« Demain » : un doc écolo, engagé, optimiste (et même pas cucul)


"Demain" : un doc écolo, engagé, optimiste (et même pas cucul)

Le spectateur, même le mieux disposé à l’égard des idées écologistes, sait bien qu’un spectre redoutable hante souvent les films, livres et discours écolos : le boy-scoutisme. Que les disciples de Baden-Powell ne prennent pas ombrage : cet état d’esprit positif et plein d’appels à « se relever les manches » est sans doute très formateur pour les jeunes gens, mais il jette sur les propos écolos une ombre terrible, celui de la bonne volonté.

Vous savez, cette croyance selon laquelle si tous les hommes consentaient une minute, une seule minute, à cesser d’être belliqueux et cupides, le climat et la biodiversité en seraient sauvés.

C’est sans doute vrai, mais l’on ne sache pas que depuis qu’il existe, le genre humain a jamais renoncé à être ce qu’il est : une créature compliquée, parfois altruiste, parfois poétique, mais le plus souvent prédatrice. Une « B.A. » pour dix saloperies. Et il y a fort à supposer qu’une seule chose est en train de permettre à cette créature de ne pas s’autodétruire après avoir tout ravagé, et cette chose s’appelle la politique : lutter pour que, dans les décisions publiques, certaines idées s’imposent au détriment d’autres, sans compter (ou alors à la marge) sur les bonnes volontés individuelles.

Beaux parleurs

Tout cela pour dire que « Demain » le documentaire réalisé par la comédienne Mélanie Laurent  et son compagnon, le journaliste Cyril Dion, qui sort sur les écrans ce mercredi 2 décembre, aurait pu être un truc de boy-scouts. Mais il ne l’est pas. « Demain », c’est de la politique. Rappelons son propos. Partant d’une étude alarmante parue dans la revue scientifique « Nature » disant que notre planète (et donc, une partie de l’humanité) risque d’être épuisée d’ici à 2100, Dion et Laurent décident de réaliser un tour du monde pour rencontrer ceux qui « proposent des solutions ».

Mais attention, ce ne sont pas des beaux parleurs nous enjoignant à changer nos modes d’être : ce sont des citoyens nous montrant comment, eux, ils ont fait. Par exemple, les habitants de Copenhague s’apprêtent, grâce à un mode de vie repensé, à se passer complètement des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) pour les renouvelables (solaire, éolien, géothermique) d’ici  à dix ans. Ce ne sont pas que des mots. Concrètement, ces 570.000 humains au mode de vie on-ne-peut plus occidental ne contribueront plus au réchauffement climatique en 2025. L’Islande est déjà dans ce cas, et l’île de la Réunion paraître suivre ce chemin.

Tombereaux d’emplois

De même, les heureux habitants de San Francisco (plus de 800.0000 habitants) sont en passe de recycler 100% de leurs déchets – ce qui permet un compost de qualité pour les cultures alentour, des tombereaux d’emplois locaux et un abandon des incinérateurs, catastrophiques pour le climat. Citons encore le couple Hervé-Gruyer qui, sur les terres normandes expérimentent la permaculture, une  agriculture 100% bio et pourtant ultra-productive en terme de rendements, tout à fait capable de nourrir l’humanité entière sans détruire les sols.

Citons toujours l’exemple de Bâle qui avec sa monnaie locale, le WIR, réservé uniquement aux entreprises, permet de maintenir une activité économique locale. Ou le cas deTodmorden, ville britannique déshéritée, qui utilise les espaces verts municipaux pour planter des fruits et légumes, denrées de qualité, locales et consommables gratuitement…

Tout cela ressemble à un catalogue de bonnes idées juxtaposées ? Et pourtant, la grande pertinence de « Demain », c’est de démontrer que toutes ces initiatives ont un point commun : privilégier le petit, le local et l’investissement des citoyens plutôt que leur assentiment passif. C’est très certainement l’économie du XXIe siècle qui nous apparaît là et qui signera le retour de l’ingéniosité, du frugal et du sur-mesure quand la société de consommation occidentale ne nous a tirés que vers le pré-mâché polluant et standardisé.

