorment plus. La plus petite refait pipi au lit… » La préfecture, contactée à deux reprises, n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Sylvia Zappi
etatdurgencelemonde@gmail.com
Après Paris, la manière israélienne n’est pas la réponse
Samah Jabr – 2 décembre 2015 – Middle East Monitor
Les secours apportent assistance aux blessés par balles et autres après les attentats de Paris (archives).
Quand je suis arrivée à Paris dans la soirée du vendredi 13 novembre, la personne qui m’accueillait a demandé à notre chauffeur de taxi de nous emmener chez elle, rue de la Fontaine-au-Roi ; le GPS du taxi affichait qu’une fusillade y avait lieu au même moment. Ce n’est que le lendemain matin que nous avons compris tous les détails de la tragédie. Peu après ce voyage à Paris, je me suis rendue à Bruxelles, pour y constater que l’alerte sécurité y avait atteint le « niveau quatre » et que le métro et les écoles avaient été fermésdans la crainte d’un attentat terroriste. Le but de ces deux voyages était de répondre positivement à des organisations de solidarité avec le peuple palestinien qui m’avaient invitée à venir dialoguer avec le public en Europe sur la vie en Palestine occupée.
J’éprouve un attachement pour la France, où autrefois j’ai habité et étudié, et où j’ai gardé des amis et des camarades. Je suis tourmentée par le massacre de ces innocents à Paris, tout comme je le suis par le massacre du Liban à Beyrouth le jour d’avant, les massacres à Bamako la semaine qui a suivi, et le récent massacre des manifestants pro-kurdes à Ankara et des touristes russes dans le Sinaï. L’angoisse pour moi est double : elle touche à la perte de la vie de l’ « autre », aussi bien qu’à l’atteinte grave au système de valeur de mon propre « moi » étendu.
Les attentats de Paris ont fourni une opportunité aux dirigeants israéliens et à leurs partisans, comme d’habitude, pour discréditer la résistance palestinienne à l’occupation militaire brutale d’Israël. Le Premier ministre a prétendu que ceux qui condamnaient les attentats de Paris sans condamner la violence contre les Israéliens étaient des « hypocrites et des aveugles. Derrière ces attentats terroristes se tient l’Islam radical, qui cherche à nous détruire, le même Islam radical qui a frappé à Paris et menace l’Europe tout entière ».Poussant à plus de pensée binaire, à une partition du « nous contre eux » et des « bons contre les méchants », il a ajouté, « Comme je le dis depuis de nombreuses années, le terrorisme islamique militant agresse nos sociétés parce qu’il veut détruire notre civilisation et nos valeurs ». Le ministre de la Défense d’Israël, Moshe Ya’alon, a déclaré dans une même veine : « Ce que nous avons, c’est l’Islam djihadiste qui appelle à la destruction de la culture occidentale ». Ce cliché est diffusé alors même que la plupart des victimes des groupes terroristes « islamiques » sont des musulmans, et que ces victimes sont souvent, tels les réfugiés palestiniens de Syrie, des adversaires d’Israël.
« Ils veulent nous tuer parce que nous sommes juifs », ainsi s’expriment les dirigeants israéliens face aux actes de la résistance palestinienne, dans un déni total du contexte de l’occupation. En France, un article de Véronique Mortaigne et Nathalie Guilbert, publié dansLe Monde deux jours après les attentats de Paris, a fait le lien entre l’attentat contre le Bataclan et les appels antérieurs par des groupes pro-palestiniens au boycott de ce théâtre parce qu’il avait organisé un gala au profit des soldats israéliens. Malgré une condamnation prompte des attentats de Paris par les groupes de résistance islamiques palestiniens, et malgré l’expression de leur solidarité avec leurs victimes, il a circulé, sur les médias sociaux en France, une photo datant de 2012 et montrant des Palestiniens célébrant la signature d’un accord de réconciliation, avec l’affirmation mensongère qu’ils étaient en train de célébrer les attentats dans la capitale française. Ce n’est que plus tard que cette imposture a été révélée. Il y a eu des allusions subtiles de journalistes israéliens que l’Europe méritait les attentats terroristes pour avoir adopté une politique d’étiquetage des produits précisément s’ils proviennent des colonies illégales israéliennes, et aussi des déclarations plus vigoureuses, comme celle du rabbin Dov Lior, « Les méchants de l’Europe imbibée de sang le méritent pour ce qu’ils ont fait à notre peuple il y a 70 ans ». De telles opinions scandaleuses ont été moins fréquentes en Europe.
La vérité, c’est que l’ « État juif » a été créé grâce à une violence excessive et une agression contre les Palestiniens, peuple originaire de cette terre. Comme d’autres peuples autochtones dont la terre a été colonisée, dont les ressources ont été volées, et dont les familles et relations ont été tuées, les Palestiniens ont pu être capables d’utiliser la violence en représailles contre leurs oppresseurs, et pour les dissuader de plus d’oppression, tout en utilisant des campagnes non violentes et des canaux diplomatiques pour obtenir leur libération. Tout cela étant inclus totalement dans leurs droits issus de la législation internationale.
