Israël avertit Assad et le Hezbollah


LOOS,BAUDOUIN

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Vendredi 1er février 2013

PROCHE-ORIENT Les lignes rouges israéliennes ont été précisées par des bombardiers

Nous ne tolérerons pas que le régime syrien transfère en catastrophe une partie de son matériel au Hezbollah, encore moins ses armes chimiques. Il s’agit d’une ligne rouge dont le franchissement nous forcera à intervenir immédiatement. » Répétés depuis plusieurs semaines par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, par son ministre de la Défense Ehoud Barak, et par le chef d’état-major de l’armée Benny Gantz, ces avertissements n’étaient pas lancés à la légère. Ils se sont concrétisés mercredi lorsque douze chasseurs bombardiers de l’Etat hébreu ont frappé à l’intérieur du territoire syrien.

Leurs cibles ? Un convoi d’armement transportant des missiles terre-air SA-17 (antiaériens) qui se dirigeait vers le Liban, ainsi qu’un centre de recherche militaire de Jamraya (banlieue de Damas) où seraient fabriquées des armes chimiques selon les renseignements militaires israéliens.

Personne ne confirme ces informations en Israël, mais la Syrie a reconnu que l’attaque a eu lieu et le Liban, dont le territoire a été survolé, et la Russie, l’ont condamnée. Quant à l’Iran, il clame que le raid pourrait avoir « de sérieuses conséquences pour les sionistes ». Car, contrairement à l’attaque israélienne de septembre 2007 qui avait détruit la carcasse en béton d’un centre nucléaire en construction dans le nord-est de la Syrie, à proximité de l’Euphrate, que Damas avait passée sous silence, cette fois le régime syrien n’a pas tardé à reconnaître l’une des frappes israéliennes : « Israël a directement bombardé un centre de recherche sur l’amélioration de la résistance et l’autodéfense (…) dans la province de Damas », a indiqué l’armée syrienne dès mercredi soir. Ajoutant : « Cette attaque prouve désormais à tous qu’Israël est le moteur, le bénéficiaire et parfois l’acteur des actes terroristes visant la Syrie et son peuple résistant, en coordination avec les pays soutenant le terrorisme. »

A Beyrouth, le mouvement chiite Hezbollah – affecté depuis des mois par la faiblesse croissante de son allié syrien – n’a pas dit autre chose, fustigeant « un projet israélien pour détruire la Résistance (anti-sioniste, NDLR) qui est à l’origine du conflit ».

Le régime d’Assad et le Hezbollah tentent ainsi d’exploiter le sentiment populaire anti-israélien encore très vif chez les Arabes. D’ailleurs la Ligue arabe, peu suspecte de sympathie pour le régime en place à Damas, s’est sentie obligée d’émettre un communiqué au Caire pour dénoncer « une violation flagrante du territoire d’un Etat arabe et de sa souveraineté ».

En Israël, pendant ce temps, l’ex-ministre israélien de la Défense Benyamin Ben Eliezer a estimé que son pays « doit, quoi qu’il arrive, garder un avantage qualitatif contre ses ennemis ». Et de poursuivre : « Le Proche-Orient est en pleine ébullition et personne ne sait de quoi demain sera fait. Nous ne pouvons donc nous permettre de laisser des missiles russes de la dernière génération passer des arsenaux syriens à ceux du Hezbollah. »

Le raid de mercredi s’explique également par la peur israélienne de voir des armes chimiques syriennes utilisées contre sa population. « Qui sait comment Bachar el-Assad va réagir lorsque son régime sera au bout du rouleau ? Et qui nous dit que les islamistes fanatiques qui déferlent sur son pays ne vont pas s’emparer de quelques têtes chimiques ou bactériologiques et les balancer sur Israël ?, interroge l’ancien directeur général du Mossad Shabataï Shavit. Etant donné l’instabilité croissante dans la région, Israël ne peut relâcher sa garde. »

Selon les chroniqueurs militaires de la presse israélienne, des opérations semblables au bombardement de mercredi pourraient se multiplier si la situation l’exige. Depuis quelques semaines, le thème des armes chimiques syriennes a d’ailleurs supplanté celui de la menace nucléaire iranienne dans le discours des dirigeants israéliens ainsi que dans les médias locaux, même si le convoi visé mercredi était, semble-t-il, composé de missiles SA-17, un engin de conception russe considéré comme un des plus perforants au monde dans la défense anti-aérienne.