Archaïsme

De fait, pas de hasard si « Demain » se conclut sur un plaidoyer (convaincant, parce que soutenu par des exemples concrets) sur la nécessité de développer une démocratie locale participative. Et surtout sur la revendication claire à transformer une institution plus encore que les autres frappée d’archaïsme : l’école. Seules des écoles « différentes », capables de responsabiliser, valoriser et développer la créativité des enfants, seront capables d’accoucher de citoyens dignes de notre siècle en rémission. Quand on vous dit que c’est de la politique !

Des « banlieues » violentes ou des banlieues violentées?


Politiste, spécialiste des courants islamistes au CNRS

Publication: 23/03/2016 09h29 CET Mis à jour: 23/03/2016 09h36 CET

À Bruxelles cette fois, après Paris, Londres, Madrid et tant d’autres capitales, pas seulement européennes, de nouvelles victimes nous interpellent : « Qu’avez-vous fait pour nous protéger ? » Leurs appels légitimes me ramènent vingt et un ans en arrière, au lendemain des attentats parisiens du métro Saint-Michel, le 25 juillet 1995. Sous le titre « La recette du poseur de bombes », j’avais alors écrit dans les colonnes deLibération :

« Il faut traquer impitoyablement les poseurs de bombes. Police et justice l’ont fait avec détermination, et on a pu penser un temps, mais à tort, que le réseau responsable de ces crimes avait été démantelé. Pour éviter que l’apparition d’autres réseaux ne rende sans cesse caducs les succès de nos policiers, il est devenu urgent de nous atteler maintenant au démantèlement d’une autre filière, plus redoutable encore: non pas celle qui fabrique les bombes mais celle qui fabrique les poseurs de ces horribles engins de mort. »

Et je concluais sur une phrase dont l’actualité me semble s’être aujourd’hui renforcée : « À Paris ou à Alger [et aujourd’hui à Bruxelles ou ailleurs] cette enquête-là ne conduit pas que dans les banlieues ».

La meilleure et la plus urgente façon d’exprimer notre compassion pour les victimes reste aujourd’hui la même. Il s’agit d’arrêter et de sanctionner les poseurs de bombes. Ceux qui vont mener à bien une fois de plus cette mission méritent à cet égard notre respect et nos encouragements les plus vifs. Mais l’importance et la centralité de leur tâche ne doit pas nous faire ignorer la seconde urgence, plus pressante encore. Or, malgré les années, celle-ci, dans l’agenda de nos décideurs, tarde à se hisser au rang de priorité. Si nous ne voulons pas que les efforts de ceux qui entendent nous protéger restent vains, il nous faut arrêter la puissante « machine à fabriquer les poseurs de bombes ». Priver les criminels de leur nationalité ? Et pourquoi pas leur infliger une peine bien plus lourde encore en les privant de toute descendance ! Mais comment faire ?

Réformer l’autre ou nous réformer?

Trop de discours, depuis trop longtemps, nous égarent. Chez une écrasante majorité de nos conseilleurs, un prisme unique s’impose : de Sciences-Po à l’Académie française, du Parlement jusqu’à Matignon, conseils et consignes font un usage exclusif des marqueurs (jihad, imam, salafiste, charia, etc) de la seule culture et de la seule religion… de l’Autre ! Lorsque dans une conjoncture où nos tripes ont une dangereuse propension à prendre le contrôle de nos cerveaux, le ministère français de la Recherche a l’heureuse idée de mobiliser ses fonctionnaires, il ne crée lui même de postes de chercheurs que dans la seule discipline de l’islamologie ! Et son erreur, aussi flagrante que partagée, passe complètement inaperçue. Considérer que la connaissance de l’Islam est la clef qui peut nous permettre d’appréhender, pour le surmonter, le dysfonctionnement du monde procède pourtant d’un biais exceptionnellement pervers : celui qui nous interdit de penser, et de regarder en face, la part de responsabilité du plus grand nombre d’entre nous, c’est à dire des non-musulmans.

