2013 en révision. merci de vos visites !! et Bonne Année


Les lutins statisticiens de WordPress.com ont préparé le rapport annuel 2013 de ce blog.

En voici un extrait :

Le Concert Hall de l’Opéra de Sydney peut contenir 2.700 personnes. Ce blog a été vu 32  000 fois en 2013. S’il était un concert à l’Opéra de Sydney, il faudrait environ 12 spectacles pour accueillir tout le monde.

Cliquez ici pour voir le rapport complet.

L’impasse syrienne


Sale temps pour la révolution syrienne. Rien ne va plus, ou presque. Des manifestations populaires contre le régime de 2011, il n’est plus guère question. Le stratagème de Bachar el-Assad, la communautarisation et la montée des haines, a fonctionné. Et comment ! Pourtant, rien n’est gagné, pour personne…

Qu’on se souvienne : dès avril 2011, le « raïs » s’était écrié que la Syrie faisait face à des terroristes djihadistes. Mais ceux-ci n’ont vraiment commencé à entrer en scène qu’en 2012. Notamment les centaines d’entre eux que le régime, curieusement, venait de… libérer. Sur le terrain, les rebelles, dont l’Armée syrienne libre, qui ne sont pas une armée mais une myriade de groupes hétéroclites sans commandement uni, ont quand même réussi à conquérir du terrain, dans les campagnes surtout, une moitié du pays au moins.

Mais en 2013, les choses sont allées de mal en pis. Les méthodes du régime – bombardements massifs de la population, arrestations, tortures, exécutions – ont rendu aiguë la problématique des réfugiés, qui sont environ sept millions (un tiers de la population syrienne !), dont plus de deux millions au Liban, en Turquie et en Jordanie, où ils vivent dans des conditions très précaires et passent un hiver actuellement dantesque.

On a pu croire que le déséquilibre des forces – et surtout le très létal monopole des airs du régime – allait être remis en cause par une intervention militaire, aérienne aussi, de la part des Américains et des Français, très remontés après des attaques chimiques le 21 août dernier dans des banlieues de Damas sous contrôle rebelles.

L’origine de ces attaques reste controversé, mais les menaces américaines ont tôt fait de convaincre Bachar et les siens de capituler sur ce point : en quelques semaines, l’affaire était entendue, les armes chimiques du régime vont être neutralisées, et tant pis pour l’orgueil de son chef, trop content de sauver sa peau et son aviation.

Barack Obama s’est donc résolu à annuler les frappes aériennes préparées. Au grand dam des Syriens sous les bombes et des rebelles. Ceux-ci se divisent désormais en de très nombreux camps : les débris de l’ASL (quand ils n’ont pas pris le chemin du grand banditisme), les nombreuses katiba (brigades) islamistes, les deux grands mouvements qui se réclament d’al-Qaïda (dont l’un, l’Etat islamique d’Irak et du Levant, multiplie les horreurs sans subir les foudres du régime) et enfin les Kurdes, qui consolident leur autonomie dans le nord-est du pays.

Alors, non seulement on reparle de diplomatie – une grande conférence devrait avoir lieu en Suisse en janvier – mais le pire, pour les rebelles, paraît acquis : la communauté internationale, face aux exactions hideuses des djihadistes, paraît même prête à réhabiliter Bachar, comme s’il représentait un moindre mal, lui qui n’hésite jamais – au grand jamais ! – à bombarder les hôpitaux, les boulangeries, enfin toute cible qui peut faire très mal à ces misérables qui ont osé défier l’autorité de son régime mafieux.

Personne ne semble capable de remporter une victoire définitive, même pas ce régime qui reçoit bien plus d’aide que le camp rebelle, lui qui dispose à loisir des armes russes, des conseillers iraniens, des miliciens chiites irakiens et des combattants du Hezbollah libanais.

