«Le régime profite des atrocités de Daesh»


Il vient de Raqqa, le quartier général de l’Etat islamique, dans l’est syrien. Il gère avec quelques amis un réseau d’information sur sa ville. Rencontre avec un rebelle dont l’arme est la plume. 

Abdalaziz Alhamza a 24 ans, mais un passé déjà chargé. Il est originaire de Raqqa, le chef-lieu de la province syrienne la plus orientale, devenu célèbre depuis que l’Etat islamique (ou Daesh) en a fait sa capitale de facto. Le jeune homme a dû fuir la ville en 2014. De Turquie, il a créé avec quelques amis exilés un réseau, « Raqqa is being slaughtered silentely » (Raqqa est massacrée en silence), qui donne des nouvelles fraîches de la ville grâce à un réseau d’informateurs sur place. Désormais en Allemagne, nous l’avons rencontré lors de son passage à Bruxelles à l’occasion de la sortie d’un livre (1).

En 2011, Raqqa fut parmi les premières villes à lancer la contestation.

Oui, à l’époque, il n’existait aucune liberté de parole, la moindre parole déplacée pouvait mener en prison. Et les murs avaient des oreilles ! Le gouvernement contrôlait tout et tout le monde. Le mouvement est parti d’une ville du Sud, Deraa, où ils ont torturé des enfants qui avaient écrit des slogans sur des murs. Les manifestations ont fait boule de neige. On réclamait juste un peu de liberté. Je fus arrêté en mars pendant 40 jours et torturé. A la fin je leur aurais avoué n’importe quoi, c’est ce qui est arrivé à un ami qui a même confessé avoir tué Ben Laden pour arrêter la torture!

Il y a eu une amnistie qui a aussi bénéficié aux djihadistes que le régime détenait…

Ceux-là étaient dans des prisons spéciales ; ils ont été libérés dans le but évident de participer à la radicalisation de la contestation qui devenait une révolution. Des centaines, peut-être plus, d’extrémistes ont été remis en liberté : il fallait que le régime montre qu’il combattait des « terroristes ».

Mais Raqqa s’est d’abord libérée seule…

En mars 2013, des forces proches de l’Armée syrienne libre (ASL) ont réussi à chasser les forces du régime. Moi je n’ai pas voulu porter les armes, je suis devenu un «media activist», je filmais les combats. Ce fut une belle époque. Puis les djihadistes de Daesh ont commencé à arriver, pas nombreux d’abord, puis de plus en plus et les clashes ont débuté entre eux et nous. En janvier 2014, ils ont pris le dessus. Ils ont perquisitionné chez mes parents, à ma recherche. J’ai alors pris la décision de fuir en Turquie. Comme, avec quatre amis, nous continuions à prendre par internet des nouvelles quotidiennes de nos proches à Raqqa, nous avons décidé de fonder notre réseau, pour témoigner. Ainsi, nous avons documenté le « règne » de l’Etat islamique : les arrestations, les exécutions, l’interdiction du tabac et de l’alcool, l’obligation des prières quotidiennes et fermeture des commerces pendant celles-ci, l’obligation faite aux femmes de se couvrir le corps intégralement, l’imposition d’un système d’éducation qui lave le cerveau des enfants, etc.

Comment Daesh a-t-il réagi à votre campagne sur facebook, twitter et bientôt votre site web?

On a commencé en avril 2014. Deux ou trois semaines plus tard, un de leurs imams importants a expliqué un vendredi lors d’un prêche dans la plus grande mosquée que ceux qui collaboreraient avec nous seraient exécutés. En mai, un de nos amis, Ibrahim, s’est fait arrêter alors qu’il tentait de quitter la ville. Le contenu de son ordinateur et de son smartphone l’a trahi. Il avait 21 ans. Ils l’ont exécuté en place publique. Ils ont aussi assassiné le père d’un autre activiste. Mais, après nous être posé la question, nous avons continué. Nous avons réussi des « coups ». Nous avons révélé en septembre 2014 l’échec d’une opération américaine pour libérer un otage près de Raqqa. Nous avons donné les premiers la nouvelle de l’assassinat par le feu du pilote militaire jordanien en janvier dernier.