Dans le tissu politique de chacune de nos nations européennes, comme dans celles du Proche-Orient, les non-musulmans évoluent pourtant à ce jour très largement du bon côté du rapport de domination. Le jour où nous nous déciderons à accepter de considérer les explosions d’hostilité qui nous frappent pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire le révélateur de notre incapacité à établir une relation mutuellement satisfaisante avec le monde (musulman) de l’Autre, il nous faudra donc accepter l’idée que ― par la force des choses ― dans ce profond dysfonctionnement, nous sommes profondément impliqués ! Et il faudra alors aller jusqu’au bout de notre raisonnement et nous convaincre que, si les victimes de Bruxelles exigent que nous réformions le monde qui les a laissés mourir, c’est en partie au moins nous mêmes qu’il faut accepter de réformer.

D’une barbarie l’autre

Pour arrêter la « machine à fabriquer les poseurs de bombes » il faut accepter de voir que c’est ailleurs qu’à Molenbeck ou à Rakka, à Mossoul ou à Saint Denis que ses rouages tournent à plein régime. Et que plutôt que leurs fabriques, nos banlieues, proches et lointaines, sont plus surement les réceptacles de nos « bombes » en tous genres. Les « fabriques de poseurs de bombes » ne se trouvent pas dans les banlieues. Elles sont tout d’abord dans ces sphères gouvernementales qui prennent des décisions plus souvent électoralistes que raisonnables, tant intérieures qu’étrangères. Elles sont chez chacun d’entre nous quand nous laissons s’agrandir les accrocs du vivre ensemble. Elles sont partout aussi où, lachées par nos Rafale et autres Mirage, nos propres bombes ont fait plus d’un million de morts en moins de deux décennies.

Ce n’est pas en laissant nos tripes surenchérir dans la dénonciation de la barbarie de l’autre, mais bien en exigeant de nos cerveaux qu’ils nous laissent entrevoir un peu de la nôtre que nous sortirons de l’impasse mortifère où nous sommes aujourd’hui enfermés.

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“Sécurité” : le 2e poème de Laurence Vielle  


En Belgique, le budget alloué à la sécurité sociale diminue, tandis que celui dédié à la sûreté de l’état « pour la sécurité des citoyens » explose. Ces deux mouvements inverses pour un même mot, fragilisent nos besoins essentiels (cfr. l’article de Pascale Vielle, chercheuse en droit social). En ce 21 mars, Journée mondiale de la Poésie et au lendemain de celle dédiée au Bonheur, notre Poétesse nationale Laurence Vielle souhaite faire résonner le mot « sécurité » avec ce nouveau poème :

 

 

sécurité
tranquillité
d’esprit
donnez-moi un peu de
tranquillité d’esprit
messieurs dames sans état d’âme
moi j’ai besoin
d’un toit
de quoi manger pour mes enfants
des soins et peut-être un
jardin à cultiver
nommez dans mon pays
un ministre au bonheur
pour ma sécu/sérénité
et coeur ouvert à l’autre
et voyager aussi
guetter biches et nuages
des chemins pour marcher
relier sans boucan
des bancs jolis pour se parler
des arbres à nos côtés
pour nous pousser à demeurer
apprenez-moi musique
apprenez-moi poèmes
avivez nos désirs
de beauté
vous dites chaque jour
« il faut oser encore
faire des économies
le coût de la sécu
il ne fait que grimper
arrêtons cette hausse »
et la sociale sécurité
qui partage bien-être
pour tous, forts et fragiles
qui porte paix à l’âme
s’étrique encore un peu
tandis que meurt de froid
un homme dans ma cité
l’autre sécurité
vous nous la brandissez
tanks tanks sur nos pavés
« citoyennes citoyens
pour votre bien nous débloquons
millions millions d’euros
sécu sécucu sécurrr
sécuritétététététété tétététététététété
c’est pour votre sécucurrritétététététététété »
père mère toute la famille
devant télé a peur
reste chez soi
à cette sécurité-là
messieurs dames qui pour nous gouvernez
je n’y crois pas

Farouk, un assiégé comme moi (2016) –


Hier a eu lieu la projection du Film « Un assiégé comme moi » de Hala Alabdalla qui inscrit -si je puis dire- la petite histoire de Farouk Mardam Bey dans la grande histoire du peuple syrien.
Comme toi Hala, je ne cache pas mon désarroi lorsque la première question dans la salle après la projection d’un film d’une telle richesse, concerne les « islamistes ». Comme toi je ne peux désormais entendre un public de gauche engagé dans la cause palestinienne émettre des doutes sur la légitimité d’un soulèvement populaire contre un despote. Pour moi l’éthique politique ne peut pas être à géométrie variable. Un peuple oppressé que ce soit du fait d’un occupant ou d’un despote sanguinaire mérite notre solidarité.
Elias Sanbar, Ambassadeur de Palestine aurpès de l’UNESCO et amis intime de Farouk Mardam Bey a tenu les propos suivants durant le débat:
« Ce que les syriens ont vécu en 5 années dépasse en horreur ce que les palestiniens ont vécu en un siècle.
Nous les palestiniens n’avons pas été à la hauteur. Vous syriens étiez là pour nous, et nous n’étions pas au rendez-vous ».

