
Je viens de voir ce film au festival du film arabe de Bruxelles. Ce film ne sera vu dans aucun pays arabe et c’est dommage dans la mesure où dans ces pays on a parfois tendance à diaboliser les juifs, à les assimiler tous aux sionistes.
Il est vrai que les personnages du film sont de futurs sionistes qui se laissent tenter par les recruteurs d’Israël dépêchés au Maroc et qui partent aussi parce qu’ils ont peur. Mais on vit avec eux leur attachement à la terre où ils vivent depuis l’exode de l’Andalous qu’ils ont partagé avec les Arabes, à leur langue, l’arabe, à leurs amis musulmans ou chrétiens, mais tous Marocains comme eux, qu’ils ont beaucoup de mal à quitter.
Note en p.s.
Beaucoup disent que les juifs marocains sont parmi les plus racistes en Israël et on peut se demander au sujet de ces braves gens tout à fait arabisés ou marocanisés – qui partent casser de l’Arabe en Palestine – s’ils étaient finalement sincères dans leurs rapports avec les musulmans au Maroc.
Un critique professionnel raconte ici :
« Nous sommes dans l’immédiat après-indépendance, une période trouble où le repli identitaire (déjà) bat son plein. Le royaume, qui n’a pas fini de se débarrasser de quatre décennies de présence française, couve de nombreux foyers de haute tension. Tout est à (re)faire.
Entre les communautés juive et musulmane, rien ne sera plus jamais comme avant. La fracture s’appelle Israël, créé depuis peu. Israël, qui attise la colère de la rue musulmane, et aimante les juifs du Maroc. L’exode juif, souvent ignoré par les manuels scolaires, n’a pas davantage inspiré les cinéastes marocains. … l’exode juif fait partie de l’histoire de ce pays. Il renvoie à un thème plus générique : l’émigration Sud-Nord, dont la résonance est parfaitement actuelle”.
Sans doute aussi, l’exode juif profite de la brèche ouverte depuis peu, qui permet au cinéma marocain d’aujourd’hui de se rappeler au souvenir de thèmes longtemps tus : les années de plomb, la sexualité dans les rapports de couple, etc.
Dans Où vas-tu Moshé (Fine machi ya Moshé), Hassan Benjelloun a planté sa caméra à Bejaâd. Moshé, donc, résiste aux sirènes du voyage en terre promise. Mais le départ du vieil homme, toujours possible, risque de condamner le bar dont il est tenancier. Et personne ne veut que le bar ferme… Ce n’est pas un hasard si le film s’appelait, à l’origine, Le Bar. Où vas-tu Moshé ? va, justement, loin dans l’espace, puisqu’il zoome sur les exilés jusqu’à leur arrivée dans les centres d’accueil d’Eretz.
Mais le point d’attelage du film reste toujours le bar, objet de toutes les convoitises. Agréable, digeste, le dernier Hassan Benjelloun (La Fête des autres, La Chambre noire) se laisse regarder sans ennui, malgré la lourdeur de quelques effets dramatiques et la petite leçon de morale finale.
Un film sympathique, avec même une touche émouvante : Abderrahim Bargach, l’un des acteurs principaux, est décédé en milieu de semaine, quelques heures à peine après l’avant-première casablancaise du film, où on l’annonçait “malade”. Adieu l’artiste. »
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