Pourquoi la droite religieuse américaine soutient Israël


Pourquoi la droite religieuse américaine soutient Israël
Donald Trump et le pasteur Robert Jeffress à Washington, le 1er juillet 2017. (Olivier Douliery/NEWSCOM/SIPA)

Si Donald Trump a décidé de déménager l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, c’est en partie pour plaire aux chrétiens évangéliques, qui rêvent d’accélérer la fin du monde.

Ami de Donald Trump, Robert Jeffress, le pasteur qui a lu ce lundi la prière lors de l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem, est un drôle de zig. Selon lui, les défenseurs des droits des homosexuels sont des « militants de la pédophilie » et l’islam est une « hérésie sortie du puits de l’enfer ». Et puis, il est convaincu que les juifs qui ne se convertissent pas ne connaîtront pas le salut : logiquement, ils devraient connaître les flammes du châtiment éternel…

Cette dernière conviction du pasteur est conforme avec le récit futuriste de la fin des temps, que de nombreuses églises évangéliques américaines promeuvent depuis une vingtaine d’années et dans laquelle Jérusalem et le peuple juif jouent un rôle central.

Le paradoxe de la situation actuelle, c’est que si Donald Trump aide tant les Israéliens, ce n’est pas seulement pour plaire à Benjamin Netanyahou. C’est aussi (surtout ?) pour séduire les fondamentalistes chrétiens qui composent une partie de sa base électorale. Des Américains qui prennent la Bible au sens littéral.

Apocalypse

On estime que plus de 80% des blancs fréquentant ces églises évangéliques ont voté Trump. Or, depuis une vingtaine d’année, ces églises défendent bec et ongle Israël. Pas forcément par sympathie pour les Israéliens, mais parce qu’ils préparent le retour du Messie et la fin du monde. Or, dans le scénario que ces églises ont dessiné à partir de l’apocalypse de Saint Jean et d’autres textes (Isaïe, Jérémie, Ezechiel, Daniel, Thessaloniciens, Jean, Mathieu…), le peuple juif doit revenir à Jérusalem, y reconstruire le temple et se battre à mort avec ses voisins.

Pour ces églises évangéliques, les événements actuels au Proche-Orient s’inscrivent dans ce programme prophétique : l’instauration d’un ordre mondial satanique (certains désignent les Nations-unies), le retour du peuple d’Israël à Jérusalem, la chute de Babylone (est-ce Bagdad ? Ou, disent certains, Téhéran ?), la grande bataille contre l’Antéchrist (« Armageddon »), des désastres naturels et au final, l’enlèvement au ciel des bons chrétiens et des juifs convertis (« the rapture »).  Commenceront alors les temps paradisiaques, avec Dieu vivant éternellement au milieu des hommes.

Calcul politique

Petit détail qui a son importance : dans ce scénario eschatologique, les deux tiers du peuple d’Israël périssent dans la bataille de l’Armageddon. Et seuls les survivants qui se convertissent échapperont à l’enfer. Autrement dit, ces chrétiens flattent les Israéliens… tout en étant convaincus qu’ils sombreront.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce galimatias a infusé dans une partie de la société américaine. En 2002, un sondage pour « Time » et CNN montrait que 59% des Américains étaient convaincus que les événements annoncés dans l’Apocalypse se dérouleraient bel et bien.

D’où les pressions de cette droite religieuse sur la Maison-Blanche, pour que Trump agisse au Proche-Orient : il s’agit d’accélérer le processus pour hâter la venue du Christ.

Le président n’est pas insensible à ces pressions. La décision de transférer l’ambassade a été prise malgré l’avis négatif de ses propres conseillers diplomatiques.  Son calcul est purement politique. Selon Elizabeth Oldmixon, qui enseigne les sciences politiques à l’Université du nord du Texas, un tiers des Américains des églises évangéliques seraient des fondamentalistes sensibles au sort d’Israël et à son rôle dans la fin des temps. Soit environ 15 millions de personnes…

Pascal Riché

Jérusalem: Trump décide d’œuvrer contre la paix


Editorial – Baudouin Loos, Le Soir du 7 décembre 2017

On chercherait vainement un État dans le monde, à l’exception d’Israël, qui se félicite de la décision de Donald Trump de rompre avec la ligne politique observée par les États-Unis depuis un demi-siècle à propos du sort de Jérusalem. En l’occurrence, le pensionnaire de la Maison-Blanche a annoncé ce 6 décembre que son pays reconnaissait désormais Jérusalem comme la capitale d’Israël. L’Américain a pris cette décision malgré les nombreux appels en sens contraire entendus un peu partout, au Proche-Orient, en Europe, aux… États-Unis ou ailleurs. Pour rappel, dans toutes les configurations sérieuses de plan de paix, la ville de Jérusalem se voit divisée en deux, la partie juive devenant la capitale d’Israël et la partie arabe la capitale de la Palestine.