Tout se passe comme si un conflit de longue durée, d’une âpreté inouïe, s’était engagé, dans lequel les acteurs régionaux, l’Iran, la Turquie, les pétromonarchies du Golfe sans parler des grandes puissances, sont impliqués à des degrés divers. Avec un perdant, déjà : le peuple syrien.

BAUDOUIN LOOS

LE SOIR – Samedi 28 décembre

De la servitude moderne – DOCUMENTAIRE COMPLET –


Entendre le texte de La Boétie ici « LA BOETIE – Discours de la servitude volontaire »

À 18 ans, Étienne de La Boétie fut le premier à s’étonner de la structure pyramidale du pouvoir, et à analyser les principes de la domination des peuples par un seul, ou par une poignée d’hommes.

S’il est vrai que la tyrannie est ce dans quoi la démocratie menace le plus de verser, ce bref essai écrit en 1549 peut être regardé par les peuples de nos démocraties modernes comme une invitation perpétuelle à la vigilance à l’égard du pouvoir ; et ses problèmes et ses concepts, comme des outils indispensables pour une démocratie sans cesse à régénérer.

Les manipulations de Bachar El Assad


Graffiti du président Bachar el Assad © thierry ehrmann – 2013

 

  • partager
  • Bouton d'affichage du menu partage

La rumeur a fait sensation : des jeunes filles musulmanes seraient envoyées en Syrie pour offrir leurs services sexuels aux combattants islamistes qui luttent contre l’armée de Bachar al-Assad ! C’est ce que l’on a immédiatement appelé « le djihad du sexe » ! Et certains exégètes de la loi musulmane, la charia, de légitimer cette nouvelle forme de prostitution au nom de la religion ! Les mariages temporaires ou coutumiers seraient autorisés par le Coran.

Puis la rumeur est devenue information. Les medias arabes puis occidentaux ont donné des détails, des chiffres. Un membre du gouvernement tunisien a apporté sa pierre puisque ces jeunes candidates au djihad sexuel étaient généralement originaires de son pays : il a confirmé que 16 Tunisiennes étaient réellement parties rejoindre les djihadistes en Syrie. Et il s’interroge sérieusement : que fera-t-on des enfants illégitimes qui naîtront obligatoirement de ces unions multiples mais passagères ?

On verra même à la télévision syrienne une jeune femme témoigner afin de dénoncer cette prostitution halal à laquelle elle a été soumise…

Et soudain, avec la même rapidité qui avait permis son éclosion, la rumeur s’est dégonflée… Ce n’était que propagande et désinformation. Sans doute, mais qui avait intérêt à répandre une telle rumeur ? Et pourquoi ? La suite avec Monsieur X…

Livres cités:

Pas de printemps pour la Syrie. Les clés pour comprendre les acteurs et les défis de la crise (2011-2013)

de François Burgat et Bruno Paoli
éditeur : La Découverte
parution : 2013

http://widget.editis.com/ladecouverte/9782707177759/#page/1/mode/1up

La mort est ma servante. Lettre à un ami assassiné. Syrie 2005-2013

de Jean-Pierre Perrin
éditeur : Fayard
parution : 2013

Le cadeau de Noel


26 décembre 2013, 03:10

Le cadeau de Noel

Dis-moi grand-mère, quels cadeaux ont eu tes petites filles ? Celle qui a 4 ans ?

Mon amie Belge, connais tu Héla ? Elle a 4 ans, Elle avait 4 ans. Moi non plus je ne la connaissais pas, et maintenant elle hante ma conscience. Son gros cadeau de fête a été une bombe. Une bombe et la mort,offerts par des hommes plein d’humanité. Mon amie Françoise, tu me l’as dit, toi aussi la gorge te serre devant tes petites filles en rires.

Héla et ses belles joues d’enfant nous sont offertes pour que nous devinions par une photo quelle enfant elle était, mais nous la connaissons au fond de nous. Elle était enfant à éclats de rires comme tous ceux qui nous entourent. Elle était enfant comme tous les enfants du monde à se cacher et faire « coucou », à rechigner à aller se coucher, à ne jamais se lasser des chatouilles de ses parents. Elle aussi était enfant aux yeux à dévorer le monde, même si son monde à elle était enfermé dans un ghetto.

