« Puissions-nous ne jamais être les parents de Mawda », Béatrice Delvaux


 

Le président de la N-VA, Bart De Wever, a ainsi décidé il y a quelques mois de déplacer l’axe de sa communication nationaliste, de la dénonciation des méfaits du Wallon profiteur, vers ceux du migrant (musulman) menaçant.

La politique ce serait donc cela : identifier un sujet qui plaît à l’électorat et désigner les bons et les méchants dans l’histoire qu’on se met à marteler. Rien ne peut venir ouvrir une brèche dans la thèse déversée à grand renfort de slogans.
Le président de la N-VA, Bart De Wever, a ainsi décidé il y a quelques mois de déplacer l’axe de sa communication nationaliste, de la dénonciation des méfaits du Wallon profiteur, vers ceux du migrant (musulman) menaçant. Un mouvement tactiquement « génial » : la peur du migrant touche un public bien plus large en Flandre – comme dans le monde francophone -, que la dénonciation du « suceur de roues » wallon. C’est aussi bien plus rentable pour la défense de l’identité au nord du pays, qu’une hypothétique indépendance de la Flandre.
L’idée est d’autant plus percutante qu’elle est développée de façon binaire. Le « bon migrant » est celui qui s’intègre, alors que le migrant de passage, qui s’incruste entre deux destinations, a tout faux : il menace notre bien-être, notre sécurité et notre homogénéité. Il faut donc à tout prix éviter qu’on s’émeuve sur son sort et tuer dans l’œuf toute idée de solidarité. Les citoyens qui hébergent les réfugiés du Parc Maximilien l’ont appris à leurs dépens : pour Bart De Wever, ce sont des naïfs ( les fameux «  g utmenschs  ») qui détruisent la sécurité sociale et nuisent aux pensions de leurs semblables.

Le président de la N-VA avait déjà beaucoup osé dans cette stratégie ces derniers mois, mais jeudi, il a montré que rien ne l’arrêtait, pas même la mort d’un enfant.
Mawda est morte ? A l’heure où le consensus, si difficile, s’était finalement fait sur le respect de la douleur de parents, le danger de l’instrumentalisation et l’attente des résultats des enquêtes, Mr De Wever a estimé que cette balle dans la tête de leur petite fille, c’était aussi leur faute. Ce couple irresponsable n’avait donc qu’à rester où il était, dans ce là-bas dont on ne veut rien savoir. ll n’avait qu’à renoncer à cet entêtement qui lui avait fait (re)traverser les mêmes pays, les mêmes frontières, pour rejoindre une autre terre.
Indécent : c’est le seul qualificatif à accoler à cette leçon de morale, qui fait de parents qui embarquent leur famille dans un camion frigo au risque d’en mourir et dont l’enfant est tuée d’une balle dans une camionnette, des coupables, voire des complices.
Ce renversement des responsabilités est pervers et inaudible. Puissions-nous, Mr De Wever, ne jamais être placés devant ces choix. Puissions-nous, Mr De Wever, ne pas avoir alors pour seuls interlocuteurs, des hommes et des femmes cyniques traitant différemment la vie humaine, selon le drapeau qu’elle arbore.
La migration est un problème réel posé à nos sociétés et on ne peut que saluer la volonté d’un gouvernement de la gérer, mais les migrants, les habitants des pays qu’ils rejoignent et la politique poursuivie méritent mieux que des instrumentalisations électoralistes.
Critiquer Bart De Wever ne fait qu’augmenter sa popularité, tant les thèmes qu’il manie avec maestria, parlent aux peurs d’une partie de l’opinion publique. Mais le laisser franchir la ligne rouge sans s’indigner, reviendrait à se résigner à laisser le cynisme, et non les valeurs, gouverner la politique.

A. Hass dénonce la propagande mensongère de son pays


26 mai 2018

Source: Externe

La journaliste israélienne Amira Hass (qui vit depuis des années à Ramallah – ndlr), denonce dans Haaretz le « mépris » des Israéliens qui affirment que c’est le Hamas qui envoie les Gazaouis se faire tuer, « comme si le blocus qui leur est imposé par Israel ne les condamnait pas à une mort lente. »

« Nous mourons de toutes façons, alors autant le faire devant des caméras », m’ont dit mes amis de Gaza, en ajoutant: « Votre mépris vous empêche de comprendre que personne à Gaza ne manifeste au nom de qui que ce soit. »

Soulignant amèrement qu’Israel interdit aux journalistes israéliens de se rendre dans la bande de Gaza, Amira Hass, en conclut qu’il est facile ensuite pour les dirigeants israéliens de raconter n’importe quoi.

Elle ajoute: « Mais je demande à ces mêmes dirigeants, s’ils sont si sûrs que c’est le Hamas qui mène la danse et que les Gazaouis ne font que lui obéir, pourquoi obéissent-ils eux aussi au Hamas, en répondant par la violence à la non-violence, donnant ainsi d’israel l’image que le Hamas voulait, selon eux, montrer ?

Il y a une barrière intérieure, ainsi qu’une barrière de sécurité, de même qu’un fossé creusé par Israel pour la construction d’une nouvelle barrière souterraine. Et puis il y a une route de sécurité et plus loin une deuxième. Et après, il y a les champs. Et tout autour des postes de surveillance, des ballons d’observations et des drones. Et vous n’avez rien trouvé de mieux à faire que de prouver la capacité d’Israel à tuer et à mutiler.

D’une colline voisine située à Nir Am, j’ai pu observer avec mes jumelles cette grande prison où j’ai vécu plusieurs années, et dont je ne peux plus m’approcher parce que l’emprisonnement est devenu total. Je ne peux pas voir mes amis qui sont à moins de 2km de là! L’un d’eux m’a dit en riant sur WhatsApp qu’il allait venir me faire un coucou avec un grand drapeau palestinien.