Donald Trump a très sérieusement expliqué que son geste audacieux, pour dire le moins, faisait partie de ses efforts en vue de conclure «the ultimate deal», l’accord ultime, entre Israéliens et Palestiniens.
En ce sens, il a aussi annoncé qu’il appuierait la solution des deux États (Israël et Palestine côte à côte) si les deux camps en approuvaient la perspective. Et c’est en effet nouveau : si Bush Jr et Obama avaient avalisé la «two-state solution», Trump s’en était bien gardé jusqu’ici. Mais comment arriver à ces deux États en privant les Palestiniens de «leur» capitale?

L’intervention au Proche-Orient du milliardaire qui règne à Washington ressemble à l’irruption d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. Pas vraiment une surprise quand on observe l’énergumène en action, fût-ce à travers ses célèbres tweets/jugements sommaires.
L’homme paraît incapable d’écouter les voix qui s’écartent de ses choix. Or, ici, elles n’ont pas manqué de se faire entendre.

Il n’est pas jusqu’à la sénatrice vétéran Dianne Feinstein, d’ascendance juive, qui n’ait exprimé ses inquiétudes dès le 1er décembre, soulignant que «la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et la relocalisation de l’ambassade américaine dans la ville sainte mettraient le feu aux poudres et renforceraient les extrémistes dans les deux camps». L’élue californienne insistait aussi sur le fait que cette décision sur Jérusalem «éroderait la crédibilité américaine en tant que médiateur non biaisé, aliénerait nos alliés et minerait les derniers espoirs d’aboutir à la solution des deux États».

La question est en effet pertinente : pourquoi Trump a-t-il rompu avec la politique traditionnelle de son pays sur Jérusalem? Et pourquoi maintenant, alors que ses conseillers étaient en train de finaliser un plan de paix, dès lors mort-né? Qui connaît la réponse? En attendant, la nouvelle donne fait le jeu de la coalition au pouvoir en Israël, celle de la droite nationaliste et de l’extrême droite, dont la politique de faits accomplis qui bafouent le droit international se trouve plus que jamais confortée par la première puissance mondiale.

Le rapport de Richard Falk et Virginia Telley sur l’apartheid israélien, publié en français


Au mois de mars, la Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale (CESAO) des Nations-Unies a publié un rapport sur l’apartheid israélien. Pour le Comité national palestinien (BNC) de BDS, le rapport constitue un « un progrès historique ». C’est la première fois qu’une agence des Nations-Unies établit, à travers une étude scrupuleuse et rigoureuse, qu’Israël impose un régime d’apartheid sur l’ensemble du peuple palestinien : sur les Palestiniens des territoires occupés, sur les citoyens palestiniens d’Israël et sur les réfugiés et exilés palestiniens. Le rapport recommande aux Nations Unies et à ses états membres de soutenir la campagne BDS.

Très rapidement, sous pression des Etats-Unis et d’Israël, le rapport est retiré des sites des Nations Unies.
Deux jours après sa sortie, il est enterré.

Mais de nombreux instances et associations ont sauvegardé le rapport. Une équipe de traducteurs a traduit le rapport en français. Un traducteur de ce site a participé à ce travail collectif.

La version française du rapport :
pour télécharger le PDF, cliquez ici

Une mort banale en territoires occupés


Qui dit vrai dans la mort de Fala Abou Maria? L’armée israélienne dit avoir été attaquée à coups de pierres par une foule depuis un toit à 3h30 du matin. La famille palestinienne en cause dit que la victime avait lancé un petit pot-de-fleur en plastique vers les soldats.

Pourquoi parler de la mort de Fala Abou Maria? A savoir un Palestinien mort sous les balles de l’occupant israélien. Un cas parmi tant d’autres. Un non-événement, une ligne dans les journaux, dans quelques rares journaux. Parlons-en pourtant.