Mon amie Belge, je sais que les larmes te viennent en ce réveillon de Noel malgré la vue de tes petites filles. Tu penses à elle, elle à Gaza.

Est-ce d’avoir eu trop de larmes ? Je n’ai plus de larmes, j’ai du dégout ! Je vois cette enfant comme tout humain doit lavoir, avec sa vie promise, avec sa vie volée, avec indignation. Je n’ai pas eu le temps de me laisser envahir par les larmes que déjà le dégout m’assaille. J’ai lu les commentaires de ceux qui trouvent des raisons, toujours de bonnes raisons. Et mon dégout monte, et j’éprouve l’envie de leur cracher à la gueule ! Quoi, ces barbares se drapent de mon histoire juive, des mots de mes parents, grand parents, arrières grand parents pour recouvrir ces forfaitures ! Quoi, ils honorent Anne Frank, ils pleurent Auschwitz-Birkenau,et tuent sans vergogne, sans état d’âme, sûrs de leur fait, une enfant, et puisd’autres avant, juste avant. Une enfant après trois pêcheurs tentant de nourrirleur famille.

Françoise, mon amie Belge, pardonne ma colère qui pour une fois surpasse ma compassion pour cette enfant, pour sa famille,pour ses proches si couramment martyrisés. Françoise, comprends moi, ce ne sont pas les extrémistes qui entourent Netanyaou qui ont trouvé encore et encore de bonnes raisons. Non, ce sont de respectables personnages se présentant comme« de gauche », des « pacifistes » de « Paix Maintenant » ou de « JCall » au mot « paix » gentimentutilisé avec « on verra plus tard »  ou « un jour peut être ». Ce sont des modérés prêts à reconnaître la Palestine quelque part loin de Jérusalem et du Jourdain. Voila, à être si modérés ils en renient la conscience humaine et mettent leurs pas dans les pas de leurs extrêmes droites. Bande de lâches ! Le sang de cette enfant coule sur vos faces de soumis !

Pardonne-moi grand-mère amie. Pardonne ma colère mais tant et tant de sang coule et la justice se fait tellement attendre.

Enfants de Palestine, enfants de Gaza. Pour Noel, chez nous,tous les enfants ont eu de l’eau fraiche et pure. Mais c’est tous les jours Noel. Pour Noel,  chez nous, tous les enfants ont eu à manger à satiété. Mais c’est tous les jours Noel. Les jouets denos enfants sont venus du monde entier sans passer par de périlleux souterrains.  C’est tous les jours Noel. Les jouets sont enveloppés dans de beaux papiers brillant de mille couleurs et nous sommes assurés d’avoir de l’électricité pour la lumière qui les fait briller. C’est tous les jours Noel. Enfants, imaginez cette vie si votre voisin n’avait décidé de vous interdire d’exister, de disposer de votre pays légalement reconnu. Si vous pouviez avoir ce Noel ! C’est bien pour vous interdire d’avoir ce cadeau de la vie que votre voisin vous tue et vous provoque. Il a besoin de sang pour camoufler sa détermination à rendre une fois de plus la négociation impossible.

Enfants de Palestine, ce cadeau que vous méritez, c’est tous les jours que nous nous engageons à vous l’apporter un jour prochain. Enfants de Palestine à la vie si dure nous vous aimons.

Serge Grossvak

Le 25 décembre 2013

Silence, on tue !


Raphael pittiAllocution du Docteur Raphaël Pitti à l’occasion du rassemblement en hommage aux enfants victimes du conflit en Syrie.
(Ce samedi 21 décembre je serai en cession de travail avec mes collègues et amis médecins franco-syriens pour préparer nos prochaines formations en Syrie, Invité par les organisateurs au rassemblement en hommage aux enfants victimes innocentes de ce conflit à dire quelques mots lors de la manifestations et ne pouvant m’y rendre voici le texte qui sera lu à ma place.)
Silence, on tue en Syrie !