Parallèlement, le niveau d’alerte des troupes stationnées sur le plateau du Golan a d’ailleurs été élevé et l’effectif des stations de surveillance électronique renforcé. En outre, durant le week-end, deux batteries de roquettes anti-roquettes « Dôme d’acier » ont été déplacées des alentours de la bande de Gaza vers le nord d’Israël.

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De retour de Syrie, un cri d’alarme


MINOUI,DELPHINE

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Samedi 2 février 2013

Koert Debeuf fut porte-parole de Guy Verhofstadt. Il représente les libéraux au Moyen-Orient. C’est le premier officiel de l’UE à s’être rendu en Syrie depuis le début du conflit.

le caire

de notre correspondante

Koert Debeuf est en colère. Depuis son incursion au Nord d’Alep, en territoire insurgé, il l’affiche sans réserve. « Les Syriens vivent au rythme des bombes d’Assad, de jour comme de nuit. Ils ne savent pas quand et où elles peuvent tomber. Ils manquent de médicaments, de nourriture, d’armes pour se défendre. Ils en ont assez des promesses vides de la communauté internationale. Ne pas les aider, c’est trahir la révolution syrienne et c’est soutenir le plus grand des criminels ! », lâche l’ex-porte-parole du Premier ministre belge.

Ce lundi 28 janvier, nous le retrouvons au Caire. C’est ici qu’il a élu domicile, peu après le début du printemps arabe, comme représentant des libéraux du Parlement européen – un poste inédit dans l’histoire de l’Union européenne. Echarpe rouge sur blazer bleu foncé, la mèche rebelle qui lui balaye le front, il a mis plus d’une heure à arriver au rendez-vous : la faute à de nouvelles manifestations qui enflamment la place Tahrir. Mais qu’importe, c’est pour ça que ce Belge de 38 ans a choisi de vivre au cœur de cette région : pour voir, sentir, vivre et décrypter les bouleversements inédits qui la traversent depuis deux ans. Et c’est pour ça, aussi, qu’il s’est rendu en Syrie. Non pas par la voie officielle, celle de Damas et de la propagande du pouvoir, mais par la route clandestine des insoumis, celle qui mène aux principales zones du Nord tenues par la rébellion.

Un voyage à haut risque qui commence le 18 janvier à Hatay, en Turquie. Après deux jours de rencontres avec des généraux de l’Armée Syrienne libre, l’envoyé européen traverse clandestinement la frontière, grâce à l’aide de passeurs. A ses côtés : l’activiste Rami Jarah – plus connu sous le nom de son blog Alexander page –, et un représentant de l’ASL, ses compagnons de route dans cette Syrie à feu et à sang, où plus de 60 000 personnes ont perdu la vie en moins de deux ans. Par la fenêtre du véhicule, il photographie du regard tout ce qu’il voit : carcasses calcinées des tanks du régime syrien, maisons en ruine, mais aussi, à son grand étonnement, les premiers check-points qui sont tenus, non pas par la rébellion mais par la branche syrienne du PKK, le Parti des travailleurs du Kurdistan – l’illustration flagrante des divisions qui déchirent déjà les opposants au régime. « Le PKK contrôle une demi-douzaine de postes sur un corridor d’environ dix kilomètres qui longe la frontière turque. Les Kurdes sont très bien organisés. Sans doute poussés par Massoud Barzani, au Kurdistan irakien, ils entretiennent le rêve d’un territoire autonome. La partition est une des réalités de l’après-Assad », observe Koert Debeuf.

Les surprises ne font que commencer. Le lendemain, après une nuit passée à Azaz, et ponctuée par le bruit sourd des bombardements, ses hôtes l’invitent à se rendre à Alep. Il se retrouve en fait sur la ligne de front de la bataille pour l’aéroport de Quweris. La veille, les environs ont été libérés par l’ASL. Mais les combats s’y poursuivent, violents, meurtriers. « Face aux bombes d’Assad qui pleuvent du ciel, les soldats de l’ASL n’ont que leur courage pour se battre. Ils sont équipés de simples mitraillettes, saisies dans les dépôts de l’armée régulière. Des armes promises par la France, le Qatar ou la Turquie, je n’ai rien vu. Du coup, ils en sont réduits à fabriquer des armes artisanales. Mais ça ne fait pas le poids », observe-t-il. Pire : Assad vise, selon lui, « délibérément des sites civils ». Comme en témoigne cette vidéo, rapportée de Syrie, où un habitant d’Azaz déambule, le regard hagard, à travers un ancien marché d’Azaz. « Des tas de pierre ! C’est tout ce qu’il en reste ! Ca s’est passé une semaine avant notre visite : deux missiles syriens ont pulvérisé les échoppes à 14h, en pleine heure d’affluence. 30 personnes ont péri dans l’attaque. Parmi elles, des femmes et des enfants. L’homme que nous avons rencontré nous disait qu’il y avait encore des corps sous