Cela se passe à Beit Ummar. Un gros bourg de 17.000 habitants situé entre Bethléem et Hébron, en Cisjordanie occupée. En «Judée», disent les Israéliens, qui ont d’ailleurs cerné l’agglomération de plusieurs colonies.
Il est 3h30 durant la nuit du 22 au 23 juillet quand une unité de l’armée israélienne d’occupation se présente pour perquisitionner le domicile des Abou Maria, en vue d’arrêter quelqu’un qu’elle recherche.
L’affaire tourne mal, comme souvent. Selon l’armée israélienne, «une foule violente» s’est attaquée aux soldats «depuis le toit de la maison en lançant des pierres, blessant un soldat». L’unité a répondu en tirant et a blessé une personne; «lorsqu’elle a voulu se retirer, elle a été à nouveau attaquée et a répliqué en visant l’instigateur principal». Un homme en est mort. Il s’agit de Fala Abou Maria, 52 ans, menuisier, le chef de la famille.
Le quotidien britannique The Telegraph a envoyé son correspondant à Jérusalem sur place. Robert Tait a interrogé les témoins de la scène. Leur version est bien différente. Selon les membres de la famille, il n’y a eu ni foule ni jets de pierre. La version israélienne  «est fausse, dit Sara, 25 ans, belle-fille de la victime, qui se trouvait à côté d’elle lorsqu’elle fut tuée. Il n’y avait personne sauf moi, ma belle-mère, mon mari et nos enfants. Pas une pierre n’a été lancée. [Mon beau-père] a lancé un pot-de-fleur et ils l’ont abattu immédiatement».
D’après les explications fournies au journaliste britannique, l’altercation a commencé quand l’unité israélienne a voulu forcer l’entrée de la maison. Fala Abou Maria et deux de ses fils – il a onze enfants – ont tenté de retarder l’entrée des soldats pour que les femmes puissent se lever et s’habiller. L’armée a tiré sur son fils Mohamed, 24 ans, qui a été atteint aux deux jambes et aux testicules, selon le docteur Izzedin Ashlamoun, de l’hôpital Al-Ahli à Hébron.
«Mon beau-père était en colère, raconte une autre belle-fille, Sara. Il ne pouvait plus se contrôler, il croyait que son fils avait été tué, il y avait plein de sang. Il est monté au balcon, s’est emparé d’un petit pot-de-fleur en plastique et l’a lancé en bas vers les soldats, ratant sa cible. Ils lui ont tiré trois balles. Il est mort juste après avoir eu le temps de dire ”Il n’y a qu’un Dieu et Mahomet est son prophète, je meurs en martyr”.»
Une histoire banale en Palestine occupée. Et plus encore à Beit Ummar – située sur une route fréquentée entourée de colonies – où les clashes sont fréquents. Cinq des six fils de la victime ont déjà connu les geôles israéliennes, notamment pour jets de pierres. Pour Mohamed, interrogé à l’hôpital, l’armée d’occupation a perquisitionné la maison familiale une centaine de fois depuis 1989.
L’envoyé du Telegraph a donné la parole à l’armée israélienne. Dont une porte-parole a donné les explications suivantes, sans toutefois dire pourquoi aucune arrestation n’avait été effectuée cette nuit-là: «Je n’ai pas entendu parler d’un pot-de-fleur mais je sais qu’il y a eu des jets de pierres et de briques depuis le toit. Il ne s’agissait pas seulement des résidents de la maison, il y a avait une foule. Je dirais que les jets de pierres ont duré entre dix et vingt minutes». Elle a promis qu’une enquête serait ouverte par l’armée.
Les funérailles de Fala Abou Maria ont donné lieu à de nouveaux incidents. Des centaines de personnes y assistaient, bien que l’armée israélienne eût bouclé les issues de la petite ville. La foule criait vengeance. L’armée israélienne a tiré des balles en plastique et des gaz lacrymogènes. Huit personnes ont été blessées, dont trois ont été hospitalisées.
Selon l’agence palestinienne Maan, Abou Maria est le dix-septième Palestinien tué cette année par les forces israéliennes. L’avant-dernière victime s’appelle Mohamed Alawna, 21 ans, il a été abattu durant une opération de nuit le 22 juillet dans le village de Burqin, près de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée.

BAUDOUIN LOOS

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Document exclusif : la bombe à retardement de Jérusalem


|  PAR RENÉ BACKMANN

Selon un rapport confidentiel rédigé par les diplomates de l’Union européenne à Jérusalem, que Mediapart s’est procuré, la tension dans la ville n’a jamais été aussi forte depuis 1967. Si la politique de discrimination et de colonisation menée par Israël se poursuit, ce sont les bases mêmes d’une solution pacifique qui seront détruites. Il est peut-être encore temps d’agir, mais l’Europe doit faire preuve de courage.

La situation à Jérusalem a atteint, en 2014, un degré de « polarisation et de violence »que la ville n’avait plus connu depuis 1967 ou la fin de la seconde intifada en 2005.« Si l’on ne s’attaque pas aux causes profondes de cette violence, le résultat probable sera une poursuite de l’escalade, et une aggravation de la division extrême dont la ville a souffert au cours des six derniers mois de l’année dernière. » C’est sur ce constat alarmant que s’ouvre le dernier rapport des chefs de mission diplomatique de l’Union européenne à Jérusalem et à Ramallah, récemment transmis à Bruxelles.

Depuis qu’un diplomate britannique en a eu l’idée il y a une quinzaine d’années, les consuls et consuls généraux représentant les pays de l’UE (aujourd’hui au nombre de 28) en Israël et dans les territoires occupés palestiniens, rédigent chaque année pour le comité politique et de sécurité du Service européen d’action extérieure – le ministère des affaires étrangères de l’Europe – une sorte « d’état des lieux », qui fait le point sur la situation à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Celui de ce printemps, qui couvre l’année 2014, est particulièrement épais. Mediapart s’est procuré ce document européen à diffusion restreinte, traditionnellement rédigé en anglais : il peut être consulté en cliquant ici.

Il comporte 32 pages, dont trois pages de recommandations, et cinq pages de statistiques (nombre de morts et blessés dus aux actes de violence, état des démolitions par Israël de maisons palestiniennes, nombre de personnes affectées, évolution des conditions d’accès pour les Palestiniens à la mosquée Al-Aqsa, nombre d’accrochages avec les colons, répartition des incidents par localité). Il est aussi particulièrement alarmant.

