Stéphane Hessel : « Les hommes ont besoin de la culture »


Cassandre Hors champ"

Nicolas Roméas

« Le plus grand risque qui pèse sur les créateurs artistiques, c’est qu’ils sont notés en fonction de ce qu’ils rapportent. » A quelques jours de la soirée de soutien à notre partenaire Cassandre/Horschamp (le 2 avril à la Maison des métallos), nous publions un entretien avec Stéphane Hessel, décédé en février dernier.

Nous avions nous-même réalisé une longue interview, surtout politique, avec l’ancien résistant. Mais à Cassandre/Horschamp, l’écrivain parle art et culture. Réalisée en 2010, cette interview est toujours d’actualité.


Stéphane Hessel en 2010 (Audrey Cerdan/Rue89)
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Les amis de Cassandre/Horschamp et la Maison des métallos vous convient le mardi 2 avril à partir de 20 heures autour de Bernard Lubat à une soirée exceptionnelle de soutien à la revue avec de nombreux participants. Le droit d’entrée pour le public (à la discrétion de chacun sur la base de l’adhésion) servira à renflouer les comptes de la revue. Des séries de « collectors » seront offertes aux généreux donateurs !

Maison des métallos, 94, rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris. Réservations : resa@horschamp.org.

Cassandre/Horschamp : Ne pensez-vous pas que l’art et la culture sont très largement sous-estimés, dans les discours politiques et de façon générale dans les discours qui concernent l’état de notre civilisation ?

Stéphane Hessel  : La première chose sur laquelle il faut insister, c’est que nous vivons une période dangereuse pour l’avenir de l’espèce humaine. Elle est confrontée actuellement à des défis très graves, que l’on comprend lorsqu’ils se situent sur le terrain de l’économie, de la finance ou de la violence politique, mais que l’on ne comprend pas assez lorsqu’ils se situent sur le plan de la façon dont l’homme se vit : une espèce animale particulière, qui se distingue par quelque chose de fondamental que l’on peut appeler l’esprit.

Mais l’esprit s’inscrit dans une culture. L’espèce humaine se distingue des autres espèces animales, qui ont des tas d’avantages sur nous, par un avantage précieux : l’amour de la culture. Et cela, c’est d’abord le fait de l’utilisation de la langue, de l’image, du son, de la musique.

Nous ne vivons pas simplement pour satisfaire les besoins immédiats de n’importe quelle espèce, mais pour nous donner accès à une zone de l’humain qui nous est propre, que l’on peut appeler l’art ou la culture. C’est une nécessité pour rester Homme et ne pas retomber dans ce à quoi la finance et l’économie mondiale tentent de nous limiter : être simplement des agents économiques, des consommateurs et des producteurs de biens matériels.

Donc il s’agit bien d’une tentative de réduction de l’être humain ?

Cette tentative n’est probablement pas volontaire, elle est le résultat d’une façon de concevoir le fonctionnement d’une société essentiellement axée sur les biens matériels. Il est beaucoup plus facile de calculer les biens matériels, le degré de consommation, le degré de dépenses, l’argent ; tout cela peut être calculé par des esprits prétendument objectifs, matérialistes, qui sont d’ailleurs travaillés par de grands courants politiques.

Il y a une part de responsabilité du capitalisme et du marxisme. Ce sont de grandes idéologies qui font de l’homme un animal qui produit et qui consomme. Naturellement, il peut aussi produire de l’art et de la culture, mais comme c’est beaucoup plus difficile à mesurer, on préfère comptabiliser les choses matérielles et se désintéresser des choses non comptabilisables.

C’est la civilisation du chiffre contre celle du symbole. Or, ce qui arrive aux acteurs culturels et artistiques, c’est que les collectivités, les pouvoirs publics les obligent à comptabiliser ce qui devrait être de l’ordre de l’imaginaire, donc de la richesse humaine, en termes de fréquentation, de coûts, de bénéfice pour les collectivités territoriales, etc. On oublie complètement Malraux, qui n’avait pas que des qualités, mais savait au moins ça. Est-ce que cette pensée a totalement disparu de la vie politique française ?

Non, pas du tout, nous sommes encore parmi les pays où l’on respecte la culture. […] Il ne faut pas exagérer, mais le risque est là. Le plus grand risque qui pèse sur les créateurs artistiques, c’est qu’ils sont notés en fonction de ce qu’ils rapportent. Un peintre sera considéré comme un grand peintre parce que sa toile rapportera deux milliards de dollars.

Cette façon de passer la culture à la moulinette de l’évaluation quantitative ou monétaire ne laisse plus beaucoup de place à ce qui fait la vie et l’inspiration des créateurs. Ils doivent bénéficier d’une marge suffisante de liberté, dans leur façon de concevoir leur art, pour ne pas être uniquement mis en musique par des gens qui les considèrent sous l’angle d’un certain apport, en fonction de ce que réclame l’opinion publique.

Il y a un vrai danger d’abaissement, dans une période de notre histoire où la globalisation génère des produits qui sont conçus pour être utilisables largement, partout. Et pour être utilisables, ils doivent être le moins originaux possibles, coulés dans un moule, un standard général.

Tout ça, ce ne sont encore que des tendances ; nous n’en sommes pas encore au point où les artistes ne peuvent pas s’exprimer. Et la France est un des pays où le renouvellement littéraire, musical, peut-être un peu moins le renouvellement poétique, mais des formes de renouvellement culturel sont encore vivaces. C’est vrai aussi de grands producteurs comme l’Amérique, qui abrite des créateurs merveilleux.

Mais la tendance générale, globalisante, fait courir un grave danger à la créativité individuelle, artistique et culturelle, qui est cependant la part la plus spécifique à notre espèce, et que nous avons le devoir de protéger. J’ai été présent au moment où l’on a rédigé la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Eh bien, nous avons insisté pour que le droit au loisir, d’une part, et celui à la culture de l’autre, y figurent.

Nous avions donc conscience que les hommes ont droit à la culture, et qu’ils en ont besoin. Si on les en prive ou si l’on diminue la participation que chacun de nous peut avoir à l’art et à la culture, on castre les hommes, on les prive d’une chose essentielle.

Je trouve extrêmement forte la notion de service public pour la culture, parce qu’elle met en actes l’idée que chaque citoyen est porteur, à son niveau, de la volonté que la culture, qui n’est pas rentable, existe. Nous la payons à travers les impôts. Les Américains ne connaissent pas ça, ils ont le National Endowment for the Arts qui est très différent, qui s’adresse à une minorité d’artistes. Or, parmi les plus grands artistes américains qui ont fait des carrières internationales, beaucoup ont profité des services publics européens. Je pense à Bob Wilson, à Carolyn Carlson, à Merce Cunningham… Ils n’auraient pas pu faire de tels parcours s’ils n’avaient bénéficié de ce soutien public européen.

En effet. Ce qu’il faut reconnaître aux pays qui sont sans service public, comme, malheureusement pour eux, les Etats-Unis, c’est qu’ils ont une tradition très forte de mécénat, par des hommes qui sacrifient une bonne part de leur fortune pour soutenir les arts.

Marcel Duchamp n’aurait pas connu cette gloire s’il n’avait pas rencontré une puissante famille américaine qui n’a pas hésité à le soutenir. Il ne faut pas diminuer le rôle du soutien privé. Mais le soutien privé est lié au goût de certains, qui ne peuvent pas être responsables du droit qu’ont tous les citoyens, des plus pauvres aux plus riches, à une diversité culturelle. Et, au fond, ce qui différencie la culture d’autres formes d’activité humaine, c’est sa merveilleuse diversité. L’art, la culture, la parole, la musique, vivent de cette constante opposition des uns aux autres, de ce non-enfermement dans un style unique.

Et c’est le rôle d’un Etat républicain et démocratique comme devrait être le nôtre, et il ne l’est pas suffisamment à mon goût : un Etat qui se donne un rôle culturel. Non un rôle d’imposition d’une culture, comme en Union soviétique, où la culture qui convenait au pouvoir était soutenue…

La démocratie laisse la liberté d’une grande diversité des artistes et des créateurs. C’est là que nous devons fonder l’espoir d’une diversité politique, économique, spirituelle dont nous avons besoin pour que l’espèce humaine, qui est en train de faire beaucoup de bêtises, de se casser la figure dans beaucoup de domaines, garde au moins ce rêve de culture.