les décombres, mais pas d’équipement pour les déterrer. » Le représentant européen se fait le porte-voix du désespoir des Syriens : « Partout, c’est la pénurie. J’ai visité la seule boulangerie qui fonctionnait. Les autres ont été bombardées par le régime. Dans les villages alentours, il n’y a pas de chauffage, pas d’électricité. Le prix de l’essence a atteint 13 fois son prix d’origine. »

De son voyage express, il retient aussi ces scènes de détresse dont il a été témoin, le 23 janvier, lors d’une étape finale au camp de déplacés d’Azaz avant de regagner la Turquie. « 11.400 personnes dont 8.000 enfants y vivent entassées sous des tentes. Certaines familles en sont réduites à se réchauffer en brûlant des journaux. Les plus chanceuses sont équipées d’un petit poêle. Depuis douze jours, il n’y a plus de lait. Alors, les enfants boivent de l’eau sucrée. Les adultes, eux, ne font qu’un repas par jour, à base d’un mélange de légumes acheminés depuis la Turquie, la récolte locale de légumes étant rendue difficile par les bombardements persistants du régime de Damas. Pour ce qui est de l’aide médicale, les trois hôpitaux de campagne tenus par Médecins sans frontières ne sont pas suffisants. Dans le camp, j’ai vu un enfant d’un an blessé à la jambe par des éclats de Shrapnel. Sa plaie était en train de s’infecter, mais il n’y avait pas de quoi la soigner », raconte-t-il.

Intitulé « De retour d’enfer », le rapport brûlot qu’il vient de remettre aux députés libéraux n’y va pas par quatre chemins. « Il est urgent, dit-il, de revoir au plus vite le soutien apporté à la Syrie. » A commencer par l’acheminement de l’aide humanitaire internationale. « L’ONU a récemment annoncé l’attribution d’une aide de 519 millions de dollars à la Syrie. Or, elle passe par le gouvernement syrien et le Croissant rouge. Autant dire que les populations civiles qui vivent dans les provinces sous contrôle de l’Armée syrienne libre n’en verront pas la couleur. » A l’inverse, poursuit-il, « j’ai été positivement surpris par la façon dont les zones contrôlées par l’opposition s’autogèrent : elles ont leurs conseils locaux, leurs tribunaux, leur police. Ces gens-là sont prêts à aller récupérer vivres et médicaments à la frontière turque pour en assurer la distribution. J’ai obtenu l’engagement d’Abdel Nasser Farzat, le commandant militaire de l’ASL au Nord de la Syrie, de nommer un civil pour superviser cette distribution, et limiter le risque de corruption. »

Quant à l’aide militaire aux rebelles, elle lui semble « cruciale pour faire cesser le massacre ». « Les approvisionner en défense antiaérienne leur permettrait de contrer les attaques par missiles. C’est le seul moyen de faire plier Assad. »

A ceux qui s’inquiètent de voir ces armes tomber entre de mauvaises mains, il répond : « Cette peur est démesurée ! ». « Oui, j’ai vu des islamistes. J’ai même croisé un Syrien qui se revendiquait d’Al-Qaïda. J’ai également vu beaucoup de barbus, et beaucoup d’hommes qui faisaient la prière parmi les combattants anti-Assad. Mais à cela, je vois deux raisons principales : quand on frôle la mort au quotidien, on se réfugie dans la prière ; quant à la barbe, c’est un signe qui permet de se distinguer des soldats de l’armée régulière. Donc, pour l’heure, je dirais que les djihadistes demeurent minoritaires ». Et d’ajouter : « En revanche, Plus nous attendrons pour offrir une aide adéquate aux opposants, plus la guerre se prolongera, et plus nous renforcerons les combattants islamistes. »

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Syrie : le chef de l’opposition rencontre Russes et Américains


samedi 2 février 2013, par La Rédaction

Des discussions se sont tenues samedi à Munich entre le chef de l’opposition syrienne et des responsables russe et américain de haut niveau pour tenter de relancer les efforts afin de trouver une solution politique au conflit en Syrie.