« Jérusalem demeure, dans le cadre du processus de paix au Proche-Orient, l’une des questions les plus passionnelles et les plus problématiques, écrivent les diplomates européens. Aussi longtemps que le statut de la ville ne sera pas résolu, un accord global entre Israéliens et Palestiniens ne sera pas possible. Ce point n’a jamais été aussi pertinent que cette année. […] Au cours de l’année 2014, la situation s’est gravement détériorée à Jérusalem dans pratiquement tous les domaines couverts par les rapports précédents.

L’expansion de la colonisation s’est poursuivie, y compris dans les zones très sensibles ; des politiques très restrictives sur les constructions palestiniennes à Jérusalem ont été maintenues avec force et ont été suivies par des vagues de démolitions et d’expulsions ; l’éducation pour les Palestiniens reste inéquitable ; les Palestiniens continuent d’affronter des difficultés pour bénéficier des soins de santé ; l’économie de Jérusalem-Est ne montre aucun signe d’amélioration. De surcroît, Israël a remis en vigueur des mesures punitives, comme la révocation des droits de résidence et la démolition des habitations des Palestiniens impliqués dans des attentats. »

Après avoir rappelé que pour l’UE les colonies sont, de longue date, considérées comme illégales au regard du droit international et constituent un obstacle à la paix, les auteurs du rapport constatent que sur les 540 000 colons recensés en 2014, près de 200 000 vivent à Jérusalem-Est, aux côtés de 300 000 Palestiniens, et que près de 3 000 bâtiments destinés à accueillir des colons ont été mis en chantier. La même politique a été poursuivie à la périphérie de la ville, parfois à l’abri d’un prétexte touristique, écologique ou archéologique.

Pour développer la zone E1, qui doit devenir une vaste colonie stratégique, à l’est de Jérusalem, le gouvernement israélien s’apprête même à chasser les communautés de bédouins qui vivent traditionnellement sur ces terres, et à les installer au nord de Jéricho, ce qui pourrait être considéré comme un « transfert forcé », en contravention avec la quatrième convention de Genève. Ce déplacement pourrait aussi ouvrir la voie à d’autres expansions de colonies israéliennes, compromettant un peu plus encore la viabilité de la solution à deux États.

« Si ce projet était réalisé, estiment les diplomates, il couperait Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie, et la diviserait en une partie nord et une partie sud, portant un coup sévère à la contiguïté d’un futur État de Palestine et au potentiel de Jérusalem comme future capitale de deux États. »

Après avoir recensé et analysé les principaux attentats et incidents intervenus en 2014, et leur perception par la population de Jérusalem-Est, les auteurs du rapport constatent que « l’une des plus évidentes conséquences de ce très haut niveau de tension et de violence est la polarisation croissante de la ville, qui a récemment été décrite par divers observateurs et médias comme « plus divisée » qu’elle ne l’a jamais été depuis 1967 ». La situation autour de l’Esplanade des mosquées, où deux lieux saints de l’islam surplombent le Mur des lamentations, est décrite comme particulièrement explosive.

Forces de sécurité israéliennes sur l'Esplanade des mosquées.Forces de sécurité israéliennes sur l’Esplanade des mosquées. © Reuters

« Toute menace ou perception de menace contre l’intégrité de ce site ou contre le statu quo ne risque pas seulement de saper la reprise du processus de paix, mais possède le potentiel de déstabiliser la région et de provoquer des réactions de grande ampleur à travers le monde », estiment les diplomates.

Ils déplorent « l’escalade brutale, durant l’année 2014, des tensions sur l’Esplanade alimentée par les constantes provocations et incitations des représentants du gouvernement israélien, des colons et des extrémistes. […] Une source particulière d’inquiétude a été le nombre de visites spectaculaires et provocatrices de membres du monde politique israélien. Le 25 novembre, le chef de la police israélienne a sévèrement critiqué ces visites ».

Discrimination à grande échelle

Cette tolérance, voire complicité de l’État israélien, face à ces intrusions provocatrices sur l’Esplanade, est d’autant plus mal perçue par la majorité de la population musulmane que les Palestiniens sont victimes d’une réglementation qui limite considérablement leur droit d’accès aux lieux saints. « Les vendredis du Ramadan, notent les auteurs du rapport, l’accès de l’Esplanade a été interdit aux musulmans de moins de 50 ans et le nombre de Palestiniens de Cisjordanie qui franchissaient les checkpoints autour de Jérusalem a spectaculairement diminué. Il est passé de 466 466 en 2013 à 45 291 en 2014, car seuls les hommes de plus de 50 ans et les femmes de plus de 40 étaient autorisés à entrer à Jérusalem sans permis spéciaux, tandis que l’accès était totalement interdit aux habitants de Hébron et de Gaza. »

Autre source de préoccupation pour les diplomates européens : le régime de planification urbaine de la municipalité de Jérusalem, « qui soumet à de très sévères restrictions les activités de construction des Palestiniens, ce qui crée une grave pénurie de logements et d’infrastructures pour les résidents palestiniens et paralyse le développement. Près de 52 % de la superficie municipale de Jérusalem-Est, telle qu’elle a été définie par Israël, ne sont pas ouverts à la construction, et 35 % sont affectés aux colonies. Conséquence : moins de 13 % de la superficie peuvent être utilisés par des constructions. Or la majeure partie de cette terre est déjà construite et la réglementation sur la densité rend l’obtention d’un permis très difficile et très coûteuse. Au moins 33 % des habitations palestiniennes à Jérusalem-Est ont donc été construites sans permis, ce qui expose plus de 93 000 Palestiniens au risque de voir leur maison détruite et d’être déplacés ».

