Une mort banale en territoires occupés


Qui dit vrai dans la mort de Fala Abou Maria? L’armée israélienne dit avoir été attaquée à coups de pierres par une foule depuis un toit à 3h30 du matin. La famille palestinienne en cause dit que la victime avait lancé un petit pot-de-fleur en plastique vers les soldats.

Pourquoi parler de la mort de Fala Abou Maria? A savoir un Palestinien mort sous les balles de l’occupant israélien. Un cas parmi tant d’autres. Un non-événement, une ligne dans les journaux, dans quelques rares journaux. Parlons-en pourtant.

Cela se passe à Beit Ummar. Un gros bourg de 17.000 habitants situé entre Bethléem et Hébron, en Cisjordanie occupée. En «Judée», disent les Israéliens, qui ont d’ailleurs cerné l’agglomération de plusieurs colonies.
Il est 3h30 durant la nuit du 22 au 23 juillet quand une unité de l’armée israélienne d’occupation se présente pour perquisitionner le domicile des Abou Maria, en vue d’arrêter quelqu’un qu’elle recherche.
L’affaire tourne mal, comme souvent. Selon l’armée israélienne, «une foule violente» s’est attaquée aux soldats «depuis le toit de la maison en lançant des pierres, blessant un soldat». L’unité a répondu en tirant et a blessé une personne; «lorsqu’elle a voulu se retirer, elle a été à nouveau attaquée et a répliqué en visant l’instigateur principal». Un homme en est mort. Il s’agit de Fala Abou Maria, 52 ans, menuisier, le chef de la famille.
Le quotidien britannique The Telegraph a envoyé son correspondant à Jérusalem sur place. Robert Tait a interrogé les témoins de la scène. Leur version est bien différente. Selon les membres de la famille, il n’y a eu ni foule ni jets de pierre. La version israélienne  «est fausse, dit Sara, 25 ans, belle-fille de la victime, qui se trouvait à côté d’elle lorsqu’elle fut tuée. Il n’y avait personne sauf moi, ma belle-mère, mon mari et nos enfants. Pas une pierre n’a été lancée. [Mon beau-père] a lancé un pot-de-fleur et ils l’ont abattu immédiatement».
D’après les explications fournies au journaliste britannique, l’altercation a commencé quand l’unité israélienne a voulu forcer l’entrée de la maison. Fala Abou Maria et deux de ses fils – il a onze enfants – ont tenté de retarder l’entrée des soldats pour que les femmes puissent se lever et s’habiller. L’armée a tiré sur son fils Mohamed, 24 ans, qui a été atteint aux deux jambes et aux testicules, selon le docteur Izzedin Ashlamoun, de l’hôpital Al-Ahli à Hébron.
«Mon beau-père était en colère, raconte une autre belle-fille, Sara. Il ne pouvait plus se contrôler, il croyait que son fils avait été tué, il y avait plein de sang. Il est monté au balcon, s’est emparé d’un petit pot-de-fleur en plastique et l’a lancé en bas vers les soldats, ratant sa cible. Ils lui ont tiré trois balles. Il est mort juste après avoir eu le temps de dire ”Il n’y a qu’un Dieu et Mahomet est son prophète, je meurs en martyr”.»
Une histoire banale en Palestine occupée. Et plus encore à Beit Ummar – située sur une route fréquentée entourée de colonies – où les clashes sont fréquents. Cinq des six fils de la victime ont déjà connu les geôles israéliennes, notamment pour jets de pierres. Pour Mohamed, interrogé à l’hôpital, l’armée d’occupation a perquisitionné la maison familiale une centaine de fois depuis 1989.
L’envoyé du Telegraph a donné la parole à l’armée israélienne. Dont une porte-parole a donné les explications suivantes, sans toutefois dire pourquoi aucune arrestation n’avait été effectuée cette nuit-là: «Je n’ai pas entendu parler d’un pot-de-fleur mais je sais qu’il y a eu des jets de pierres et de briques depuis le toit. Il ne s’agissait pas seulement des résidents de la maison, il y a avait une foule. Je dirais que les jets de pierres ont duré entre dix et vingt minutes». Elle a promis qu’une enquête serait ouverte par l’armée.
Les funérailles de Fala Abou Maria ont donné lieu à de nouveaux incidents. Des centaines de personnes y assistaient, bien que l’armée israélienne eût bouclé les issues de la petite ville. La foule criait vengeance. L’armée israélienne a tiré des balles en plastique et des gaz lacrymogènes. Huit personnes ont été blessées, dont trois ont été hospitalisées.
Selon l’agence palestinienne Maan, Abou Maria est le dix-septième Palestinien tué cette année par les forces israéliennes. L’avant-dernière victime s’appelle Mohamed Alawna, 21 ans, il a été abattu durant une opération de nuit le 22 juillet dans le village de Burqin, près de Jénine, dans le nord de la Cisjordanie occupée.

BAUDOUIN LOOS

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