Eric Hazan: vingt ans de faux semblants


 

24 SEPTEMBRE 2013 |  PAR AGENCE MÉDIA PALESTINE

Le treize septembre 2013 marque les 20 ans du processus d’Oslo. Il nous a semblé que cela devrait être l’occasion d’une véritable réflexion politique non seulement sur le bilan de ces vingt longues années,  mais aussi sur les différentes perspectives d’avenir que l’échec des promesses de ce processus ouvre  pour la région.

Nous avons demandé a plusieurs personnalités de contribuer par leur analyse à ce petit brainstorming

L’Agence Média Palestine, en partenariat avec l’Alternative information Center, publiera ces tribunes durant ce mois, sur l’espace club de Médiapart.

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Par Eric Hazan, éditeur aux éditions « La Fabrique »et écrivain

Depuis les accords d’Oslo, de poignées de mains en protocoles divers, de tournées d’émissaires américains en « reprises du  processus de paix », ce qui domine la relation Israël-Palestine, c’est l’hypocrisie généralisée.

On fait semblant de croire que la « solution du conflit » passe par la création d’un État palestinien. L’idée est largement acceptée par tous ceux qui ne sont informés que par des médias aux ordres. Mais ceux qui sont au courant, quel que soit leur bord, savent qu’un véritable État palestinien ne peut pas exister. Ils savent que ce qui est possible – et qui peut un jour advenir – c’est un État fantoche, un protectorat qui n’aura pas le contrôle de ses frontières et donc de son économie, ni d’accès à la mer, ni de communication directe avec les États arabes voisins, ni de continuité territoriale, ni la capacité de défendre sa population et son territoire.

On fait semblant de croire que l’Autorité palestinienne représente le peuple palestinien et peut donc conduire des négociations en son nom. Chacun sait pourtant que cette « Autorité » n’a plus la moindre légalité  car les dernières vraies élections, qui avaient vu le triomphe du Hamas, datent de 2006. Et que dans « la Palestine » où sévit cette Autorité on ne compte que le tiers du peuple palestinien, le reste séjournant dans la bande de Gaza, les camps de réfugiés, la diaspora, et en Israël même, où plus d’un million de Palestiniens sont totalement oubliés par le pseudo gouvernement de Ramallah. Le rôle réel de l’Autorité est double : répartir entre ses fonctionnaires l’argent des pays donateurs (en n’ayant garde de s’oublier au passage) et servir de supplétif à Israël pour maintenir l’ordre en Cisjordanie.

On fait (à peine) semblant de croire que le pouvoir israélien acceptera un jour de négocier honnêtement, alors qu’il montre chaque jour, par la poursuite de la colonisation et des brutalités de tous ordres, qu’il n’en a nullement l’intention. La reprise actuelle du « processus de paix » n’est évidemment qu’un leurre, une vague concession à l’administration américaine, laquelle a fort besoin de redorer son image dans la région.

Si les faux-semblants et les mensonges étouffent toute possibilité d’entente et de réconciliation véritables entre juifs israéliens et arabes palestiniens, c’est sous l’effet d’intérêts convergents. Une véritable alliance objective réunit tous les pouvoirs conservateurs sur un but commun, le maintien du statu quo – expression qui recouvre le maintien de l’occupation civile et militaire et la poursuite de la colonisation.

Ce faux discours sert aussi les intérêts des Etats-Unis et de l’Europe qui, en affirmant leur soutien à l’idée d’un Etat palestinien dont ils savent qu’il ne verra jamais le jour, maintiennent de bonnes relations avec les Etats arabes tyranniques et corrompus – lesquels utilisent leur « défense des Palestiniens » comme instrument de propagande interne pour faire tenir tranquilles leurs populations, tâche d’ailleurs de plus en plus malaisée.

Il est évidemment dans l’intérêt des vieux apparatchiks de l’Autorité palestinienne, qui pensent que l’ordre existant durera bien autant qu’eux, avec toutes les prébendes et les passe-droit qu’il leur garantit, et le semblant de considération des organismes internationaux.