Destruction de maisons palestiniennes à Jérusalem-Est sous protection de l'armée.Destruction de maisons palestiniennes à Jérusalem-Est sous protection de l’armée. © Reuters

Très critiques des réglementations municipales (parfois contraires au droit international) qui encadrent de plus en plus étroitement le statut de « résident » des Palestiniens de Jérusalem-Est – mesures officiellement destinées à limiter à 40 % la population palestinienne de cette partie de la ville –, les diplomates européens condamnent aussi énergiquement, arguments à l’appui, les nombreux obstacles à la liberté de mouvement des Palestiniens.

« La barrière [de séparation], rappellent-ils, déconnecte Jérusalem-Est du reste de la Cisjordanie et sépare, physiquement, les communautés palestiniennes au sein de Jérusalem-Est : 30 % de la population de Jérusalem-Est vivent à l’intérieur des limites municipales, mais au-delà de la barrière de séparation, et sont ainsi coupés de tous les services urbains. »

Aggravant encore les conditions de vie créées par cet enchevêtrement de réglementations restrictives, les choix politiques du gouvernement israélien à Jérusalem-Est entravent l’accès des habitants à l’éducation, à la santé et nuisent au développement économique. Alors que les 300 000 Palestiniens de Jérusalem représentent 38 % de la population totale de la ville et sont soumis au même régime fiscal que les résidents israéliens, la part du budget municipal qui leur est consacrée ne dépasse pas 12 %. Et ils ne disposent que de trois bureaux d’aide sociale, bien qu’ils constituent plus du tiers de la population municipale, tandis que la partie occidentale de la ville dispose de 18 bureaux.

Cette politique de discrimination, constatent les rédacteurs du rapport, s’étend aussi aux transports, aux infrastructures, aux institutions palestiniennes de Jérusalem-Est – pour la plupart fermées depuis 2001, à l’exception des hôpitaux – et à l’exercice des religions.« Le droit d’accès, la liberté de culte et le droit de pèlerinage dans la Ville sainte demeurent des domaines de grave préoccupation pour les musulmans et les chrétiens, constate le rapport. La barrière de séparation, qui divise les congrégations, fait aussi obstacle au travail des organisations religieuses qui participent à l’éducation, la santé, l’assistance humanitaire et l’aide sociale aux Palestiniens à Jérusalem-Est, et autour. Degraves entraves à la liberté de circulation et de culte continuent d’affecter les Palestiniens musulmans et chrétiens de Cisjordanie, qui ne peuvent se rendre à Jérusalem sans permis délivré par Israël. Ces permis ont une durée limitée et sont attribués de manière très sélective. »

Ce véritable réquisitoire contre la politique israélienne à Jérusalem-Est est d’autant plus accablant qu’il n’émane pas de militants politiques ou de défenseurs des droits de l’homme, mais de diplomates habitués à peser leurs mots. Ils représentent une entité – l’Union européenne – dont l’audace, en politique étrangère, n’est pas la qualité première. Si elles étaient – même partiellement – suivies d’effet, les 40 recommandations que formulent les auteurs du rapport provoqueraient un bouleversement politique international majeur.

« Élaborées avec, pour objectif, la préservation de la viabilité de la solution à deux États, telle qu’elle est exposée dans de nombreuses déclarations de l’UE, y compris les conclusions adoptées par le Conseil le 22 juillet et le 17 novembre 2014, ces recommandations, précisent les diplomates, ont aussi pour but de préserver la présence palestinienne à Jérusalem aux niveaux politique, culturel et économique. La situation, qui s’est très rapidement détériorée à Jérusalem au cours de l’année 2014, rend la mise en œuvre de ces recommandations des plus pressantes. »

Les 40 recommandations

Les 40 recommandations de l’UE obéissent à quatre axes prioritaires de l’action diplomatique européenne au Proche-Orient : préserver la viabilité de Jérusalem comme futur capitale de deux États ; consolider l’identité religieuse et culturelle de la ville ; mettre fin à l’isolement socio-économique de Jérusalem ; renforcer le rôle, la visibilité et la politique de l’Union européenne.

Pour atteindre ces objectifs, les représentants de l’UE proposent des mesures déjà citées dans les rapports précédents – rouvrir des institutions palestiniennes de Jérusalem-Est, soutenir la société civile, héberger les événements organisés par la société civile palestinienne dans les centres culturels, les consulats, les résidences diplomatiques européennes, encourager le dialogue interreligieux, assurer une présence européenne lorsque des familles palestiniennes sont exposées au risque d’expulsion, ou de démolition de leur maison.