Pour ma part, pour avoir connu ce peuple syrien merveilleux, éblouissant de dignité et de courage, un peuple qui s’est soulevé contre la tyrannie et qui force l’admiration, je soutiendrai toujours la révolution syrienne.
Pour avoir cotoyé des êtres de chair, de sang, de culture et d’émotions, je soutiendrai la révolution pour que le despotisme qui les broie tombe.
Pour avoir connu les syriens avant la Syrie, je soutiendrai leur révolution afin que Samir Kassir repose en paix et que Farouk Mardam Bey puisse déambuler librement dans sa ville bien aimée: Damas.

L’espoir quand même: un Syrien témoigne


Hazem Yabroudi est arrivé en Belgique en 2012, en provenance de Jobar, dans la banlieue de Damas. Il a maintenant terminé ses études à l’UCL. Le 8 mars dernier, il a présenté une conférence sur son pays avec d’autres invités, devant 400 personnes passionnées. Voici son témoignage, écrit de sa main.

Quelle responsabilité de parler ici en tant que Syrien, un Syrien accueilli dans le Plat Pays, après avoir vécu en Syrie-la-Belle puis en Syrie-la-cata.

«Nous sommes condamnés à l’espoir», déclare le dramaturge syrien Sadallah Wannous: Ainsi, je voudrais que nous partagions ensemble aujourd’hui l’espoir, qui pousse comme une plante sur la terre brûlée…

Il n’est pas bon être un jeune homme aujourd’hui en Syrie. Vivre, tout simplement, avoir des rêves n’est plus permis: service militaire, arrestations, tuer ou être tué. A travers ce chaos, les études ont été ma boussole. Avec toute ma persévérance, elles m’ont permis d’arriver en Belgique comme étudiant. Des citoyens belges m’ont ouvert les portes de leur maison, mais surtout, ils m’ont ouvert leur cœur.

Ici en tant que Syrien, je vis au quotidien des sentiments conflictuels. J’ai droit à la sécurité et à des droits similaires à ceux d’un citoyen belge… pendant que mes parents à Damas vivent encerclés par la guerre, hébergés par des proches après que notre maison eut été totalement ravagée sous les bombes. Mes frères sont partis, réfugiés dans différents pays… Certes, ce n’est pas du tout évident! Pourtant, cela reste «vivable» comparé à ce d’autres Syriens vivent au pays.

Je pense notamment à ceux qui vivent assiégés depuis 3 ans dans les faubourgs de Damas. Il y a quelque temps, quelqu’un vendait sa voiture pour des sacs de farine et du lait pour bébé. Je pense à tous ceux qui vivent sous une pluie de barils d’explosifs lancés aveuglément sur les civils.

Je pense aux habitants du camp de réfugiés palestiniens Al-Yarmouk, à Damas, où 200 personnes sont mortes de faim. Il vaut mieux mourir sous une bombe que de mourir de faim, nous explique-t-on.

Pourtant, aujourd’hui, je voudrais vous parler de l’espoir, de ma foi en cette société syrienne digne d’assumer un pays libre et démocratique.

En effet, depuis le début du soulèvement populaire, des citoyens syriens s’engagent, au péril de leur vie, pour protéger et reconstruire la société civile. A l’heure où je vous parle, ils se donnent pour soigner les blessés, nourrir les affamés, sauver des vies, rapporter la vérité, continuer malgré tout l’école, accueillir les déplacés et les réfugiés. J’avoue que je me sens très petit devant le courage de tant de Syriens engagés au pays.