Les Palestiniens sont connus pour leur hospitalité envers les étrangers qui viennent en Palestine, pas pour les tuer. Dans des cas aussi rares que celui du meurtre du militant italien pro-Palestine Vittorio Arrigoni, par un groupe salafiste de Gaza, les auteurs ont été punis par la loi, et condamnés par tout l’éventail des partis politiques. À l’inverse, les meurtres d’une liste interminable de militants et journalistes étrangers par l’armée israélienne ont reçu leur justification (autodéfense), sans punition ni justice. Il est vrai que durant les années 1970, certains Palestiniens ont pris des Israéliens en otage, en des lieux extérieurs aux frontières de la Palestine historique, pour les échanger avec des prisonniers politiques – le plus spectaculaire étant à Munich – mais dont les responsables étaient des groupes de résistance laïcs, qui n’ont jamais utilisé la rhétorique islamique pour faire avancer leur idéologie. Les groupes palestiniens islamiques ont toujours limité leur lutte à la Palestine occupée, et pas au-delà. Ce sont les Israéliens qui se targuent que le Mossad (Institut pour les renseignements et les affaires spéciales) a tué des militants, des intellectuels palestiniens, des représentants de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), et d’autres groupes de résistance, en Europe comme dans des capitales arabes.
Il est ainsi plus justifié de comparer les tactiques de Daesh à celles des groupes terroristes qui sont derrière la fondation de l’État d’Israël, plutôt qu’à celles de la résistance palestinienne. Tant Daesh que l’ « État juif » se sont créés grâce à d’épouvantables massacres, entraînant une population de réfugiés dans leur sillage. Les deux font preuve d’ambitions expansionnistes. La stratégie de Daesh est d’attaquer l’Occident, avec l’objectif de provoquer plus de discrimination à l’encontre des musulmans d’Occident pour les sortir de la « zone grise » ; le Mossad d’Israël a été à l’origine d’attentats terroristes contre des juifs en Iraq, en Égypte et au Maroc, avec l’objectif de les faire venir en Israël. L’opération Sushana dans laquelle des espions israéliens ont programmé des attentats à la bombe contre des juifs égyptiens ; l’attentat intentionnel et soutenu par des avions et des vedettes lance-torpilles israéliens contre le USS Liberty, tuant 34 membres de l’équipage et en blessant 171 autres ; et différentes opérations sous faux pavillon à travers le monde, sont des exemples des crimes odieux perpétrés par les Israéliens pour lesquels les responsabilités ont été imputées ailleurs.
En plus de tirer un profit politique en reformulant l’occupation de la Palestine, en imposant une politique israélienne comme une « guerre contre le terrorisme » et en diffamant le caractère des Palestiniens, les présentant comme des terroristes inhumains, barbares, Israël se saisit aussi de l’opportunité actuelle pour colporter son appareil et sa politique de sécurité comme un « savoir-faire » testé sur le terrain contre les Palestiniens. Ce « savoir-faire » a été utilisé pour réprimer la liberté et la démocratie en Europe et pour exacerber une « guerre contre le terrorisme » dont les victimes comprennent déjà plus de 4000 civils. À un moment où Israël rabaisse l’âge de la responsabilité pénale pour les enfants palestiniens à 12 ans, les envoyant dans les centres d’interrogatoire et les soumettant à la torture, nous ne pouvons qu’espérer que l’Europe s’avancera vers une expansion de son système législatif démocratique et ses efforts pour les droits de l’homme, avec l’objectif d’aider les Palestiniens dans leur quête de justice sur leurs territoires actuellement occupés. C’est avec plus de démocratie, plus de solidarité et plus de politique en faveur des droits humains, et plus d’anti-impérialisme, qu’il sera mis fin au terrorisme, et non par la répression, la pensée binaire et l’exportation des « leçons » israéliennes vers l’Europe.
Samah Jabr est psychiatre et psychothérapeute à Jérusalem, elle se préoccupe du bien-être de sa communauté, allant bien au-delà des questions de maladie mentale. Elle écrit régulièrement sur la psychiatrie en Palestine occupée.
https://www.middleeastmonitor.com/articles/europe/22610-in-the-aftermath-of-paris-the-israeli-way-is-not-the-answer
Traduction : JPP pour les Amis de Jayyous
Le terrorisme en Occident | C’est quoi le problème? avec Louis T
[youtube https://youtu.be/ZTzvYhioz-I?]
«Tes chances de mourir du terrorisme sont de 1 sur 116 000 000. T’as 10 fois plus de chances de gagner le gros lot du 6/49. Et ça, tu sais très bien que ça n’arrivera pas, parce que c’est tout le temps en Ontario qu’ils le gagnent», ou quand Louis T explique que le problème avec les terroristes, c’est qu’ils ont gagné.