Conférence : L’immigration marocaine en Belgique et le 20 février


Au Maroc, le Mouvement du 20 février incarne le désir de changement radical. Ce mouvement pacifiste est porté par la jeunesse marocaine.
Cette jeunesse exige l’instauration d’un Etat de Droit et une réelle démocratie.
En Belgique, plusieurs structures en soutien à ce mouvement ont vues le jour. Aujourd’hui trois d’entre-elles ont décidé de collaborer en organisant une conférence .
L’immigration marocaine en Belgique est présente de manière massive depuis la signature des accords bilatéraux entre les deux pays en 1964.
Cette immigration, peu encadrée par l’Etat belge s’est retrouvée livrée à elle-même. Les syndicats et après des associations marocaines ont encadré cette immigration qui n’avait de cesse de s’accroître .
Cette période et jusqu’aux années ’80, correspond à ce qui a été qualifié des « Années de Plomb » au Maroc dirigé alors par le régime d’ Hassan II, le pays connut une vague de répression sans précédent.
Au sein de l’immigration marocaine en Belgique certaines structures s’étaient mobilisées et dénonçaient la tyrannie du monarque.
Aujourd’hui le Mouvement du 20 février qui incarne la contestation au Maroc fêtera le 20 février prochain les 1an de son existence.

Quel(s) lien(s) existe(nt) entre l’immigration marocaine en Belgique et le Mouvement du 20 février ?
Pour en parler

Hassan Bousetta : Docteur en Sciences Politiques et Sociales. Chercheur et enseignant à l’ULG. Sénateur PS

Aziz Saidi :

Mourad Essabri : Mouvement du 20 février Tanger

Fouad Lahssaini : Membre du Mouvement des jeunes du 20 février Belgique , ancien membre du bureau de l’UNEM et député Ecolo

Date : Le 10 février 2012
Lieu : Bruxelle Laïque , 18-20 avenue de Stallingrad 1000 Bruxelles
Heure : 19h20

Délivrons la Syrie pour qu’elle retrouve le droit de vivre et de créer !


Point de vue | LEMONDE | 30.01.12 | 15h22   •  Mis à jour le 30.01.12 | 15h22

par Hala Alabdalla, cinéaste ; Reem Ali, comédienne ; Ossama Mohammed, cinéaste, Ali Ferzat, caricaturiste

La première réaction du régime syrien face à la révolte populaire a consisté à tuer des civils désarmés. Puis il a annoncé des réformes et a tué des milliers d’autres personnes. Malheureusement, le président syrien Bachar Al-Assad ne peut pas réformer les morts et leur redonner vie. Seul un avenir garantissant l’arrêt de la violence peut réformer « la vie ».

Aujourd’hui, au moment de nous adresser aux Syriens, nous le faisons dans le recueillement, afin d’effleurer la liberté. Nous avons tous tenté de résister à travers l’art et la défense de la liberté d’expression, bien que l’époque brise les êtres avant de les revendre.

Le destin nous a condamnés à comparaître devant les esclaves des moukhabarat (services secrets syriens), heureux de trouver là l’occasion d’étaler leurs connaissances en poésie, musique, cinéma et théâtre. Certains d’entre nous, voire tous, avons choisi de courber la tête, de se refugier dans le silence et de cohabiter avec l’esclavage.

Certains d’entre nous, voire tous, avons entamé une résistance morale qui nous a valu la sympathie de la majorité des Syriens. Cette victoire sur l’isolement a libéré l’imaginaire des artistes, assiégé depuis des décennies par des institutions, des ministères et des syndicats corrompus. L’imaginaire sécuritaire a inventé ses administrateurs et ses caïds, qui ont sanctifié la loyauté solennelle et lui ont donné l’apparence de la légalité.

La corruption mène à la corruption. La culture devient une insulte, la liberté une maladie psychiatrique. Quant à l’auteur, il est soupçonné de vouloir attenter à « l’art du peuple »… A présent, c’est ce même peuple que l’on accuse de tuer sans pitié.

La Syrie se noie dans le sang et dans l’espoir. Aujourd’hui, la Syrie dévoile deux imaginaires : le premier s’exprime à travers les manifestations, avec ses solutions artistiques de cinéma, mais aussi avec son bonheur, son ironie, ses chants, ses danses et la glorification de la beauté de la vie et de la liberté. Mais les institutions publiques forment une ombre menaçante, les écoles deviennent des prisons et les hôpitaux des salles de torture. L’appareil d’Etat, qui a nié la liberté d’expression à travers la censure, s’en prend aujourd’hui au droit à la vie revendiqué par les manifestants et les grévistes.

Liberté d’expression et droit à la vie ne font plus qu’un. Les deux sont punis de mort et passibles de torture. Les institutions culturelles ont perdu toute légitimité à force de se murer dans le mutisme face aux massacres et à la détention de leurs propres enfants.

Les metteurs en scène, les universitaires, les musiciens, les femmes et hommes de lettres, les écrivains et journalistes sont arrêtés et menacés de mort, battus avec des câbles électriques, puis abandonnés dans des cachots… Des individus incarnant la paix et le civisme ont été assassinés sauvagement. Le militant prodémocratique Ghiyath Matar a offert de l’eau et des roses aux militaires, il a été tué. Le chantre des manifestants Ibrahim Qachouch a écrit le chant La Syrie veut la liberté, il a été égorgé. Le militant des droits de l’homme Farzat Yahya Jarban a filmé les manifestations, on lui a arraché les yeux. Hamza, un garçon de 13 ans, a été tué et son corps mutilé. Hajar, une fillette, a été criblée de balles. Des milliers d’autres personnes sont portées disparues.

Aujourd’hui, nous sommes contraints de choisir entre notre humanité et un régime qui a sur les mains le sang des Syriens. Aujourd’hui, nous déclarons être du côté de la liberté et de la créativité. Nous choisissons un peuple qui s’affranchit pour le bien de tous. La liberté exprimée dans la rue a réveillé la nôtre. Nous ne pouvons pas ramener à la vie nos martyrs, mais nous pouvons célébrer leur vie et travailler corps et âmes avec la révolution syrienne, afin de construire une nouvelle patrie où ses enfants ne seront plus assassinés au nom d’impostures nationalistes.

Le hasard de la naissance a décidé de notre appartenance religieuse ou ethnique, mais nous sommes avant tout humains et libres… Cette énergie nous porte vers la Syrie de l’avenir. Nous souhaitons la construction d’un Etat pluraliste démocratique, un Etat respectant l’égalité des citoyens devant une loi juste. Une Syrie qui ne soit pas accaparée par un seul camp, qui n’avance pas dans une seule direction pour le compte de quelques-uns. Nous souhaitons une Syrie qui célèbre les films d’Omar Amiralay dans une salle portant son nom.