J’aimerais évoquer ici mon amie Houda Khayti qui travaille à Douma avec d’autres amies syriennes dans une association féministe nommée “Education, it’s my right”, qui continue jour après jour à encadrer les enfants et leurs mamans et à assurer la distribution d’aide alimentaire vitale pour les personnes les plus vulnérables.

J’aimerais évoquer aussi une initiative qui s’appelle “La rue 15″, qui forme les habitants du quartier Al-Yarmouk à Damas pour qu’ils puissent cultiver des légumes et des plantes sur les toits des maisons et dans les miniparcs du quartier.

Enfin, dans le nord du pays, à Alep notamment, le très courageux travail des “casques blancs” qui consiste à sauver la vie des gens coincés sous les ruines des bombardements.

Oui, aujourd’hui, nous voulons partager l’espoir et les aspirations de toutes ces personnes de voir tous les Syriens retrouver paix, liberté et pleine dignité. Avec eux, nous voulons croire que cela est possible.

Beaucoup de citoyens Belges et Européens ont manifesté une touchante empathie envers les Syriens, traduite autant par l’aide humanitaire que par l’accueil et l’accompagnement concret des réfugiés. Ils nous permettent de retrouver le chemin de la vie. En revanche, à mon avis, aider les Syrien implique de croire à leur cause: leur droit de vivre dignement et de s’exprimer librement.

Sans conteste, ce ne sont pas les armes ni les avions militaires qui instaureront la paix en Syrie. Vivre en paix suppose d’abord d’établir un cadre qui permette une représentation politique équitable de toutes les idées, même opposées.

Avant d’écrire ces mots, j’ai demandé à des amis en Syrie de m’envoyer leurs messages pour vous. Voici les mots de mon ami Jaber:

Hazem, dis-leur que nous sommes un peuple qui aime tellement la vie,

Hazem, dis-leur qu’on n’aurait jamais cru possible que notre pays soit dévasté ainsi,

Hazem, dis-leur que ceux qui ont participé aux combats veulent retourner à leurs ateliers, leurs boulangers, leurs commerces. On ne veut pas la guerre.

Hazem, dis-leur qu’on est des travailleurs. Qu’on ne veut pas demander l’aumône, mais seulement la liberté.

Hazem, dis-leur qu’on est des gens comme eux,

Et qu’on a envie de retourner vite à la maison.

Jaber vient de tout quitter et fuir en Turquie où il s’engage auprès des Syriens réfugiés.

Ces mots de mon ami Jaber m’ont fait penser à ceux du grand poète Mahmoud Darwich dont les vers disent si bien ce que nous vivons. J’aimerais vous en lire en communion avec tous les Syriens, sans exception, car aujourd’hui, tous les Syriens, quelle que soit leur religion, et quelle que soit leur opinion, souffrent, assurément !

Je cite :

Et nous, nous aimons la vie autant que possible

Nous dansons entre deux martyrs.

source

Cinq ans de guerre et un peuple syrien qui ne compte pas


Baudouin Loos
Mis en ligne il y a 5 heures

Le président russe Vladimir Poutine a annoncé le retrait de ses troupes en Syrie, alors que le malheur syrien a 5 ans aujourd’hui. L’édito de Baudouin Loos.

 Vladimir Poutine qui annonce, ce lundi soir, le retrait d’une majeure partie de ses troupes en Syrie, ne vise assurément pas le prix Nobel de la paix, même s’il a tenu à préciser que son armée a permis de relancer le processus de paix entre Syriens. Quand il affirme que la mission de son armée est« globalement terminée » alors qu’il ne s’est même pas sérieusement attaqué à Daesh, on ne peut s’empêcher de penser à George W. Bush qui avait proclamé une bien vantarde et illusoire « mission accomplished » après l’invasion de l’Irak en 2003.

Les prochaines semaines permettront sans doute d’apprécier l’ampleur du retrait militaire russe et de voir s’il (re)met en danger l’allié que Poutine venait de sauver d’une fin funeste, à savoir le dictateur Bachar el-Assad. Cela serait du reste fort étonnant

 En tout cas, le président russe a bien choisi la date de son annonce surprise. Non pas tant en raison des pourparlers qui reprennent à Genève sans beaucoup de conviction. Mais parce qu’elle survient à la veille d’un très lugubre anniversaire.