Ce rêve est lié à la diversité de l’esprit humain, à son accès à autre chose qu’à la réalité matérielle. Et je cite volontiers un vers de Prospero dans « La Tempête », de Shakespeare :

« Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée par le sommeil. »

Nous nous réveillons donc de la non-vie vers la vie, et nous pouvons vivre une succession d’expériences qui sont comme des successions de rêves. Nous ne sommes jamais réduits à ce qui est, nous pouvons toujours penser à ce qui pourrait être, imaginer, créer quelque chose, des symboles, des rythmes, qui sont la composante essentielle des arts et de la culture.

Comment expliquer l’absence de cette très profonde vérité dont vous venez de parler, dans la plupart des discours politiques ? Je suis choqué qu’à gauche, elle n’apparaisse pas plus fortement. Cela leur serait très utile stratégiquement, étant donné que les ultralibéraux sont incapables d’en parler vraiment, puisqu’ils veulent sa disparition. Ce serait une très grande force pour la gauche d’être capable d’en parler. Et, par ailleurs, c’est un enjeu fondamental de civilisation. Comment expliquez-vous ce silence ?

Je crois qu’il faut distinguer la belle politique, celle qui engage des individus, souvent très cultivés – je suis actuellement en collaboration étroite avec Michel Rocard, un homme d’une grande culture… Il ne faut pas réduire la gauche à un parti politique qui est en difficulté actuellement, et qui va se trouver en confrontation amicale avec un parti qui m’intéresse beaucoup, Europe Ecologie, dans lequel on trouve beaucoup d’artistes.

Je ne pense pas que la gauche française soit par essence indifférente à la culture. Non, je crois que la vie politique d’un pays est de plus en plus accaparée par des défis qu’elle n’arrive pas à relever. Nous nous réunissons à Rome pour la faim, à Copenhague pour la Terre.

Nous affrontons la plupart des grands défis de notre espèce, mais pas celui-ci, car ce n’est pas un défi qui peut faire l’objet d’une gouvernance mondiale. Ce serait même dramatique, car une gouvernance mondiale ferait disparaître toute originalité.

Réjouissons-nous donc que ni la gauche, ni les Etats-Unis, ni les Nations unies, ne s’occupent de culture. C’est déjà merveilleux que nous disposions à Paris de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, qu’il faut continuer à soutenir, dans la mesure où elle est l’apôtre d’une diversité culturelle de toutes les composantes de l’espèce humaine. C’est là que l’esprit de l’espèce humaine culturelle, cultivée, se traduit : par l’accent mis sur la curiosité. La culture est le résultat d’une curiosité humaine.

J’ai la chance exceptionnelle d’être d’une famille d’artistes, de créateurs : un père écrivain, poète, traducteur ; une mère qui a écrit et qui s’est vécue elle-même comme une philosophe, et avait une attirance formidable pour la poésie.

Pour moi, c’est le médium, le seul, où je me sens parfaitement à l’aise : non que j’aie jamais réussi à écrire un poème, mais je suis un consommateur enthousiaste de poésie dans trois langues, l’anglais, le français et l’allemand, et ça a joué un rôle énorme dans ma vie. J’ai rencontré très jeune le monde de la culture européenne florissante des années suivant le surréalisme, le dadaïsme, les grands peintres avec qui j’ai eu la chance d’avoir un contact ; c’est une formation merveilleuse.

Mais de tout cela, ce que j’ai retiré pour mon bien-être personnel et ma satisfaction spirituelle, c’est la poésie. Et les premiers poètes avec qui je me suis trouvé en contact, par le biais de mes parents, sont Apollinaire, Rilke, Yeats et Auden. Les avoir en mémoire, au point de pouvoir encore aujourd’hui les réciter sans trop me tromper, c’est une immense satisfaction pour moi. C’est une façon d’être dans la culture.

Mais ce n’est pas quelque chose que le commun des mortels est encouragé à s’approprier.

Je regrette que dans les écoles on apprenne de moins en moins à réciter la poésie par cœur. La récitation est très importante. Le « commun des mortels » est scolarisé, au moins dans notre Europe, mais cette scolarité a trop tendance à initier les jeunes aux problèmes matériels, à l’économie, et pas suffisamment à bien connaître la culture.

En Pologne, l’art est beaucoup plus présent dans la vie scolaire. En France, l’enseignement artistique est encore séparé de l’Education nationale ; il est financé par des collectivités et non par un ministère. Mais réjouissons-nous quand même que le commun des mortels français ait une capacité à s’exprimer, à aimer sa culture, et même une curiosité pour les arts, ne serait-ce que l’art qui est communiqué par les grands médias. Ce sont des accès précieux à la culture.

Une expérience a été tentée au sortir de la guerre, avec la création d’une direction de l’Education populaire…

Oui, il y a des organisations qui ont joué un rôle important, notamment Peuple et Culture : Bénigno Cacérès et Joseph Rovan ont fait un travail remarquable pour encourager les expressions culturelles dans toute la France.

On peut retrouver cela à travers l’action locale dans les grandes villes. Lyon, Montpellier, Toulouse, Nantes sont des lieux où la culture se développe grâce à la volonté locale. Malraux a initié cela avec les maisons de la culture. C’est quand même par là qu’on dépasse la notion d’élite, qui n’a pas de sens en matière de culture. Une culture qui ne serait que celle de l’élite serait sans aucun intérêt ; mais une culture qui ne favoriserait pas la construction d’une élite de la création serait condamnable.

Mais ce développement dont vous parlez s’inscrit dans une civilisation de plus en plus froide, de moins en moins humaine, avec de plus en plus de surveillance : la destruction de l’esprit de convivialité sous des prétextes de sécurité.

Deux notions s’opposent radicalement : la sécurité et la liberté. L’artiste, et le porteur de culture quel qu’il soit, est un revendicateur de liberté ; et quand il se retrouve dans des ensembles qui ont peur de la liberté, qui aiment cerner les problèmes et donner la priorité à la sécurité, l’artiste souffre.

Je ne pense pas que nous en soyons là en France ; une récipiendaire du prix Goncourt peut réagir lorsque quelqu’un comme Eric Raoult dit d’énormes bêtises. Donc, la liberté existe encore en France.

Dans le passé, nous avons connu d’autres périodes où l’art était vilipendé, où toute attaque contre le pouvoir était violemment réprimée. On a quand même voulu mettre Baudelaire en prison. Ce n’est pas une chose nouvelle.

Vous diriez que c’est simplement une régression vers une situation que l’on a déjà connue.

Le risque de faire prévaloir la sécurité sur la liberté a existé de tout temps. Nous sommes dans une période qui en joue beaucoup pour restreindre la liberté. C’est une phase déplorable de la République, où nous avons un gouvernement [cet entretien a été réalisé en 2010, ndlr] très soucieux d’encadrer, de faire des listes, des rubriques, et c’est contraire à l’esprit de liberté que nous avons essayé de faire naître à un moment où cette liberté était ravagée par le gouvernement de Vichy. La Résistance a eu cette vocation naturelle de lutter contre l’absence de liberté, et donc la liberté de la culture aussi.

Le gouvernement que nous avons maintenant depuis deux ans et demi comporte à mon avis des restrictions graves – qu’il faut combattre – de certaines libertés.

Mais je voudrais revenir sur un point : nous sommes depuis quelque temps beaucoup plus en contact avec les hommes du monde entier que nous ne l’avons jamais été – ce qui est la vraie modernité. Il reste la nécessité de donner toute sa place à chacune des composantes de cette société ; de ne pas les globaliser pour leur donner un sens unique qui serait un appauvrissement de leur capacité de penser, de raisonner, d’être et de créer. Et ça doit être défendu contre le souci que pourrait avoir une nation, ou un ensemble de nations comme l’Europe, de fixer des limites qui mettent en danger la sécurité.

C’est vrai que la culture met en danger la sécurité. C’est une façon de dire aux hommes :

« Allez plus loin, allez ailleurs ; ne restez pas encadrés comme vous l’êtes. Ayez de l’imagination, même violente s’il le faut, car la culture peut être violente. »

Donc, il faut rechercher cet équilibre entre la nécessité d’une certaine sécurité et la volonté d’aller conquérir les nuages. Cet équilibre-là, c’est celui de la civilisation. Il n’y a pas d’autre mot.

Ce que vous venez de dire, c’est que cet équilibre n’est plus respecté ?