Netanyahou sort grand vainqueur des élections législatives de la mi-mars.Netanyahou sort grand vainqueur des élections législatives de la mi-mars. © Pierre Puchot

Ils avancent aussi des recommandations plus musclées, manifestement dictées par l’urgence de la situation, qui révèlent leur irritation face à la stratégie d’occupation-colonisation-annexion impunie d’Israël. Sans utiliser le mot « boycott », diplomatiquement incorrect, ils suggèrent de prendre « de nouvelles mesures coordonnées pour garantir que les consommateurs européens soient capables d’exercer leur droit à un choix informé, pour ce qui concerne les produits des colonies, en conformité avec les règles en cours dans l’UE ».

Ils conseillent également que soient « examinées et adoptées » des mesures réglementant l’entrée dans les pays de l’UE des colons connus pour leur violence et de ceux qui appellent à commettre des actes de violence. Ils souhaitent que soient poursuivis les efforts visant à attirer l’attention des citoyens européens et des entreprises de l’Union européenne sur les risques liés aux activités économiques et financières dans les colonies. Ils proposent aussi que des « conseils » soient donnés aux organisateurs de voyages européens, pour qu’ils évitent de soutenir les entreprises installées dans les colonies de Jérusalem-Est.

Pour enrayer le naufrage économique de Jérusalem-Est, les diplomates proposent que l’UE demande à Israël de lever les restrictions de mouvement sur les biens et les services entre Jérusalem et le reste des territoires occupés, de mettre un terme aux pratiques qui limitent la liberté de circulation des citoyens européens, de rouvrir la chambre de commerce arabe de Jérusalem-Est, d’améliorer les infrastructures et les services publics à Jérusalem-Est, d’associer les Palestiniens à la planification urbaine à Jérusalem-Est, et d’apporter une aide spécifique aux communautés affectées par la barrière de séparation.

En d’autres termes, compte tenu de la majorité de droite et d’extrême droite qui a émergé des dernières élections législatives et de la coalition sur laquelle Benjamin Netanyahou entend s’appuyer pour constituer son gouvernement, c’est une véritable collision diplomatique qui se dessine entre Israël et l’Europe si Bruxelles s’avise de suivre ces recommandations et, comme Barack Obama, de « réévaluer ses options ».

Le destin réservé aux rapports précédents – un archivage discret, sans suites concrètes, faute de consensus – n’incite pas à l’optimisme. Mais si, comme il l’a annoncé vendredi, Laurent Fabius s’apprête à « relancer les efforts de la France » pour faire voter au Conseil de sécurité de l’ONU une résolution fixant les grandes lignes d’un règlement au Proche-Orient entre Israël et Palestiniens, le contenu de ce rapport pourrait utilement éclairer les rédacteurs de cette résolution…

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Qu’est-ce que la Palestine?


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Publié le par Baudouin Loos

 

Evoquer la Palestine en maximum 2.000 signes, pas évident… Voici l’essai, publié dans ”Le Soir” du 4 décembre 2014.

De quoi la Palestine est-elle le nom? De la dépossession, d’abord. Entre les deux guerres mondiales, on a «vendu» aux Juifs de la diaspora en proie à l’antisémitisme et en quête d’un Etat «une terre sans peuple pour un peuple sans terre». Sauf qu’il y avait un peuple, les Palestiniens. Dont l’identité nationale n’était certes pas affirmée à 100%. Le mandat britannique (1920-1948) et l’immigration juive vont ancrer, galvaniser cette identité, que seuls quelques extrémistes osent encore nier.

D’exil forcé en défaites militaires arabes, les Palestiniens sous l’égide de l’Organisation de libération de la Palestine ont finalement accepté en 1988 de ne réclamer pour bâtir leur Etat que 22% de la Palestine historique, à savoir les territoires conquis par Israël en 1967 (Jérusalem-Est, la Cisjordanie et la bande de Gaza).

Mais face à la toute-puissance militaire et économique d’Israël, Etat conforté par l’aide des Etats-Unis et la bienveillance de l’Europe, les Palestiniens en sont réduits, depuis 1991, à négocier ce qu’ils pourraient sauver de ces 22%. Car Israël, pour des raisons dites de sécurité mais souvent aussi religieuses, n’entend céder que le minimum dans tous les dossiers comme le retour des réfugiés (c’est un «niet» israélien total, mais le droit international dit autre chose), le partage de Jérusalem (idem) ou les colonies (illégales, elles grignotent et rongent les territoires occupés, rendant l’émergence d’un Etat palestinien quasiment impossible).

Malgré la radicalisation d’une partie non négligeable du public palestinien frustré qui entend les sirènes islamistes parfois extrémistes, l’ensemble de la planète Terre s’est résolu au XXIe siècle à soutenir la création d’un Etat palestinien. Avec l’injustice fondamentale du sort des Palestiniens de plus en plus difficile à cacher, les excès israéliens sont largement responsables de cette prise de conscience: des interventions armées aux moyens disproportionnés ont choqué le monde au Liban (1982), face aux intifadas (révoltes) des populations occupées (celle de 1987 et celle de 2000), à Gaza en 2008 et 2014.