Le malheur syrien a en effet cinq ans ce 15 mars. Le « printemps », en Syrie, avait commencé à Damas par des manifestations, pacifiques mais néanmoins stupéfiantes pour beaucoup car sans précédent dans cet univers totalitaire. Trois jours plus tard, celles de Deraa, dans le sud, plus dures car elles protestaient contre des tortures infligées à des adolescents, tournèrent au bain de sang. Une expression qui va rester pertinente jusqu’à nos jours.

Faut-il convoquer les statistiques, ces froides abstractions ? Oui, quand même. Ne fût-ce que pour le nombre de 270.000 morts environ. Ou pour rappeler les dix à onze millions de déplacés. Parmi eux, près de cinq millions d’exilés. Dont une partie frappe à la porte d’une Europe qui se raidit, qui prend peur. Qui trahit ses idéaux.

Un conflit aux multiples visages

La dictature de la famille Assad a commencé le 12 novembre 1970 par un coup d’Etat. Hafez el-Assad décéda en 2000 et son fils Bachar reprit le flambeau, dans une république devenue propriété familiale. Alors, quand le vent de liberté des « printemps arabes » souffla jusqu’en Syrie onze ans plus tard, peu d’observateurs s’étonnèrent de la résistance du régime.

Mais la répression de la contestation allait échouer. Pire : les tirs à balles réelles contre les manifestants pacifiques allaient, en moins de six mois, déclencher un conflit des plus âpres, le plus sanglant de ce jeune siècle. Un conflit aux multiples visages. Où s’entrechoquent les intérêts des puissances mondiales et régionales. Où s’aiguisent les appétits des laissés-pour-compte comme les Kurdes. Où s’épanouit l’extrémisme religieux nourri par les injustices.

Dans ce sombre tableau, un acteur majeur semble comme occulté. Le peuple syrien. Il ne compte pas. Ou alors juste dans des chiffres. Telles quantités de réfugiés, de blessés. Qui sont autant de vies brisées dans d’indicibles souffrances.

 source

Ce dimanche 20 mars, la Grande Parade !


En route vers tout autre chose

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La Grande Parade aura lieu ce dimanche 20 mars à 14h à Bruxelles, à côté de la Gare du Nord (Avenue Albert II), Si vous avez encore des questions plutôt pratiques, vous trouverez certainement des réponses sur notre site web.

Pour rappel, cette parade s’articule autour d’un slogan : « Nous ne sommes pas à contre-courant, nous sommes le courant. Pour demain, vos alternatives sont un plus ! ». L’idée est bien de montrer dans un grand défilé coloré et festif l’ensemble des alternatives que nous avons aux politiques actuelles, et ce sur des sujets aussi variés que l’économie, l’écologie, les politiques d’accueil, les services publics, la démocratie, le commerce international, l’agriculture, et bien d’autres encore … Il y aura en plus : des animations pour les enfantsen début de cortège, 7 grands phares avec des artistes-comédiens disséminés le long du parcours pour animer la parade, une quinzaine de chorales et fanfares à différents points du parcours, un passage symbolique où Molenbeek accueille la Grande Parade et pour finir2h de concert sur 5 péniches à la fin du parcours !

Mais d’ici là, vous pouvez encore nous aider sur trois points !

inviterVous pouvez encore inviter vos amis, votre famille, votre boulanger préféré, le pharmacien du coin (oui, la grippe est méchante cette année). Bref, si vous venez, passez le mot ! Et relayez un maximum le message sur les réseaux sociaux en invitant à l’évènement Facebook de la Grande Parade. Ou en changeant votre photo de profil sur Facebook grâce à l’outil créé pour cela !

bénévoleNous avons besoin de bénévoles pour le jour de la Parade. Pour assurer la sécurité, pour pousser des petits chars, pour aider à l’animation, … Pour vous inscrire, n’hésitez pas à remplir le formulaire ici ! Nous avons besoin de :