Ahmed Moaz al-Khatib, qui a créé la surprise cette semaine en annonçant être prêt à entamer sous conditions un dialogue avec le régime syrien, s’est entretenu pour la première fois avec le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov. Il a également rencontré le vice-président américain, Joe Biden.
Aucune information n’a été relayée sur la teneur de ces rencontres, organisées dans les salons de l’hôtel luxueux accueillant jusqu’à dimanche la 49e Conférence sur la sécurité de Munich.

Loin des médias, MM. Biden et Lavrov se sont également vus en tête à tête, peu après avoir reconnu en public que de profondes divergences continuaient à les séparer sur les conditions de mettre fin à la guerre civile en Syrie, qui a fait plus de 60.000 morts en près de deux ans.
Lui aussi présent à Munich, le médiateur international, Lakhdar Brahimi, n’a pas caché le fait qu’aucune solution n’était actuellement en vue et que la Syrie « éclatait de plus en plus chaque jour ».

Dressant le même constat, M. Biden a exprimé son souhait que la communauté internationale renforce son soutien aux adversaires du régime de Bachar al-Assad, qu’il a qualifié de « tyran déterminé à se maintenir au pouvoir » mais « plus capable de diriger la nation ».
« Nous travaillons ensemble, avec nos partenaires, pour qu’elle (l’opposition) devienne plus unie, plus solidaire », a déclaré le vice-président américain, sans donner de détails.

Les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, et certains pays arabes appellent le président Assad à céder le pouvoir.
Mais M. Lavrov a estimé que cette exigence représentait un obstacle « de premier plan » à la recherche d’une solution négociée.
Il a en revanche estimé que l’on pouvait « faire des progrès » si le Groupe d’action sur la Syrie, conduit par Lakhdar Brahimi, se réunissait à nouveau pour tenter de parvenir à des mesures de transition.

Un journal turc a rapporté samedi qu’Ankara avait récemment proposé à la Russie une nouvelle formule prévoyant le départ d’Assad au premier trimestre 2013 et le passage du pouvoir, pour une période de transition, à la Coalition nationale. Moscou aurait trouvé ces propositions « créatives », selon le journal Radikal.
Parallèlement, les craintes d’une régionalisation du conflit restent vives. Un haut responsable américain a confirmé qu’Israël a bombardé cette semaine près de Damas des missiles sol-air et un complexe militaire soupçonné d’abriter des armes chimiques, l’Etat hébreu redoutant qu’elles ne soient livrées au Hezbollah.
« Le chaos en Syrie a créé un environnement dans lequel la possibilité que ces armes traversent la frontière et tombent entre les mains du Hezbollah, est devenue plus inquiétante », a confié à l’AFP le secrétaire américain à la Défense Leon Panetta.

Damas avait accusé mercredi Israël d’avoir bombardé un centre de recherche militaire, menaçant de représailles, mais l’Etat hébreu n’a jamais confirmé.
M. Panetta a indiqué que Washington partageait le souci d’Israël de « tout » faire « pour s’assurer que des armes telles que les missiles SA-17, ou des armes chimiques, ne tombent pas entre les mains de terroristes ».

A son arrivée à Damas, l’un des principaux dirigeants iraniens a réaffirmé le soutien de son pays à la Syrie, dont il est le principal allié régional.
« Nous apporterons tout notre soutien pour que la Syrie reste ferme et capable de faire front à tous les complots des arrogants », a déclaré Saïd Jalili, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale, cité par la télévision d’Etat. Le terme d’ »arrogant » est généralement utilisé par Téhéran pour désigner les puissances occidentales.
Sur le terrain, au moins 20 soldats syriens ont été tués samedi dans deux attentats suicide à la voiture piégée visant l’enceinte d’un club d’officiers à Deraa, dans le sud, a rapporté une ONG.

Au total, les violences ont fait samedi 49 morts, dont 29 soldats, 13 civils et sept rebelles, selon un bilan provisoire de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) qui se base sur un réseau de militants et de médecins dans les hôpitaux civils et militaires.

Les rebelles ont marqué un nouveau point en s’emparant de Cheikh Saïd, un quartier au sud d’Alep (nord), selon des habitants et l’OSDH.

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