C’est un équilibre à préserver. Et cet équilibre a des ennemis. Il y a dans toute société des gens qui disent : « Quand j’entends le mot culture, je sors mon revolver. » Ces gens peuvent être proches du pouvoir ou non, il faut savoir que c’est une des composantes de notre espèce bizarre. Et l’autre composante, qui a de la curiosité et veut être civilisée, doit être défendue par tous les moyens.

Dans le dernier numéro de Cassandre/Horschamp, j’ai interviewé Armand Gatti. A chaque fois que nous discutons, de quelque sujet que ce soit, il repart dans ses spirales mentales jusqu’à la source de son adolescence dans les camps. Et à chaque fois j’ai l’impression que cette insupportable violence a été pour lui comme une naissance. Et, comme les digues d’un barrage céderaient devant un fleuve, quelque chose est né de ce moment-là qui a à voir avec son œuvre. Qu’en pensez-vous de ce rapport entre le pire et les ressources que nous allons chercher en nous-mêmes ?

Je pense que lorsque nous sommes confrontés à quelque chose qui nous touche, qui nous scandalise, qui nous indigne, qui nous atteint dans nos profondeurs, la nécessité d’y répondre par une activité créative devient, plus forte.

Nous avons besoin de connaître la mort, ou le risque de la mort ; de connaître la violence, ou le risque de la violence, pour produire en nous ce qui dépasse la mort, ce qui dépasse la violence. Une vie toute de douceur, qui ne connaîtrait que le bien-être, aurait du mal à produire quelque chose de vraiment fort.

Reconnaissons que la plupart des grands artistes ont connu des chocs formidables dans leur vie. Quand on relit la vie des grands créateurs, on est frappé par les obstacles rencontrés, les chocs subis. Ça fait partie des choses qui rendent possible et nécessaire la culture.

L’homme ne peut pas seulement vivre tranquillement, il a besoin de se confronter à quelque chose qui le dépasse. C’est là que l’art trouve tout son sens. Essayer d’intégrer cela dans une façon de concevoir la vie des hommes, et le leur rendre accessible sans que cela les détruise, c’est ça la civilisation.

Ça a à voir avec la religion ?

Oui. Malheureusement, les religions sont souvent monothéistes, et les religions monothéistes deviennent facilement dangereuses. J’aime la mythologie grecque, où il y a des dieux pour tout. Et c’est d’ailleurs la mythologie qui a donné le plus de prise à la culture. C’est quand même formidable que nous vivions encore sur les bases de cette culture fondée au Ve siècle avant J.-C., une culture de compromis, de balancements. Le christianisme, le judaïsme, l’islam ont produit aussi beaucoup de chefs-d’œuvre, mais il y a une violence contenue. Il y a ceux qui sont dans le bien et ceux qui n’y sont pas, et c’est grave !

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Ducarme: «Ce ne sont pas les mosquées qui recrutent les combattants belges en Syrie»


Ricardo Gutiérrez
Mis en ligne Vendredi 29 Mars 2013, 13h58

Le député MR Denis Ducarme dénonce « l’amalgame » opéré par son collègue CDH Georges Dallemagne, ce matin, sur les ondes de Bel RTL. « Stigmatiser les lieux de culte musulmans, ce n’est pas rendre service aux familles affectées par le départ de leurs enfants au combat ».

Le sang de Denis Ducarme n’a fait qu’un tour, ce matin, quand il a entendu le député CDH Georges Dallemagne mettre en cause, sur les ondes de Bel RTL (voir l’interview en vidéo ci-dessus), les mosquées bruxelloises dans le processus de recrutement des combattants belges en Syrie. «  Ceux qui connaissent le dossier savent que ce n’est pas du tout la filière, pour la simple raison que les mosquées radicales sont très surveillées. Les imams ne sont pas concernés ; ce sont d’autres lieux de radicalisation qui sont en cause : des maisons particulières, clandestines, sous la coupe d’activistes salafistes  ».

«  Si M. Dallemagne est si sûr de son fait, qu’il transmette donc la liste des mosquées radicales bruxelloises à la ministre CDH de l’Intérieur, Joëlle Milquet, afin qu’elle ordonne leur fermeture… Mais il ne le fera pas, car il fait dans le slogan populiste en ciblant de la sorte les lieux de culte islamique, et à travers eux, les communautés musulmanes. Les familles qui ont vu partir un enfant au combat sont victimes ; inutile de les accabler davantage  ! ».

Denis Ducarme estime que ce ne sont pas les mosquées qu’il faut viser, mais bien les recruteurs : «  La loi de 1979 sur le recrutement extra-terroriste punit les recruteurs de 3 mois à deux ans de prison ; le gouvernement fédéral peut, par ailleurs, prendre un arrêté royal pour interdire les engagements individuels. Les vraies pistes sont là  ».

Pour l’heure, 50 à 80 jeunes musulmans, originaire principalement d’Anvers et de la région bruxelloise, ont rejoint les rangs des milices qui combattent le régime de Bachar al-Assad, en Syrie. Une centaine de volontaires néerlandais participent également au combat. Jeudi, le président démissionnaire de la Coalition nationale syrienne (CNS), Moaz Al-Khatib, a demandé aux combattants étrangers de rentrer dans leur pays : «  Je dis à tous ces gens : si votre famille a besoin de vous, ne venez pas ici ».

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Syrie : Les rebelles veulent que les combattants MRE rentrent chez leurs parents


Syrie : Les rebelles veulent que les combattants MRE rentrent chez leurs parents

Publié le 28.03.2013 à 13h14 | Par Julie Chaudier


Le président démissionnaire de la Coalition nationale syrienne (CNS), Moaz Al-Khatib, a demandé aux combattants étrangers, dont nombre de Hollando-Marocains, de rentrer dans leur famille. Aux Pays Bas, 3 Hollandais sont morts en Syrie, et près d’une centaine combat aux côtés des rebelles.

Les enrôlements de jeunes hommes français, hollandais, belges, souvent d’origine Marocaine, aux côtés des rebelles syriens ont fait irruption dans les débats du sommet arabe de Doha, mardi 26 mars, rapporte metronieuws.nl. Dans son discours, le président démissionnaire de la Coalition Nationale Syrienne (CNS) a reconnu qu’il avait reçu deux lettres, l’un de parents français, l’autre de parents néerlandais. «Je dis à tous ces gens : si votre famille a besoin de vous, ne venez pas ici, a-t-il déclaré publiquement, prendre soin de vos parents, qu’ils soient musulmans ou non, est le plus important, c’est faire le jihad

La coordination nationale du contre-terrorisme néerlandais a indiqué qu’un peu moins d’une centaine de Hollandais ont quitté les Pays-Bas pour partir se battre aux côtés des rebelles en Syrie. «3 Hollandais sont morts en Syrie. Deux étaient d’origine Marocaine et le troisième était d’origine Hollandaise, c’était un converti», indique Abdou Menebhi, président du Centre euro-méditerranéen Migration et Développement (EMCEMO), Néerlandais d’origine Marocaine. Leurs parents sont en détresse, comme ceux des quelques 70 Belges d’origine Marocaine à avoir rejoint le front. La mère de Sofian M. a lancé un appel, en larme, à son fils parti pour la Syrie, à la télévision néerlandaise.

La mère de Sofian M. parti en Syrie, à la télévision néerlandaise

http://www.youtube.com/watch?v=JTFO0P3iffo&feature=player_embedded

«Je l’appelle tous les jours par téléphone, mais il ne décroche jamais», regrette la mère de Sofian. Le silence des jeunes hommes partis combattre plongent leur famille, restés aux Pays Bas, dans une détresse encore plus profonde. «Certains parents ont reçu des SMS de leur garçon depuis la Syrie, mais beaucoup refusent de leur parler. Les garçons affirment qu’ils sont en terre d’islam, sans plus de détails», rapporte Abdou Menehbi. Ce militant associatif très engagé auprès de la communauté Marocaine des Pays-Bas tire la sonnette d’alarme. «Aujourd’hui, ces jeunes ne peuvent pas retourner en Hollande, même s’ils le voulaient. Les groupes Salafistes Jihadistes qui les encadrent leur prennent leur passeport», affirme-t-il.