  • Stewards (Ils accompagnent la parade, gardent un oeil sur le cortège et veille au tempo) (13.00-16.00)
  • Pousseurs de voiles (Ils sont responsables de pousser une des 5 grandes voiles) (13.00-16.00)
  • Vendeurs (Ils vendent des badges dans la Parade pour Tout Autre Chose) (13.00-16.00)
  • Responsables Animation (Ils sont responsables de la gestion des groupes de musiques le long du parcours) (12.00-15.00)
  • Mise en place (Ils assistent à la mise en place de l’espace de clôture de la Parade) (10.00-14.30)
  • Moment de clôture (Ils assistent pendant et après la parade à l’évènement final de clôture) (14.30-19.30)

financer52% du crowdfunding lancé est déjà complété. C’est bien mais on peut mieux faire ! Nous voulons autant que possible assurer un financement citoyen de la parade et c’est grâce à vous et vos relais que cela peut être possible. Plus d’informations sur le financement de la parade par le crowdfunding ici !

A dimanche en forme !

QUELLE UTILISATION DE CES VIDÉOS ?


«L’IDÉE DE MÉMOIRE COLLECTIVE N’EST PAS QUELQUE CHOSE D’ÉVIDENT EN SYRIE»

Et maintenant ? Que faire de toutes ces vidéos ? En 2011, le réseau Shaam News en comptait 700 000 sur sa chaîne YouTube. Plus encore l’année suivante. Il est impossible de savoir avec précision combien ont été mises en ligne ces cinq dernières années. Certaines ont été supprimées par leurs auteurs, d’autres par l’armée électronique de Bachar al-Assad, qui sévit depuis mai 2011. Facebook et YouTube procèdent également à la suspension de pages au contenu trop violent. Hadi s’insurge, huit des siennes ont été fermées par Facebook.

Parce que ces vidéos disparaissent, les hackers du collectif Telecomix ont décidé, dès 2011, de les télécharger pour les archiver et les rendre accessibles à tous. «Au fur et à mesure, nous avons amélioré l’outil, récupéré automatiquement des vidéos, mis en ligne le site broadcast.telecomix.org [qui n’est plus fonctionnel] en essayant d’indexer le contenu par jour et par localisation», explique par mail Okhin, l’un des membres de l’opération #OpSyria menée en Syrie pour contourner la censure. Telecomix aide également les internautes syriens en leur envoyant des guides de connexion traduits en arabe ou en court-circuitant une partie de l’Internet domestique pour les rediriger sur une page qui donne des conseils pratiques. Lassés par la durée de la crise, les hackers de Telecomix ont mis fin à leur opération : «Le site n’est plus maintenu depuis plus d’un an maintenant, essentiellement par manque d’espace disque et de temps. Comme nous préservions les URL d’origine, il devrait cependant être possible de récupérer une grande partie des données assez facilement pour reconstruire ce site si quelqu’un veut s’en donner la peine.»

MANQUE DE MOYENS

Peut-on dire pour autant qu’Internet ou YouTube est une archive ?«Je dirais plutôt qu’il s’agit d’un ensemble de documents, explique Ulrike Riboni, attachée temporaire d’enseignement et de recherche à l’université Paris-VIII. Le document, c’est l’objet brut, et l’archive, c’est ce qui a été hiérarchisé, annoté, classé, réemployé.» «Une vidéo n’est jamais qu’un document parmi beaucoup d’autres qu’il faut contextualiser», complète Barbie Zelizer, responsable de la revueJournalism : Theory, Practice and Criticism. Or de nombreuses vidéos syriennes sont anonymes, il est donc impossible de savoir quelles sont les personnes apparaissant à l’image, qui a filmé et qui a procédé à la mise en ligne.

Des initiatives individuelles essayent de recontextualiser ces vidéos avant de les archiver, comme le site internet la Mémoire créative de la révolution syrienne, fondé en mai 2013 par Sana Yazigi. Elle archive, avec une poignée d’autres, le contenu artistique de la révolution (vidéos, photos, peintures, dessins, graffitis…). Ils cherchent, trient et traduisent (en arabe, français et anglais) ces contenus. «Pour chaque événement – un état de siège, un bombardement par baril… –, on va chercher comment les Syriens et les Syriennes se sont exprimés dessus et on rassemble les documents.» A terme, Sana aimerait ouvrir complètement sa plateforme pour que tous les internautes puissent participer, mais elle manque de moyens.

