50 ans après l’ancêtre d’internet, la désillusion des fondateurs


Leonard Kleinrock pose à côté du premier "processeur de message par interface (IMP) dans la laboratoire où le premier message a été envoyé d'une machine à une autre, à l'Université de Californie à Los Angeles, le 24 septembre 2019© Robyn Beck Leonard Kleinrock pose à côté du premier « processeur de message par interface (IMP) dans la laboratoire où le premier message a été envoyé d’une machine à une autre, à l’Université de Californie à Los Angeles, le 24 septembre 2019 Le 29 octobre 1969, le professeur Leonard Kleinrock et ses collègues de la célèbre UCLA (Université de Californie à Los Angeles) ont fait « parler » un ordinateur avec une autre machine, située dans une région qui allait devenir la Silicon Valley (sud de San Francisco).Carte représentant les utilisateurs de Facebook dans le monde en 2010© HO Carte représentant les utilisateurs de Facebook dans le monde en 2010 Mais l’enthousiasme des débuts a été entamé par les conséquences néfastes et inattendues de cette innovation – l’ancêtre d’internet. »Je n’avais pas du tout vu venir l’aspect +réseaux sociaux+. Je pensais faire communiquer les gens avec les ordinateurs, ou les ordinateurs entre eux, mais pas les gens entre eux », raconte M. Kleinrock, qui aura 85 ans en juin.

Pour marquer les 50 ans de l’événement, le professeur ouvre un nouveau laboratoire consacré à internet, censé aider à lutter contre les problèmes imprévus qui ont surgi avec l’adoption du réseau à grande échelle.

Quelque 4 milliards de personnes dans le monde utilisent désormais le réseau, qui, croyait-on, allait apporter l’égalité et la connaissance à la majorité.

« En un sens, c’est une invention très démocratique », remarque-t-il.

« Mais elle recèle aussi une formule parfaite pour le côté sombre de l’humanité. (…) Il y a tellement de choses criées en ligne que les voix modérées se retrouvent noyées et les points de vue extrême, amplifiés, répandant la haine, la désinformation et les abus », constate-t-il.

Les ingénieurs de l'Arpanet étaient loin d'envisager l'ampleur que leur invention allait prendre© Philippe HUGUEN Les ingénieurs de l’Arpanet étaient loin d’envisager l’ampleur que leur invention allait prendre « En tant qu’ingénieurs nous ne pensions pas aux comportements malveillants. »

Le nouveau « Connection Lab » (« labo de connexion »), se penchera sur des sujets tels que l’apprentissage automatisé des machines, l’intelligence artificielle, les réseaux sociaux, l’internet des objets ou encore la blockchain, une base de données décentralisée et sécurisée, qui permet une traçabilité réputée inviolable.

– « Réseau de réputations » –

Leonard Kleinrock s’intéresse tout particulièrement à la possibilité d’utiliser la blockchain pour servir de mesure de confiance.

Les internautes pourraient par exemple savoir, en lisant une critique de restaurant, si son auteur a publié des articles considérés comme fiables jusqu’à présent.

« Ce serait comme un réseau de réputations constamment à jour », détaille le professeur. « Le défi c’est comment y arriver de manière éthique et responsable. L’anonymat est une arme à double tranchant, évidemment ».

50 ans après la création de l'Arpanet, des milliards de personnes dans le monde utilisent internet© LEON NEAL 50 ans après la création de l’Arpanet, des milliards de personnes dans le monde utilisent internet Selon lui, dans les premiers temps, la sérénité du réseau n’était contrariée que par des hackers (pirates informatiques) solitaires.

Alors que désormais les agents perturbateurs comprennent les Etats-nations, le crime organisé et des corporations puissantes qui font de « grandes et mauvaises choses », comme réaliser des profits en portant atteinte au respect de la vie privée.

Leonard Kleinrock regrette le manque de fibre sociale des scientifiques de l’époque, qui n’ont pas anticipé la nécessité d’intégrer des outils d’authentification des personnes et des données, dès la fondation d’internet.

« Nous n’aurions pas évité la face obscure du réseau, mais nous aurions pu en atténuer l’impact que tout le monde ressent bien aujourd’hui ».

Il garde tout de même une part d’optimisme.