Mais plus sérieusement, mes amis me font part de leur indignation face au fait qu’on leur vole non seulement leur liberté de mouvement et leur droit à une vie digne, mais aussi la possibilité d’exprimer leur profonde frustration et leur désespoir, en les présentant comme des pantins uniquement capables d’obéir à des ordres donnés d’en haut.

Source: Externe

Ces amis m’ont dit: les Israéliens nous ont toujours méprisés. Pour eux ’un bon arabe est un arabe mort ou un collaborateur’. Nous sommes allés manifester sans plan pour déranger les célébrations du transfert de l’ambassade étatsunienne à Jérusalem, une ville qui nous est chère, et parce que nous ne voulons plus mourir en silence. Nous en avons assez de mourir tranquillement dans nos maisons.

Et je peux vous dire que si le Hamas avait supervisé ces manifestations à Gaza, elles auraient été moins chaotiques. Il y aurait eu de la discipline. L’état de confusion qui règne dans les Marches du Retour sont bien la preuve que ce n’est pas le Hamas qui les organise, même si des membres du Hamas y participent également et y jouent, le plus souvent, un rôle modérateur.

Ce sont des jeunes qui ont lancé cette idée et le Hamas, n’a pu que s’y rallier. Et sur les près de 120 Palestiniens qui ont été tués durant ces marches, le Hamas n’en revendique qu’une quarantaine ayant des liens plus ou moins proches avec leur organisation.

Mais, c’est toujours la même rengaine israélienne, y compris lors de chacun des bombardements », conclut Amira Hass.

Amira Haas –

19.05.18

Source: CAPJPO-EuroPalestine

Pourquoi la droite religieuse américaine soutient Israël


Pourquoi la droite religieuse américaine soutient Israël
Donald Trump et le pasteur Robert Jeffress à Washington, le 1er juillet 2017. (Olivier Douliery/NEWSCOM/SIPA)

Si Donald Trump a décidé de déménager l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, c’est en partie pour plaire aux chrétiens évangéliques, qui rêvent d’accélérer la fin du monde.

Ami de Donald Trump, Robert Jeffress, le pasteur qui a lu ce lundi la prière lors de l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem, est un drôle de zig. Selon lui, les défenseurs des droits des homosexuels sont des « militants de la pédophilie » et l’islam est une « hérésie sortie du puits de l’enfer ». Et puis, il est convaincu que les juifs qui ne se convertissent pas ne connaîtront pas le salut : logiquement, ils devraient connaître les flammes du châtiment éternel…

Cette dernière conviction du pasteur est conforme avec le récit futuriste de la fin des temps, que de nombreuses églises évangéliques américaines promeuvent depuis une vingtaine d’années et dans laquelle Jérusalem et le peuple juif jouent un rôle central.

Le paradoxe de la situation actuelle, c’est que si Donald Trump aide tant les Israéliens, ce n’est pas seulement pour plaire à Benjamin Netanyahou. C’est aussi (surtout ?) pour séduire les fondamentalistes chrétiens qui composent une partie de sa base électorale. Des Américains qui prennent la Bible au sens littéral.

Apocalypse

On estime que plus de 80% des blancs fréquentant ces églises évangéliques ont voté Trump. Or, depuis une vingtaine d’année, ces églises défendent bec et ongle Israël. Pas forcément par sympathie pour les Israéliens, mais parce qu’ils préparent le retour du Messie et la fin du monde. Or, dans le scénario que ces églises ont dessiné à partir de l’apocalypse de Saint Jean et d’autres textes (Isaïe, Jérémie, Ezechiel, Daniel, Thessaloniciens, Jean, Mathieu…), le peuple juif doit revenir à Jérusalem, y reconstruire le temple et se battre à mort avec ses voisins.

Pour ces églises évangéliques, les événements actuels au Proche-Orient s’inscrivent dans ce programme prophétique : l’instauration d’un ordre mondial satanique (certains désignent les Nations-unies), le retour du peuple d’Israël à Jérusalem, la chute de Babylone (est-ce Bagdad ? Ou, disent certains, Téhéran ?), la grande bataille contre l’Antéchrist (« Armageddon »), des désastres naturels et au final, l’enlèvement au ciel des bons chrétiens et des juifs convertis (« the rapture »).  Commenceront alors les temps paradisiaques, avec Dieu vivant éternellement au milieu des hommes.

Calcul politique

Petit détail qui a son importance : dans ce scénario eschatologique, les deux tiers du peuple d’Israël périssent dans la bataille de l’Armageddon. Et seuls les survivants qui se convertissent échapperont à l’enfer. Autrement dit, ces chrétiens flattent les Israéliens… tout en étant convaincus qu’ils sombreront.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce galimatias a infusé dans une partie de la société américaine. En 2002, un sondage pour « Time » et CNN montrait que 59% des Américains étaient convaincus que les événements annoncés dans l’Apocalypse se dérouleraient bel et bien.

D’où les pressions de cette droite religieuse sur la Maison-Blanche, pour que Trump agisse au Proche-Orient : il s’agit d’accélérer le processus pour hâter la venue du Christ.

Le président n’est pas insensible à ces pressions. La décision de transférer l’ambassade a été prise malgré l’avis négatif de ses propres conseillers diplomatiques.  Son calcul est purement politique. Selon Elizabeth Oldmixon, qui enseigne les sciences politiques à l’Université du nord du Texas, un tiers des Américains des églises évangéliques seraient des fondamentalistes sensibles au sort d’Israël et à son rôle dans la fin des temps. Soit environ 15 millions de personnes…

Pascal Riché