J’ai fait six voyages en Syrie depuis octobre 2012. Je suis rentré, voici trois semaines. Avec mes collègues médecins de l’union des organisations médicales syriennes, nous mettons en place des formations à la prise en charge des blessés et traumatisés de guerre et à la prise en charge des victimes chimiques. Six voyages qui nous confrontent à chaque fois, et de plus en plus durement, à l’horreur de la guerre. D’une guerre aveugle, d’une guerre urbaine qui prend en otage les populations civiles et les massacre par tout type d’armes : bombes, missiles balistiques, obus chimiques, mortiers, grenades, armes automatiques, snipers qui vont jusqu’à viser l’enfant dans les bras de sa mère, l’homme blessé à la jambe et que personne ne peut approcher sans risquer de se faire tuer et qui au matin sera mort de froid.Des gens par millions jetés sur les routes pour fuir les zones de combat et qui finissent dans des camps, le long des frontières qui leur sont fermées… Et ils vivent là, dans la précarité, le froid, la maladie, la malnutrition. A la catastrophe humaine, s’ajoute une catastrophe sanitaire de grande ampleur.C’est dans les hôpitaux, pour la plupart clandestins, pour éviter d’être repérés et détruits que se concentrent la souffrance, les cris de douleur et la mort. C’est là que s’écoutent les histoires vécues, effrayantes, d’une violence barbare. Qui peut rester indifférent et ne pas se sentir interpeller au plus profond de lui-même.

Et chaque voyage est en cela une descente dans l’horreur, dont il faut bien du temps pour s’en remettre. Je dénonce le silence devant les 5 000 morts qui chaque mois s’ajoutent aux milliers d’autres depuis trois ans, aux 600 000 victimes handicapées, aux millions de réfugiés qui vivent dans la précarité. De ceux qui sont assiégés et que la faim tenaille.

Je dénonce le silence d’un massacre à huit clos, en interdisant aux ONG de travailler en Syrie, alors que toute l’aide internationale est remise au croissant rouge syrien contrôlé par le régime; l’interdiction faite aux journalistes de venir travailler en Syrie sous peine d’être enlevés ou tués. Mais aujourd’hui, même les médecins étrangers risquent leur vie car ils peuvent être des témoins. C’est une chape qui depuis plusieurs mois se referme sur la Syrie. Je dénonce le silence complice de la communauté internationale et du conseil de sécurité paralysés par la Russie et la Chine, nous renvoyant aux heures sombres de la guerre froide. Ils sont incapables de trouver une solution politique à ce conflit, et encore moins d’imposer des solutions humanitaires comme des corridors ou des zones de non-survol aérien. C’est pourquoi, je dénonce, également, le prix Nobel de la paix décerné par anticipation au président des Etats-Unis. Nous ne pouvons accepter de rentrer dans le 21ème siècle entaché des mêmes crimes que nous avons vus se perpétrer au cours du 20ème siècle. Allons-nous offrir aux générations futures l’exemple de notre lâcheté criminelle?

A tous les gens de bien, je leur demande de se lever… Et au silence, d’opposer notre d’indignation et de notre humaine solidarité avec le peuple syrien en criant : STOP !

Paris, 21 Décembre 2013

Raphaël PITTI, Président du comité d’aide humanitaire au peuple syrien (COMSYR, Metz)

Syrie – « Reynders a saboté ma libération »


(Femmes de chambre, 8 octobre 2013) – Texte intégral *

 

    Retour Rome 8 sept. 2013'

 Pierre Piccinin da Prata à sa descente de l’avion, à Rome (Italie), quelques heures après sa libération

Politologue et historien, Pierre Piccinin da Prata a été libéré le 8 septembre dernier après cinq mois de captivité en Syrie, en compagnie du journaliste italien Domenico Quirico. A peine débarqué à Bruxelles, l’ex-otage médiatise une allégation détonante : ce n’est pas Bashar al-Assad qui a eu recours aux armes chimiques dans la banlieue d’al-Ghouta, mais les rebelles. Contrairement à ce que martelaient les Etats-Unis et la France…

Avec un mois de recul, Pierre Piccinin da Prata revient sur le conflit syrien, sa captivité et le traitement médiatique de sa libération.