Devant l’inquiétude grandissante, il a organisé dimanche 24 mars, une grande rencontre à la Grande Mosquée d’Amsterdam. «Il y avait de nombreux parents très inquiets. Des Jihadistes Salafistes étaient aussi présents et nous avons parlé, dans le cadre d’un débat démocratique, pour contrer leurs arguments, raconte Abdou Menebhi. Nous avons expliqué que la guerre en Syrie n’était pas un combat de l’islam, car ceux contre qui se battent les rebelles sont aussi des musulmans».

Appel au gouvernement hollandais

Lors de cette réunion, l’association EMCEMO a annoncé avoir mis en place des numéros de secours dédiés aux jeunes qui envisagent de partir et aux familles en détresse. A l’adresse de la société hollandaise dans son ensemble, l’EMCMO a déclaré : «Nous, les associations et les mosquées condamnons les groupes extrémistes qui utilisent l’Islam pour soutenir une idéologie fondée sur la promotion et la consolidation de la culture de l’hostilité, de la haine et de la violence qui sont sans rapport avec l’islam

Aujourd’hui les familles des jeunes hommes partis en Syrie appellent le gouvernement à se mobiliser pour les faire revenir. «Le gouvernement hollandais doit prendre ses responsabilités. Les groupes qui embrigadent nos jeunes, il les connaît. Il doit aussi lutter contre l’islamophobie qui facilite le recrutement. Il faut s’attaquer aux raisons du problème», insiste Abdou Menebhi.

Pour l’heure rien n’a encore été fait concrètement et officiellement pour lutter contre ces enrôlements. «Certains parlementaires ont proposé de retirer leur passeport par avance à ceux qui risqueraient de partir en Syrie, mais ce serait une mesure anticonstitutionnelle. Nous ne voulons pas que les mesures qui soient prises pour lutter contre ce phénomène soient injustes et ne concernent qu’une partie de la population», précise Abdou Menbhi.

http://www.yabiladi.com/articles/details/16346/syrie-rebelles-veulent-combattants-rentrent.html

Israël : Obama est venu donner sa bénédiction à un gouvernement de colons


lundi 25 mars 2013 – 06h:32

Jonathan Cook


Ceux qui espéraient que Barack Obama viendrait en Israël pour imposer un face-à-face entre dirigeants israéliens et palestiniens, après quatre ans d’impasse dans le processus de paix, ont dû être cruellement déçus.

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Jérusalem – Une femme palestinienne se fait insulter par une clique de fascistes, alors qu’elle tente de récupérer quelques affaires dans sa maison qui vient de lui être volée pour être occupée par une famille de juifs orthodoxes

Le voyage du président américain à partir d’aujourd’hui pourrait être historique – c’est le premier de sa présidence en Israël et dans les territoires palestiniens – mais il a été fait tout son possible pour qu’on en attende pas grand-chose.

Le week-end, les dirigeants arabo-américains ont révélé que M. Obama avait clairement fait savoir qu’il ne présenterait pas de plan de paix, car Israël avat fait savoir qu’il n’était en rien intéressé par un accord avec les Palestiniens.

Les derniers doutes sur les intentions d’Israël ont été levés par l’annonce du nouveau cabinet, qui à la hâte a prêté serment avant la visite du président. Ce gouvernement ferait presque passer pour modéré le dernier conduit par Benjamin Netanyahu, alors qu’il était déjà considéré comme le cabinet le plus extrémiste de l’histoire d’Israël.

Ynet, le site Web d’Israël d’informations, a indiqué que les dirigeants des colons ont salué ce cabinet dont « ils n’osaient pas rêver ».

Zahava Gal-On, chef du parti d’opposition du Meretz, a abondé dans le même sens, en observant qu’il « ferait beaucoup pour les colons et très peu pour le reste de la société israélienne ».

Le parti dévoué aux colons, Le foyer juif, a reçu trois ministères clés – le commerce et l’industrie, Jérusalem, et le logement – ainsi que le contrôle de la commission parlementaire des finances, qui fera en sorte que les colonies se développent au cours du mandat de ce gouvernement.

Il n’y a aucune chanceq que Le foyer juif soit d’accord pour un gel de la colonisation semblable à celui qu’Obama avait voulu lors de son premier mandat. Au contraire, ce parti va accélérer à la fois la construction de logements et le développement industriel au-delà de la Ligne verte, pour rendre les colonies encore plus attirantes pour s’y installer.

Uzi Landau, du parti d’extrême droite d’Avigdor Lieberman, Yisraeli Beiteinu, a le portefeuille du tourisme et sera bien placé pour diriger des fonds vers la Cisjordanie et de nombreux sites bibliques, afin d’encourager les Israéliens et les touristes à s’y rendre.

Le nouveau ministre de la Défense, qui supervise l’occupation et serait le seul officiel en poste à pouvoir entraver de déferlement colonial, est Moshé Yaalon du Likoud, ancien chef d’état-major et connu pour son soutien fanatique aux colons.

Certes, Yair Lapid du grande parti « centriste » Yesh Atid est représenté aussi. Mais son influence sur la diplomatie sera mise en sourdine, parce que ses ministres se chargeront de cinq domaines essentiellement domestiques, tels que la santé et la science.

Une nouveauté, c’est Shai Piron, le ministre de l’éducation nouvelle, qui est un colon et un rabbin, et dont peut attendre qu’il généralise les voyages scolaires dans les colonies, poursuivant les efforts fructueux des colons pour s’intégrer dans le courant dominant.

Loin de se préparer à faire des concessions à l’occasion de la visite du président américain, Netanyahu a déclaré son soutien au plan du Foyer juif pour annexer des parties importantes de la Cisjordanie.

Le seul ministre qui affiche quelque intérêts pour des négociations, et qui est principalement motivée par le souhait de rester en bons termes avec la Maison Blanche, est Tzipi Livni. Elle est bien consciente que les possibilités de négociations sont extrêmement limitées : le processus de paix a été mentionné une seule fois, et de façon tout à fait secondaire, dans l’accord de coalition.

Obama, apparemment tout à fait conscient qu’il est confronté à un gouvernement israélien encore plus intransigeant que le dernier, a choisi de ne pas s’adresser à la Knesset. Au lieu de cela, il fera son discours à un auditoire plus réceptif d’étudiants israéliens, dans ce que les responsables américains ont appelé une « offensive de charme ».

On peut s’attendre à de grands mots, à de vagues promesses et à une inaction face à l’occupation.

Pour prouver à quel point la Maison Blanche est réticente à l’idée de s’attaquer à la question des colonies, ses représentants aux Nations Unies ont refusé lundi de prendre part à un débat au Conseil des droits de l’homme, qui qualifie les colonies comme une forme d« d’annexion rampante » de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est.

Obama se veut non interventionniste pour des raisons purement internes. Un sondage d’ABC-TV a montré cette semaine que la plupart des Américains soutiennent Israël contre les Palestiniens – 55% contre 9%. Une majorité encore plus grande, de 70%t, estime que les États-Unis devrait laisser les deux parties régler leurs litiges eux-mêmes.

Les Israéliens ordinaires, le public ciblé par le président américain, a une opinion qui ne vaut guère mieux. Selon une récente enquête, 53% pensent qu’Obama ne protège pas les intérêts d’Israël, et 80% croient qu’il n’apportera pas de progrès avec les Palestiniens au cours des quatre prochaines années. L’ambiance est plus à l’indifférence qu’à l’attente.

Toutes ces raisons font que ni Obama ni Netanyahu ne parleront trop de la question palestinienne au cours de la visite de trois jours. Comme l’analyste Daniel Levy l’a observé : « Obama vient d’abord faire des déclarations sur les liens américano-israéliens, et non sur l’occupation ».

C’est aussi à quoi s’apparente l’opinion des Palestiniens, qui sont de plus en plus exaspérés par l’obstruction américaine. Les responsables américains qui se sont rendus à Bethléem pour préparer la visite d’Obama vendredi se sont retrouvés pris dans des manifestations anti-Obama. On s’attend à d’autres manifestations aujourd’hui à Ramallah.

D’autres Palestiniens ont protesté contre sa visite en établissant aujourd’hui une nouvelle communauté de tentes près de Jérusalem, sur des terres palestiniennes occupées . Plusieurs campements précédents ont déjà été démolis à la hâte par les soldats israéliens.

Les organisateurs espèrent mettre en évidence l’hypocrisie américaine qui revient à soutenir l’occupation par Israël : les colons juifs sont autorisés à construire avec le soutien officiel de l’État sur les territoires palestiniens, en complète violation du droit international, alors que les Palestiniens se voient empêchés de développer leurs propres terres dans ce qui est maintenant considéré par la plupart des pays comme l’État palestinien
.
Le message implicite de la visite d’Obama, c’est que le gouvernement Netanyahu est libre de faire ce qu’il veut, avec peu de danger de rien de plus qu’une protestation symbolique de Washington.