En l’absence de pressions dignes de ce nom sur l’occupant israélien, la question palestinienne continuera longtemps encore à hanter les esprits.

BAUDOUIN LOOS

 

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Avec ces Israéliens qui défendent les Palestiniens


loos

En territoire occupé, surtout en « zone C » sous contrôle israélien exclusif, la vie des Palestiniens ressemble à un calvaire. Une poignée d’Israéliens se mobilisent et montrent leur solidarité. Reportage dans le sud de la Cisjordanie.

Sept heures du matin : le rendez-vous était bien matinal ce samedi 2 novembre sur le parking d’un parc public à Jérusalem-Ouest. Un à un, Maria, Tamar, Danny et les autres membres de l’organisation « Taayoush » (Vivre ensemble, en arabe) inscrits pour la journée s’y retrouvent pour d’abord écouter les consignes d’Amiel, le quinquagénaire qui mène la petite troupe.

« Comme d’habitude, explique-t-il, nous irons dans les collines au sud de Hébron et nous irons soutenir les villageois palestiniens en butte au harcèlement des colons. Attention, il faudra jouer au chat et à la souris avec l’armée et la police israéliennes qui peuvent nous arrêter, et faire gaffe aux colons les plus agressifs ; vous serez peut-être amenés à devoir courir pour leur échapper. »

La douzaine de personnes, des Israéliens juifs entre 30 et 60 ans équitablement répartis entre les deux sexes, montent dans un minibus et un 4×4, deux véhicules tout sauf neufs. Direction le sud. Le petit convoi entre rapidement en Cisjordanie occupée, longe Bethléem à gauche, prend à un arrêt de bus deux activistes internationaux, une Américaine de 60 ans et un Français de 21 ans. Une bonne heure de route nous attend.

Dès que les véhicules dépassent Hébron, des jeeps de l’armée israélienne se mettent à nous suivre. Le premier arrêt se situe à proximité de la ville palestinienne de Yatta. Dans une immense oliveraie, une vingtaine de Palestiniens, hommes et femmes, ont commencé la cueillette des olives. Les membres de Taayoush se joignent à eux. Souvent, des colons extrémistes des environs viennent perturber le travail. Aujourd’hui, peut-être grâce à la présence d’Israéliens solidaires, le calme règne.

Zone militaire fermée

Moins d’une heure plus tard – il doit être 9 h 30 – notre groupe d’activistes repart, la journée est encore longue. Des nuages obscurcissent l’horizon. A peu de distance, nous arrivons sur les terres du village d’Umm el-Arais, à proximité de Mitzpeh Yair, un « avant-poste », à savoir une colonie juive illégale même au regard du droit israélien (1). Nous empruntons la petite route qui y mène quand un colon, environ 40 ans, lunettes, longue barbe, grosse kippa sur ses cheveux longs, nous barre la route. « C’est Avidal, lâche Amiel, un laïc devenu extrémiste religieux. »

Impossible de passer, des deux côtés le ravin est dissuasif. La Jeep militaire israélienne arrive assez vite, et un sous-officier en sort pour brandir un ordre écrit : « Le coin vient d’être déclaré zone militaire fermée, personne ne peut s’y trouver, veuillez dégager », dit-il poliment, en se gardant bien de signifier l’ordre au colon.

Après une longue marche arrière, il est décidé de passer à travers les collines, mais à pied. Le groupe arrive à destination en quinze bonnes minutes : au bas de la colline où Mitzpeh Yair a été bâti (des caravanes et quelques maisons amovibles de bois) se dressent une douzaine de serres en toile érigées par les colons sur des terres palestiniennes et dont la Cour suprême israélienne a exigé le démantèlement avant le 31 octobre. Elles sont toujours bien là.

Les deux propriétaires palestiniens, des familles Awad et Jabarin, sont arrivés sur les lieux avec des amis, des femmes et une dizaine d’enfants. Quelques colons leur font face, protégés par une vingtaine de soldats, l’arme en bandoulière. Le ton monte rapidement, une bousculade s’ensuit et les deux chefs de famille sont emmenés manu militari, menottes au poignet.

Tamar, du groupe de Taayoush, n’y tient plus : elle se met à haranguer les soldats de toutes ses forces. Ils ont presque tous moins de 20 ans. « C’est plus fort qu’elle, nous dit Amiel, elle ne peut s’empêcher de leur faire la morale, de leur dire qu’ils protègent ceux qui violent le droit international et même israélien ». Son speech passionné dure bien un quart d’heure. « D’habitude, j’arrête après quelques phrases, nous confiera-t-elle ensuite. Mais ici, j’ai observé que quelques-uns de ces jeunes soldats m’écoutaient, alors j’ai continué ! »

Maggy, la militante américaine de Bethléem, se montre audacieuse : elle franchit un barbelé et va brièvement parler à un groupe de colons. « J’ai voulu leur dire leurs torts, raconte-t-elle, mais ils m’ont répliqué que Dieu leur avait donné cette terre ; qu’est-ce qu’on peut répondre à cet argument ? »

Au total, le face-à-face durera plus d’une heure et nécessitera que les soldats israéliens se précipitent pour empêcher que plusieurs colons ne sortent du périmètre des serres pour narguer les familles palestiniennes. Amiel, de son côté, s’est isolé plus loin. Il tente de trouver par téléphone un avocat pour les deux Palestiniens arrêtés.