Mais, surtout, il accuse le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders, d’avoir saboté le processus de sa libération et d’avoir été « sans pitié » envers sa famille…

       propos recuellis par Aurore VAN OPSTAL et Olivier MUKUNA

 

SYRIE--Alep----Juillet-et-aout-2012 0114.AVI.Still001[Photo : Pierre Piccinin da Prata, avec une katiba de l’ASL, correspondant du journal Le Soir, à Alep, en août 2012]

 

Femmesdechambre.be : Avec le recul, quel regard portez-vous sur ce qui vous est arrivé ces cinq derniers mois ?

Pierre Piccinin da Prata : La principale chose que je retiens, c’est la trahison d’une partie de l’Armée Syrienne Libre (ASL). C’est une grande insulte que d’avoir été trahi par des gens que nous étions allés soutenir. J’ai écrit deux livres, de nombreux articles, et j’ai participé à des conférences pour supporter l’opposition syrienne…

Cette trahison s’explique, d’une part, par une islamisation radicale de la révolution et, d’autre part, par des dérives criminelles.

Je continue à soutenir l’ASL et ses principes. Mais nombre de ses membres adoptent de plus en plus un comportement ambigu : d’une part, certains commandants de brigade se livrent à du banditisme, à du brigandage… Somme toute, ceux-ci se disent : « la partie est perdue » ou bien « il faudra bientôt accepter un compromis avec le régime. » Ils profitent donc de la situation pour rançonner la population des territoires qu’ils contrôlent.

Cette dérive criminelle est en partie le résultat de l’erreur magistrale de l’Occident, qui ne voulait pas vraiment de cette révolution et a joué à l’apprenti-sorcier. Dans les chancelleries, on s’est dit : « On va soutenir cette révolution par les mots, on va déstabiliser le régime baathiste en Syrie, on va affaiblir le grand allié de Moscou, mais on ne va pas faire tomber Bashar al-Assad.» Car il y a ce deal avec Israël : depuis 1973, Damas et Tel-Aviv sont les « meilleurs ennemis », qui ne se menacent plus, mènent chacun leur barque, sur leur territoire respectif. Il y a bien sûr eu l’attaque israélienne sur le réacteur nucléaire syrien, mais Damas n’a pas vraiment bronché ni répliqué…

L’Occident a donc cru que cette révolution était susceptible d’affaiblir le régime sans le faire tomber, mais ces messieurs des think-thanks et autres chancelleries n’ont pas vu venir – comme pour l’ensemble du printemps arabe – l’arrivée massive de djihadistes, d’autre part ; le réveil de l’islam fondamentaliste. Je fais aussi mon mea-culpa : je n’ai jamais imaginé que ce serait aussi radical… Tout ceci est pour moi profondément décevant. Ce soulèvement syrien, que je qualifiais de « dernière révolution romantique », était vraiment porteur de valeurs de justice et de démocratie. Finalement, non ! Comme toutes les révolutions arabes, elle a fini par connaître une certaine déliquescence.

 

FDC : Que retenez-vous de ces cinq mois de captivité ?

PPdP : Notre enlèvement a eu lieu le 8 avril ; c’était une mise en scène. En réalité, mon collègue italien et moi avons été livrés par une brigade de l’ASL à nos ravisseurs et futurs geôliers, la katiba Abou Omar. Du nom de son chef, un émir autoproclamé qui a rassemblé autour de lui une collection de pauvres types (des étudiants en échec, des ventres affamés ou des ratés en mal de reconnaissance sociale). Bref, un groupe de brigands mais qui travaillait sous la conduite des Brigades al-Farouk, un des trois piliers des débuts de la révolution, avec Jabhet al-Nosra, la branche syrienne présumée d’al-Qaeda, et l’ASL.

