Un poète syrien : Monzer Masri


Monzer Masri


Les gens de la côte
poèmes traduits de l’arabe (Syrie) par Claude Krul
alidades 2005, collection ’Création’,
12,5 x 21 cm, 40 pages, cahier, 5,00 €, ISBN 978-2-906266-63-6

Une poésie faite d’instantanés. Décors vite esquissés, scènes fugaces, brefs dialogues surgis de la mémoire ou pris sur le vif, attitudes caractéristiques, sont autant d’occasions de recréer, par petites touches, discrètement, l’intensité des émotions et des situations de la vie, dans une sorte de distance bienveillante, amusée parfois, ironique quelquefois et toujours un peu nostalgique. Cet ensemble constitue le premier recueil publié en français de Monzer Masri. Après Chawqi Baghdadi et Abou Afach, nous espérons ainsi contribuer à la découverte des voix importantes de la poésie syrienne d’aujourd’hui.

Monzer Masri est né en 1949 à Lattaquié, ville syrienne du littoral méditerranéen où il réside actuellement. Il est l’auteur d’une dizaine de recueils de poèmes, parus à Damas, Beyrouth et Londres. Le n° 87 de la revue ARPA publie 6 poèmes de Monzer Masri inédits en français, dans une traduction de Claude Krul (ARPA, 44 rue Morel-Ladeuil, 63000 Clermont-Ferrand)

Extrait :

LES GENS DE LA CÔTE

Les gens de la côte
ont dents cassées
ongles saignant
de mûres volées

Les gens de la côte
ne sont pas épris de mer
comme vous pensez…
Montez voir leurs tombes :
pierres seulement
lisses
en haut des collines

Les gens de la côte
ont vie brève
poches vides
Demandez-leur…
ne valent pas plus
et s’en vantent…

N’aiment pas leurs femmes
comme vous pensez…
Leur regard meurt dans les flots
leurs godillots ont voiles
toujours gonflées

Urgence humanitaire pour les assiégés d’Homs


LEMONDE | 28.02.12 | 16h33   •  Mis à jour le 29.02.12 | 09h05

Lors d'une réunion d'opposants au régime à Qusayr, à 15 km de Homs, le 27 février.

Lors d’une réunion d’opposants au régime à Qusayr, à 15 km de Homs, le 27 février.AFP/GIANLUIGI GUERCIA

« Baba Amro et Inchaat sont au bord de la mort ; la détresse des résidents ne cesse de grandir », écrivent, lundi 27 février, les militants du Conseil révolutionnaire d’Homs sur Internet. Ces deux quartiers rebelles et voisins, dans le sud-ouest de la « capitale de la révolution », sont particulièrement exposés à l’offensive lancée par le régime de Bachar Al-Assad depuis le 3 février. Le Croissant-Rouge syrien, qui distribue, en coordination avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), de l’aide (nourriture, couvertures, aide médicale d’urgence, kits d’hygiène) dans d’autres parties de la ville, ne peut même pas y pénétrer.

Nul ne sait aujourd’hui combien, des 20 000 habitants de Baba Amro avant l’offensive, sont toujours présents. Les résidents restés sur place se terrent, pour échapper aux bombardements à l’arme lourde et aux combats entre les groupes armés se réclamant de l’Armée syrienne libre (ASL) et les troupes régulières. « Baba Amro est l’un des deux quartiers où la situation est la plus critique, à Homs. Karm Al-Zeitoun (sud-est) est aussi très touché. Il n’y a pas de communications, pas d’électricité, pas de nourriture qui rentre. L’eau manque, affirme Abou Adham, un Syrien originaire d’Homs, installé à l’étranger. Les soins aux blessés sont de plus en plus difficiles. »

Lundi, le Croissant-Rouge syrien est parvenu à évacuer trois blessés de Baba Amro ; vendredi, sept blessés avaient été déjà escortés par l’organisation vers l’hôpital Al-Amine, attenant au quartier rebelle. Des opérations limitées par les combats, mais que le Croissant-Rouge syrien et le CICR voudraient multiplier : « Pour cela, nous continuons à demander un cessez-le-feu humanitaire d’au moins deux heures par jour », explique Saleh Dabbakeh, porte-parole du CICR à Damas.