« Je crois tout de même qu’au final les aspects positifs l’emportent. Je n’éteindrais pas internet, même si je le pouvais. »

– Quel genre de monstre ? –

A l’origine, le projet s’appelait « Arpanet », du nom de la branche de recherche de l’armée américaine qui le finançait, la « Defense Advanced Research Projects Agency », fondée en 1958.

Les ingénieurs avaient trouvé le moyen de transmettre des données par les ordinateurs en les cassant en plusieurs « paquets numériques ».

Le 29 octobre 1969, un étudiant de UCLA commence à taper le mot « LOG » (« connexion »), pour établir le lien avec l’ordinateur à distance. La lettre « L » passe, mais la machine plante juste après la lettre « O ».

« Du coup le premier message transmis a été +LO+, comme dans +Lo and behold+ (une expression qui signifie +Et voilà que…+) », relate Leonard Kleinrock. « Nous n’aurions pas pu mieux rêver comme premier message succinct ».

L’Arpanet était né. La création d’internet, elle, reste le sujet de débats brûlants, car c’est le résultat de plusieurs étapes, comme les protocoles d’acheminement des données ou la création du « World Wide Web » avec le système de pages en ligne.

« La question à 1 milliard de dollars, c’est quel genre de monstre internet est-il devenu ? », demande Marc Weber, commissaire au Computer History Museum de la Silicon Valley.

« Il s’est imposé comme le moyen de communication par défaut des humains, ce n’est pas rien », constate-t-il.

« Internet a fait plus de bien que de mal », tempère Olaf Kolkman de l’Internet Society, qui voit dans le réseau de 50 ans un « adolescent turbulent ».

Retour d’une conflictualité radicale en Tunisie


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Élections municipales de 2018 en Tunisie, cc Congrès des pouvoirs locaux et régionaux (Conseil de l’Europe).

Le premier tour de l’élection présidentielle en Tunisie a eu lieu le 15 septembre 2019, opposant vingt-six candidats aux opinions très diverses et représentant les différentes sensibilités politiques du pays. Seuls 45 % des électeurs inscrits se sont déplacés pour le deuxième scrutin de ce type depuis le renversement du régime de Zine El-Abidine Ben Ali en janvier 2011. Il s’agit d’un faible taux au regard des 64 % du premier tour de la présidentielle en 2014. Les deux qualifiés pour le second tour sont MM. Kaïs Saïed (18,4 % des voix) et Nabil Karoui (15,8 % des suffrages). Le premier est juriste et expert en droit constitutionnel tandis que le second, homme d’affaires et propriétaire de la télévision Nessma, est incarcéré depuis le 23 août pour évasion fiscale. Ce duo inattendu a suscité de multiples réactions en Tunisie et dans le monde. Certains observateurs parlent ainsi d’une « insurrection des urnes » tandis que d’autres ont recours à des termes ou expressions comme « tsunami » ou « triomphe des populismes » pour décrire les résultats de ce premier tour. Néanmoins, la perception générale d’un vote profondément « antisystème » semble faire consensus. Confrontés à ce désastre électoral, les responsables politiques, toutes obédiences confondues, reconnaissent leurs « échecs » mais semblent toutefois incapables, du moins pour le moment, d’imaginer une nouvelle stratégie pour les prochaines élections législatives.

La perception générale d’un vote profondément « antisystème » semble faire consensus

Comment expliquer le désaveu des électeurs exprimés à l’égard des partis qui ont structuré la vie politique tunisienne depuis le 17 décembre 2010, date du début de la Révolution ? Peut-on parler d’une transformation radicale de la scène politique ? Assiste-t-on à un nouveau moment révolutionnaire ou sommes-nous à la veille du retour d’un régime autoritaire centré autour de la figure d’un seul homme ? Il est très difficile de rendre compte de manière intelligible de la complexité des dynamiques à l’œuvre en Tunisie. Néanmoins, l’examen du contexte dans lequel s’est tenu le scrutin ainsi qu’une analyse des stratégies électorales des différents protagonistes permettent de décrypter les tensions politiques que révèlent ces élections. Cela permet aussi d’esquisser des scénarios concernant une possible réinvention du jeu politique tunisien.