Le nouveau cabinet israélien n’a pas perdu pas de temps pour dévoiler ses priorités législatives. Le premier projet de loi annoncé est une « loi fondamentale » pour changer la définition officielle de l’État, de sorte que ses aspects « juifs » éclipsent les aspects « démocratiques », une initiative que le journal Haaretz a qualifié de « folle ».

Parmi les principales dispositions se trouve la volonté limiter les financement public aux nouvelles communautés exclusivement juives. Cela met en évidence une solution cynique de Netanyahu pour apaiser le mouvement de protestation sociale qui mijote à Tel-Aviv, et dont une des exigences est avant tout davantage de logements à des prix abordables.

En mettant à disposition encore plus de terrains à bas prix [volés aux Palestiniens] en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, il peut agrandir les colonies, ronger encore plus le territoire palestinien, faire taire les protestations et prendre à contre-pied l’opposition. Tout ce qui lui manquait, c’était la bénédiction de Barack Obama.

* Jonathan Cook a remporté le Prix Spécial de journalisme Martha Gellhorn. Ses derniers livres sont “Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the to Remake the Middle East” (Pluto Press) et “Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair” (Zed Books). Voici l’adresse de son site : http://www.jkcook.net.

Du même auteur :

- Le voyage d’Obama en Israël, c’est 4 nouvelles années de colonisation – 28 février 2013
- Israël a déclaré la guerre aux enfants de Jérusalem : 1200 arrestations en un an – 30 janvier 2012
- [Les Palestiniens en Israël attendent peu de choses des élections à la Knesset] – 21 janvier 2013
- Bab al-Shams : les Palestiniens à l’assaut de leurs occupants ! – 15 janvier 2013
- Une carte du ministère du Tourisme israélien annexe plus de 60 % de la Cisjordanie – 1er janvier 2013
- Les sapins de Noël terrorisent les Israéliens – 5 décembre 2012
- Pourquoi Obama ne va pas s’en prendre à Israël – 16 novembre 2012
- Israël éradique l’Histoire : disparition de mosquées – 14 juillet 2012
- La bunkérisation d’Israël en voie d’achèvement, sur fond de nettoyage ethnique permanent – 25 janvier 2012
- Il y a de la méthode dans la folie de Nétanyahou : Israël exclut la non-violence – 21 juillet 2011
- Le plan de paix de l’illusionniste Netanyahu – 14 mars 2011
- Après les « documents palestiniens », l’Autorité palestinienne peut-elle continuer d’exister ? – 3 février 2011
- Israël a déclaré la guerre aux enfants de Jérusalem : 1200 arrestations en un an – 16 décembre 2010

25 février 2013 – Palestine Chronicle – Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.jonathan-cook.net/2013-0…
Traduction : Info-Palestine.eu – Claude Zurbach

« Good morning Damascus » : De l’inacceptable


 

actu-match | lundi 25 mars 2013

"Good morning Damascus" : De l’inacceptable

Damas, le 25 mars dernier. | Photo Jean-Pierre Duthion

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Chaque semaine dans «Good Morning Damascus», Jean-Pierre Duthion (@halona) vous raconte le quotidien parfois tragi-comique d’une vie d’expatrié en Syrie sous les bombes.

Jean-Pierre Duthion – Parismatch.com

Mardi, je viens de quitter ma fiancée, je dis au revoir à des amis prés du ministère de l’Énergie, il est 22h, on se croirait en plein été. Près du checkpoint, un soldat a ramené ses trois enfants, assis à l’arrêt de bus, ils jouent à la console pendant que leur père, un moustachu bedonnant contrôle des identités. Un autre soldat que je connais, un jeune sunnite qui n’a pas vu sa famille depuis plus d’un an, fais le pitre pour les amuser. Tout est calme et paisible, comme bien souvent à Damas c’est le calme non pas « avant » mais « pendant » la tempête. Alors que mes amis viennent de s’en aller et que je me dirige vers ma voiture, une détonation surréaliste retentit, le sol autour de moi se met à trembler, un souffle surpuissant me repousse en arrière, j’ai des morceaux de pare brise dans les cheveux, un mortier vient de s’écraser à 30 mètres de moi à peine, explosant deux voitures.

A partir de là, tout se passe comme au ralenti, les balles se mettent à siffler, l’armée libre vient d’attaquer le checkpoint, le père de famille crie à ses enfants de se mettre a l’abri, il ne cesse de leur répéter : courez plus vite ! Plus vite ! Le jeune soldat tire des rafales régulières en l’air pour signifier aux rebelles qu’il reste encore des hommes au barrage. Un pick-up de l’armée surmontée d’une douchka, mitrailleuse lourde, arrive à toute vitesse pour lui prêter renfort. Quant à moi, je suis là au milieu de tout ce chaos sans savoir quoi faire, les sons me semblent atténués, l’explosion m’a en partie assourdi, je ne peux pas rester et si je me mets à courir, les soldats postés un peu plus loin dans cette rue mal éclairée pourraient facilement me prendre pour un ennemi.

Sans vraie solution, je me mets à marcher, je marche lentement sans vraiment réfléchir, assez pour m’éloigner et pas trop vite pour ne pas être considéré comme un élément hostile. Sur ma gauche, un type est caché derrière un bus, un soldat lui ordonne de se montrer :
– Sors de la ! Montre-moi tes mains ! J’ai dit tes mains !
Le type dans l’ombre ne cesse de répéter :
– Je peux pas ! je peux pas !

Blessé à la jambe, il peut à peine marcher, poussé par la même peur qui m’empêche de courir. Il arrive finalement à se trainer vers la lumière. Je continue de marcher, les tirs redoublent d’intensité, les coups de feu se multiplient, de plus en plus violents ; de plus en plus proches, les balles ricochent et moi je marche. Je me dis que tout va peut être se terminer ce soir, dans cette rue de Damas, que, comme pour beaucoup de Syriens, beaucoup trop depuis deux ans, je vais finir ici, sans raison, pour rien. Je souris en me disant que j’ai survécu à Homs, à Talkalakh et à bien d’autres endroits tout aussi dangereux pour prendre bêtement une balle a quelques kilomètres de chez moi. Alors que je suis en train de me faire à cette idée, le jeune soldat m’interpelle, je me retourne et je le trouve prés de moi, il me dit :« Tu peux démarrer ta voiture rapidement ? »
Je lui réponds que oui, il me conduit vers mon véhicule, en faisant en sorte que je reste derrière lui pour m’éviter de prendre une balle perdue. Je commence à reprendre espoir dans le fait que tout ne se terminera pas ce soir, pas ici, pas comme ça.

Je monte dans ma voiture, le remercie, il tape sur le toit alors que les tirs retentissent autour de moi, je démarre sans réfléchir. Après quelques mètres je me rends compte que je conduis les phares éteints, je ne sais plus vraiment ce que je fais, mes oreilles me font mal, je roule à plus de 120 dans les rues étroites qui m’emmènent chez moi. Je ne sens plus mes jambes, j’ai le vertige mais je continue de rouler, de mettre autant distance possible entre la mort et moi.

La guerre civile réclame son dû

Ce soir la cinq autres mortiers s’écraseront prés du même checkpoint, deux frapperont un immeuble faisant des morts et des blessés. Comme chaque jour, chaque soir, chaque heure, la guerre civile réclame son dû. Son lot de morts, de souffrances, de peines, de douleurs, de familles détruites, d’enfants qu’on enterre.

Au tout début de la crise quand j’ai commencé a collaborer avec différents médias, je passais mon temps à répéter que pour le moment je ne faisais qu’entendre les explosions que je ne les voyais pas, que je pouvais accepter cette situation, que lorsque je verrai un missile frapper un immeuble je changerai surement d’avis, j’ai dû en voir des dizaines depuis ces déclarations. Par la suite j’ai dit que lorsque ma vie serait réellement en danger, je penserai peut-être à partir. Alors que je roule à tombeau ouvert a travers la ville je réalise que ce qui était inacceptable pour moi il y a deux ans est devenu supportable aujourd’hui.