Al-Farouk ? Il s’agit soi-disant « d’islamistes modérés », qui ont en outre connu une scission interne pendant le temps que nous étions en captivité. Certains, au sein d’al-Farouk, aspirent aux honneurs, au pouvoir qui leur permettrait de contrôler l’économie de manière plus structurée que les gangsters qui rançonnent çà et là la population. C’est cette frange-là d’al-Farouk qui a organisé notre enlèvement en utilisant comme auxiliaires les bandits d’Abou Omar…

Que retenir de tout cela ? Selon moi, il y a une véritable involution de la révolution, un renfermement sur elle-même avec un changement d’objectif.

Et il ne reste plus grand-chose de l’ASL ! A part à Alep et dans quelques poches du gouvernorat de Damas …

L’erreur de ma part a été de ne pas avoir anticipé assez rapidement ce qu’était en train de devenir cette révolution. En janvier dernier, j’étais à Idlib et j’avais remarqué que, dans ce gouvernorat, l’ASL avait complètement disparu. J’avais écrit un article à ce propos, intitulé « Quand les fous de Dieu s’emparent de la révolution » ; car il n’y avait là-bas plus que les brigades d’al-Farouk et celles de Jabeht al-Nosra qui contrôlaient le terrain…

Mais je ne m’étais pas rendu compte que le phénomène allait si rapidement prendre les proportions que je lui connais dorénavant.

FDC : Vous tirez ce constat de vos propres constatations, mais aussi d’autres sources ?

PPdP : Concernant la Syrie, les informations proviennent soit des groupes rebelles, soit des officiels du régime. D’un côté comme de l’autre, elles sont donc très peu fiables. C’est la raison pour laquelle les événements syriens ne peuvent être réellement bien appréhendés qu’en se rendant sur le terrain.

Le terrain ! C’est mon leitmotiv !

Je sais que beaucoup de journalistes n’aiment pas la concurrence que je leur fait et me le reprochent, car eux, ils ne sont pas sur le terrain. Grosso modo, ils affirment : « Le terrain, c’est bien, mais il n’y a pas que le terrain. »

Eh bien, si ! Pour vraiment se rendre compte de ce qui se passe en Syrie, il faut aller partout sur le terrain. J’ai été à Homs, dans les gouvernorats de Damas, d’Alep et d’Idlib, de Deir ez-Zor aussi, très à l’est, sur l’Euphrate et la frontière irakienne. Même pendant ces cinq mois de captivité, j’ai pu continuer à observer les évolutions du conflit, sur le terrain, car nous avons souvent été déplacés. D’abord enlevés à Homs, nous avons été ramenés vers le sud, dans le gouvernorat de Damas. Puis, nous sommes remontés vers ceux d’Alep et Idlib pour être ensuite déplacés jusqu’à ar-Raqqa, plus à l’est, avant de descendre au cœur de la Syrie, dans le djebel.

Nous n’étions pas toujours enfermés au fond d’un trou. On vivait le plus souvent avec les djihadistes. Si ceux-ci n’étaient pas toujours sympathiques, nous avions cependant accès aux infos, à Al-Jazeera, à Al-Arabia, aux propos qu’ils échangeaient eux-mêmes, à tout ce qui se passait autour de nous.

Au-delà de ma propre souffrance et de celle, immense, de ma famille, cela a aussi été, disons, très « instructif ». Car j’ai pu voir comment fonctionnaient au quotidien ces groupes de bandits ainsi que la structure d’al-Farouk, un des piliers de la révolution, et de la katiba de Jabhet al-Nosra à laquelle nous avions été confiés durant une semaine.

FDC : Comment votre famille a-t-elle vécu votre enlèvement et votre captivité ?