Défendre la vie de tous les Syriens ainsi que leur liberté est un devoir pour chaque être humain. Nous, la Coalition des artistes syriens, annonçons notre engagement en faveur d’une nouvelle légitimité politique à Damas pour libérer la créativité et sa capacité à questionner notre monde, pour préserver l’indépendance de notre pays et obtenir, enfin, un respect des droits de l’homme.


Hala Alabdalla, cinéaste ; Reem Ali, comédienne ; Ossama Mohammed, cinéaste, Ali Ferzat, caricaturiste et les premiers signataires :

Ali Ferzat, caricaturiste ; May Scaff, comédienne ; Fadwa Soliman, comédienne ; Haitham Hakki, cinéaste, producteur ; Ossama Mohammed, cinéaste ; Yousef Abdalki, graveur ; Samih Choukaer, compositeur, chanteur ; Fares Helou, comédien ; Nabil Maleh, cinéaste ; Hala Alabdalla, cinéaste ; Orwa Nyrabia, cinéaste, producteur ; Noma Omran, soprano ; Rasha Omran, poétesse ; Hala Mohammad, poétesse, cinéaste ; Hala Omran, comédienne ; Shafi Badredin, compositeur ; Razek – Francois Bitar, counter tenor ; Rasha Rizk, chanteuse ; Sonia Bitar, chanteuse ; Yasser Khanger, poète ; Monir Alshaarani, calligraphe ; Nasreen Aljanabi Larsson, danseuse ; Ramzi Choukair, réalisateur de théâtre ; Azza Albahra, comédienne ; Louise Abdelkarim, comédienne ; Mohamad Abdulaziz, cinéaste ; Thaaer Mosa, cinéaste ; Mohamad Omran, sculpteur ; Khaled Khalifa, auteur ; Rima Flihan, scénariste ; Bachar Zarkan, musicien ; Amal Hwijeh, comédienne ; Darina Algundi, comédienne ; Nidal Al Dibs, cinéaste ; Ghassan Jebai, réalisateur de théâtre ; Kinan Azmeh, musicien ; Jaber Al Azmeh, photographe ; Rasha Shurbatji, réalisatrice ; Osama Choukeir, artiste ; Jihad Abdo, comédien ; Mhammad Hdaki, comédien ; Zina Al Halak, artiste ;
Aliaa Khachouk, cinéaste ; Raghda Khateb, réalisatrice de théâtre ; Raafat Alzakout, comédien ; Reem Ali, comédienne ;  Tarek Malas, musicien ; Najwa Kondakji, comédienne ; Nanda Mohammad, comédienne ; Hazar Al Hark, comédienne.

« Il est 16 h 30, un massacre a eu lieu à Nasihine… » – Par Le Monde


Homs Envoyé spécial – Voici le récit du photojournaliste Mani, présent à Homs le jour du massacre du 26 janvier :
« A 16 h 30, Abou Bilal, un opposant syrien me fait part de l’appel téléphonique qu’il vient de recevoir : un massacre a eu lieu dans le quartier de Nasihine. On parle de 12 personnes dont plusieurs enfants exécutés dans leur maison. Je viens tout juste de rentrer après une journée éprouvante dans une petite structure médicale de fortune installée dans un quartier contrôlé par l’opposition, débordée par l’afflux de blessés graves et de morts, tous civils, victimes des snipers loyalistes et de bombardements. Une heure et demi après la nouvelle du massacre, à 18 heures, une première vidéo est mise en ligne sur YouTube qui montre les corps de la famille assassinée.

Des tirs de snipers ne cessent de claquer dans les alentours. On entend des tirs nourris de mitrailleuses, ainsi que plusieurs explosions venant des positions des forces du régime. La nuit est tombée et plusieurs groupes de soldats de l’Armée libre de Syrie (ALS) partent dans des véhicules banalisés pour contre-attaquer. Le groupe des opposants chargés de l’information sont rivés à leurs ordinateurs pour transmettre tous les documents récoltés dans la journée.

Il est 19 heures lorsque j’aperçois un responsable de l’ALS, Abou Layl. Il propose de me conduire au centre de santé où ont été transportées les victimes du massacre. Quatre opposants, dont trois soldats de l’ALS, se joignent à nous. Nous grimpons à bord d’une voiture qui parcourt à grande vitesse des ruelles obscures. Nous éteignons tous les feux du véhicule dès que nous nous approchons d’un barrage tenu par les forces loyalistes. J’apostrophe un soldat qui continue de consulter l’écran lumineux de son portable. Aucune lumière ne doit nous trahir. Un des soldats à l’avant de la voiture masque de sa main la montre lumineuse du tableau de bord tandis que nous traversons une première avenue dangereuse : l’avenue Wadi, rebaptisée « Charia Al-Maout », « avenue de la mort ». Plié en deux sur mon siège, j’entends les prières psalmodiées par mon voisin de gauche. A peine arrivé de l’autre côté de l’avenue, on entend le claquement d’une balle qui nous était destinée.

Le conducteur rallume les codes et poursuit sa route en zigzaguant dans les ruelles. Quelques centaines de mètres plus loin, on éteint à nouveau tous les feux. Abou Layl demande au conducteur de ralentir car dans le noir complet, nous risquons l’accident. Nous empruntons une nouvelle avenue dangereuse, puis nous bifurquons. Obscurité, lumière, à droite, à gauche, tout droit, nous arrivons enfin au centre de santé de Karam Al-Zaitoun. Là, dans la cour, une foule entoure les cadavres de la famille suppliciée : cinq corps d’enfants en bas âge sont alignés entre le cadavre de leur père et celui de cinq femmes de la famille. Une petite fille a la moitié du crâne emportée, vraisemblablement par un tir à bout portant. Un petit garçon a aussi pris une balle derrière la tête et la balle est sortie par l’orbite gauche. Un infirmier desserre les linceuls de trois enfants pour me montrer leurs gorges tranchées. Je photographie les corps.

>> Voir le portfolio : Après la tuerie au centre de santé de Karam Al-Zaitoun

J’entre ensuite dans la salle des soins et on me conduit auprès des deux seuls enfants qui ont survécu au massacre. Ali, trois ans, tremble et gémit d’effroi. Ghazal, une petite fille de quatre mois, cesse de pleurer quand on l’embrasse. Elle a survécu avec une balle dans la jambe.