Avez-vous des nouvelles du père Paolo, ce jésuite devenu plus syrien qu’italien, qui a disparu en juillet 2013 alors qu’il était allé au QG de Daesh à Raqqa pour faire libérer des otages?

Oui. Je le connais, je suis d’ailleurs le dernier à l’avoir interviewé avant sa disparition. Une personnalité remarquable! Il s’était rendu deux fois au QG de Daesh, il voulait rencontrer Abou Baqr Al-Baghdadi, leur chef. La troisième fois, ils ne l’ont plus laissé partir. Nous savons qu’il est vivant, et qu’il n’a pas été torturé. Il est détenu quelque part dans la campagne près d’Alep. Je tiens ces informations d’un combattant de l’Etat islamique. J’ignore cependant ce qu’ils entendent faire de lui.

Le régime et ses alliés, comme la Russie, aiment présenter le conflit de manière binaire, il y a eux et les terroristes, cela vous fait quoi?

Je veux dire quelque chose d’important : si l’Etat islamique a pu s’installer en Syrie c’est parce que la communauté internationale s’est contentée de promesses envers la rébellion. Que le régime n’affronte que des djihadistes – ou des « terroristes » – n’est pas une vérité, c’est juste de la propagande, je passe mon temps à devoir expliquer cela. Mais les rebelles, l’ASL et autres, doivent se battre sur de multiples fronts, contre le régime, contre Daesh, contre Nosra (Al-Qaïda), et cela avec des moyens très faibles. La propagande du régime tire un parti énorme des images de massacres, de décapitations, envoyées par Daesh sur les réseaux sociaux. En outre, il est très significatif que le régime n’a jamais bombardé les centres de direction de Daesh, pourtant faciles à identifier à Raqqa, il se contente de bombarder de temps à autre la population et de faire des centaines de morts.

Et les Russes, qui s’y mettent aussi…

Les Russes, visiblement, se sont donné pour mission de détruire la rébellion (non djihadiste) puisqu’ils ne s’en prennent pas aux terroristes, nous le savons grâce à nos contacts sur place. Mais, en revanche, l’implication russe, qui ne leur fera pas gagner cette guerre, va galvaniser les djihadistes, et surtout leur composante tchétchène et caucasienne.

Vous comprenez l’exil des réfugiés?

Vous savez, ils croyaient que quelques mois plus tard, ils pourraient réintégrer leurs foyers. Ils ne pensaient qu’à cela. Puis, peu à peu, tout le monde a dû intégrer le fait que cela prenait du temps, que le combat serait long et incertain, que les conditions de vie dans les camps étaient précaires, que l’argent se faisait rare, que l’avenir des enfants devenait noir. L’obsession devenait la survie : avoir de quoi se nourrir, s’abriter, se chauffer en hiver, au jour le jour. Voilà pourquoi ils partent.

Vous gardez espoir?

Oui, mais nous avons besoin d’aide. Pas des camps d’entraînement comme les Américains s’échinent en vain à faire, non : de bonnes armes efficaces, des médicaments, de l’argent et une couverture aérienne sous la forme d’une zone d’interdiction aérienne. Malgré quoi, il faudrait encore plusieurs années pour arriver à vaincre le régime et Daesh.

Propos recueillis par Baudouin Loos

(1) Abdalaziz Elhamza fait partie des 14 écrivains réunis dans un livre publié par les éditions Ker, Le Peuple des lumières. Son témoignage est factuel, alors que les autres auteurs, belge, français, algérien, tunisien, marocain, iranien, ont produit des textes de fiction. Un outil de réflexion dont l’idée a germé dans l’esprit de l’éditeur après le drame de Charlie-Hebdo en janvier dernier.