Une fragmentation sans précédent de l’offre politique

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Les partisans du mouvement BDS sont-ils antisémites ?


[Communiqué]

L’Union des progressistes juifs de Belgique (UPJB) souhaite réagir à l’article de Vincent Braun publié ce 26 septembre 2019 dans La Libre, intitulé “Cette campagne entretient la haine d’Israël : un rapport officiel prouve la “nature antisémite” du mouvement BDS”.

Ce rapport de 94 pages, intitulé dans sa version anglaise “Behind the Mask. The Antisemitic Nature of BDS exposed”, est publié par le ministère israélien « des Affaires stratégiques et de la Diplomatie publique » (https://4il.org.il/…/uploads/2019/09/MSA-report-Behind-the-…). Son unique objet est de tenter de démontrer la nature prétendument antisémite du mouvement BDS. Il a été présenté ce 25 septembre à Bruxelles par le ministre israélien responsable Gilad Erdan, membre du parti du Premier ministre Benyamin Netanyahu.

L’article de La Libre présente ce rapport et les propos tenus à Bruxelles par ce ministre de façon complaisante et sans aucune distance critique. Nous le déplorons vivement et tenons à faire la mise au point suivante.

Comme de nombreuses autres associations juives en Europe et ailleurs dans le monde, y compris en Israël, l’UPJB soutient la campagne BDS (boycott/désinvestissement/sanctions). Rappelons que celle-ci a été initiée en 2005 par 171 associations de la société civile palestinienne pour contraindre l’État d’Israël à respecter enfin le droit international. Cette campagne citoyenne non violente a été lancée après 57 ans de déni des droits des exilés palestiniens, 57 ans de discriminations graves envers les Palestiniens citoyens d’Israël et 38 années d’occupation et de colonisation des territoires conquis par l’armée israélienne lors de la “Guerre des Six Jours” de 1967. Et après le refus de l’État d’Israël de démanteler la “barrière de séparation” construite en Cisjordanie occupée dont, pour cette raison, le tracé a été déclaré illégal par la Cour internationale de Justice de La Haye en 2004.

Aujourd’hui, 71 ans après la création de l’État d’Israël et l’exil forcé de 80% de la population arabe palestinienne du territoire sur lequel s’est constitué cet État, alors que l’occupation militaire et la colonisation des territoires conquis il y a maintenant 52 ans se poursuit sans désemparer en contravention flagrante avec le droit international et les résolutions de l’ONU, les gouvernements nationaux et les institutions politiques internationales compétentes continuent à n’exercer aucune pression digne de ce nom susceptibles de forcer les dirigeants israéliens à respecter enfin la légalité internationale. Ceci alors que la situation des populations palestiniennes vivant sous occupation (à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et sur le plateau du Golan), sous un interminable blocus des plus sévères et complètement illégal (à Gaza) ou en tant que citoyens israéliens de seconde zone en Israël, ne cesse de s’aggraver.

Cette situation rend le mouvement BDS tout à fait justifié à nos yeux dans la poursuite de ses trois objectifs :
– Mettre fin à l’occupation et à la colonisation des territoires occupés par Israël depuis 1967 et démanteler la “barrière de séparation”.
– Reconnaître les droits des citoyens arabo-palestiniens à une égalité absolue avec les citoyens juifs de l’État d’Israël.
– Faire enfin appliquer la résolution 194 de l’Assemblée générale de l’ONU de décembre 1948 qui consacre le droit au retour des exilés palestiniens.

Nous n’ignorons pas que des antisémites se réclament du mouvement BDS, de même qu’ils tentent souvent de déguiser leur antisémitisme en antisionisme. Nous n’avons rien à voir avec eux et nous les combattons fermement avec la grande majorité des associations et des personnes qui se sont engagées dans ce mouvement et qui sont irréprochables sur cette question. Mais nous ne sommes pas dupes. L’accusation d’“antisémitisme“ est le seul argument qui reste à la propagande israélienne pour empêcher toute pression envers un État qui bafoue sans cesse, depuis qu’il existe et de plus en plus gravement, le droit international ainsi que les droits humains les plus élémentaires. Les attaques contre BDS ont pour seul objectif de perpétuer l’impunité internationale dont jouit cet État

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