Tout cela, le premier gamin poussant ses cageots de tomates sur le marché de Naplouse le sait parfaitement mais « l’opinion internationale » fait semblant de l’ignorer. Depuis plus d’un demi siècle, les véritables amis des arabes palestiniens et des juifs israéliens montrent pourtant que la paix et la réconciliation passent par la reconstruction de la Palestine historique, par un Etat commun à tous les êtres humains vivant entre le Jourdain et la mer. Combien faudra-t-il attendre pour que cessent les mensonges et que leur voix soit enfin entendue ?

Eric Hazan

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Gaza : Témoignage d’Amir Hassan


lundi 23 septembre 2013

Jeune écrivain gazaoui, Amir a fini par arriver en France la semaine dernière, après un parcours du combattant. Il témoigne dans cette interview de la gravité de la situation à Gaza, plus que jamais étranglée.

  • EuroPalestine : Tu viens d’arriver de Gaza. Comment as-tu réussi à passer ?

Au mois de mai, je suis allé m’inscrire au passage de Rafah, car il faut un mois d’attente en moyenne, mais depuis le mois de juin, vu la période de pointe, les vacances d’été et la fermeture du passage de Rafah, je n’ai pas réussi à passer à temps, ce qui m’a fait rater tout un voyage et perdre le billet d’avion que j’avais acheté. Il m’a donc fallu attendre septembre pour venir en France pour quelques mois, pour un poste d’assistant de langue arabe. Et avec les événements récents en Egypte, j’ai finalement dû renoncer à passer par Rafah, car je ne voulais pas rater toute une année scolaire.

Etant donné le blocus renforcé par l’armée égyptienne du côté de Rafah, j’ai demandé au consulat de France de me faire sortir par le passage israélien d’Erez qui est réservé aux journalistes et à certains malades du cancer. Le Consulat a dû travailler pendant un mois pour m’obtenir un permis israélien et un permis jordanien, ainsi que pour les 7 autres étudiants boursiers qui devaient rejoindre leurs universités en France.

C’est donc grâce à la voiture diplomatique du Consulat de France à Jérusalem que nous avons pu traverser Erez, puis aller jusqu’au pont Allenby. Nous n’avions pas le droit de laisser passer plus de quelques heures entre les deux.

Les Jordaniens ne m’ont donné qu’un permis de 24 heures pour rester en Jordanie avant de prendre mon avion pour la France. En fait, tout cela a exigé 6 mois d’efforts et d’angoisse dont je vous épargne les détails.

  • EuroPalestine : La situation s’est apparemment durcie pour les Gazaouis. Dans quels domaines ?

Dans tous les domaines, c’est vraiment la catastrophe, depuis que Rafah est fermé et que 95 % des tunnels ont été détruits, le secteur économique connait une crise sans précédent, quand on sait que les tunnels servaient jusqu’à présent à faire entrer près de 60 % des produits pour toute la bande de Gaza.

La pénurie de carburant, a entraîné une crise de l’électricité, des transports, et de l’eau potable à Gaza.

Déjà rationnés à 8 H d’électricité par jour, nous sommes passés à 4 H seulement.

La majorité des moyens de transport sont paralysés. Il est question de fermer les universités, car les étudiants ne peuvent plus s’y rendre.

Par solidarité, tous les gens qui ont encore de l’essence dans leurs voitures acceptent de prendre des passagers sur leurs trajets . De même, les voitures de la police et du gouvernement transportent les étudiants le matin à l’heure des cours. Mais même cela va s’épuiser.

La semaine dernière quand je suis parti de Gaza, les rues étaient vides, ce qui est très rare dans la plus grande ville de Palestine.

Plus de carburant pour faire tourner les moteurs, donc des appareils vitaux qui tombent en panne dans les hôpitaux.

Et un manque énorme de produits alimentaires et de gaz pour cuisiner, qui s’accompagne d’une grave augmentation des prix de la nourriture, y compris ce qui vient d’Israël qui en a profité.