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Djihad au pays de Cham 2/Les Suisses


Dans les années 1960, la Suisse a accueilli le QG des Frères Musulmans égyptiens chassés par Nasser, à Genève. Leur membre le plus influent était Saïd Ramadan (le père de Tariq). Mais ce début de présence islamiste sur le sol suisse était tourné vers l’Egypte. Dans les années 1990, des militants nord-africains ont parfois utilisé la Suisse comme support logistique1. Ce n’est qu’après les attentats du 11 septembre 2001 que la Suisse commence à surveiller d’un peu plus près la scène islamiste, mise en pleine lumière par « l’affaire Saoud », après les attentats de Riyad en mai 2003. Moez Garsallaoui2, recruteur d’al-Qaïda, arrêté en 2004, a été tué par un drone américain au Pakistan en octobre 2012. Sa compagne Malika el-Aroud est toujours emprisonnée. Les premiers djihadistes suisses étaient des réfugiés disposant déjà de réseaux à l’étranger. A partir de 2004-2005, on voit l’émergence de personnes nées en Suisse et radicalisées sur place. Abu Saad al Tunisi a été le premier Suisse tué en Irak, en 2006. Ensuite, des Suisses sont partis dans des camps d’entraînement en Somalie, au Pakistan, au Yémen. Les volontaires bénéficient non pas de recruteurs mais de facilitateurs : radicalisés en solitaire, via Internet par exemple, les candidats entrent en contact avec des intermédiaires, souvent anciens combattants du djihad. C’est le cas pour le groupe balkanique de Suisse alémanique en contact avec la scène salafiste allemande. Le phénomène, à l’échelle du pays, reste néanmoins marginal3.
Moez Garsallaoui, avec sa compagne.
Abu Saad al Tunisi
Les Suisses ne représentent qu’un petit contingent des combattants partis se battre aux côtés de la rébellion syrienne ou de l’Etat Islamique : en janvier 2015, l’ICSR estimait leur nombre à 40, ce qui est très peu. Les informations sur les Suisses partant se battre sur cette nouvelle terre de djihad sont comme souvent assez tardives, encore plus dans le cas de ce petit contingent. A l’été 2012, la Suisse s’inquiète surtout de voir ses grenades nationales, fabriquées par la société RUAG, être utilisées par les rebelles syriens4 à Mare, au nord-est d’Alep, ville défendue actuellement par les rebelles contre les assauts de l’Etat Islamique. Les grenades, vendues aux Emirats arabes unis en 2003, ont fini entre les mains des rebelles syriens5. En septembre 2012, la Suisse accueille un premier contingent de réfugiés venus de Syrie6.
En 2012, la Suisse s’inquiète de voir des grenades de fabrication nationale être utilisées  par les rebelles syriens.
Les premiers articles sur le départ de Suisses en Syrie n’apparaissent en fait qu’à l’automne 2013. Ce n’est pas surprenant : la date suit de quelques mois la déclaration de naissance de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (avril 2013), et sa rupture avec le front al-Nosra qu’il avait créé, et dont nombre de combattants rejoignent l’EIIL. Celui-ci commence à attire de plus en plus de combattants étrangers, notamment en Europe occidentale où les chiffres vont fortement augmenter à partir de ce moment. En outre, c’est en juillet que Mourad Fares gagne la Syrie : ce Français va se retrouver en position d’intermédiaire pour recruter des Suisses pour le djihad au sein d’al-Nosra.

Les erreurs de l’Occident face à l’Etat islamique


Nicolas Hénin, reporter indépendant, spécialiste du Proche-Orient, est resté plusieurs mois otage de l’État islamique. Avec Jihad Academy, à rebours d’un récit personnel, il livre une analyse de la catastrophe syrienne et des succès de l’État islamique, une organisation forte des faiblesses et des erreurs de ses adversaires, la coalition internationale au premier chef.

Jihad Academy

À force de répéter que le pire est toujours certain, il finit par se réaliser. La menace terroriste nous a rattrapés. Que ce soit par l’invasion de l’Irak en 2003 ou la non-intervention en Syrie depuis 2011, nous avons alimenté la radicalisation. Et nous continuons de la nourrir, par nos compromissions diplomatiques avec des dictateurs, par notre refus d’entendre la souffrance des peuples, par notre incapacité à produire un contre-discours. Quelle est la responsabilité de nos sociétés dans la fabrique de ces nouveaux djihadistes ? Comment se forment-ils ? Comment avons-nous fait le jeu de l’État islamique et relayé sa propagande pour lui permettre de recruter au sein de nos quartiers toujours plus de candidats prêts à se battre au nom d’un islam fantasmé ?  Nicolas Hénin livre ici un plaidoyer à charge contre l’Occident qui a, par ses erreurs ou son inaction, contribué au fiasco. Avec des pistes, aussi, pour tenter de réparer ce qui est encore possible.