Un voisin du bâtiment où vivait la famille, un homme âgé d’une soixantaine d’années, raconte. Lorsque les habitants de ce quartier ont compris qu’un massacre était en cours dans la rue Al-Ansar. Trois d’entre eux, dont le narrateur, ont décidé de rejoindre la maison visée en perçant des trous dans les murs des maisons contiguës. Il assure avoir pu voir, à travers des ouvertures pratiquées dans les murs, le massacre des enfants. Il déclare que les assaillants étaient sept hommes en uniforme militaire, appartenant aux forces loyalistes. Il affirme enfin que ces hommes ont pu quitter les lieux couverts par des tirs nourris provenant de positions de l’armée avant de monter dans un véhicule blindé et de disparaître.

Les onze personnes tuées appartenaient à la famille Bahadour, installée dans deux appartements voisins. Deux autres membres de cette famille ont échappé au massacre car ils étaient absents au moment du drame. La rue Al-Ansar, théâtre de la tuerie, est un lieu où cohabite une population mixte d’alaouites – une dissidence du chiisme dont est issue la famille du président Bachar Al-Assad – et de sunnites. Les alaouites sont majoritaires et la zone, tenue par les barrages du régime, se trouve à proximité du quartier Zahra, peuplé d’alaouites, acquis au régime. Le sexagénaire assure que des menaces ont été proférées contre les sunnites de la rue pour qu’ils quittent les lieux, et qu’ils sont pris pour cible aux barrages pour les terroriser et provoquer leur exode.

Sur le chemin du retour, nous avons failli percuter une voiture dans un virage alors que nous circulions à nouveau tous feux éteints. Enfin, au passage de la dernière avenue contrôlée par les forces loyalistes, un tireur embusqué a tiré une dernière fois sur notre véhicule. »

Mani

source: http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/01/28/il-est-16-h-30-un-massacre-a-eu-lieu-a-nasihine_1635842_3218.html#ens_id=1481132

Tunisie : des milliers de manifestants pour dénoncer la pression salafiste


De Cécile FEUILLATRE (AFP) –

TUNIS — Des filles à qui l’on « conseille » de porter le foulard, des jeunes refoulés d’une mosquée, des enseignants anxieux de voir débarquer à leur cours une étudiante en niqab… Ils ont manifesté samedi à Tunis leur inquiétude face à des incidents qui ont selon eux tendance à se multiplier.

Ce sont deux petites dames aux cheveux blancs, souriantes, agitant avec énergie leur drapeau tunisien: Sarah Moalla et Oum Kalthoum Bradai, retraitées. Elles sont venues participer au défilé pour « la défense des libertés » organisé par des partis de gauche et des associations.

« On était enseignantes, on a passé notre vie à éduquer. Et aujourd’hui certains veulent nous ramener 14 siècles en arrière ? », dit l’une des deux septuagénaires. « Les salafistes sont bouchés, ils ne comprennent rien », renchérit son amie.

La marche a été organisée après une série d’incidents violents impliquant des radicaux de cette mouvance, très minoritaire en Tunisie, mais qui ne cesse de faire parler d’elle depuis la victoire des islamistes d’Ennahda aux élections.

Dans des universités, où les partisans du port du niqab (voile islamique intégral) font pression, jusqu’à entraîner la fermeture d’une fac. Devant la justice, où ils vouent aux gémonies une chaîne de télévision accusée d’avoir diffusé un film blasphématoire. Dans des manifestations, où des journalistes et militants ont été pris à partie, voire molestés.

Mais au-delà de ces incidents spectaculaires, les enseignants, les étudiantes, les artistes venus manifester évoquent des pressions insidieuses, des événements anecdotiques mais qui se répètent trop souvent à leur goût.

« L’épicier m’a dit l’autre jour: vous ne me plaisez pas avec votre jean. Je lui ai rétorqué qu’il ne me plaisait pas avec sa barbe », raconte Leila Katech, une anesthésiste à la retraite, qui « en a assez de voir la religion devenir la seule référence ».

A travers ce prisme, « tout devient un problème: aller voir un gynécologue, parler, s’habiller », déplore-t-elle.

A quelques mètres, deux jeunes femmes s’époumonnent: « La Tunisie est libre, non aux esprits arriérés! » « Ce n’est pas parce qu’on est musulman qu’on est islamiste. J’en ai assez que l’islam soit utilisé contre nous », explique Nadia, une jeune cadre voilée.

Rym, elle, est en cheveux, malgré son père, qui voudrait qu’elle se couvre. « Les barbus essayent de tout contrôler », dit la jeune femme, qui a eu une altercation récente avec des salafistes alors qu’elle voulait montrer à des amis touristes une mosquée de la médina de Tunis.

Les enseignants sont venus en nombre. Aslam Jelouli, professeur à la faculté des Sciences de Tunis, s’angoisse à l’idée qu’une étudiante revêtue du niqab vienne un jour à son cours.

« Regardez ce qui s’est passé à la Manouba » (une fac de Lettres près de Tunis perturbée pendant deux mois par des étudiants et salafistes voulant imposer le port du niqab en cours).

« Le gouvernement n’a rien fait, il a tenté de ménager la chèvre et le chou, mais ce n’est pas possible, on va finir par se faire manger », s’énerve-t-il.

Tiraillé entre ses propres faucons et ses colombes, soucieux de ne pas s’aliéner la partie radicale de sa base, le parti islamiste Ennahda, qui domine le gouvernement tunisien, a réagi timidement aux incidents, voire est resté silencieux.

« Ce gouvernement n’est pas complice, mais il est complaisant, à tout le moins », dénonce le fondateur du Parti Démocrate Progressiste (PDP), Ahmed Nejib Chebbi, présent à la manifestation.

« Aujourd’hui le poids des salafistes ne m’inquiète pas mais le phénomène peut se développer à la faveur de la crise sociale et de l’instabilité », met-il en garde.

« Ils peuvent devenir une menace réelle si on ne les arrête pas », estime de son côté le juriste Yadh Ben Achour, tandis que la chef du PDP, Maya Jribi, dit faire confiance au peuple tunisien, « profondément modéré et tolérant ».

Ce régime est indéfendable


Massacre à Homs, pilonnée par l’armée syrienne
LEMONDE | 27.01.12 | 13h24   •  Mis à jour le 27.01.12 | 21h17

Les corps de onze habitants du quartier de Nasihine à Homs, jeudi 26 janvier, après un assaut attribué aux forces de sécurité syrienne.

Les corps de onze habitants du quartier de Nasihine à Homs, jeudi 26 janvier, après un assaut attribué aux forces de sécurité syrienne.© Mani pour Le Monde

Homs Envoyé spécial – Des corps d’enfants enserrés dans des linceuls de fortune, des dépouilles ensanglantées de civils fauchés en pleine rue, la violence a gagné une nouvelle fois en intensité jeudi 26 janvier, à Homs. Dans cette ville rebelle où des quartiers entiers résistent depuis plusieurs mois, les armes à la main, aux forces régulières et aux milices du régime de Bachar Al-Assad, les assauts furieux ont pris le relais des tirs de snipers.
Dans le quartier de Karam Al-Zaitoun, acquis à l’opposition et situé au sud de la vieille ville, la journée avait commencé par des tirs en provenance des positions occupées par les militaires. Selon des témoins rencontrés sur place, ces tirs ont touché quatre personnes : trois hommes tués sur le coup, dont deux visés à la tête, et une femme âgée, grièvement blessée à la mâchoire. Peu de temps après, un premier obus tombait devant un dispensaire de fortune installé dans le quartier.