Quelques jours plus tard je verrai des dizaines de corps extraits d’une mosquée après l’explosion qui causera la mort d’une cinquantaine de personnes. Ce soir-là, je refuserai de tweeter une ligne et je ne prendrai pas les appels des médias qui chercheront à me joindre. De toute façon quoi leur dire à part que je côtoie l’inacceptable et l’intolérable au quotidien. Vers 7h du matin après une nuit sans sommeil je me déciderai finalement à poster ces quelques mots : « L’humanité a disparu de Syrie, il ne nous en reste plus que de vagues réminiscences… »

La prière de la sérénité tient en ces quelques mots :
Mon Dieu,
Donnez-moi la sérénité
D’accepter
Les choses que je ne peux pas changer,
Le courage
De changer les choses que je peux,
Et la sagesse
D’en connaître la différence.

Accepter, on a tous au fond de soi une limite à ce qu’on peut accepter, une ligne rouge au delà de laquelle on se dit que cela devient inacceptable. Depuis le début de la crise pour moi comme pour le reste des Syriens elle n’a cessé d’évoluer, depuis quelques jours j’ai peur qu’elle disparaisse…Point final

Qui a tué Al Bouti, qui est responsable et pourquoi est-il mort ?


Le régime syrien a depuis longtemps pour habitude, au moment de se débarrasser de ceux dont il n’attend plus aucun service ou qui finissent par constituer pour lui une gêne, de les utiliser une dernière fois d’une autre manière avant de les « jeter ». C’est l’aventure que vient de connaître l’un des plus fidèles et des plus anciens serviteurs de Hafez Al Assad puis de son héritier, le cheykh Mohammed Saïd Ramadan Al Bouti.

Entre le cheykh Al Bouti et le président Al Assad,
Abdel-Sattar Al Sayyed, ministre des Cultes

Devenu une figure incontournable de la scène religieuse syrienne, grâce à un habile mélange de rigidité doctrinale et de servilité politique, il avait perdu en quelques mois de Révolution l’audience populaire dont le régime lui avait facilité la conquête en reconnaissance pour les services rendus. Son mépris pour les manifestants pacifiques, son autorisation de s’incliner pour la prière sur une photo du chef de l’Etat, sa justification de la répression menée par le régime et sa comparaison aventureuse entre militaires de l’armée régulière et compagnons du prophète Mohammed, avaient détourné de lui, de ses leçons et de ses prêches télévisés, une partie de la communauté sunnite syrienne. Non seulement elle ne prêtait plus attention à ses vaticinations en faveur du pouvoir, alors que des dizaines de cheykhs et d’oulémas avaient choisi de se taire ou pris le risque de se ranger du côté du peuple, mais elle éprouvait face à son comportement un mélange de honte et de mépris. A l’affut de toutes les aubaines, Bachar Al Assad a donc fait en sorte que sa disparition contribue, par son caractère violent et totalement inadmissible, à accroître la peur de nombreux Syriens et à renforcer autour de lui le front des hésitants.

Les exemples de ce comportement ne manquent pas dans l’histoire récente de la Syrie. Le 12 octobre 2005, contraint ou forcé, le suicide du général Ghazi Kanaan, parfaitement informé des tenants et aboutissants de l’attentat commis à Beyrouth, le 14 février 2005, contre l’ancien Premier ministre libanais Rafiq Al Hariri et ses accompagnateurs, a sonné comme un avertissement. Le chef de l’Etat aurait pu, puisqu’il avait des doutes sur la fidélité de son ancien pro-consul au Liban, le placer sous surveillance renforcée ou ordonner son arrestation. Mais une mort violente lui est apparue préférable pour faire comprendre à quoi s’exposeraient ceux qui se montreraient trop loquaces face aux enquêteurs de la Mission d’établissement des faits puis de la Commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur ce crime.

Le général Ghazi Kanaan (@ AFP)

Quelques années plus tard, le 1er août 2008, l’assassinat du général Mohammed Sleiman, abattu d’une balle dans la tête sur la terrasse de son « cabanon » de la plage de Tartous par un « snipper israélien » embarqué sur un bateau croisant au large des côtes syriennes, est lui aussi apparu comme une mise en garde. Faute de volonté d’aboutir du responsable de l’enquête, un certain Hafez Makhlouf, personne n’a jamais su quelles fautes ou quelles erreurs avait commises le conseiller militaire et sécuritaire du chef de l’Etat, qui supervisait aussi bien les nominations politiques et militaires que le programme nucléaire syrien et l’approvisionnement en armes du Hizbollah libanais. Mais sa disparition brutale, signée par l’absence de toute personnalité politique de poids à ses obsèques, a été interprétée comme une semonce. Elle s’adressait à ceux qui, ayant connaissance des activités proliférantes et des autres recherches de la Syrie dans des domaines sensibles, seraient tentés de vendre leurs informations ou de laisser sans surveillance dans leur chambre d’hôtel, par mégarde ou à dessein, leur ordinateur et son contenu…

Ceux qui ne se résolvent pas à admettre que, pour se maintenir en place, l’actuel chef de l’Etat est aussi disposé que l’était son défunt père à sacrifier ses amis avant ses ennemis, n’ont qu’à se reporter de quelques mois en arrière. Il leur suffira de lire les aveux de l’ancien ministre libanais Michel Samaha, recruté par le locataire du Palais du Peuple, pour assurer en tandem avec Bouthayna Chaaban la propagande syrienne en direction de la France et d’autres pays « amis du régime syrien », devenus avec la Révolution « amis du peuple syrien ». Ils verront le sort que Bachar Al Assad réservait au chef de l’Eglise maronite. Elu patriarche par ses pairs, le 15 mars 2011, le jour même où se mettait en branle à Damas la révolution contre Bachar Al Assad, Mgr Bichara Al Ra’ï aurait pu faire les frais d’une manigance des Syriens. Sa disparition dans un attentat qui n’aurait pu être attribué – évidemment – qu’à des « islamistes radicaux », aurait accéléré une explosion confessionnelle. Le chef de l’Etat en avait besoin – et il en a toujours besoin – en Syrie et au Liban, pour convaincre que, aussi sauvage et dénué de sentiment humain soit-il, il reste, en comparaison avec les « terroristes islamistes », le moindre des deux maux. Quelques mois plus tard, en février 2013, Mgr Al Ra’ï, instruit par le risque auquel il avait échappé, effectuait en Syrie une visite à laquelle son prédécesseur, Mgr Nasrallah Boutros Sfeir, s’était toujours refusé.

Pour en finir avec ces évocations destinées à planter le décor de l’attentat contre le cheykh Al Bouti, on se contentera d’attirer l’attention sur la fidélité sans faille au régime dont font preuve le mufti Ahmed Hassoun et le ministre de la réconciliation nationale Ali Haydar. La signification de la disparition dans des circonstances dramatiques d’un fils de chacun d’entre eux n’a échappé ni à l’un, ni à l’autre… Pas plus que n’avait échappé jadis aux opposants à Hafez Al Assad au sein de la communauté alaouite, le message que leur portaient les assassinats du général Mohammed Omran au Liban, en 1972, et de l’éminent juriste Mohammed Al Fadel en Syrie, en 1976… Pas plus que n’a échappé aux militaires syriens tentés par la désertion, fin 2011, le sort funeste de près de 20 membres de la famille du colonel Huseïn Harmouch… Pas plus que n’a échappé aux journalistes syriens, à la mi-2012, la signification de l’enlèvement et de la liquidation de leur collègue Mohammed Al Saïd…

Le cheykh Al Bouti
lors d’une leçon à la mosquée Al Iman

Le cheykh Al Bouti aurait donc été victime, jeudi 21 mars, en fin d’après-midi, d’un attentat suicide commis par un terroriste. Le kamikaze aurait fait exploser la bombe dont il était porteur, dissimulé parmi les fidèles rassemblés dans la salle de prière de la mosquée Al Iman, au centre de Damas, pour entendre la leçon que le savant donnait là chaque semaine. Quelques minutes après les faits, une chaine de télévision syrienne annonçait la disparition du cheykh ainsi que de l’un de ses petits-fils. Elle faisait état de plus d’une centaine de victimes, parmi lesquelles 42 morts et 84 blessés. Elle diffusait aussitôt une rétrospective en image de la vie et de la carrière du cheykh, qu’elle tenait apparemment prête et à jour, un tel travail nécessitant selon des spécialistes au moins six heures de recherches et de compilation.