Reporter indépendant (Le Point, Arte…), Nicolas Hénin a passé la plus grande partie de sa carrière entre l’Irak et la Syrie. De la chute de Bagdad à la prise de Raqqa, il a été témoin des événements qui ont conduit à l’émergence de l’État islamique et a fréquenté au plus près les djihadistes

 

Le régime syrien cent fois plus meurtrier que les djihadistes de l’EI


Par Anna Fischer, publié le 22/11/2014 à 09:53

Les vidéos de décapitations diffusées ces derniers mois par l’organisation terroriste Etat islamique soulèvent l’indignation et l’écoeurement. Pourtant, à y regarder de plus près, les forces syriennes restées fidèles à Bachar el-Assad demeurent bien plus meurtrières.

Le régime syrien cent fois plus meurtrier que les djihadistes de l'EI

Après le largage de barrils d’explosifs dans le quartier d’al-Shaar à Alep, le 6 novembre 2014. Ces bombes rudimentaires sont probablement à l’origine de la majorité des morts en Syrie.

Reuters/Rami Zayat

 

 

 

Aussi ignobles soient les exactions perpétrées par les djihadistes de l’Etat islamique (EI), l’examen des chiffres de morts civiles enSyrie est formel: depuis le début du soulèvement, en mars 2011, les crimes commis par le groupe demeurent bien moins nombreux que ceux du régime de Damas.

Les crimes de l’Etat islamique

En Syrie, l’Etat islamique serait responsable de la mort de quelques 800 civils, selon le Réseau syrien pour les droits de l’Homme, parmi les quelque 200 000 morts recensés par l’Organisation des Nations Unies (ONU) depuis mars 2011, dont une écrasante majorité de civils. En incluant les régions en Irak contrôlées par le groupe, le chiffre total atteindrait environ 1500 morts, selon diverses sources non-gouvernementales.

Outre les exécutions sommaires, par décapitation ou non, le groupe terroriste a revendiqué des attentats à la voiture piégéeet des tirs d’obus de mortier dans des zones principalement fréquentées par des civils.

Un attentat à la voiture piégée a ainsi fait 34 morts, le 20 juin 2014, à Al-Horra, un village contrôlé par les troupes du régime de Bachar el-Assad, dans la province syrienne de Hama. Plusieurs fois par semaine, des attentats semblables ont lieu en territoire irakien, entraînant des dizaines de victimes.

L’EI aurait également eu recours aux bombes à sous-munitionsen Syrie, d’après l’ONG Human Rights Watch. Disparitions forcées, torture, kidnappings d’humanitaires et de journalistes, emploi d’enfants comme soldats sont monnaie courante pour ce groupe, qui applique la charia dans les territoires qu’il contrôle.

La barbarie du régime syrien

Aussi horribles soient les crimes de l’EI, ils sont bien en-deçà de l’ampleur et la brutalité des crimes commis par les forces gouvernementales syriennes et milices pro-Assad depuis mars 2011 : l’une et l’autre auraient tué près de 125 000 civils en Syrie, selon les estimations du Réseau syrien pour les droits de l’Homme.

[youtube http://youtu.be/OPTaQFGIIbA?]
Les vidéos des activités criminelles de l’EI frappent les esprits, à juste titre. Mais le régime syrien, lui, continue chaque jour de tuer des civils au moyen de barils d’explosif. Le 29 octobre, au moins 10 déplacés (parmi lesquels une majorité de femmes, d’enfants et de personnes âgées) ont été tués dans des raids aériens du régime syrien, au cours duquel des barils d’explosif agrémentés de ferraille ont été lâchés sur un camp de déplacés à Idleb, dans le nord-ouest du pays, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme.

Larguées par dizaines sur des villes et villages, ces bombes rudimentaires sont probablement à l’origine de la majorité des morts en Syrie.