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Egypte: sit-in place Tahrir jusqu’au départ de l’armée


jeudi 26 janvier 2012, par La Rédaction

De jeunes militants égyptiens se sont installés jeudi sur la place Tahrir, au Caire, qu’ils ont promis d’occuper jusqu’à ce que les militaires du Conseil suprême des forces armées (CSFA) remettent le pouvoir à des civils.
Au lendemain du premier anniversaire du déclenchement de la révolution qui a chassé Hosni Moubarak du pouvoir, des dizaines de jeunes Egyptiens pro-démocrates se trouvaient toujours sur la place, épicentre de la contestation de l’hiver dernier.
« Le conseil militaire commet les mêmes abus que Moubarak. Je ne ressens aucun changement. Le conseil militaire mène une contre-révolution », dénonce Samer Qabil, un étudiant de 23 ans.
Dans un passé récent, plusieurs sit-in ont dégénéré en affrontements violents avec les forces de l’ordre.
Mercredi, des dizaines de milliers d’Egyptiens ont célébré le premier anniversaire de la révolution, mais les rassemblements ont mis en lumière les divisions et les tensions sur les suites de la transition politique.
Les militaires du CSFA ont pris les commandes du pays après le renversement de Moubarak, le 11 février dernier. Ils ont promis de restituer le pouvoir aux civils après l’élection présidentielle, prévue pour le mois de juin.
Mais de nombreux activistes en pointe lors de la contestation d’il y a un an les soupçonnent de vouloir préserver leur emprise.
« Le sit-in se poursuivra jusqu’à leur départ », a promis Alaa Abdel Fattah, blogueur détenu plusieurs jours par l’armée lors de violents incidents qui ont fait 25 morts en octobre dernier.

(26 janvier 2012 – Avec les agences de presse)

Égypte : Mohamed Morsi, ou la revanche des Frères


mercredi 25 janvier 2012, par La Rédaction

Le jour où Mohamed Morsi, jeune étudiant en génie civil, a décidé d’adhérer au mouvement des Frères musulmans, il était loin d’imaginer qu’il deviendrait en 2011 le président du plus puissant parti politique d’Égypte. Cette perspective était d’autant plus lointaine que la confrérie était à l’époque un « mouvement interdit, mais toléré ». Ce qui la mettait à la merci du régime et de sa police politique.
Pieux musulman, le futur homme politique est attiré par la doctrine de la confrérie autant que par ses activités sociales. Sa vie professionnelle ne l’empêche pas de militer au sein des Ikhwane (Frères), où il occupe divers postes, dont celui de responsable des affaires avec le Soudan, puis de directeur de la section des Affaires étrangères, avant de devenir membre du Conseil de guidance, la plus haute autorité du mouvement.
En 2005, les Frères musulmans font une entrée spectaculaire à l’Assemblée du peuple (parlement égyptien), où ils occupent 20 % des sièges. Un résultat qu’ils n’attendaient pas. Leurs membres avaient fait campagne sous l’étiquette de « candidats indépendants ». Une fois élus, ils retrouvent leur identité, qui n’était d’ailleurs un secret pour personne, et deviennent la principale force d’opposition parlementaire.
Aux législatives de novembre 2010, Mohamed Morsi, qui dirige la campagne électorale, espère dépasser le score de 20 %. Mais l’État égyptien ne l’entend pas de cette oreille, d’autant que le futur parlement doit soutenir la candidature de Gamal Moubarak, le fils du raïs, à la présidence de la République en septembre 2011. Bien avant le vote, les arrestations de Frères prennent l’allure d’une chasse aux sorcières. « Depuis l’annonce de notre participation aux législatives, plus de 1 200 Frères ont été arrêtés ou interpellés. Cinq cents sont encore détenus », tonne Mohamed Morsi. Dès cette époque, son nom commence à être familier aux journalistes. Il le sera bien davantage lors des résultats du premier tour de scrutin. Un seul Frère a été élu, et 22 sont en ballottage. Ce sont peut-être les législatives les plus truquées de l’histoire d’Égypte.
La confrérie décide de boycotter le second tour. Ils n’en auront pas besoin.
Le 25 janvier 2011 commence la révolution. Place Tahrir, 15 000 personnes environ ont répondu à l’appel du Mouvement du 6 avril. Ce groupe de jeunes activistes, qui milite contre le régime sur Facebook, décide de réunir un million de personnes le 28 janvier pour réclamer le départ de Hosni Moubarak. Les Frères musulmans prennent le train en marche. Ils viennent par centaines de milliers sur la place Tahrir. Et ne la quitteront plus.
Le 6 février, le général Omar Souleimane, nommé vice-président de la République, invite les principaux partis politiques pour trouver une « solution pacifique ». Les Frères musulmans sont de la partie. Dès lors, la confrérie n’est plus un mouvement interdit, mais un « parti politique puissant ». Mohamed Morsi est l’un des interlocuteurs de Souleimane. Dix jours après la démission de Moubarak, la confrérie annonce son intention de fonder un parti politique.
Ce sera le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), un nom débarrassé de toute connotation confessionnelle. À sa tête, Mohamed Morsi. Sa première déclaration se veut apaisante : « Le PLJ sera un parti civil aux fondements musulmans. Les partis théocratiques appartiennent au Moyen Âge et sont désormais interdits. » Son objectif : rassurer les coptes, ces chrétiens d’Égypte qui ont parfois le sentiment d’être victimes de discrimination. Du reste, par la suite, il souligne souvent que l’adhésion au PLJ est ouverte à tous les Égyptiens, qu’il compte déjà une centaine de coptes, que son deuxième vice-président, Rafic Habib, est copte…
Aux législatives de novembre 2011, le PLJ se taille, comme on s’y attendait, la part du lion. Mais le score des salafistes (24 % des voix) étonne, et inquiète les coptes, traités d’ »infidèles » par certains cheikhs de ce mouvement. Invité par la chaîne Dream TV, qui compte des millions de téléspectateurs, Mohamed Morsi répond d’une voix forte : « Les coptes font partie du tissu égyptien, ils ont autant de droits que j’en ai… Par le Dieu tout-puissant, nous avons le devoir de respecter la foi des autres. »
Le 11 janvier 2012, Morsi reçoit William Burns, sous-secrétaire d’État américain. C’est la première fois qu’une personnalité américaine de ce rang rencontre les dirigeants de la confrérie. Il affirme que son parti s’engage en faveur des droits de l’homme, de la tolérance religieuse, et qu’il respectera les obligations internationales de l’Égypte. Il dit aussi « croire en l’importance des relations égypto-américaines », mais estime qu’elles « doivent être équilibrées ».
Autant d’assurances qui donnent à penser que l’Égypte nouvelle a pris le train de la modération et de l’ouverture.