Ajoutons que l’agence de l’ONU pour les réfugiés, l’UNRWA, fait actuellement état d’une grave crise financière, et envisage l’arrêt ou en tout cas la diminution des aides alimentaires aux réfugiés, soit plus de 60 % des habitants de la bande de Gaza. Or, pour la majorité de ces réfugiés, cette aide alimentaire est indispensable. Plusieurs rassemblements ont d’ailleurs eu lieu récemment devant le siège de L’UNRWA à Gaza pour protester contre ces annonces.

  • EuroPalestine : Il parait que vous manquez également d’eau potable ?

L’eau n’est certes pas un problème récent à Gaza. Il date de l’époque des colonies israéliennes, quand Israël s’est mis à voler et exploiter notre eau.

La périphérie des deux villes du sud de la bande (Rafah et Khan Younes) se transforme en désert, alors que c’était auparavant des terres agricoles cultivées.

Le centre et le Nord de la bande de Gaza sont désormais des zones totalement polluées depuis qu’ Israël a saboté le cours du “Wadi Gaza », une rivière qui prend sa source en Cisjordanie et traverse Israël avant d’entrer dans la bande de Gaza. Israël déverse en outre ses propres eaux usées dans la mer Méditerranée à proximité de Gaza.

Du coup, l’eau coûte très cher à Gaza. Et même l’eau potable que nous achetons, ne répond pas aux critères scientifiques car il y manque beaucoup d’oligo-éléments considérés comme indispensables.

Et maintenant, avec cette pénurie de carburant, les eaux sales remontent même à la surface dans les rues, faute d’électricité pour faire fonctionner les pompes d’épuration.

  • EuroPalestine : Et pourquoi ne pouvez-vous passer par la frontière avec l’Egypte ?

Le peuple gazaoui est très attaché à l’Egypte, mais le nouveau gouvernement égyptien a déclaré la guerre aux Palestiniens, prétendant qu’ils sont responsables de tous les maux dont souffrent les Egyptiens, alors que jusqu’ici de très nombreux Egyptiens, à commencer par ceux au pouvoir, se sont enrichis sur notre dos, car nous étions un marché captif et nous achetions les produits égyptiens 2 à 3 fois leur prix en Egypte.

Les militaires égyptiens ont même déclaré leur intention de faire une zone tampon comme celle d’Israël, et ont commencé pour cela à détruire des maisons égyptiennes proches de la frontière.

On ne sait pas ce qui nous vaut ce châtiment collectif. En ce moment, à Gaza, il y a par exemple plus de 6000 étudiants Palestiniens résidant à l’étranger qui sont bloqués à l’intérieur de la bande de Gaza et qui sont en train de perdre leur année universitaire, et de ce fait, dans de nombreux cas, leur permis de séjour dans ces pays.

Le nouveau pouvoir égyptien développe parallèlement une campagne accusant Gaza d’actes terroristes au Sinaï. Ces accusations sont dénuées de preuves, et il faut également savoir que les liens familiaux sont très fréquents entre habitants de la bande de Gaza et habitants du Sinaï. C’est quasiment un même peuple des deux côtés de la frontière, et il me paraît donc idiot d’envisager que les Gazaouis s’attaquent eux-mêmes. Mais cette propagande gouvernementale égyptienne a pour objectif de convaincre l’opinion publique que tous les problèmes économiques et de sécurité sont la faute de Gaza. Ce qui n’a évidemment aucun sens : s’il y a une pénurie d’essence au Caire, comme c’est le cas, ce n’est quand même pas à cause de nos tunnels.

  • EuroPalestine : Vous évoquez cette propagande anti-palestinienne du gouvernement égyptien, apparemment très agressive. Vous pouvez nous donner d’autres exemples ?

Oui, et le gouvernement égyptien dispose de nombreuses chaînes de télévision pour relayer ses messages de haine. Ce racisme médiatique s’est d’ailleurs élargi à tout ce qui est palestinien. On voit maintenant de nombreux éditorialistes égyptiens qui appellent l’armée égyptienne à faire une opération militaire contre Gaza et à carrément bombarder notre territoire. Malheureusement, cette propagande berne plus d’un Egyptien. On voit même maintenant des familles palestiniennes résidant en Egypte depuis des années qui sont rentrées à Gaza, craignant carrément pour leur vie.