Quand un officier de la police israélienne surgit, la scène prend fin. « Son nom est Gilad Scheuer, on le connaît, nous souffle-t-on. Pas moyen de discuter avec lui. » Et de fait, très remonté, l’homme au crane rasé sous sa casquette bleu marine intime l’ordre aux Palestiniens et aux activistes israéliens de s’en aller, et les soldats l’aident à nous faire obtempérer.

Scène dérisoire

A bord des deux véhicules, nous nous rendons à Umm el-Kheir, un village bédouin créé en 1948 après l’expulsion de plusieurs familles bédouines du côté de Beer Sheva, dans le Néguev. Là, la colonie juive dite Carmel étouffe la petite communauté locale. « Ils veulent nous empêcher d’aller faire boire nos chèvres à la source sur ces terres que nous avons achetées légalement, explique Mouatassem, un jeune d’une quinzaine d’années dans un anglais fort compréhensible. La colonie veut s’étendre plus encore, alors qu’elle empiète déjà sur nos terres. »

Les soldats israéliens présents à Mitzpeh Yair arrivent sur la scène : le père de Mouatassem, qui possède le troupeau de chèvres, se lance dans un laïus énervé, ponctué de « Allah Akbar ! » (Dieu est grand). Avec sa barbe grise, ses cheveux blancs perdus dans un énorme keffieh, ses vêtements en lambeaux et son bras droit qui brandit un bâton en l’air, il semble avoir perdu la raison. Les soldats en rient et le prennent en photo. La scène est dérisoire.

Après quelques minutes de discussions avec les Bédouins, le groupe repart. Pour une expérience qui se révélera peu banale. Quelques kilomètres plus loin, nous arrivons à A-Tawni, un village très pauvre accroché à flanc de colline. Cinquante maisons, tout au plus. Un lunch composé de shawarmas, sorte de sandwich à la viande et aux légumes, permet de reprendre de l’énergie. Le soleil, à présent, a vaincu les nuages. Les collines de Cisjordanie offrent au regard un spectacle magique.

Enfants caillassés

Nous continuons à pied, en compagnie de deux volontaires italiennes, qui résident sur place depuis quelques semaines. « Nous aidons les enfants du village, explique Teresa, 27 ans. Pour aller à l’école la plus proche, ils doivent prendre ce chemin, qui passe à côté d’un avant-poste illégal, Havat-Maon, où les colons leur lancent des pierres tous les matins. »

La quinzaine de personnes de l’équipée empruntent donc ce chemin cahoteux. Il y a environ une demi-heure de marche jusqu’à l’école. Pas d’enfants avec nous, c’est samedi. « Le harcèlement des enfants a lieu depuis une dizaine d’années, explique Amiel. Un comité de la Knesset a ordonné en 2007 que l’armée les escorte à chaque trajet, ce qu’elle fait sans enthousiasme : parfois elle vient, parfois pas. Il est arrivé que les soldats doivent faire entrer la quinzaine d’enfants dans la Jeep car malgré leur présence des colons déchaînés les caillassaient ! »

Nous arrivons à proximité de Havat-Maon, juché sur le sommet de la colline. En contrebas, au loin, une oliveraie fait pitié avec la moitié de ses arbres coupés, résultat d’une action rageuse des colons contre les paysans palestiniens. Soudain, à travers les arbres sur la colline qui domine, des silhouettes apparaissent, furtives, en courant. Ce sont quelques jeunes colons, tous masqués. Ils sont cinq ou six. Les membres de Taayoush branchent leurs caméras. Soudain, l’un d’eux s’écrie : « Attention aux pierres ! ». Et de fait, les pierres commencent à tomber près de notre groupe, qui n’a d’autre solution que de battre en retraite.

Un kilomètre plus tard, nous sommes en sécurité. Assis un peu groggy, le groupe reprend son souffle. Personne n’a été touché. Un peu d’eau est bienvenue. Quelqu’un tente de plaisanter mais sans succès. Amiel annonce qu’il va porter plainte contre les lanceurs de pierres, puis ajoute : « Aucune chance d’aboutir à une inculpation ». Nous rejoignons bientôt nos véhicules. Le soleil va bientôt commencer à se coucher.

Sur le chemin du retour, deux questions nous taraudent. Comment se fait-il que si peu d’Israéliens participent, comme cette admirable ONG Taayoush, à des actions de solidarité avec les Palestiniens harcelés ? Et, surtout, comment peut-on lancer des pierres tous les matins sur des enfants ? BAUDOUIN LOOS

NB Cet article fait partie d’un reportage qui a été publié sur trois pages dans le journal Le Soir des jeudi 7 et vendredi 8 novembre.

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