source

SYRIE : au cœur du piège de Homs


Gilles Jacquier

«Nous voulons que l’armée syrienne nous protège des terroristes.» Un slogan brandi par des partisans de l’armée à Homs.
Photo Caroline Poiron

 

Par PATRICK VALLÉLIANSID AHMED – Mis en ligne le 18.01.2012 à 11:57


TÉMOIGNAGES. Qui a tué Gilles Jacquier, le grand reporter de France 2, mercredi 11 janvier à Homs, en Syrie? Notre envoyé spécial et son confrère de «La Liberté» étaient à ses côtés tout au long de ce séjour. Ils racontent les derniers jours et le piège dans lequel ils sont tombés.

Boum. Une détonation puissante secoue le quartier alaouite de New Akrama, à deux pas de l’Université de Homs. Il est 15 h 20 en ce mercredi 11 janvier. Notre minivan noir où nous nous trouvons avec Christophe Kenck, le cameraman de France 2 qui s’est assis à l’avant, Gilles Jacquier, grand reporter pour l’émission Envoyé spécial, son épouse Caroline Poiron, photographe indépendante ainsi que leur fixeuse Mireille, est bloqué par une manifestation de partisans du président Bachar el-Assad. En face, une quarantaine de jeunes, essentiellement des hommes, surexcités, chantent leur amour du régime et brandissent des pancartes en anglais et en arabe pour saluer l’armée syrienne.

Faux bond. Ils ont déboulé sur notre véhicule quelques minutes plus tôt. Sortant de nulle part, alors que nous étions stationnés à proximité d’un jardin et d’un petit parc d’attraction plein d’enfants, et que nous attendions l’équipe de la télévision flamande VRT. Elle nous avait fait faux bond quelques minutes auparavant lors d’une première halte dans un giratoire. Embarquée par des pro-Bachar et des hommes de la sécurité en civil, elle nous rejoint à pied en longeant la rue Al Hadara, civilisation en français. Curieusement, une équipe de la télévision officielle syrienne la filme lorsque nous la retrouvons.

Dans la voiture que nous partageons avec l’équipe française, nous nous interrogeons. Nous ne savons pas ce que les Belges fabriquent. Mireille descend alors pour leur dire de retourner vers leur véhicule afin de poursuivre notre chemin vers l’hôpital de la ville, qui, autre étonnement, se situe à l’opposé de notre position, soit au nord de cette cité d’un million d’habitants. Une ville dont certains quartiers, depuis plusieurs mois, échappent au contrôle du régime de Damas et qui sont tenus désormais par l’Armée syrienne libre (ASL).

Scénario de film d’horreur. Nous n’aurons jamais l’occasion de mettre les pieds à l’hôpital. Le cauchemar commence. Comme le scénario d’un film d’horreur qui coûtera la vie à Gilles Jacquier, un des journalistes les plus titrés de France et un reporter de guerre très expérimenté. Au moment où l’explosion retentit, des civils ouvrent les portes de notre véhicule, nous incitant à aller voir le point d’impact. Christophe Kenck hésite, mais Gilles et Mireille sont déjà sur les pas de la télévision belge qui a pris de l’avance. Nous restons en arrière. Aucune raison de se précipiter. Nous préférons observer tout en nous éloignant du véhicule, potentielle cible. Autour de nous, la sécurité, dense quelques minutes plus tôt, s’est évanouie.

Ne reste avec nous qu’un militaire armé, un chabiha, un milicien pro-Bachar avec sa kalachnikov, et un jeune avec un pull blanc, excité, qui nous pousse à aller vers le jardin qui mène à une école, à une soixantaine de mètres sur notre droite. Il reviendra plusieurs fois à la charge. Nous refusons tout en remontant prudemment la rue. Quasiment vide. Quelques dizaines de secondes plus tard, une autre explosion retentit à quelques dizaines de mètres de nous et nous souffle. Nous plongeons à terre. Sans dommages, mais sonnés. Estce un obus de mortier? Une grenade? Un RPG? Ou alors une bombe actionnée à distance et placée dans le jardin pour nous tuer?

Surprenante nonchalance. Nous n’en savons rien, mais nous comprenons que la visite organisée pour notre groupe d’une quinzaine de journalistes étrangers s’est transformée en piège. Nous rebroussons chemin sans attendre tout en laissant nos caméras tourner sans arrêt. Sur les toits, nous voyons des hommes bouger. Des snipers? Dans le doute, nous collons aux basques du militaire qui continue à nous inciter à remonter vers le lieu du premier impact, là où Gilles Jacquier se trouve avec sa femme Caroline et les autres journalistes.

«Ce n’est rien. Ce sont des bombes sonores», dit-il en souriant. Les rares hommes de la sécurité restés à notre hauteur nous surprennent par leur nonchalance. L’un d’eux rit. Un autre plaisante. Ils sont étrangement calmes alors que des étrangers sont en danger. Ils prennent même le temps de discuter avec le jeune homme, au pull blanc, qui continue à nous pousser à aller vers le danger. Au moment de la troisième et de la quatrième explosion, nous sommes encore plus en retrait, au carrefour. Notre chauffeur, apeuré, a reçu l’ordre des militaires de quitter la zone, sans nous, et de retourner à l’hôtel. Nous le sommons de rester et de nous aider à aller récupérer nos amis français dont nous n’avons plus de nouvelles et que nous n’arrivons pas à atteindre sur leur portable.

Soudain, une ambulance et des taxis emmenant des victimes passent bruyamment devant nous. Un militaire nous indique le chemin de l’hôpital. Et comme par enchantement, après quatre détonations, le trafic, bloqué, reprend normalement. Plus aucune explosion ne se fera entendre de la soirée. De notre côté, nous retrouvons Christophe au dispensaire Al Nahda, un établissement caritatif pour soigner les pauvres. «Gilles est mort», nous dit-il, en pleurs avant de tomber dans nos bras. C’est le chaos dans cet hôpital de campagne. Il y a des hommes en armes des services de renseignements, des policiers, des militaires, des civils. Partout du sang. Des cris. Et beaucoup viennent vers nous en disant. «Regardez les effets des obus de la liberté.» Ceux que l’Occident offrirait aux insurgés qui sont tout de suite pointés du doigt dans le drame dont nous sommes devenus les acteurs. Nous montons rapidement à l’étage où se trouve Caroline, seule, accrochée au corps de Gilles, couché sur un lit. Seule une couverture le recouvre. Aucune trace de sang. Il semble presque endormi. Encore chaud.