De retour à Paris après une mission à Inchaat, assiégé par l’armée, Jacques Bérès, 71 ans, chirurgien et cofondateur de l’organisation non gouvernementale Médecins sans frontières (MSF), raconte « des conditions d’opération difficiles, notamment à cause de l’éclairage défectueux et des pannes de courant. La clinique était installée dans un appartement privé. Les gens ne veulent pas aller à l’hôpital où ils risquent d’être arrêtés ou torturés ».

Lors de son déplacement, du 8 au 24 février, dans le village de Qussair puis à Homs, le médecin a été confronté, chaque jour, à de nouveaux blessés, « des civils pour la plupart, des vieillards, des femmes, des enfants ». Selon lui, l’évacuation des blessés les plus graves, qui se faisait auparavant vers le Liban, est devenue impossible.

M. Bérès, parti clandestinement en Syrie à l’initiative de l’ONG France-Syrie Démocratie et de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, évoque aussi un quotidien, dans le quartier d’Inchaat, où « l’eau, l’électricité et le fioul sont les denrées qui manquent le plus. Il n’y a plus d’eau en bouteilles, seulement des jus de fruits et du thé. Je n’ai pas entendu parler de cas de manque de nourriture, mais les gens se nourrissent de pain, de riz et de mandarines ». Les boulangeries encore ouvertes se font rares. La trêve demandée par le CICR permettrait de fournir à Baba Amro et Inchaat nourriture et assistance médicale.

Une source humanitaire évoque toutefois, dans ces lieux sinistrés, une situation différente selon les quartiers : « Seule une partie de Baba Amro est tenue par les rebelles. Là où se livrent les combats, personne ne peut sortir. Dans les autres quartiers, c’est aléatoire. Les gens limitent leurs déplacements au maximum. Quand une accalmie le permet, certains vont encore se ravitailler dans des épiceries de quartier. »

Un scénario rendu impossible, lundi, par les intenses tirs de barrage de l’armée syrienne sur les quartiers de Khaldiyé et la vieille ville d’Homs. Sur des vidéos, les rideaux de fer des magasins apparaissent baissés dans le quartier central de Boustane Al-Diwani, où vit la minorité chrétienne. Une source religieuse au Liban, en contact avec les chrétiens d’Homs, estime que 90 % de la communauté a fui. « Ceux qui sont encore dans le quartier de Boustane Al-Diwani restent enfermés chez eux. Ils ont peur. Ils survivent avec le peu qu’ils ont. Ils ont besoin d’aide », indique-t-elle.

« L’aide humanitaire est nécessaire, mais ce n’est pas de faim ou de maladie qu’on meurt à Homs, insiste le chirurgien Jacques Bérès. On y meurt des balles et des obus tirés par l’armée et les snipers. »

Depuis début février, deux convois d’aide ont été acheminés par le CICR et le Croissant-Rouge syrien vers Homs. « Nous fournissons aussi du matériel aux hôpitaux privés qui continuent de fonctionner dans la ville, ajoute M. Dabbakeh. Le Croissant-Rouge syrien, de son côté, délivre du lait ou de la nourriture pour bébés. »

Tandis que l’attention médiatique se concentre sur Homs, les militants s’inquiètent que la répression en cours à Hama, à Deraa et à Idlib passe inaperçue. A Hama, le CICR et le Croissant-Rouge syrien ont fait parvenir, lundi, des colis alimentaires couvrant les besoins de 12 000 personnes durant un mois. Aucun convoi n’avait rejoint la ville d’un demi-million d’habitants depuis la mi-janvier.

Christophe Ayad et Laure Stephan (à Beyrouth)

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La Coquille : prisonnier politique en Syrie


Après six ans de séjour en France, où il a obtenu un diplôme d’études cinématographiques, le narrateur décide de rentrer au pays. Dès son arrivée à l’aéroport de Damas, il est arrêté par la police politique et conduit dans un bâtiment sinistre du centre-ville, appartenant aux Services de renseignements. Là, il est violemment frappé avant d’être accusé contre toute vraisemblance, lui, le chrétien grec-catholique, d’être membre du mouvement des Frères musulmans. Quelques jours plus tard, il se retrouve dans la gigantesque et terrible prison du désert, en compagnie de milliers de détenus. Commence alors son calvaire qui va durer treize ans… Ce récit, qui se présente comme un journal, restitue sous une forme légèrement romancée les choses vues et entendues par Moustafa Khalifé durant son long enfermement dans les prisons syriennes. Les scènes se succèdent, d’autant plus insoutenables qu’elles sont décrites sobrement sans vaine rhétorique ni pathos. Elles donnent à voir, non seulement la barbarie des geôliers, mais aussi le processus de déshumanisation des détenus et, au-delà, de toute la société.