PPdP : Ma famille a énormément souffert. Assez vite après le kidnapping, mes ravisseurs m’ont affirmé que des contacts avaient été pris avec mon ambassade et que ma famille savait que j’étais vivant. Je doutais de ces affirmations mais, tout de même, ça nous semblait cohérent : on supposait que des négociations avaient commencé…

A ce moment-là, nous étions retenus à al-Qousseyr, ville assiégée par le Hezbollah et les troupes gouvernementales. Aussi, en réalité, pendant les deux mois de siège qui ont précédé la chute de la ville et sa reconquête par le régime, aucun contact n’avait été pris par les djihadistes ! Tout en nous disant le contraire, ils avaient décidé de ne pas prendre de contact tant qu’ils n’étaient pas en mesure de nous livrer à nos gouvernements.

Lorsqu’al-Qousseyr a été sur le point de tomber, les djihadistes, comme les autres factions de la rébellion, ont décidé de quitter la ville et de forcer un passage à travers les lignes des troupes gouvernementales.

Une fois sorti de là, dans la confusion, j’ai pu obtenir un téléphone portable. C’était le 6 juin ; j’ai appelé mes parents ! C’est ma mère qui a décroché. A l’intonation de sa voix, à sa surprise, j’ai compris qu’elle n’avait eu aucune nouvelle depuis deux mois, qu’elle ignorait jusqu’alors si j’étais vivant… ou mort…

FDC : Comment êtes-vous parvenu à obtenir ce téléphone portable

PPdP : Nous nous trouvions au nord d’al-Qousseyr, avec les factions rebelles et les civils qui fuyaient l’avancée des troupes du régime. Tous ceux qui avaient pu fuir le siège de la ville s’étaient rassemblés en une foule d’environ 5000 à 10.000 personnes.

Cette masse humaine s’est dirigée vers les positions tenues par l’ASL dans le nord du gouvernorat de Damas. On voyageait de nuit.

Arrivés sur le plateau de Homs, à l’aube, on a été arrêté par des tirs de mitrailleuses. Nous étions bloqués par une ligne de défense de l’armée régulière.

Pendant cette journée du 6 juin, les combattants de l’ASL ont tenté de faire sauter cette position afin que nous puissions continuer notre chemin. Domenico et moi attendions dans un verger, assis avec l’Emir Abou Omar et de nombreux civils. Ceux-ci s’interrogeaient sur notre présence car nous étions les deux seuls Occidentaux. Dans mon mauvais arabe, je leur ai expliqué que nous étions des journalistes belge et italien, que nous avions été enlevés par les hommes de l’Emir. Certains ont commencé à s’énerver, à se demander pourquoi on nous avait kidnappés, alors que nous venions témoigner de leur résistance et de leurs souffrances. Ils ont fini par interpeller Abou Omar, qui n’était accompagné que par deux de ses hommes (les autres étant au combat)…

L’Emir était très mal pris. J’en ai profité pour l’interpeler devant tous ces gens : « Vous nous retenez prisonniers depuis deux mois, sans que nous ayons pu contacter nos familles : nous voulons leur téléphoner ! » Il n’a pas osé nous refuser cet appel devant la foule agglutinée autour de lui. Il m’a tendu un portable en disant : « Il n’y a pas de réseau, ici ! » Quelqu’un dans la foule a alors crié : « Mais si ! Moi, j’ai du réseau ! » C’est avec ce téléphone que, pendant presque une minute, j’ai pu appeler mes parents qui ignoraient si nous étions morts ou vivants.

FDC : Votre famille n’a pas été tenue au courant de votre sort par le ministère belge des Affaires étrangères ?

PPdP : Le jour de mon retour à Bruxelles, j’ai déclaré sur certains plateaux de télévision que ma famille avait reçu un soutien psychologique ; notamment parce que trois fonctionnaires du ministère de l’Intérieur étaient là pour les assister, quand je suis descendu de l’avion…

Je ne savais pas que ces trois hommes avaient été dépêchés depuis deux jours seulement.