Torture à mort

La terreur syrienne ne vient pas que du ciel. En mars 2014, un photographe de l’armée syrienne ayant fait défection a révélé quelques 55 000 clichés représentant plus de 11 000 victimes torturées à mort, hommes femmes et enfants de tous âges, de toutes origines confessionnelles et ce uniquement pour la région de Damas.

Autre arme de terreur, le bombardement à l’arme chimique dans la banlieue de Damas, le 21 août 2013, alors sous contrôle de l’opposition. L’attaque a fait plus de 1 700 morts, dont une majorité de civils, selon Médecins sans frontières. Elle a, selon toute vraisemblance, été perpétrée par les forces gouvernementales. Ces dernières, ou leurs supplétifs, ont également multiplié les massacres de civils, comme dans les villes d’al-Bayda et de Baniyas, où au moins 248 personnes, dont 45 femmes et 43 enfants, ont été exécutés sommairement.

Enfin, dès le début du conflit en mars 2011, les forces de l’ordre et milices pro-régime ont fait du viol des femmes une arme de guerre.

Les crimes commis par l’EI, sous l’objectif des caméras, sont sans commune mesure avec l’ampleur des exactions commises par les forces pro-gouvernementales. Pour autant, selon l’ONU, l’EI est lui aussi coupable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/le-regime-syrien-cent-fois-plus-meurtrier-que-les-djihadistes-de-l-ei_1624707.html#UBXc6KDI8Zr3hXMx.99

Aux patriarches orientaux


du Journal L’Orient le Jour, rubrique Nos Lecteurs ont la Parole
Vos Éminences,
Vos Seigneuries,
Vos Révérences,
Vos Excellences,

Pourquoi établir une hiérarchie de valeur entre une victime et une autre ? Pourquoi discriminer un assassin génocidaire d’un autre criminel tout aussi génocidaire ?

Voilà plus de trois ans que des centaines de milliers de civils innocents de Syrie et du Levant, dont femmes et enfants, sont jetés sur les routes de l’exil à cause des violences atroces que leur font subir un régime tyrannique et ses rivaux des réseaux nihilistes-jihadistes. Pourquoi n’avez-vous pas émis une simple parole de miséricorde chrétienne et de consolation charitable à leur égard ?

Des milliers d’enfants, aussi innocents que ceux de Bethléem massacrés par Hérode, ont été égorgés, asphyxiés au gaz, écartelés, décapités par une dictature barbare et ses émules mimétiques de la violence politique et religieuse. Qu’ont fait les Églises antiochiennes pour rendre justice aux victimes, à toutes les victimes ?

Éminences, Seigneuries et Révérences,

La tribune du discours chrétien en période de troubles, de guerres et de tribulations est toujours la croix de la victime innocente, de toute victime innocente. Il y a deux mille ans, Jésus de Nazareth n’a effectué aucune distinction entre lui-même et le bandit crucifié à ses côtés, et dont nous ignorons à quelle religion il appartenait. Toute cette humanité cruellement écrasée aujourd’hui sous nos yeux au Levant, toutes ces victimes de la violence sanguinaire ne valent-elles pas autant que le criminel du Golgotha à qui il fut dit : « Ce soir tu seras avec moi au paradis. »

Montez sur la croix de toute victime innocente et criez haut et fort à la face de l’univers que le christianisme refuse de discriminer les hommes persécutés, opprimés, victimes de la moindre injustice ou lésés dans leurs droits. Annoncez au monde qu’aux yeux du christianisme, toute victime au Levant et ailleurs s’appelle en vérité Jésus de Nazareth.

La présence chrétienne au sein d’un milieu qui ne l’est pas a pour finalité de faire en sorte que les autres reconnaissent et disent, en parlant des chrétiens : « Ceux-là sont véritablement les disciples de Jésus de Nazareth. » C’est ce témoignage et c’est cet « autre » qui sont, en principe, la préoccupation perpétuelle de ceux qui se disent chrétiens. La présence chrétienne en Orient n’a pas pour but la protection d’un groupe en danger au même titre que la survie de certaines espèces végétales ou animales devenues rares.

L’État islamique (Daech) a tué des chrétiens, des yazidis et des membres de groupes musulmans. Ce monstre hideux des temps modernes continue à tuer quotidiennement, par centaines, des musulmans pieux mais qui refusent de se soumettre à sa dictature des ténèbres.