Le manque de moyens, c’est l’éternel problème des différents projets d’archivage numérique. En 2013, Ulrike Riboni voulait monter un projet pour indexer et archiver les vidéos des mouvements protestataires dans le monde : «Il s’agissait d’un projet collaboratif avec une part de sélection et d’analyse manuelle, et une part d’archivage automatique assistée par ordinateur. On avait même pensé à un développement basé sur la reconnaissance d’images pour permettre une indexation visuelle et non textuelle.» Faute d’argent, son projet n’a jamais vu le jour. Chamsy Sarkis, fondateur de Smart, se bat actuellement pour les mêmes raisons. Smart News Media travaille depuis l’été 2015 à la création d’un lexique sémantique pour un moteur de recherche : «L’idée, c’est de travailler avec les synonymes. Si par exemple l’internaute cherche “Daech”, toutes les occurrences comme “Etat islamique” s’afficheront également car tous les journaux arabes n’utilisent pas tous les mêmes dénominations.» Plus spécifiquement, ce module ne concerne que la Syrie. «Si bien que si l’on cherche “régime”, le moteur va savoir qu’il s’agit du régime syrien.» Pour l’instant, la start-up a répertorié entre 8 000 et 9 000 mots-clés en arabe et croise plus de 600 références (pages Facebook, Twitter, sites internet). Chamsy Sarkis se donne deux ans pour développer son projet s’il ne trouve pas de financements supplémentaires d’ici là.

MÉMOIRE COLLECTIVE

Reste la question épineuse du droit. «Pour l’instant, on ne fait que copier une matière dans un but de préservation. On reproduit le contenu et son contexte (date de production, de reproduction, les liens trouvés) mais on ne peut pas réellement l’utiliser», explique Sana Yazigi. Storyful affirme demander l’autorisation des auteurs mais ne les paie pas. Le rédacteur en chef dit ne faire que «vérifier des histoires et les montrer au monde. Quand les « casques blancs »[les secours] font une vidéo, ils la font dans un but de communication publique, on ne fait que relayer».

 

«La mémoire collective a besoin d’expériences partagées intenses,explique Barbie Zelizer. Et la guerre est l’expérience la plus intense. C’est physique, c’est douloureux, c’est lié à l’émotion.» Reste à savoir quelle mémoire collective les Syriens garderont de cette révolution. Ceux de Damas n’auront pas la même que ceux d’Alep ou de Madaya, ville assiégée et affamée«A la différence de l’histoire, la mémoire collective, elle, n’est jamais stable, jamais distante, et encore moins objective.» Elle est le fruit d’un souvenir, d’un passé subjectif qu’on ressasse. «Elle se transmet même à travers des personnes qui n’ont pas directement vécu les événements», complète Jill Edy, spécialiste des médias et de la politique à l’université d’Oklahoma. YouTube risque de changer notre rapport à cette mémoire. «La préservation des vidéos par YouTube va peut-être réduire le pouvoir social des autorités à créer une histoire qui leur convient. Pour autant, cela ne veut pas dire que la mémoire collective sera plus représentative pour “le peuple”. Elle est souvent influencée par la “fin de l’histoire”. Dans le contexte syrien, si le régime de Bachar al-Assad survit, l’histoire se souviendra de comment il a survécu. Si un nouveau gouvernement le remplace, c’est son arrivée au pouvoir qu’on gardera en mémoire.»

Pendant des décennies, le régime syrien s’est attaché à détruire ou à dissimuler les archives afin de réécrire sa propre histoire. «L’idée de mémoire collective n’est donc pas quelque chose d’évident en Syrie,explique Chamsy Sarkis. Elle est beaucoup plus développée en Occident parce qu’il y a eu un vrai travail dessus après la Seconde Guerre mondiale. En Syrie, à part les intellectuels et quelques activistes, peu de personnes se soucient de l’importance de la mémoire, or ce sont les ruraux et non les intellectuels qui constituent le cœur du milieu révolutionnaire.» Alors que la guerre bat son plein, la question peut aussi paraître prématurée. «On ne sent pas forcément la nécessité de construire une mémoire avant de commencer à oublier.» Mais au lendemain de la guerre, ces vidéos, si elles sont archivées et contextualisées, seront une des pièces essentielles pour permettre aux Syriens de s’approprier l’histoire de leur révolution.

Texte Fanny Arlandis (à Beyrouth)
Production Libé Six Plus

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