Depuis lors, j’ai eu le temps de découvrir ce qui s’était réellement passé en Belgique pendant ma captivité en Syrie. Et là, je suis allé de tristesse en tristesse…

Je me suis rendu compte que la Belgique m’avait complètement abandonné !

Moi, et ma famille aussi !

Non seulement, le cabinet du ministre des Affaires étrangères n’a pas négocié mais, pire, il semblerait qu’il ait pour ainsi dire saboté les tentatives des services secrets italiens qui cherchaient à me libérer…

 

FDC : Quels éléments vous permettent-ils d’aboutir à cette grave accusation ?

PPdP : Durant ma captivité, mes parents se sont retrouvés face à un véritable mur dressé par le ministère des Affaires étrangères. Exception faite de quelques fonctionnaires qui les ont pris en pitié et ont tenté de les aider, au niveau du ministre Didier Reynders et de son cabinet, c’était le refus total de communiquer.

A un moment, certains fonctionnaires l’ont confirmé à mes parents : « Nous n’avons plus le droit d’avoir des contacts avec vous : ce sont les ordres du cabinet ! » D’une part, c’était le silence envers mes parents et, d’autre part, officiellement, c’était : « La Belgique ne négocie pas avec des terroristes; il est hors de question de payer une rançon. »

Par exemple, en matière de sabotage… Fin mai, les djihadistes demandent à l’Italie et à la Belgique de fournir une série de questions auxquelles seuls Domenico et moi pouvions répondre. Ceci, afin de pouvoir régulièrement montrer, au cours des négociations, que nous étions bien vivants. Et là, c’est le ministère italien des Affaires étrangères qui contacte directement mes parents pour obtenir une liste de questions à mon intention. Au téléphone, le fonctionnaire leur apprend qu’ils ont déjà demandé cette liste à leurs homologues belges, mais que ceux-ci ne répondent pas! Et mes parents de tomber des nues : le ministère de Didier Reynders ne leur avait jamais demandé une liste de questions me concernant… Ils n’avaient jamais été mis au courant de cette requête.

Négligence ou sabotage ? Tout est possible, bien sûr… Mais je doute qu’un fonctionnaire eût « oublié » la requête italienne alors que la vie d’un ressortissant belge était en jeu.

Peu avant notre libération, le matin du 29 août, c’est la cellule de crise italienne qui appelle directement mes parents. L’officier leur dit clairement qu’il court-circuite les autorités belges. Il voulait vérifier avec mes parents certaines de mes réponses que leur avaient transmises les djihadistes. Puis, dans l’après-midi de cette même journée, c’est le ministère belge des Affaires étrangères qui téléphone à mes parents pour … avoir la liste des questions ! Autrement dit, les Belges demandaient à mes parents les questions que les Italiens leur avaient déjà demandées depuis trois mois et qu’ils avaient déjà transmises aux djihadistes ; et auxquelles ils avaient déjà reçu les réponses…

FDC : Un autre exemple « d’efficacité » de nos Affaires étrangères ?

PPdP : Oui, et celui-là est proprement inimaginable !

Lorsque je suis parvenu à contacter mes parents le 6 juin, ils ont enregistré le numéro avec lequel je les avais appelés. Ils l’ont bien évidemment directement transmis au ministère des Affaires étrangères.

Plus tard, un fonctionnaire leur a fait savoir que le cabinet Reynders avait décidé de ne pas rappeler ce numéro, de ne pas essayer d’obtenir des informations… au motif que « la Belgique ne négocie pas avec les terroristes. »

Dès lors, un diplomate – que ma famille connaît et que je ne vais pas citer, pour ne pas lui attirer d’ennuis – a décidé d’aider mes parents. Un soir, il a demandé à son concierge, qui est d’origine maghrébine et parle arabe, de téléphoner au numéro en question pour voir qui répondait, ce qu’on lui disait…

Voilà la manière dont l’Etat belge « gérait » ma situation, juste après que j’ai pu me signaler !

  source