Malheureusement, plusieurs de ces éléments ne correspondent pas à ce qu’ont rapporté des Damascènes habitant à proximité de la mosquée. Le bruit qu’ils avaient entendu n’avait rien à voir avec la déflagration provoquée, un mois plus tôt jour pour jour, par l’explosion de deux voitures piégées sur l’avenue de la Révolution, quelques dizaines de mètres plus loin. Etant sortis de chez eux et ayant pénétré dans la mosquée en même temps que les « bons jeunes gens » – un euphémisme utilisé pour désigner les agents des services de renseignements – qui accouraient de tous côtés, ils avaient dénombré une dizaine de morts et une vingtaine de blessés en cours d’évacuation, soit beaucoup moins qu’indiqué par les médias officiels. En revanche, ils n’avaient pas vu le cadavre du cheykh. Les photos de l’attentat postées sur le site Internet de l’agence officielle de presse ne le montrent d’ailleurs pas davantage. Sur les images de ses funérailles on aperçoit son « cercueil », mais aucune photo, encore une fois, ne montre ni le corps, ni même le visage de celui qui a donc doublement « disparu »…

Funérailles du cheykh Al Bouti (@ AFP)

Ils avaient également observé que la majorité des victimes semblaient avoir été atteintes uniquement à la tête. Ils n’auraient pas été étonnés d’apprendre qu’elles avaient en réalité été tuées par balles. D’ailleurs, si les traces de sang étaient nombreuses sur les tapis et sur le mur de la qibla, et si l’explosion avait été suffisamment puissante pour démembrer quelques corps, elle n’avait provoqué aucune excavation dans le sol. Elle n’avait causé à l’intérieur du bâtiment que des dégâts somme toute limités, « réparables en deux ou trois jours ». Ils n’avaient pas vu de gravats, ni de débris de mur ou de plafond. Les vitres avaient volé en éclats, les conditionneurs d’air avaient été démantelés, mais le « bureau » du cheykh n’avait été que partiellement détruit. Comme par miracle, certains lustres et des ventilateurs étaient restés intacts. Tout comme le micro que le cheykh utilisait pour se faire entendre. Plus étrange encore, l’explosion n’avait pas provoqué le moindre incendie. Et, si les tapis portaient des traces de sang, ils n’avaient nulle part été brûlés.

Intérieur de la mosquée Al Iman après l’attentat

Les activistes qui se sont donné pour mission, depuis le premier attentat intervenu à Damas le 23 décembre 2011, d’analyser les images des télévisions publiques et privées du régime, n’ont pas tardé à faire d’autres observations intéressantes. Ils ont d’abord noté la présence sur les lieux, dans la mosquée dans laquelle ils prétendaient se trouver pour entendre le cheykh, de jeunes gens portant sur le poitrail des tatouages de corps féminins… peu habituels chez les pieux musulmans. Qui plus est, leur l’accoutrement rendait improbable leur présence dans une mosquée, même pour une leçon…

Un « témoin » mal en accord avec le lieu

L’un d’entre eux au moins avait déjà été repéré à de multiples reprises dans l’environnement immédiat du « chabbih polyvalent », autrement dit de l’agent des moukhabarat chargé de délivrer aux chaînes syriennes et autres la bonne version des faits et les leçons à tirer de chaque attentat.

Un comparse du « chabbih polyvalent »

S’agissant de ce dernier, justement, il est apparu dès le lendemain, dans la mosquée des Omeyyades, répondant aux questions de la chaîne Al Maydin, créée au Liban sur fonds syriens pour suggérer autonomie et indépendance vis-à-vis de ceux dont elle est à la solde. L’individu qui répond au nom de Souheïb Cha’ib s’était manifesté pour la première fois devant les micros et les caméras le 6 janvier 2012, lors de l’attentat du Midan. Il s’était alors présenté comme « un habitant du quartier ». Quelques semaines plus tard, le 10 février, il était à Alep lors du premier attentat commis dans cette ville. Il s’était encore présenté comme un témoin résidant près des lieux. Depuis lors, il avait toujours été « présent dans les bons coups ». Avant d’être sur place, le 21 février 2013, lors l’attentat du quartier d’Al Mazraa à Damas, il avait déjà fait 18 apparitions dans des circonstances similaires. Avec l’attentat de la Mosquée Al Iman, il en est donc à sa 20ème figuration !

Le « chabbih polyvalent » à sa 20ème apparition

On ne s’étonnera pas de constater que, devant cette accumaltion d’éléments troublants, certains Syriens pensent savoir « qui a tué Al Bouti, qui est responsable et pourquoi il est mort ». Ils croient inutiles de chercher une réponse à de nombreuses autre questions :

– Comment être certain que le cheykh est bien décédé, puisque personne n’a pu apercevoir son cadavre ?

– Pourquoi les « terroristes » ont-ils choisi la solution la plus compliquée en tuant le cheykh Al Bouti dans sa mosquée, alors qu’il aurait été aisé de l’abattre chez lui ou dans son quartier de Rukneddin, « économisant » par le fait même le kamikaze pour une autre opération ?

– S’il s’agissait d’entretenir la peur parmi les Syriens, à qui ce sentiment profite-t-il davantage et qui a intérêt à rassurer sur ses intentions et ses méthodes ?

– Pourquoi l’enregistrement de la leçon que Mohammed Saïd Ramadan Al Bouti était en train de donner lors de l’explosion n’a-t-il été ni diffusé par la télévision syrienne, ni mis en ligne sur le site du ministère des Awqafs, ni posté sur le site du cheykh ?

– Que faisaient les chaussures que l’on aperçoit intactes au milieu des cadavres, alors que les victimes auraient dû les laisser à l’emplacement prévu à cet effet à l’entrée du lieu saint ?

– L’absence d’une liste officielle des noms des victimes ne serait-elle pas destinée à empêcher de constater que, comme dans l’affaire des « cadavres du Qouweiq » à Alep, la plupart d’entre elles étaient détenues par les moukhabarat ?

– Est-ce par un simple hasard de calendrier que le cheykh, dont l’origine kurde est connue, a été exécuté un 21 mars, jour de la fête du Nawruz qui marque, pour les Kurdes, le début de la nouvelle année ?

Les Syriens, qui ont eu tout le loisir de constater, depuis deux ans, que les capacités de manipulation du régime surpassent ce qu’ils avaient observé au cours des 50 années écoulées, sont donc nombreux à considérer que le cheykh a été liquidé par ceux dont c’était en Syrie la spécialité… bien avant l’apparition dans le paysage du Jabhat al-Nusra et des autres groupes « islamistes-salafistes-jihadistes-wahhabites-terroristes » derrière lesquels ils tentent désormais de se dissimuler. Le bruit a en effet circulé que le cheykh Al Bouti songeait à fuir son pays, où il était devenu prisonnier du système qu’il avait trop longtemps servi. Certains croient savoir qu’il avait refusé de signer la fatwa récemment émise sous l’autorité du cheykh Ahmed Hassoun. D’autres auraient entendu dire qu’il avait exprimé des réserves, voire des critiques, pour certains agissements du régime qu’il avait précédemment couverts.

Dans un cas comme dans l’autre, en raison de sa personnalité et du soutien qu’il avait toujours apporté au pouvoir en place, cette trahison aurait constitué pour Bachar Al Assad un coup autrement plus rude que la défection du Premier ministre Riyad Hijab. En prenant les devants et en le supprimant avant qu’il ne mette son projet à exécution, il a donc fait d’une pierre deux coups : il a prévenu son initiative et il a mis une nouvelle fois en accusation le « terrorisme » des révolutionnaires.

Mais qui le croit encore aujourd’hui ?

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Le Conseil d’État abandonne les réfugiés syriens à leur sort… en volant au secours du gouvernement français


En janvier dernier, sans la moindre publicité, le gouvernement français a décidé d’imposer aux Syriens souhaitant transiter par un aéroport français l’obtention préalable d’un « visa de transit aéroportuaire » (« VTA »). Ce visa, particulièrement difficile à demander dans le contexte de désorganisation politique de la région et à obtenir, à supposer que l’on parvienne à avoir accès aux autorités consulaires françaises, est devenu indispensable pour monter dans un avion transitant par un aéroport français, ou éviter d’en être refoulé vers le pays de provenance. De toute évidence, cette obligation entrave la possibilité pour des Syriens d’échapper à la répression, à la guerre, ou de sortir des camps des pays limitrophes où près d’un million d’entre eux survivent dans des conditions indignes et dans la plus grande insécurité.