Cela fait vraiment mal au coeur de voir ces médias déverser ainsi leur bile, alors que Gaza a toujours payé très cher pour tout ce qui venait d’Egypte, y compris quand il s’agissait d’aller se faire soigner ou étudier en Egypte. Et nous n’avons jamais fait de mal à l’Egypte, qu’historiquement nous avons toujours considéré comme notre mère.

Dernièrement, savez-vous que l’aéroport du Caire a fait passer un communiqué de presse, demandant à toutes les compagnies d’avion de refuser d’embarquer des passagers palestiniens à destination du Caire, les prévenant que les Palestiniens ne sont pas admis sur le sol égyptien, et qu’en conséquence ces voyageurs seraient refoulés ou maintenus en rétention à l’aéroport du Caire et que de toutes façons, le passage à Rafah, dans les deux sens, était fermé ! Si bien que depuis l’été, des milliers de Palestiniens de Gaza, un peu partout dans le monde, sont restés bloqués dans des aéroports, s’étant vus opposer des refus d’embarquement.

Je peux également parler des pêcheurs gazaouis, qui sont également victimes de cette répression. Aujourd’hui c’est très dangereux pour eux d’aller pêcher dans le sud de la bande de Gaza, après les tirs des Egyptiens sur les pécheurs palestiniens, alors que c’est impossible de savoir pour le pécheur s’il est entré ou pas dans les eaux territoriales égyptiennes, puisqu’il n’y a pas de frontières tracées dans la mer.

Il y a des pêcheurs qui ont été arrêtés et condamnés à des peines de prison. En somme, la marine égyptienne fait une sale besogne parfaitement complémentaire de celle de la marine israélienne.

  • EuroPalestine : Comment réagit la population de Gaza à cette nouvelle situation ?

La population de Gaza éprouve une immense déception de voir ce racisme anti-palestinien, en provenance de l’Egypte.

Le choc psychologique est très dur, surtout de voir que les frères égyptiens nous prennent pour des ennemis.

A Gaza, ça sent le peur de l’avenir mais en même temps, il y a des Gazaouis qui trouvent qu’il faut une vraie catastrophe pour que le monde bouge, parce que ça fait sept ans de blocus complet et que les gens oublient Gaza avec le temps.

C’est fou, mais vous trouverez des gens pour vous dire qu’il faut un grand massacre israélien contre Gaza pour que le monde bouge, car les gens en ont marre de rester entre la misère invisible. Par exemple, on n’arrive pas à supporter ce genre de situation où à chaque fois qu’Israël autorise des camions à entrer à Gaza, on en parle, alors que quand il n’y a plus transports ni électricité, c’est le silence du reste du monde.

– EuroPalestine : Y a-t-il beaucoup d’intellectuels qui quittent la bande de Gaza et émigrent ?

Oui, ça a été toujours le cas, vu l’occupation militaire de la Palestine, et l’indisponibilité des études supérieures à Gaza comme le doctorat et le master, donc tous ceux qui rêvent de continuer leurs études, partent à l’étranger s’ils en ont les moyens, où s’ils arrivent à décrocher une bourse d’une université à l’étranger ou de la part d’une ambassade étrangère. Mais ils ont de moins en moins envie de revenir à Gaza, et parfois ne peuvent même plus !

L’avenir de Gaza semble sombre comme disent les Nations-Unies dans un rapport qui conclut qu’au train où vont les choses, Gaza sera en 2020 une zone inhabitable. Je crois que c’est une conclusion tout à fait logique, parce que vu le manque d’eau, d’agriculture et d’infrastructures, et vu la brutalité du blocus et la pollution, Gaza a eu en fait de la chance de survivre jusqu’à aujourd’hui. Si on fait les vrais calculs Gaza est vraiment dans un état très dangereux, qui a dépassé la ligne rouge depuis longtemps.

  • EuroPalestine : Que peut-on faire en tant que mouvement de solidarité avec la Palestine ?