– 4e de contenu –

Traduit de l’arabe par Stéphanie Dujols

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voir   aussi  cet article Écrire la stupeur

« … Emprisonné pendant près de treize ans, Moustafa Khalifé a vécu les épisodes qu’il raconte, ou bien il les a entendus de la bouche même de détenus. Certains noms évoquent des personnes que l’on peut identifier. Le lieu de la détention, bien que jamais nommé, est même visible sur des photographies aériennes. Des rapports de sociétés pour la défense des prisonniers politiques, déjà anciens, témoignent, eux, directement, de l’existence de ce qui s’est passé, là-bas, près des ruines de l’antique Palmyre. » … »mémoriser pour pouvoir, un jour peut-être, raconter. Replié dans sa coquille, l’être regarde le monde par un orifice qui laisse entrer les choses dans un champ limité. Mais aussi il faut mettre en mémoire, fabriquer un texte, quotidiennement mémorisé, réitéré, fixer l’attention à ce bruissement inéluctable, qui semble sans cesse vouloir forcer l’être à dépasser les limites, malgré l’enfermement dans les ténèbres et dans l’abandon. Document de nature parfois anthropologique, La Coquille décrit les techniques de mémorisation, qui ont permis de retenir les noms des disparus, par le fait de la torture ou exécutés. La récitation du Coran, lui aussi intégralement mémorisé par le narrateur, participe de cet exercice, qui consiste à intégrer des parcelles du monde dans une mémoire qui pourrait elle aussi être sans objet, si le prisonnier disparaissait. »

Un poète syrien : Faraj Bayraqdar


Faraj Bayraqdar


Je ne l’aime pas en deuil
poèmes traduits de l’arabe (Syrie) par Claude Krul

alidades 2006, collection ’Création’,
12,5 x 21 cm, 44 pages, cahier, 5,00 €.
ISBN 978-2-906266-67-4

Faraj Bayraqdar est né en 1951 dans le village de Têr Mâla près de Homs en Syrie. Journaliste et poète, il est arrêté une première fois en 1978 : la revue littéraire dans laquelle il publie de jeunes poètes et écrivains affiche une liberté de ton qui ne peut convenir au régime. Dans les années qui suivent il s’engage plus avant dans le militantisme, au sein d’un parti d’opposition interdit. Arrêté de nouveau en 1987, il est torturé sauvagement pendant toute une année puis transféré à la prison militaire de Palmyre où il survit cinq années dans un isolement et dénuement complets. Il est ensuite transféré dans une prison voisine de Damas ; les conditions sont moins dures ; on l’autorise à lire, à écrire. Il ne sera relâché qu’après quinze ans de détention, suite à une campagne internationale menée notamment par Amnesty et le PEN Club international. De son aveu même, la poésie lui a permis de « rester un être humain », de na pas « devenir néant ». Participant à un débat à Genève dans le cadre du Festival International du Film sur les Droits Humains, il affirmait que « la liberté qui est en nous est plus forte que les prisons ». Cette liberté trouve selon lui son effectivité dans cette force qu’elle insuffle à l’activité créatrice ; l’écriture sans doute n’abolit ni les murs ni les barreaux, non plus qu’elle ne met fin aux tortures et vexations, mais elle offre cette possibilité de ne pas tomber sous eux. Elle offre aussi cette possibilité de les dénoncer, donc d’agir.

Faraj Bayraqdar poursuit, en Syrie et à l’étranger, son activité littéraire tout autant qu’il mène un combat pour la libération des prisonniers politiques enfermés dans les prisons syriennes.

à lire : Ni vivant, ni mort, traduction de Abdellatif Laâbi, Al Dante 1998.

Alidades ici : http://alidades.librairie.assoc.pagespro-orange.fr/bayraqdar.html