Le but avoué de cette mesure ? Éviter que des Syriens ne déposent une demande d’asile à l’occasion de leur transit par un aéroport français. Le prétexte ? Le code communautaire des visas, qui permet aux États membres d’adopter une telle mesure « en cas d’urgence due à un afflux massif de migrants clandestins  ». Prétexte fallacieux car il n’y a aucun afflux massif de Syriens dans les aéroports français (environ 350 Syriens maintenus en zone d’attente en 2012, sur un total d’environ 9 000). En tout état de cause, un demandeur d’asile n’est en aucun cas un « clandestin ». Pour l’Anafé et le Gisti, qui ont porté l’affaire devant le Conseil d’État, il ne fait guère de doute que cette mesure manifestement illégale porte atteinte à l’exercice du droit d’asile et expose des personnes ainsi empêchées de fuir à des menaces sur leur vie et leur liberté en cas de renvoi vers un pays tiers qui lui-même les renverrait très probablement en Syrie.

Par deux ordonnances, le Conseil d’État en a jugé autrement [1]. Tout en reconnaissant que le ministre de l’Intérieur avait agi illégalement en mettant à exécution une mesure qui n’avait reçu aucune publicité, il a pour le reste entériné les thèses gouvernementales : dès lors que plusieurs centaines de Syriens avaient demandé des visas dans les consulats des pays limitrophes et que le nombre de demandeurs d’asile était passé à… 180 (!) en 2012, le gouvernement a pu estimer que la condition d’urgence qui permet d’instaurer des VTA « pour éviter un afflux massif de migrants clandestins » était remplie ; il a jugé, contre l’évidence, que la mesure ne portait « par elle-même  » aucune atteinte au droit d’asile ; et pour terminer, il a considéré que s’il y avait bien urgence pour le gouvernement à endiguer un afflux massif (imaginaire), il n’y avait en revanche aucune urgence à suspendre la mesure prise.

Les défenseurs des droits de l’Homme, eux, ne manqueront pas de s’interroger sur le rôle d’un juge qui préfère voler au secours du gouvernement et couvrir ses illégalités que se soucier du sort des réfugiés syriens dont les témoignages d’ONG ou ceux du HCR nous rappellent chaque jour à quel point il est dramatique.

25 mars 2013

Organisations signataires :

  • Anafé, Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers
  • Gisti, Groupe d’information et de soutien des immigré·e·s
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La Grèce bafoue les droits des migrants, avec l’accord de l’Europe


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Arrestations au faciès, conditions de détention inhumaines… De nombreux migrants accusent la Grèce de mauvais traitements. Sans inquiéter l’Europe, qui va rallonger les budgets de son meilleur « garde-frontière ».

(D’Athènes) En septembre dernier, alors qu’il tentait de gagner le nord de l’Europe par la Turquie, Faraj Alhamauun a été arrêté durant sa traversée de la Grèce.

En dépit d’une grave blessure à la jambe causée par des bombardements sur sa ville natale d’Alep, en Syrie, cet activiste a été emprisonné dans un camp de rétention du nord-est de la Grèce, dans la région d’Orestiada. Ses maigres biens et le peu d’argent qu’il avait lui ont été confisqués lors de son arrestation. Sans jamais lui être rendus.

Aujourd’hui installé à Istanbul, en Turquie, cette ancienne source de Human Rights Watch (HRW) n’a rien oublié du calvaire subi lors de ces mois d’enfermement, victime d’un harcèlement verbal et physique incessant.

Il s’est d’ailleurs plaint de ces mauvais traitements à une délégation de fonctionnaires européens qui visitait le camp Fylakio où il était détenu. « Après leur départ, j’ai été maltraité pour leur avoir parlé. » Faraj a alors commencé une grève de la faim. Résultat : les autorités hellènes l’ont finalement renvoyé vers la Turquie.


Opération de police contre des immigrants sans-papiers à Athènes, en novembre 2012 (AP Photo/Petros Giannak)

90 000 arrestations au faciès

Son cas est loin d’être unique en Grèce : les financements de la Commission européenne pour des opérations d’envergure visant à contrôler le flot massif de migrants ont abouti à un nombre important de violations des droits humains.

Et si les fonctionnaires européens n’ignorent rien des conditions inhumaines de détention des demandeurs d’asile, ils planchent actuellement sur une extension des financements afin que le gouvernement d’Antenis Samaras poursuive cette politique.

En août dernier, la police grecque a déployé près de 1 900 nouvelles recrues le long du fleuve Evros pour l’opération « Aspis » (bouclier), pour tenter de fermer la frontière avec la Turquie par laquelle affluent les réfugiés syriens.

Au même moment, l’opération « Zeus Xenios » (protecteur des étrangers) menée par les autorités sur tout le territoire a conduit aux interpellations de 4 849 sans-papiers. Auxquelles s’ajoutent la « rafle » de plus de 90 000 personnes, arrêtées uniquement selon leur faciès.

Afin d’emprisonner le flot de migrants arrêtés, le gouvernement a transféré les détenus dans des camps improvisés : académies de police ou anciens dépôts militaires, comme Xanthi et Komotini, dans le nord de la Grèce, Corinthe dans le Péloponnèse, et Paranesti dans la Drama.

Vétustes, gardés au secret, ces bâtiments sont souvent des trous noirs pour les droits de l’homme. D’autant que les demandeurs d’asile sont également détenus dans d’autres installations de fortune à travers le pays, pendant douze à dix-huit mois.

Lathra, un groupe de défense des droits des réfugiés, basé sur l’île de Chios, a récemment indiqué que les garde-côtes retenaient un grand nombre de migrants – parmi lesquels des réfugiés syriens, des femmes enceintes et des enfants – sur le port, dans un container en bois d’à peine 36 m². Depuis août, pas moins de 84 personnes – pour les cas signalés – ont péri au large des côtes turques en essayant de rejoindre la Grèce.

Pas d’accès à la justice

Bien que les opérations telles que Aspis et Xenios Zeus soient perçues comme « efficaces » par les autorités, les ressources limitées de la Grèce ne lui permettent pas de les poursuivre.

Or, en septembre dernier, la Commission européenne a dépêché une mission d’évaluation le long de la frontière turque et dans certains camps de rétention, pour estimer le coût d’un tel financement. Alors que plusieurs délégations de fonctionnaires européens et des organisations internationales ont apporté leur témoignage négatif sur le traitement inacceptable des migrants arrêtés.

En dépit de ces constatations, les migrants ont peu accès aux voies de recours. Quatre Syriens arrêtés avec Faraj ont été reconnus coupables de fomenter une émeute à l’intérieur du camp de Fylakio. Engager des procédures juridiques contre des fauteurs de troubles, qui pour la plupart protestaient contre leurs conditions de détention, est un phénomène nouveau qui obéit à la nouvelle politique migratoire voulue par le ministre de la Police, Nikos Dendias. Non sans quelques revirements.

A l’automne 2012, quinze migrants étaient jugés devant le tribunal d’Igoumenitsa, dans le nord-ouest du pays, pour s’être enfuis d’un camp réputé comme « le pire du pays ».

Après les avoir entendus relater leurs conditions d’enfermement extrêmement difficiles – il leur était par exemple totalement interdit de quitter leurs cellules –, le tribunal a jugé ces conditions de détention constituaient « une violation de la Convention européenne des droits de l’homme ». Les quinze prévenus ont été acquittés

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Moaz Al Khatib devant les chefs d’Etats de la Ligue Arabe


Magnifique discours de Moaz Al Khatib devant les chefs d’Etats de la Ligue Arabe !

Un discours sans concession affirmant avec force et conviction que le peuple syrien a déclenché sa révolution seul et il sera seul à décider de son avenir, que rien ne viendra détourner ses objectifs d’en finir avec un régime criminel qui a perdu toute légitimité.

Il a dénoncé sans usage de langue de bois la duplicité de la communauté internationale qui a laissé sans bouger toute un peuple durant deux ans soumis à une entreprise caractérisée de génocide sans exemple dans l’histoire.

Au passage, par considération pour les efforts faits en faveur du peuple syrien il a reconnu le rôle de la Ligue Arabe qui aujourd’hui, lui permet de prendre la parole comme représentant légitime de la révolution syrienne.Ong-Khatib-5f2d2

source : infosyrie sur facebook