J’ai l’air pessimiste, mais ce n’est qu’à moitié vrai, car je suis convaincu que le peuple palestinien n’a pas renoncé à sa soif de liberté. Mais il a plus que jamais besoin de la solidarité des militants et des citoyens du monde pour briser le mur du silence.

C’est vous qui êtes les mieux placés pour déterminer les modalités des actions à mener. Je ne peux vous dire qu’une chose : débrouillez-vous pour faire du bruit, le maximum de bruit !

Amir HASSAN

CAPJPO-EuroPalestine

Au Liban, les enfants syriens travaillent pour survivre


mardi 24 septembre 2013, par La Rédaction

La journée de Haytham, un Syrien de quinze ans réfugié à Beyrouth, commence à sept heures du matin. Pas à l’école, mais à garnir en produits les rayons d’un supermarché.
Haytham est l’un des milliers d’enfants syriens qui ont fui le conflit en Syrie et sont obligés à travailler pour survivre et apporter une contribution aux revenus familiaux. Les garçons cirent les chaussures pour quelques dollars, tandis que les petites filles mendient, vendent des roses ou des chewing-gum dans les rues de Beyrouth.
Il n’existe pas de chiffres précis sur le nombre d’enfants syriens travaillant au Liban, mais plusieurs d’entre eux racontent des histoires d’exploitation et d’abus.
Haytham, un adolescent plein d’assurance, travaille environ dix heures par jour, mais n’a pas de salaire fixe. Il survit des pourboires de clients dont il transporte les achats.
En présence de son patron il se dit heureux mais il suffit qu’il s’en éloigne pour commencer à se plaindre. « Nous sommes humiliés et insultés », dit-il. « Le directeur nous frappe, les autres travailleurs nous frappent mais que pouvons-nous faire ? Nous devons accepter pour pouvoir continuer à travailler ».
Haytham est arrivé au Liban il y a trois mois, laissant derrière lui une famille qui a désespérément besoin d’argent dans la province de Hassaké, dans le nord-est de la Syrie. Il partage une chambre avec neuf cousins dans un immeuble partiellement abandonné qui grouille de réfugiés.
Cette histoire est le lot commun d’Abir Abi Khalil qui travaille pour l’UNICEF, l’agence de l’ONU pour l’enfance.
Plus de la moitié des réfugiés syriens enregistrés au Liban sont des enfants, soit près de 350.000 personnes. Et il y a environ 150.000 enfants supplémentaires non enregistrés, qui sont d’autant plus vulnérables.
« En termes d’impact sur ??leur bien-être psychologique et social, l’effet est énorme », souligne Mme Abi Khalil, en ajoutant qu’ »ils peuvent être sévèrement traumatisés ».
Avec des ONG partenaires, l’UNICEF a commandé une étude sur les enfants réfugiés qui travaillent au Liban et sur les moyens de les aider. « Peu importe la raison, des enfants d’un certain âge ne doivent pas travailler », note Mme Abi Khalil.
Dans la rue, les enfants qui travaillent sont exposés à la violence physique et sexuelle, et beaucoup ont tout simplement trop peur pour décrire leurs expériences.
L’un des partenaires de l’UNICEF, le Mouvement Social, propose des cours tous les jours pour les enfants de réfugiés syriens, y compris ceux qui travaillent. Dans leur centre du quartier pauvre de Bourj Hammoud, les enfants apprennent des choses simples comme l’hygiène mais prennent aussi des cours de rattrapage qui peuvent les aider à réintégrer le système scolaire.
Le bâtiment simple est orné de dessins dont des fleurs en papier énonçant sur chacun de leur pétale un droit des enfants. « J’ai le droit de savoir », dit l’une. « J’ai le droit de jouer », poursuit une autre.
Dans une salle de classe, un enseignant appelle les enfants au tableau pour apprendre l’anglais. « La Syrie me manque », écrit une jeune fille en lettres colorées.
Le centre accueille environ 600 enfants par semaine, des Syriens comme des Libanais.
Rim, à 15 ans, vient de la province d’Alep dans le nord de la Syrie. Elle a travaillé pendant trois mois dans des magasins de vêtements avec des employeurs qui refusaient de la payer ou la harcelaient sexuellement. « L’un des employeurs m’a accusé de vol pour ne pas me payer (…) et un autre est venu me dire, je veux me marier avec toi », raconte-t-elle, tremblante. Elle a cessé de travailler et fréquente le centre dont les animateurs tentent de convaincre les parents qu’il est mieux pour leurs enfants d’apprendre à lire que d’aller travailler.
« Nous écoutons les familles et tentons de trouver une solution ensemble », déclare la directrice du Mouvement Social, Feyrouz Salameh.
Haytham, comme beaucoup d’autres enfants dit rêver de retourner à l’école.
Le jeune garçon n’est pas fixé sur ce qu’il veut faire plus tard, mais espère seulement devenir « son propre maître ».