Jeune martyr. Bizarrement, le reporter de France 2 partage la même petite chambre qu’une autre victime dont le frère pleure. Autour de lui, une vingtaine de personnes qui se presse. Qui crie. Deux équipes de télévision syriennes (Al Sourya et Al Dounia) sont déjà sur place et filment le jeune martyr. Elles braquent leur caméra sur Gilles. Caroline s’y oppose en les menaçant de poursuites judiciaires si une image sort alors que Sid Ahmed Hammouche, arabophone, supplie le médecin de faire partir les journalistes et de nous mettre une chambre à disposition pour faire le deuil de notre ami dans la sérénité.

Notre crainte: que les médias syriens instrumentalisent politiquement les images de Gilles sur son lit de mort en expliquant qu’il est le premier Français victime du terrorisme en Syrie. Après de longues minutes de négociations, le corps de notre ami est transporté sans ménagement dans une chambre où nous allons nous enfermer durant plus de dix heures.

Nous n’avons dès lors plus qu’un seul objectif, éviter que les autorités syriennes ne prennent son corps pour une autopsie et fassent ainsi disparaître des preuves. Effondrée, Caroline va alors veiller son mari. Calme. Christophe Kenck donne l’alerte à France télévisions, Patrick Vallélian aux autorités françaises et suisses tout en pesant de tout son corps contre la porte pour repousser les assauts des médias et des autorités locales. Sid Ahmed Hammouche, de son côté, parlemente et gagne du temps jusqu’à l’arrivée d’Eric Chevallier, l’ambassadeur français en poste à Damas.

Gagner du temps. Nous annonçons aux officiels syriens qui défilent, notamment le médecin légiste, le procureur général de Homs, le vice-gouverneur ou un général de la police, que l’«affaire» est désormais entre les mains de Paris et de Damas. Nous nous battons pour qu’il n’y ait pas d’autopsie, pour que Caroline n’ait pas à parler sans la présence du représentant de la France à Damas à la justice syrienne et que les médias ne puissent pas filmer le corps.

Pour gagner du temps, nous faisons croire à Soulaiman Fayez, le vice-gouverneur de Homs, qu’il est en direct sur France télévisions alors que Guilaine Chenu, la patronne d’Envoyé spécial et cheffe de Gilles, est au bout du fil. Nous utiliserons le même subterfuge avec le procureur général en lui passant l’ambassadeur français. Le message est clair: personne ne touche au corps de Gilles tant que les autorités françaises ne sont pas là.

Nous déjouons les pièges les uns après les autres. Du faux médecin à la fausse infirmière… A plusieurs reprises, des hommes en armes reviennent à la charge en nous proposant de transporter le corps à Damas ou de l’autopsier en notre présence avec l’autorisation de sa femme. Plusieurs fois, on nous demande de confirmer que nous avons bien été attaqués par des terroristes. Last but not least, deux observateurs de la Ligue arabe vont faire leur apparition pour venir «constater le décès», nous disent-ils. Nous leur demandons alors de rester devant la porte pour nous protéger et d’attendre l’arrivée de l’ambassadeur, en route malgré le couvre- feu sur Homs, pour nous sortir de cette chambre de 20 m2. Leur réponse: «Nous ne pouvons pas. Nous devons aller manger à l’hôtel.»

Au moment où Eric Chevallier débarque, vers 21 h 30, avec une équipe de sécurité afin de nous évacuer, l’ambiance est lourde. Des tirs retentissent près de l’hôpital où une foule s’est massée pour scander des slogans hostiles à la France.

«Attendez-vous à ce que les négociations pour rapatrier le corps durent encore», nous avertit l’ambassadeur qui trouve un compromis. Le corps de Gilles sera examiné, passé aux rayons X et photographié avant d’être rendu à sa femme qui doit encore répondre aux questions du procureur. «No comment», lui dit-elle à chaque fois alors que d’autres tentent de nous questionner et que les médias sont toujours à l’affût.

Slogans anti-français. Le départ de l’hôpital est tendu. Des dizaines de personnes en armes se pressent dans les couloirs et à l’entrée. Sous la protection des hommes de la sécurité française, nous dévalons les escaliers des trois étages au pas de charge. Dehors, les manifestants pro-Bachar, dont certains tiennent des bougies, continuent à scander des slogans anti-français et dénoncent le terrorisme. Ils reprennent en chœur le message de leur président qui a affirmé le jour précédent à la TV que son pays ne fait pas face à une révolution mais à des attaques terroristes.

Nous montons dans les véhicules blindés. Direction Damas. Une ambulance transporte le corps de Gilles, mais dernière surprise. Les hommes de la sécurité syrienne qui ouvrent le convoi nous orientent vers le pont de Bab Amro, âprement disputé entre les insurgés et les forces régulières. Sans la vigilance du chauffeur de l’ambassadeur, le pire était peut-être encore à venir… Le lendemain soir, nous quittons Damas dans un vol affrété par France télévisions. Nous atterrissons à Paris dans la nuit avec la dépouille de Gilles. Le patron de la télévision publique Rémy Pflimlin et le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand nous accueillent et nous remercient. «Vous étiez dans votre rôle de Suisses. Vous avez toujours été au secours de l’humanité», sourit le ministre comme pour s’échapper de l’ambiance lourde qui règne dans les salons d’honneur de l’aéroport du Bourget. Emus, nous restons murés dans notre silence.

Paris. Retour à la case départ. Là où nous avons embarqué avec l’équipe d’Envoyé spécial le samedi 7 janvier sur le vol Air France Amman-Damas. Nous arrivons ensemble vers 21 h dans la capitale syrienne, mais nous devons attendre plus de deux heures à la douane où les formalités d’entrée traînent en longueur. Nous devons contacter à plusieurs reprises Mère Agnès-Mariam de la Croix. C’est cette religieuse chrétienne franco-libano-palestinosyrienne qui nous a invités et qui a organisé ce voyage de presse autorisé par les autorités syriennes et sous leur responsabilité.

FAUT-IL VOIR LA MORT DE GILLES JACQUIER COMME UN MEURTRE D’ÉTAT?

Première surprise: nous n’aurons un visa que de quatre jours. Mère Agnès, très à l’aise au milieu des services de sécurité syriens, relativise et promet que notre séjour ne sera pas semé d’embûches et que nous serons libres de nos mouvements, de nos sujets et de nos rencontres «afin de démonter la propagande des médias occidentaux». La propagande «Goebbels-Atlantique», selon ses propres mots. Nous prenons une chambre au Fardoss Tower Hotel, au centre de Damas, au même étage que l’équipe française dont nous partageons désormais le destin.