Éminences, Seigneuries et Révérences,

Merci d’éviter de vous substituer à nous, laïcs, pour faire de la politique. Nous sommes assez grands pour savoir quels choix opérer en la matière. Merci de laisser à César ce qui lui appartient de plein droit.
L’heure est venue d’oublier les privilèges des millets de l’Empire ottoman où chaque chef religieux était considéré comme le chef de sa nation par le padichah osmanli. Le sultan n’est plus là. Il ne reviendra pas. Vous n’êtes plus des ethnarques mais vous demeurez des prélats de l’Église de Jésus-Christ, héritiers directs de la vénérable Église d’Antioche et gardiens de son témoignage. L’Église en Orient est le phare du Levant et non un enclos pour minorités apeurées. Tout le monde a peur, tout le monde panique au Levant, sans distinction de religion.

Dès lors, merci d’user de votre fonction pour demander à la terre entière de mettre fin à l’État islamique, ce n’est que justice. Que la terre entière se ligue contre l’État islamique et contre ses variantes séculières. Que toutes les nations démantèlent l’État islamique s’il le faut mais au nom de la dignité et des droits de tout homme, sans distinction, et non sous le seul prétexte d’assurer la survie de groupes minoritaires et les privilèges de leurs ethnarques.

source

anniebannie leur demanderait aussi d’intervenir pour que la terre entière se ligue contre le pendant de l’EI, son rival, à savoir Bachar l’assassin de son peuple

 

 

L’Etat islamique vu par Vice : commentaire d’un reportage inédit


Camille Polloni | Journaliste Rue89

Cet été, le site américain Vice a diffusé un reportage viral au cœur du groupe terroriste de l’Etat islamique en Syrie. Nous avons demandé à David Thomson, journaliste spécialiste des djihadistes, de l’analyser.

Le site américain Vice est connu pour ses vidéos-choc dans les endroits les plus dangereux du monde. Cet été, le site a diffusé un reportage découpé en cinq épisodes de dix minutes chacun, au cœur de l’Etat islamique en Syrie.

Le reporter de Vice, Medyan Dairieh (DR)

Réalisé par Medyan Dairieh, un journaliste palestinien habitué aux terrains difficiles, le film connaît une grande notoriété dans le monde entier. Le visionner met assez mal à l’aise.

D’un côté, il représente un véritable exploit, en filmant au plus près du groupe terroriste le plus terrifiant du moment – et qui vient de décapiter le journaliste américain James Foley. De l’autre, l’absence de distance entre l’auteur et son sujet fait débat. Il faut dire que pour pouvoir tourner à Racca, il a dû accepter d’être cornaqué en permanence par des combattants de l’Etat islamique, sans réelle liberté de mouvement.

Le journaliste David Thomson (DR)

Nous avons montré l’intégralité du reportage au journaliste David Thomson, à la fois pour recueillir ses impressions sur le discours véhiculé par Vice et ses réflexions sur la progression de l’Etat islamique en Syrie et en Irak.

Reporter à RFI, il a écrit un livre sur les djihadistes français qui partent en Syrie (« Les Français jihadistes », mars 2014, éd. Les Arènes). Quand il travaillait en Tunisie, entre 2011 et 2013, il a aussi réalisé un documentaire sur le groupe salafiste Ansar Al Charia.

Son parti-pris est assez proche de celui de Vice : lorsqu’il parle des djihadistes, il n’émet pas de jugement mais s’astreint à un traitement très factuel. Grâce à cette attitude, il a développé des relations privilégiées avec des combattants habituellement réticents à recevoir la presse. Comme pour d’autres sujets, la confiance joue à plein :

« Quand ils savent qu’il y aura un traitement objectif, qui ne colporte pas de rumeurs, qui tient compte des gens et de leurs codes, ils acceptent. Pour Ansar Al Charia, le pacte de départ était que je ne prenais contact qu’avec eux. Je n’ai pas de contact avec des sources policières ni judiciaires, je ne collabore pas avec les autorités. »

Chacun des cinq épisodes est disponible en intégralité ici.