(24-09-2013 – Avec les agences de presse)

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La Belgique, inégalitaire ? Il n’y a qu’à !


Béatrice Delvaux
Mis en ligne il y a 9 heures

Ce serait donc une légende. La Belgique ne serait plus cette société égalitaire que nous vantaient nombre d’enquêtes. Les chiffres de la Banque nationale sont très clairs : nous sommes (re)devenus un pays où la concentration d’un maximum de richesses se fait sur un minimum d’individus.

La situation n’est pas la pire d’Europe, mais la sonnette d’alarme avait déjà été tirée par ceux qui reconnaissent que notre pays a mieux résisté que d’autres à la crise économique, mais grâce aux mécanismes redistributifs – sécurité sociale, accès raisonnable aux soins de santé, à l’éducation, à l’indexation – et à l’importance de la classe moyenne. L’évolution spontanée creuse, elle, le fossé entre un noyau dur de 10 % de très pauvres qui cumulent tous les handicaps (chômage, logement précaire, assuétudes…) et les plus nantis qui cumulent les avantages, comme la capacité à payer à leurs enfants les très bonnes unifs, les cours particuliers, les spécialisations. Les inégalités se reproduisent d’une génération à l’autre.

Pour être en riche en Belgique, la voie royale est la détention d’un patrimoine. Qu’on se constitue par la Bourse, en touchant les rémunérations de haut cadre ou de top manager, mais surtout par héritage. Ce constat, non pas belge, mais qui vaut désormais pour nos sociétés, a été réalisé de façon remarquable et très remarquée par l’économiste français Thomas Piketty dans Le capital du XXIe siècle sorti il y a quelques semaines. C’est « le » livre à lire par les politiques.

L’économiste y montre de façon historiquement et économiquement implacable comment la fortune et le nombre des rentiers pourraient dépasser, aujourd’hui, ceux qu’on enregistrait du temps du Vautrin de Balzac, dans Le Père Goriot, au XIXe siècle. «  Le pire des mondes conjuguerait le cynisme de Vautrin et la bonne conscience des discours hyperdémocratiques dont on nous rebat les oreilles, pour justifier les très hautes rémunérations, au détriment de ceux qui ne seront jamais ni héritiers ni supercadres. Soit l’immense majorité de la population.  »

Et tout cela nous mène où ? «  Si vous prolongez la tendance actuelle jusqu’à 2040 ou 2050, prédit Piketty, les inégalités deviennent insoutenables. Même les plus fidèles adeptes du marché doivent s’en inquiéter. Or, les politiques ont les leviers pour résoudre la tension ou éviter l’explosion.  » Il suggère un impôt progressif sur le capital, parallèle à l’impôt progressif sur le revenu. Non pour se venger des riches mais pour garder le contrôle d’une dynamique mondiale explosive.

Une réforme fiscale ? Le sujet est sur la table du gouvernement belge et des différents partis depuis des mois. Personne n’ose sauter le pas, au-delà du bla-bla. Les différences idéologiques s’affrontent et l’approche des élections va sans doute empêcher toute avancée sur ce sujet très délicat pour les électeurs. Il n’y a pourtant, on le voit, plus le choix.

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