Balayée par un froid glacial, la capitale syrienne est plutôt paisible alors que le pays sombre dans une guerre civile meurtrière qui a débuté en mars dernier. La sécurité est néanmoins omniprésente et la moindre manifestation des révolutionnaires est réprimée dans le sang. La méfiance règne. Et nous devons redoubler de prudence pour rencontrer nos sources. Et même les personnalités du régime, autrefois relativement libres de s’exprimer, sont désormais sous surveillance et se taisent. Preuve que le système Bachar vacille. Preuve qu’il se radicalise. Preuve qu’il est prêt à tout. Même à sacrifier les siens.

Or, très rapidement des tensions apparaissent entre Gilles et Mère Agnès, puis entre cette dernière et Patrick Vallélian, puis avec le reste du groupe qui ne cessait de grossir au fil des jours avec l’arrivée de journalistes belges, hollandais et français.

Cerbère imposé. L’équipe d’Envoyé spécial voulait rester à Damas alors que les autres voulaient sortir de la capitale. Autre problème: Mère Agnès avait imposé un cerbère à Gilles en la personne de Mireille. Officiellement, cette jeune Libanaise devait jouer la traductrice. Mais parfois, elle se comportait comme un petit soldat au service de la religieuse et des Syriens, nous interdisant certains déplacements «pour des raisons de sécurité» et nous questionnant sur nos rencontres. Elle se montre très agressive avec nous, notamment parce que Sid Ahmed Hammouche parle l’arabe. Méfiance, méfiance…

Puis, les promesses de la religieuse tombent les unes après les autres. Nous étions censés être libres. Nous découvrons que nous devons rester en groupe et qu’il faut recevoir des feux verts du Ministère de l’information pour se déplacer sans jamais pouvoir rencontrer leurs responsables. Seuls les Libanais du groupe, soit Mireille, Mère Agnès et Joseph Eid, un photographe de l’AFP qui nous accompagne, peuvent y accéder. Ils ne cachent pas leur sympathie pour le pouvoir.

Nous devons rencontrer le ministre des Affaires étrangères. Ce sera uniquement son porte-parole. Nous rencontrons aussi un autre groupe de journalistes, plus militants que journalistes à vrai dire, formés de politologues polonais, d’une envoyée spéciale de Russia Today, de nationalité britannique, qui prétend aujourd’hui à tort sur la chaîne iranienne PressTV nous avoir accompagnés à Homs et qui témoigne sur les circonstances de la mort de Gilles Jacquier – elle n’était tout simplement pas du voyage –, ou encore Boris V. Dolgov, un orientaliste russe qui affirme dans les médias moscovites que le reporter français était un agent des services de son pays. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises avec la religieuse qui semble fâchée avec la vérité.

Alors qu’elle nous a mis la pression pour aller à Homs «en groupe» et qu’elle a menacé Gilles d’expulsion s’il ne suivait pas le programme, elle affirme aujourd’hui qu’elle n’était pas responsable de nous et qu’elle n’a joué que le rôle de facilitatrice pour notre reportage en Syrie. Pour notre sécurité, elle nous aurait même conseillé de prendre des gilets par-balle pour nous rendre à Homs et de ne pas traîner dans la ville après 15 h. Des paroles que nous n’avons jamais entendues…

Autre information intrigante: la religieuse ne nous a pas parlé d’un bus affrété de Damas par le ministre de l’Information syrien qui est arrivé à 9 h 30 à Homs avec, entre autres, les équipes de CNN et BBC à son bord. A ce moment-là, Joseph et Mireille se trouvent dans les bureaux de ce même ministère pour établir nos autorisations de voyage. Nous ne partirons finalement qu’à midi, retardés par un embouteillage monstre devant notre hôtel et une équipe de télévision belge encore une fois à la traîne.

Prudence helvétique. Ce qui va nous sauver, c’est notre prudence typiquement helvétique et notre méfiance lors de notre arrivée une heure et demie plus tard à l’hôtel As Safir, à Homs, et surtout la nervosité de Sid Ahmed Hammouche qui revoit des scènes de la récente guerre civile en Algérie. Une guerre qu’il a largement couverte. Nous sommes accueillis à la descente du minivan par une quarantaine de militaires, de civils armés et d’agents de renseignement qui nous dévisagent. «Laquelle est l’équipe de télévision française», demande l’un d’eux à Sid Ahmed Hammouche. Nous croiserons plus tard beaucoup de ces visages sur la scène du crime.

Nous décidons alors de filmer un maximum avec nos appareils photo. Comme pour nous protéger. Et aujourd’hui, en regardant ces films, nous nous rendons compte que les personnes qui ont amené Gilles sur le lieu où il va mourir sont les mêmes qui vont le transporter au dispensaire Al Nahda. Ce sont elles aussi qui lui volent son sac à dos en l’installant dans le taxi tout en tentant d’empêcher Caroline de l’accompagner. Un sac qui vaut de l’or puisque Gilles y gardait ses contacts en Syrie.

Quant aux circonstances de la mort du grand reporter, elles restent mystérieuses. Rien ne dit en effet qu’il ait été tué par un tir de mortier.

Circonstances mystérieuses. Les circonstances du décès du grand reporter restent mystérieuses. Rien ne dit en effet qu’il a été victime d’un tir direct de mortier, le corps étant resté intact avec quelques impacts ronds visibles sur son cœur. Des impacts incompatibles avec une mort par grenade ou mortier. At- on utilisé d’autres armes contre Gilles Jacquier? Etait-il la cible finalement. Faut-il voir sa mort comme un meurtre d’Etat? Une bavure de l’ASL qui a passé le plus clair de son temps à défendre ses positions dans ses quartiers cernés par l’armée? Ou alors s’agit-il d’un attentat d’un groupuscule salafiste incontrôlable?

Damas n’a en tout cas pas attendu le résultat de l’enquête qu’elle a ouverte pour dénoncer une attaque terroriste. Une thèse qui l’arrange pour fermer de nouveau son pays aux médias étrangers. Une thèse en tout relayée par les agences syriennes, mais aussi par les journalistes locaux nombreux autour de nous, sur les lieux du drame et à l’hôpital.

Un reporter étranger, présent dans le bus du Ministère de l’information qui a quitté précipitamment New Akrama dix minutes avant notre arrivée prétextant l’insécurité dans les rues de Homs, nous confirme avoir été informé quasi instantanément du drame alors que nous ne savons rien, nous qui nous trouvons à 150 mètres de la scène. Comme si le scénario de la mort de Gilles Jacquier était écrit d’avance.

Et qui lui donne ces informations par téléphone? Mère Agnès, qui ne nous a pas accompagnés à Homs ce jour-là prétextant être en danger de mort à Homs et qui téléphone à Patrick Vallélian vers 17 h 30 pour lui demander ce qui s’est passé. Lui ne lui répond pas.

Elle débarque finalement quelques minutes avant l’arrivée de l’ambassadeur à l’hôpital. En pleurant. Pour éviter un incident diplomatique, nous la laissons entrer dans la chambre de Gilles. Mais nous ne la laissons pas parler à Caroline, de peur que cette dernière n’explose. Pour nous, à ce moment-là, il est évident que nous sommes tombés dans un piège. Et que la religieuse fait partie du scénario de cette opération machiavélique.

Les interrogations se bousculent dans notre tête. Des questions que se pose également la justice française après avoir ouvert une enquête pour homicide volontaire. Où sont passés les hommes qui étaient censés assurer la sécurité de notre convoi de journalistes étrangers à Homs? Pourquoi ces hommes ne nous ont pas mis à l’abri et évacué vers une zone sûre? Pourquoi n’avons-nous pas suivi le programme qui était d’aller de notre hôtel à l’hôpital? Pourquoi les explosions ciblaient soudain le quartier où nous venions d’arriver? Qui pouvait savoir, en dehors des autorités, qu’une délégation de journalistes était sur place? Pourquoi le bus du Ministère de l’information, qui affichait un gros panneau «press» sur sa vitre avant, n’a-til pas été pris pour cible lui aussi, lui qui n’était accompagné que par une voiture de police selon les dires d’un journaliste présent?

Pourquoi les autorités interdisent aux journalistes du bus de rester à Homs après 15 h et nous laissent nous promener à cette heure-là? Pourquoi notre véhicule a-t-il été bloqué par ceux de la sécurité et par cette manifestation pro-Bachar quelques minutes avant la mort de Gilles? Comment expliquer la présence de gens en civil qui nous incitent à nous rendre là où ont lieu les explosions? Sur les images de la télévision belge, un de ces jeunes annonce même la déflagration devant la maison avant qu’elle ait lieu. Pourquoi un autre nous incite à aller vers l’école avant la détonation? Comment expliquer que la circulation reprenne après la quatrième explosion? Quel est le rôle de Mère Agnès qui dit être aujourd’hui en danger?

Une chose est sûre en revanche, nous avons fait confiance aux autorités syriennes pour nous protéger et nous laisser faire notre travail de témoins, même si nous connaissons les limites du journalisme embarqué. Nous le regrettons amèrement. Et nous pleurons un brillant confrère, un ami aussi qui laisse derrière lui une femme courageuse et des enfants.

La peur sur les visages. Or il était nécessaire, à notre avis, d’aller dans cette Syrie verrouillée et paranoïaque, gérée par un régime dictatorial. Pour témoigner. Pour donner la parole également aux courageux opposants qui ont pris le risque de nous rencontrer. Et pour lire la peur sur les visages et lire les messages de ces millions de Syriens qui parlent avec les yeux. Oui, dans ce pays, les yeux parlent, comme l’avait remarqué Gilles lors de notre dernière soirée à Damas dans un immense café. Il s’amusait de constater que le jour où leur président leur avait promis la démocratie, l’amnistie et un avenir meilleur, les fumeurs de chicha, les joueurs de cartes et de badgamon étaient restés murés dans leur silence de quarante ans. Ils connaissent très bien ce régime vicieux. A bout de souffle.

Dans son émission du 19 janvier, «Envoyé spécial» rendra hommage au grand reporter Gilles Jacquier.
source

Accouchements aux checkpoints, Nakba(s): mensonges?


Après les manifestations de type “théâtrales”,  “Checkpoint”,  à Bruxelles, en mars 2011, visant à reproduire des barrages israéliens à  l’encontre de Palestiniens et “Nakba”, la catastrophe en mai 1948 pour les Palestiniens, à Ittre et Nivelles en mai 2011 – qui n’avaient d’autre but que d’informer la population – les membres des organisations de ces scènes de rue (Groupe Paix Juste au Proche Orient ou Egalité, pour ne citer qu’eux) ont eu droit à toutes les accusations d’antisémitisme,  d’incitations à la haine raciale de la part du Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique (CCOJB), par la voix de Monsieur Joël Rubinfeld et de leurs fidèles acolytes:  Madame Ries (tissu de mensonges),  Madame Isabelle Durant (par la voix de Radio Judaïca), Monsieur Deleuze (ce boycott aux relents nauséabonds) et son associé (des “bouffeurs de Juifs” et autres joyeusetés), par la voix du CCLJ  (Centre Communautaire Laïc Juif).

J’invite toutes ces personnes à visionner cette vidéo (non récente)  d’une femme palestinienne qui accouche au checkpoint de Kalandia en Cisjordanie.  Et pour les esprits chagrins qui déclareraient que tout ceci n’est qu’une odieuse simulation ou mise en scène pour salir la vertueuse démocratie qu’est Israël, je les invite à la lecture des  études publiées par “The Lancet”, sur recommandation de l’INRIN, un service du Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations-Unies concernant la santé publique en Palestine Occupée .

“…Halla Shoaibi, de l’université américaine d’Ann Arbor, estime que dans la période qu’elle a étudiée (2000-2007), 10% de Palestiniennes enceintes ont été retenues à des points de contrôle alors qu’elles se rendaient à l’hôpital pour accoucher. Cela s’est notamment traduit par une augmentation considérable du nombre de naissances à domicile, les femmes préférant éviter les déplacements routiers pendant l’accouchement de crainte de ne pas arriver à l’hôpital à temps…

Les craintes de ces femmes sont justifiées. Mme Shoaibi indique que 69 bébés sont nés à des points de contrôle au cours de ces sept dernières années. Trente-cinq bébés et cinq mères sont décédés, un résultat qu’elle assimile à un crime contre l’humanité…” (extrait de l’article d’Europalestine, adresse ci-dessous)

La video et extraits de “The Lancet”, sur le blog CAPJPO, Europalestine
http://www.europalestine.com/spip.php?article6832
Source : http://www.thelancet.com/health-in-the-occupied-palestinian-territory-2011 – voir : « childbirth at checkpoints »

Qalandia Checkpoint
http://steinhardt.nyu.edu/scmsAdmin/uploads/006/277/TawilSouri-QalandiaNonPlace.pdf

Se faire insulter par Israël et ses sympathisants lorsque l’on veut simplement dénoncer l’innommable et hurler la vérité, volontairement occultée,  s’apparente  à un réel compliment.

Bien à vous,

MP